Incipit [écrit par l'auteur Taï-Marc Le Thanh]

Lorsqu'on a treize ans, on ne pense pas - ou tout du moins assez rarement - que la vie puisse prendre des tournants spectaculaires.

Pourtant...

Pourtant, j'aurai dû me douter de quelque chose. Certains événements auraient pu me mettre la puce à l'oreille. Le jour de mon anniversaire par exemple. Je me souviens de ma grand-mère, assise dans un coin à l'écart de la fête. Silencieuse comme à son habitude. Ses longues mains blanches tordues et son regard perdu dans le vague. Mes parents l'avaient invitée comme à chaque fois qu'ils organisaient une fête. Elle ne disait jamais rien... sauf ce jour-là. Elle se dressa soudain et me pointa du doigt en vociférant :

- Treize ans ! Treize ans ! Le chiffre treize, c'est le chiffre qui apporte le malheur !

Puis elle se rassit comme si de rien n'était. Inutile de vous préciser que si vous cherchez à organiser une fête réussie, n'hésitez pas à inviter ma grand-mère. Il n'y en a pas deux comme elle pour mettre de l'ambiance.

Quelques jours plus tard, un autre événement me troubla profondément. À l'école en cours de français. Notre professeur était un homme d'un certain âge qui avait des manières empruntées. Il s'exprimait avec une éloquence qui semblait appartenir au siècle dernier. Ce jour-là, il nous parlait d'ailleurs d'un écrivain de cette époque. Il s'interrompit brusquement dans son discours et ses yeux se révulsèrent l'espace de quelques secondes. Puis il pointa son doigt dans ma direction et articula avec une lenteur hypnotique :

- Il-nous-observe.

Il resta dans cette position pendant un moment, alors que des rires gênés commençaient à monter dans la classe. Puis il reprit le fil de son cours, comme si de rien n'était.

À la prochaine fête, j'espère qu'il sera disponible lui aussi. Si ma grand-mère vient, j'essaierai qu'ils soient placés l'un à côté de l'autre.

Ces deux événements me plongèrent dans une détresse terrible. Je pressentais qu'il allait m'arriver quelque chose et j'appréhendais qu'il s'agisse d'une chose horrible.

Ce ne fut pas le cas - tout du moins de mon point de vue.

Dans les jours qui suivirent, mes camarades me regardaient d'une façon étrange et j'avais même la désagréable impression qu'ils se détournaient sur mon passage. Le soir, je vérifiais chez moi si je n'avais pas un énorme bouton sur le nez, ce qui n'était pas le cas.

Un week-end, je décidais d'aller me promener au bord de la rivière, pour essayer de réfléchir à tous ces événements et essayer de trouver une façon d'y faire face. Les pieds dans l'eau, je ne vis pas le ciel se couvrir de lourds nuages noirs. Je sursautais lorsque la première goutte s'écrasa sur mon front. Je me levais précipitamment alors que le tonnerre grondait au loin. Je commençais à courir. Un large champ me séparait d'une vieille grange où je pourrai m'abriter. La pluie tombait drue, j'étais trempé. Le grondement du tonnerre s'amplifia. Soudain, une lumière violente jaillit sur ma droite. La foudre s'abattit avec fracas développant une forte odeur de brûlé. Je courais de plus en plus vite. J'avais l'impression que mon cœur allait exploser. La grange n'était plus loin mais un grondement plus fort que les autres résonna au-dessus de ma tête. Une lumière jaillit du ciel avec violence et je fus percuté de plein fouet. La foudre m'atteint en pleine poitrine. Je m'écroulais au sol.

J'ignore combien de temps je restais allongé dans cette flaque de boue, mais à mon réveil, quelque chose avait changé.

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