Chapitre 3 du 6ème Cycle Lunaire

Je me trouvais dans un long couloir blanc. Il était large et lumineux, semblable à un couloir d'hôpital, qui aurait été dépourvu de ses tables à roulettes qui transportent toutes sortes d'affaires médicales. Des portes s'alignaient de chaque côté mais je les voyais à peine. Elles étaient blanches et se démarquaient difficilement du reste. Je n'avais aucune idée de l'endroit où je me trouvais. Était-ce un hôpital ? J'avançais, un pas après l'autre, à la recherche d'indices. Finalement, je m'approchai d'une porte et la poussai doucement. Elle était démunie de poignée et j'espérais qu'elle s'ouvrirait.

De l'autre côté de la porte, il y avait un sol d'herbe rase et la pièce, si elle en était bien une, était entourée d'arbres qui montaient vers le ciel - ou le plafond - à l'infini. La verdure formait un cercle parfait au centre duquel une petite blonde était allongée sur le dos. Elle avait les yeux rivés vers le ciel et ne bougeait pas. Tout semblait calme et paisible, je la regardais sans comprendre. Elle me paraissait familière. Je n'osai pas m'approcher et je restai sur le seuil, attendant qu'il se passe quelque chose, n'importe quoi. Alors comme si l'univers m'avait entendu, l'endroit s'assombrit, se teintant d'un bleu nocturne et une lumière lunaire descendit jusqu'à la petite fille. Alors je compris. C'était moi. Je reculai et me détournai de cette vision. J'entendis la porte blanche se refermer d'elle-même, j'étais à nouveau dans le couloir. J'avançai d'un pas plus rapide, cherchant désespérément une sortie. Je commençais à paniquer, à suffoquer, j'allais plus vite encore, je courais presque. Les lumières presque aveuglantes commençaient à s'éteindre derrière moi et autour de moi. Je continuais dans une pénombre où seul l'éclairage devant moi continuait de briller. Mais bientôt, les lampes invisibles cessèrent d'illuminer mon chemin et il n'en resta plus qu'une, juste au-dessus d'une porte à deux battants. Sans hésitation, je les repoussai des deux mains et pénétrai dans la pièce qui s'ouvrait devant moi.

Avant de me rendre compte de mon erreur. Autour de moi, le décor se dessina progressivement. D'abord, ce ne fut que des taches grisâtres qui prirent vaguement forme. Puis tout se teinta et je reconnus l'endroit. C'était la gare de ma ville. Il y avait des ombres qui allaient et venaient devant moi. Comme des fantômes. Des gens dont j'ignorais l'identité. Et dans cette foule compacte, je vis une jeune fille aux cheveux blonds... Moi, encore. J'entendis un coup de feu, des cris affolés alors je courus droit devant moi. J'ignorai mon double, je continuai plus loin et je la vis. Ma mère. Allongée sur le sol. Ce rouge autour d'elle. Ce rouge qui s'étalait, qui s'étendait, qui prenait, peu à peu, trop de place dans mon champ de vision. Tout était rouge. Je ne discernais plus rien.

Le souffle court, j'ouvris les yeux. Le visage paniqué penché sur moi me rappela où je me trouvais. Loana me regardait avec inquiétude et, voyant que je respirais à nouveau normalement, elle s'assit sur le bord de mon matelas en soupirant.

– Bon sang, Lyn... Tu m'as fait une de ses peurs... J'ai cru que... Lyn ? Hé ? Ça va ?

Sans le savoir, j'avais commencé à sangloter. Au fond de moi, j'étais persuadée que ma vision était réelle. Ma mère était... Étrangement, Loana sembla comprendre le problème et posa une main sur la mienne.

– Hé... Tu vas la revoir, ta mère. Ça va aller... Vous vous en sortirez toutes les deux, d'accord ? Allez, lève-toi, on va manger un truc. T'as besoin de sucre.

J'essayai de me ressaisir. J'avais de la chance de l'avoir. Ma Loana. Je songeai un instant qu'elle avait l'air de penser que le sucre était la solution à tous les problèmes. Je la suivis tout de même sans broncher. Il me semblait qu'elle était devenue mon dernier point de repère dans l'univers. Elle m'installa sur le canapé et partit préparer des pancakes. Je repensais à Hilda, que j'avais connue dans une autre vie. Que j'avais perdue. J'espérais ne pas perdre Loana. Je laissais mes pensées filer comme un ruisseau dans mon esprit. C'est Doug qui me sortit de mes rêveries en reniflant ma main. Je le regardais, l'air perdu. Je n'aimais pas tellement les chiens, mais celui-là était très câlin. Machinalement, je me mis à le caresser derrière les oreilles. Il appréciait cette attention. Loana arriva avec le petit-déjeuner, ce qui eut pour effet d'éloigner son chien, bien qu'il s'installa sagement non loin de nous. Prêt à recevoir de nouvelles caresses dès que nous aurions terminé.

