Chapitre 10 du 3ème Cycle Lunaire

La journée était passée avec une extrême lenteur. À la fin des cours, je rentrai chez moi sans attendre et m'enfermai dans ma chambre. Je savais que ma mère ne viendrait pas me déranger, elle savait que j'avais besoin d'être seule. J'avais furtivement dérobé un briquet d'un tiroir de la cuisine et une coupelle. J'avais une expérience à faire. Une fois seule dans ma chambre, je sortis le précieux sachet. Était-ce une bonne idée ? Sûrement pas. Est-ce que j'irais jusqu'au bout de ma démarche ? Sans aucun doute. J'allumai le briquet. Sa flamme vacillante me fascinait. J'avais toujours eu peur du feu. Mais ce soir, c'était différent, je me sentais plus confiante. Je brûlai doucement les herbes puis soufflai dessus, afin qu'elles brûlent lentement, à la manière de l'encens.

Je m'étais posée à côté puis je respirai profondément. L'odeur qui s'en dégageait n'était pas particulièrement désagréable. Je ne savais pas quel effet était attendu. Je ne savais pas si c'était seulement censé être apaisant mais ça commençait à me prendre la tête. Je voulais verser de l'eau dessus et ouvrir la fenêtre en grand mais mes membres étaient engourdis. Je sentais que mon corps était devenu lourd. Je levai finalement ma main, difficilement, et parvins à éteindre ce truc. Bon sang, ça n'avait servi à rien, pensai-je.

J'ouvris ma fenêtre pour aérer et j'en profitai pour jeter l'herbe brûlée. Je m'allongeai péniblement sur mon lit et fixai le plafond, attendant que le sommeil me gagne. Je finis par fermer mes paupières, espérant que cela soit plus efficace. Le claquement de mes rideaux me fit sursauter et j'ouvris instantanément les yeux. Je me redressai sur mon lit. Il faisait nuit noire, les nuages et la pollution devaient cacher la lueur lunaire et les lampadaires en bas de l'immeuble étaient éteints. Je clignai des yeux puis je vis une petite fille à ma fenêtre. Une lumière semblait émaner d'elle. Je l'avais déjà vue. Ses cheveux étaient blancs-argentés et elle avait d'immenses yeux noirs qui me fixaient intensément.

"Bonsoir, dit-elle d'une voix calme. Je te l'avais dit, tu es revenue. Tu reviens toujours Lynae.

- Qui es-tu ?, dis-je. Qu'est-ce que ça veut dire "je reviens toujours" ?

- Tu étais là, dans le palais. Tu étais là, près du port. Tu étais là avant, ailleurs. Tu es ici désormais, maintenant. Ton histoire se répète, inlassablement, si semblable et si différente. Mais cela peut changer. Cela ne dépend que de toi."

Je ne comprenais rien à ce qu'elle me racontait. Qu'essayait-elle de dire ? Je la regardais, dubitative, était-elle le fruit de mon imagination, étais-je endormie et perdue dans un énième rêve bizarre ?

"Tu l'aimes, n'est-ce pas ? Jusqu'où serais-tu prête à aller pour lui ? Irais-tu tuer ton propre père pour le sauver ? Le combat qu'il mène est dur. Si tu ne le sauves pas maintenant, rien ni personne ne pourra plus le sauver. Tu continueras de revenir, mais il ne sera plus là à t'attendre."

Elle parlait de Kei. Je le savais. Elle savait quelque chose sur lui, sur moi. Quelque chose qui m'échappait encore. Tout ce que je comprenais, c'était que Kei allait mourir. Et que j'étais la seule qui pouvait empêcher ça, même si ça impliquait, semblait-il, de tuer mon père...

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