Chapitre 5 du 4ème Cycle Lunaire
Kei m'expliquait qu'il existait plusieurs petites communautés comme celle d'ici qui rassemblaient ce qu'il appelait des êtres magiques. Parfois, certaines comportant aussi des humains ou des personnes à moitié humaines qui acceptaient leurs différences. Beaucoup vivaient isolés du reste du monde, un peu comme le hameau du coin, voire plus à l'écart encore.
– Nous sommes très peu nombreux, et beaucoup refusent de se battre, ils espèrent gagner la paix par la diplomatie mais... Cela fait des siècles que je croise les Chasseurs et leurs méthodes n'ont pas vraiment évolué. La présence de Pana dans leur groupe est vraiment une exception. Elle refuse de croire qu'elle n'est plus humaine alors que sa transformation est similaire à la mienne. Nous sommes nés humains mais nous avons changé. C'est une réalité et j'ai peur qu'elle ne s'en rende compte que trop tard... Elle est devenue louve très tôt mais ne l'a jamais accepté, sans doute parce qu'elle n'a pas su contenir cette force sauvage, brutale, et qu'elle a tué...
Gwenaël l'interrompit.
– Pana... Tu avais déjà parlé d'elle non ? Si je me souviens bien, tu avais dit qu'elle cherchait un moyen de redevenir humaine grâce à la science... À ma connaissance, c'est impossible, il aurait fallu empêcher le poison de se répandre durant le premier mois qui a suivi la morsure...
– Elle est parvenue à empêcher sa transformation les nuits de pleine lune même si je ne suis pas sûr que le contre-coup soit agréable... Pour ma part, je sais que je n'ai aucune chance de redevenir humain, je suis mort... J'ai bien senti la vie m'échapper, muter et revenir à moi.
– Pourquoi suis-je toujours revenue ?...
J'avais posé la question malgré moi. Existait-il des êtres qui renaissent comme des phénix ? Et je serais l'un d'eux ? Ils sentaient mon trouble. Kei posa sa main sur la mienne. Je voulais me raccrocher à ce contact doux. J'essayais en vain de me persuader que c'était tout ce qui importait mais... Il y avait tant de choses que j'ignorais sur moi-même... C'était si frustrant. Je souriais timidement à l'amour de ma vie quand le jeune elfe s'exclama.
– Le portrait ! C'est le même sourire que sur le portrait !
Incrédules, Kei et moi nous retournâmes vers Gwenaël qui reprit rapidement.
– Il y a quelques années, j'ai fait un voyage avec ma famille et nous avons visité un musée... Il y avait le portrait d'une jeune comtesse, je suis sûr que c'était toi ! Enfin, en tout cas, vous vous ressemblez beaucoup...
– Je peux savoir d'où venait ce portrait ? Et j'aimerais beaucoup le voir aussi...
– Je... J'imagine que je pourrais retrouver l'endroit en question... Mais je ne me souviens pas d'où il venait. Un palais quelconque, une collection privée ? Je ne sais pas.
– Si je pouvais le voir... Je pourrais peut-être me souvenir de quelque chose ?...
Au fond de moi, je me souvenais avoir vécu dans une sorte de palais, alors peut-être que j'avais bel et bien était comtesse... Mais que m'était-il arrivé, dans cette vie-là ? Combien de vies et pour quel résultat ? Si Kei ne me retrouvait que maintenant mais que j'étais quand même revenue entre-temps, combien de fois nous étions-nous manqués ? Mon regard se tourna vers lui et une pensée vint me troubler. Je ne voulais pas le perdre. Je ne voulais plus jamais le perdre. Je ressentais en moi une douleur comme un rappel. Un rappel que depuis le début, depuis notre première rencontre, où qu'elle ait pu être, je n'avais jamais voulu le quitter. Pourtant, c'était arrivé. C'était arrivé plusieurs fois, même. Et si je devais mourir à nouveau ? Il devrait m'attendre, encore. Et s'il mourrait ? Je le perdrais pour toujours... Cette vérité me glaça le sang. C'était un vampire, il avait une longue vie... Mais il pouvait sûrement être tué... Et alors... Lui ne reviendrait jamais... J'eus un vertige et ma vue se troubla. Je tendis une main vers Kei. Mon amour, ma vie. Il me rattrapa avant que je ne tombe inconsciente.
Je me réveillai quelques heures plus tard. Des souvenirs flous, brouillés, de ce que j'avais appris. Je n'arrivais plus à mettre de l'ordre dans mes pensées.
Kei et moi avions dû écourter notre séjour à la campagne. Il avait dû me laisser une fois arrivés à la gare pour prendre une correspondance. Je savais qu'il ne serait jamais loin mais le voir partir une nouvelle fois m'était pénible. Finalement, son train disparut de mon champ de vision et, lentement, je rentrai chez moi.
Arrivée au bout de ma rue, je vis ma mère discuter en bas de notre immeuble. Elle était avec... Peter. Je n'avais aucune idée de la raison de sa présence ici. Et surtout, pourquoi il était avec elle ? Il était parti avant que je ne rejoigne ma mère. Elle me serra dans ses bras. Elle avait l'air heureuse. Bien plus que d'habitude. Ça m'inquiétait. Une fois dans le calme de l'appartement, je lâchai la question qui me brûlait les lèvres depuis mon retour.
– Je t'ai vue avec Peter, en bas. Qu'est-ce qu'il fait ici ?
– Oh... Lynae... Nous avons pas mal discuté ces derniers jours...
– Ces derniers jours ?! Depuis quand, au juste ?
– Écoute, il est arrivé peu après ton départ en vacances... On s'est remémoré le bon vieux temps, et puis... On a parlé de toi aussi. Il s'inquiète sincèrement pour toi, tu sais ? Mais il m'a dit que Kei était quelqu'un de fiable qui ne te blesserait jamais. Tu sais, ça m'a fait rire. Je ne pensais pas qu'il connaissait si bien ton petit ami...
J'espérais que mon père n'essaierait pas d'utiliser ma mère d'une façon ou d'une autre. Il ne lui avait apparemment pas reparlé de toutes ces vérités qui ont conduit à leur rupture... Je me doutais que c'était un sujet à éviter mais... Si je n'étais pas humaine, est-ce que mes deux parents l'étaient ? Il y aurait bien un moment où elle finirait par le savoir, non ? Si les Chasseurs devenaient incontrôlables et que, malgré mon père, ils cherchaient à s'en prendre à moi, ça risquait de retomber sur ma mère, surtout que Peter avait, semblait-il, remis un pied dans sa vie.
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