Quelques jours passèrent et je commençais à m'habituer à ce nouveau rythme de vie. Ma mère allait bien. Je réalisais que je n'avais pas encore eu de nouvelle de mon père alors, sur le chemin de l'université où m'attendait Loana, j'appelai Kei qui décrocha aussitôt.

– Lyn ! J'allais justement t'appeler... Peter est revenu plutôt fatigué de... Tu sais quoi. Enfin bref, j'ai parlé du tableau avec lui, tu m'appelais pour ça ?

– Heu oui... Et... Je voulais savoir si tout allait bien pour vous tous, aussi...

– Eh bien... Tout va pour le mieux, à vrai dire. On arrive à peu près à tenir les Chasseurs à l'oeil, on suit leurs mouvements dans la région donc... Enfin bref, pour ce qui est du tableau, tu n'as pas à t'inquiéter.

Il m'expliqua que mon père l'avait récupéré et brûlé afin de s'assurer que personne ne le retrouve. Il s'était aussi mis en quête d'en supprimer toute autre représentation et, par chance, il n'y avait finalement aucune photo ou quelconque reproduction disponible nulle part. Cette oeuvre tomberait dans l'oubli pour toujours. J'arrivai devant le bâtiment où nous nous étions donné rendez-vous, Loana et moi, alors je raccrochai mon téléphone. Elle n'était pas encore là, ou alors je ne la voyais pas. Mais je reconnus une autre silhouette. Le jeune homme vint à ma rencontre quand il me vit.

– Hé ! Bonjour Lynae ! Quelle surprise, je croyais que tu étais encore au lycée ?

– Salut Gwenaël, je ne pensais pas te croiser ici non plus, à vrai dire... Je suis ici pour visiter. Mais toi, qu'est-ce que tu fais là ?...

– Oh je... Je venais rencontrer quelqu'un... Tiens la voilà justement !

Il fit de grands signes à une jeune femme un peu plus petite que moi. Ses cheveux étaient décolorés avec des pointes roses et elle avançait avec une grâce hors du commun. Il me semblait presque qu'elle glissait sur le sol comme... Dans cette histoire de nymphe que j'avais lu, dans un recueil de Mystères... Elle se présenta à nous avec un large sourire. Elle était rayonnante. C'était extraordinaire.

– Lynae, je te présente Lyra. Lyra, Lynae ! C'est un plaisir de te voir Lyra, j'espère que je ne te dérange pas ?

– Oh non, pas du tout ! Je serais ravie de vous aider ! Mon père m'a toujours appris qu'il fallait savoir se battre pour rendre le monde plus beau !

– J'y pense, comme tu es étudiante ici, on pourrait faire un tour en discutant ? Lynae voulait visiter...

– Oh, heu ! Ne vous en faites pas pour moi, j'attendais mon amie de toute façon...

– Ah oui ? Ça ne me dérange pas du tout, je peux vous faire faire un tour à ton amie et toi !

– Bien, d'accord alors... Je vais accepter...

– Accepter quoi ? Salut ! Je dérange ?

Loana était arrivée derrière moi sans que je ne la remarque. Après une brève explication et présentation, nous partîmes tous les quatre à travers le campus. Lyra avait l'air au courant de l'histoire entière de l'université, on se serait cru à une visite touristique d'un grand lieu historique. J'appris qu'elle était anglaise mais qu'elle vivait depuis longtemps dans la région, ce qui expliquait sa parfaite maîtrise de notre langue. Elle étudiait en histoire de l'art et s'intéressait beaucoup aux architectures, c'était pour cela qu'elle en savait autant sur chacun des bâtiments devant lesquels nous passions. Quand elle s'exprimait, je me sentais comme hypnotisée par ses mots et il me semblait revivre les scènes de vie qu'elle décrivait comme si celles-ci se jouaient sous mes yeux.

Prise d'un étrange doute, je tirais Gwenaël à l'écart pour lui poser la question.

– Elle... Lyra... Elle n'est pas...

– Seulement à moitié... Mais je t'avoue qu'elle me fait un sacré effet à moi aussi, je pensais être à peu près immunisé mais... Apparemment elle est encore plus douée qu'on croyait. Elle est au courant de notre situation et... Elle va nous aider. C'est pour ça que je suis là.

Je hochai la tête. C'était logique. Si elle pouvait réussir à faire cet effet de... De quoi au juste ? Je n'en avais aucune idée. En tout cas, je sentais que s'ils avaient besoin d'un diplomate, c'était elle qu'il fallait envoyer. Ses mots étaient comme des armes. Mais des armes douces, apaisantes, qui rendait la haine stupide et les guerres futiles.

C'était peut-être ça, le plan ? Combattre par les mots, charmer ses adversaires pour enfin... Faire la paix, vivre en paix ?...

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