Chapitre 1 du 5ème Cycle Lunaire

Seule dans ma chambre, j'enrageai devant mes fiches de révision. Il m'était impossible de me concentrer pour le moment. J'entendais ma mère rire avec mon père dans l'appartement. Comme si de rien n'était. Je trouvais qu'il passait beaucoup trop de temps chez nous. Ma mère lui avait même proposé de rester une nuit... Cette pensée me mit mal à l'aise et ma colère retomba un peu alors que mon esprit voyageait vers Kei. Il me manquait. Ça faisait des semaines que je ne l'avais pas revu et depuis deux jours déjà, il était hors du réseau. Il m'avait prévenu, bien sûr, mais plus le temps passait, plus ça me stressait. Et s'il lui arrivait quelque chose et que je ne l'apprenais que bien plus tard ? Je fermai les yeux un instant et respirai calmement. Il allait bien, je le sentais au fond de moi.

J'entendis mes parents sortir faire un tour. Je me retrouvai seule, face à mes notes, parfois incompréhensibles. Je me disais que j'aurais dû mieux écouter en classe. C'était facile de se dire ça après coup. Je soupirai, j'étais lasse et frustrée. Je songeais vaguement à m'allonger sur mon lit et ne plus penser à rien quand j'entendis le miaulement timide de Chagri. Il me regardait avec ses grands yeux brillants alors je le pris dans mes bras et commença à le caresser avec amour. Cet adorable chat roux était comme une bouffée d'air frais dans la tempête tourbillonnante de ma vie.

Parfois, je me disais qu'il me comprenait. Il était arrivé à mes pieds sans prévenir, comme s'il avait senti que j'avais besoin de sa présence. Ses longs poils tout doux en faisaient une agréable peluche. Chose étrange, quand il venait vers moi, je n'avais jamais eu de mal à savoir ce qu'il voulait. Pourtant, on m'avait toujours dit que les chats ne savent jamais ce qu'ils veulent vraiment. Je l'avais aussi remarqué avec ma mère, quand c'était elle qui s'occupait de Chagri, elle avait beau lui donner à manger, ce n'était jamais ce qu'il réclamait et finalement, le félin la faisait tourner en rond.

Enfin apaisée, je relâchai la bête et repris mes notes de cours. Au bout d'une bonne heure à chercher d'où venait telle feuille afin de tout remettre en place, mes yeux piquaient et je décidai d'aller prendre l'air. En sortant, je repensais à la fillette aux cheveux d'argent. Ça faisait un moment que je ne l'avais pas revue, pas même en rêve. Elle aurait pu me dire qui j'étais, elle avait l'air d'en savoir tant sur moi... Mes pas me guidèrent tout naturellement à travers le parc et je finis par m'asseoir sur un banc non loin des jeux d'enfants. Il y avait une petite fille blonde qui s'amusait à grimper aux cordes en riant. J'avais l'impression de me revoir, quand j'étais enfant, la toute première fois.

C'était les souvenirs les plus lointains que je me connaissais. Je vivais seule en forêt après la mort de mes parents. De la maison, il ne restait rien. C'est pourquoi je logeais dans une cabane délabrée au milieu des bois. Chaque jour, je me nourrissais de baies que je trouvais, je courais à travers les arbres, c'était mon chez-moi. Je pensais en connaître chaque recoin, mais j'avais tort. C'était un jour d'automne où des feuilles séchées m'entraînèrent dans leur chute. Mais au lieu de rejoindre le néant, ou un quelconque monde des morts, une lumière m'avait recueillie. Je ne me souvenais toujours pas de ce qui avait pu arriver ensuite.

Perdue dans mes pensées, les images de ces souvenirs si anciens défilaient encore et encore. Puis une suite m'apparut. J'étais une lumière semblable à celle qui m'avait sauvée. Et je descendis vers cette forêt, ma forêt. Il y avait là un enfant, un petit garçon. Il était triste et seul. Alors je l'emmenai avec moi.

J'ouvris les yeux pour découvrir que je m'étais assoupie dans le parc. Je ne pus m'empêcher de bâiller et de me frotter les yeux.

– Lynae ! Ma chérie, tu es sortie finalement ?

– Maman ? Heu oui, j'avais besoin d'air...

Elle s'assit à côté de moi, souriante. Je sentais qu'elle avait quelque chose à me dire.

– ... On rentre ?

– Hmm, hmm... Avant de rentrer, j'ai quelque chose à te dire...

– Je t'écoute.

– Eh bien voilà, tu sais que Peter et moi nous voyons beaucoup ces temps-ci... Depuis qu'il est de retour dans ma vie, je... Je me sens plus heureuse. Bien sûr, je t'ai toi mais... J'ai réalisé qu'il me manquait. Que c'est pour ça que depuis toutes ces années, je suis restée seule... Parce que... Je n'avais trouvé personne comme lui...

– S'il te plaît... Qu'est-ce que tu essaies de me dire ? Que tu lui pardonnes de t'avoir brisé le cœur et abandonnée ?

