Chapitre 2 du 6ème Cycle Lunaire

Je posais lourdement mes affaires sur le sol de la chambre de Loana. Elle était partie chercher le matelas sur lequel je dormirai durant mon séjour chez elle. Ses parents n'étaient pas encore rentrés et sa petite soeur passait l'après-midi à un anniversaire. Quant à son frère, Loana m'apprit qu'il était parti dans un autre pays dans le cadre de ses études de langues. Elle installa mon lit de fortune seule tandis que je répondais à l'appel que je venais de recevoir. C'était Kei.

– Lyn ? Tu vas bien ? Tu es bien installée chez ton amie ?

– Oui, je viens d'arriver... Est-ce que ça va de ton côté ? Et... Pana et mon père ?

– Ça va, pour l'instant. Pana est presque totalement remise, même si elle n'a... Enfin, j'ai appris que sa mère était morte et... Je crois qu'elle se sent responsable.

– Quoi ? C'est horrible, je suis désolée pour elle... Je sais pas ce que je ferai s'il arrivait quoi que ce soit à ma mère... Je crois... Que j'en voudrais à Peter...

– Je crois qu'il s'en voudrait aussi... Il tient vraiment beaucoup à elle, tu sais. Quand il a appris que ses anciens collègues étaient en ville, il a voulu repartir de suite ! J'ai réussi à le convaincre que ça irait bien, qu'elle partait en vacances ailleurs... Mais je crois qu'il est encore un peu à cran.

– Dis, je me demandais... Tu crois que les Chasseurs retrouveront le tableau ? Il a disparu mais... Et s'ils étaient au courant de son existence ?

– Désolé, je sais pas trop ce qu'il s'est passé... Peut-être que Peter s'en est débarrassé, je lui demanderai...

– Tu n'es pas avec lui ?

– Non, il... Accomplit un rituel... elfique...

– Qu... Quoi ? J'ai dû mal entendre...

– C'est... Heu... Comment dire... Ils veulent s'assurer de sa bienveillance. Je crois que ça prendra plusieurs jours. Il y a aussi une histoire de purification...

– ... Tu l'as fait, toi aussi ?

– ... Non. Il semblerait que... Les vampires soient plus fiables que les humains...

– Je vois... Ah ! Loana m'attend alors... Je vais te laisser... Je t'aime.

– Moi aussi je t'aime Lyn... Je te rappelle dès que possible. Fais attention à toi.

– Promis, bisous !

Je raccrochai en soupirant. Il me manquait tellement. Les relations à distance étaient-elles toujours aussi compliquées ? Ma meilleure amie me suggéra que l'on profite d'être seules pour réviser, en espérant que ça me change les idées. On s'installa alors dans le salon avec un plateau de bonbons. Loana disait que le sucre qu'ils contenaient était parfait pour assimiler les connaissances. Je n'étais pas vraiment convaincue mais grignoter des confiseries était toujours un plaisir.

Au bout de plusieurs heures silencieuses, je me frottai les yeux, étonnée du calme de mon amie. Je l'avais rarement vue aussi sérieuse et concentrée.

– ... Tu comptes faire quoi, après le bac ?

Elle releva la tête vers moi, comme surprise de ma présence avant de passer une mèche de cheveux derrière son oreille, gênée.

– À vrai dire... Je sais pas trop... Mais si j'ai de bons résultats, je pourrais aller où je veux, non ? Et toi ?

– Je... Je n'y ai pas tellement réfléchi... Je pensais peut-être... Continuer mes études, dans une grande école mais, ça me fait un peu peur... Et puis... Depuis que j'ai rencontré Kei, je crois que j'ai plus tellement les mêmes priorités...

– Ah, c'est sûr, l'amour ça change la vie ! Si seulement je pouvais retrouver mon Loïc, moi aussi ! Enfin, j'irais peut-être à la fac, c'est peut-être pas si mal... Et avec de la chance, j'aurais un emploi du temps léger et je pourrais faire d'autres trucs à côté...

– Ah, alors tu as des projets en tête, des idées ?

– Hmm... Tu sais, depuis quelques temps je discute un peu avec ma voisine...

– La fille qui a le regard d'une arracheuse de têtes ?

– Ouais, en fait elle est super sympa, c'est genre un masque qu'elle porte, tu vois ? Enfin bref, depuis qu'elle a un petit copain, elle a commencé à s'ouvrir un peu, mais pas trop hein. Faut toujours pas la chercher... Mais bon, du coup elle m'a montré des endroits sympas et tout et j'ai vu une vitrine que j'ai juste a-do-rée ! Je veux dire, c'est pas trop mon délire à la base mais j'aimerais tellement travailler là-bas !

– Et... C'était quoi ?

– Un salon de tatouages, mais genre trop beaux, stylisés et tout...

– Eh bah ! J'avais pas remarqué à quel point tu avais changé...

– Pfft ! Moi j'ai remarqué comme tu as changé, Lyn.

Le bruit de clé dans la serrure nous interrompit et Camelia entra en trombe suivie par ses parents. Elle avait l'air particulièrement excitée et je comprennais un peu mieux son surnom de tornade...

– Lynae ! Lynaaae est là ! Trop bien ! Dis Lynae, c'est vrai que t'as un petit ami trop trop mignon ? Parce que Loana elle m'a dit qu'il était super et tout et elle, elle trouve personne, tu pourrais l'aider non ? Ton copain il a un frère ou pas ?

– Cam ! Pitié ! Arrête un peu avec ça, j'ai pas besoin d'aide pour me trouver un copain ! Rah, t'es fatigante !