– Lyn... C'est du passé tout ça... Il a fait beaucoup d'efforts, tu sais ? Tu comptes beaucoup pour lui, aussi. Et ce que je voulais te dire, c'est qu'il va quitter l'hôtel et s'installer avec nous.

– Quoi ?! Quand ?!

– Lynae, écoute, ne t'énerve pas... Il vient dîner ce soir, on en parlera ensemble, d'accord ?

– Mais maman... Tu comprends pas...

– Lyn ! C'est toi qui ne comprends pas ! Je l'aime et je ne veux plus qu'il parte ! Je veux vivre avec lui, je veux qu'on soit une famille !!

Je la regardais en me mordant la lèvre. Si elle savait la vérité, voudrait-elle encore de lui ? S'il y avait bien une chose sur laquelle j'étais d'accord avec Peter, c'était que si on lui racontait tout, elle ne nous croirait pas. Il était vain d'essayer quoi que ce soit pour lui faire renoncer à cette idée. Je soupirai.

– D'accord maman. Je veux que tu sois heureuse alors je ferais des efforts. Mais s'il te plaît, ne me demande pas de l'aimer comme un père...

– Bien sûr ma chérie, ces choses-là prennent du temps...

Elle déposa un baiser sur mon front et nous rentrâmes à l'appartement. Le soir venu, Peter arriva comme prévu. J'étais descendue pour lui ouvrir et en profiter pour lui parler.

– Peter, ma mère m'a dit que tu allais venir t'installer ici...

– Ah, oui, désolé, je... Je préférais que ce soit elle qui t'en parle, seule à seule...

– Bien sûr... Je comprends...

– Ça ne te dérange pas ? Lys est vraiment une personne formidable...

– Ça me gêne, mais comme tu le dis, elle est formidable. Et je veux son bonheur, alors ne gâche pas tout avec... Tu sais quoi.

– Hmm, alors c'est pour ça que c'est toi qui est venu m'accueillir ? Haha, Lynae ! Tu n'as pas à t'en faire. En étant à vos côtés, je pourrais mieux vous protéger.

– J'ai pas besoin de ta protection ! Mais elle, si... Alors... Ne l'abandonne plus... Jamais.

Je passa devant lui sans attendre de réponse et vous arrivâmes à l'appart où ma mère nous attendait avec un large sourire. La soirée passa calmement et nous jouâmes même à quelques jeux de société. Je comprenais un peu mieux ma mère quand elle avait parlé d'être une famille. Ce n'était plus si désagréable, vu comme ça.

Dès le jour suivant, Peter s'installa chez nous. Le voir chaque matin était vraiment étrange. Sa présence me rappelait sans cesse le danger potentiel des Chasseurs. Ce n'était pas contre lui, mais j'avais l'impression de ne plus être en sécurité. Nous n'avions pas reparlé de ce que je lui avais dit sur moi. Je ne savais pas s'il avait découvert quelque chose de plus, si ses collègues étaient au courant ni s'il en avait parlé à qui que ce soit.

Un jour où je terminais plus tôt, Loana me proposa de traîner un peu ensemble avant de rentrer chacune de notre côté. On s'était alors posées dans le parc du château et on grignotait quelques gâteaux. Ma meilleure amie me parlait du Loïc de ses rêves. Littéralement. Elle avait rêvé qu'elle retrouvait le Loïc de son enfance et qu'ils vivaient une vie merveilleuse et pleine d'aventures tous les deux. Elle racontait que dans son rêve, il avait un bateau et ils étaient alors partis faire le tour du monde... Jusqu'à ce qu'une pieuvre géante engloutisse leur embarcation et qu'elle se réveille dans son lit, secouée par sa petite sœur, Camelia. Une vraie tornade, apparemment. Je ne l'avais rencontrée qu'une fois et elle m'avait pourtant parue plutôt calme.

– C'est ce qu'elle fait croire à tous les gens qui viennent à la maison ! Surtout quand c'est la première fois qu'elle les rencontre... Je l'adore, hein, mais je te jure, elle me rend tellement dingue parfois !

La voir agitée comme ça me fit sourire et finalement, nous rîmes aux éclats. C'était agréable de passer du temps ensemble, sans se soucier de rien.

– Hé Lyn, c'est pas Peter, là-bas ?

Elle me ramena sur terre en tirant sur ma manche pour que je regarde. C'était bien lui, et il parlait avec des Chasseurs. Je les reconnaissais pour les avoir déjà vu avec lui. Ils avaient l'air en grande discussion. Je n'aimais pas ça, je ressentais comme un pincement au cœur. Finalement, je me levai pour partir.

– Je vais rentrer, j'ai des fiches de révision à terminer...

– Tu sais avec qui il est ?

– ... C'est... Ses collègues... J'ai pas très envie qu'ils nous voient alors j'y vais, à demain Loana.

– ... Hmm... À demain, Lyn.

Elle me regardait, soucieuse. Moi, sa meilleure amie, lui cachais des choses. Et elle le savait, j'en étais sûre. Mais je laissai tout de même, au fond, j'espérai avoir tort. Peut-être qu'elle se disait simplement que j'enviais mes parents, puisque Kei n'avait toujours pas donné de nouvelles...

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