Je ne pus m'empêcher d'étouffer un rire. Loana avait raison, elle n'avait nullement besoin d'aide pour se trouver quelqu'un et, quelques mois auparavant, ça aurait été plutôt à elle de m'aider... Ses parents la calmèrent et l'envoyèrent dans sa chambre avant de m'accueillir. La mère de Loana, Daphné, me serra brièvement dans ses bras avant de rejoindre sa chambre pour y travailler. Gérard, en revanche, resta dans les environs et nous demanda un peu d'aide pour le dîner.

– Okay p'pa, ça nous fera une pause comme ça. Tu viens Lyn ?

La soirée fut à la fois étrange et agréable. Étrange parce que je n'étais pas chez, je n'étais pas avec ma mère. Et agréable parce que j'avais la sensation de découvrir ce qu'était une famille normale. Camelia était très bavarde et je commençais à me dire que ça devait être de famille, sans trop savoir de quel parent ça venait. En temps normal, Loana méritait la palme d'or du bavardage, mais finalement, sa soeur la surpassait.

Plus tard ce soir-là, je reçus un message de ma mère me disait qu'elle était bien arrivée et installée et qu'elle aurait bien aimé me parler. Je demandais donc à ma meilleure amie s'il y avait un endroit où je pourrais être tranquille pour l'appeler et elle me conseilla le toit de l'immeuble. Ça devenait une drôle d'habitude, d'appeler sur les toits des immeubles.

– Maman ? Tu vas bien ?

– Bonsoir ma chérie ! Oui ça va, l'air frais de la campagne me fait un bien fou, tu avais raison... Oh, tout à l'heure, on parlait de toi avec Huberte ! Elle a dit que tu pouvais venir quand tu voulais, toi aussi !

– Oh, heu, c'est très gentil de sa part...

– Bien sûr, pas maintenant, mais peut-être après tes examens ? Tu pourrais me rejoindre ici et on ferait des balades...

– Oui, ce serait super, maman.

– Ça se passe bien chez les Kapoues ? Daphné m'a dit qu'elle avait beaucoup de travail en ce moment et qu'elle en ramenait même à la maison mais...

– Oui, ça va très bien ! C'est vrai qu'elle est très occupée mais Loana et moi aussi, on essaie quand même de réviser... Et Camelia est tellement bavarde, c'est dingue ! Je croyais que personne ne pouvait rivaliser avec Loana !

– Hahaha ! C'est vrai ! J'espère que vous arriverez quand même à être un peu au calme !

– J'espère aussi... Sinon on s'exilera sur le toit...

– Tu es sur le toit, là ?

– Oui, c'est plus haut que chez nous. Mais c'est... Paisible. La ville a l'air tellement...

– Endormie ?

– Non... Je dirais plutôt... Lointaine ? Je ne pensais pas que le quartier de Loana était si peu fréquenté !

– Je suis contente de savoir que ça va bien de ton côté, Lyn...

– Et moi du tien, maman !

– Bon alors, s'il y a un problème, n'hésite pas à m'appeler, d'accord ?

– Ne t'en fais pas... Gérard m'a déjà dit qu'ils pourraient aussi m'aider, si j'avais besoin d'aller à l'autre bout de la ville ou quoi...

– Hahaha ! Toujours aussi serviable, cet homme !

– C'est vrai, il est très prévenant... Oh et il cuisine tellement bien ! Tu le verrais couper les légumes, c'est impressionnant !

– Ça ne m'étonne pas ! Tu sais, il voulait être chef cuisinier dans sa jeunesse, mais finalement, il n'a pas été pris... Je crois qu'il aurait perdu l'envie de cuisiner s'il avait insisté sur cette voie...

– C'est vrai qu'il y prend tellement de plaisir... J'imagine que faire ça tous les jours, ça aurait pu le dégoûter...

– Et toi alors, qu'est-ce que tu voudrais faire après le bac ? Un truc qui te plairait assez pour ne pas t'écoeurer à le faire toute ta vie ?

– Franchement, maman... Je sais pas du tout... J'en parlais tout à l'heure avec Loana, justement... On pense aller visiter la fac dans la semaine, pour voir un peu. Peut-être même qu'on pourra squatter un cours, il paraît que certains sont ouverts au public...

– Oh, super ! Tu me diras ce que tu en auras pensé, d'accord ?

– Promis ! Bon, il est un peu tard alors je vais devoir te laisser, en plus j'ai l'impression que le vent commence à se lever...

– D'accord ! N'attrape pas froid alors. Je t'embrasse fort mon petit ange !

– Je t'embrasse aussi, maman... Et... Je t'aime.

– Je t'aime aussi ma chérie, bisous !

En raccrochant, j'eus un frisson qui me parcourut le corps. J'avais senti ma voix se briser dans mes derniers mots et j'espérais que ma mère ne l'ait pas remarqué. J'avais peur. J'essayais en vain de me mentir mais... J'avais peur. Et si je ne la revoyais jamais ?... Mon coeur se serra dans ma poitrine et je décidai de rester un peu plus longtemps sur le toit.

Au bout d'un long moment, Loana me rejoignit et posa sa main sur mon épaule. Je n'entendis pas quand elle me demanda comment j'allais. Je ne réagis pas quand elle me prit dans ses bras et me chanta une berceuse grecque dont je ne saisissais pas les paroles. Nous restâmes ainsi quelques minutes après la fin de sa mélodie puis, apaisée, je me laissai entraîner à l'intérieur de l'immeuble.

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