Partie 1
Le soleil entrait dans l'atelier. Les rideaux opaques, qui avaient pour mission de filtrer un peu les rayons de soleil pour éviter d'éblouir les élèves, se soulevaient légèrement grâce au vent qui s'engouffrait dans la grande salle où tous les tableaux reposaient. Jo, jeune fille de 17 ans maintenant, se glissa discrètement dans l'immense salle. Comme une ombre, elle se déplaçait sans bruit, pas à pas, vers le tableau qu'elle venait souvent admirer. Son auteur lui était inconnu, et ce qu'il avait voulu exprimer lui échappait. Mais c'était ce pourquoi elle l'aimait tant. Il était inspirant ! Ce tableau n'était autre qu'une fenêtre entrouverte, mais elle n'était pas « normale », cette fenêtre : à travers les vitres, on voyait les nuages, mais dans l'entrebâillement, rien... C'était noir.
Soudain, une main ferme se posa sur l'épaule de Jo. Mais celle-ci ne broncha pas. Elle commença même à parler à l'inconnu qui se tenait derrière elle :
- C'est un de tes élèves qui a peint ce tableau, non ? Et pourtant, cette toile est ici depuis longtemps n'est-ce pas ? Pourquoi je n'ai jamais vu son auteur en prendre soin ? Je crois que cette œuvre n'est pas finie d'ailleurs...
Jo ne pouvait le voir, mais l'Homme qui se trouvait derrière elle souriait. Il s'appelait Pierre-Louis Flouquet, c'était le maître de cet Atelier. Il avait pris Jo sous son aile car il la trouvait créative, intelligente et perspicace. Douée, en fait...
- Effectivement, c'est un de mes élèves, mais il n'est toujours pas revenu depuis qu'il a cessé de la peindre. Il s'appelait René. Un homme charmant et prometteur. Cela fait maintenant un mois que je ne l'ai pas revu... Effectivement cette œuvre n'est pas finie, mais je ne veux pas y toucher. Maintenant, si tu veux bien, je vais fermer l'atelier, c'est l'heure de ma pause déjeuner et je ne la louperai pour rien au monde !
- Entendu, j'arrive dans quelques minutes. Laisse-moi encore m'imprégner de cette peinture. Elle a sur moi un effet que je ne peux pas expliquer...
- D'accord, mais ne tarde pas trop... Je te laisse 5 minutes, le temps de me préparer...
La main de Flouquet se détacha de Jo. Les pas de l'homme s'éloignaient petit à petit des oreilles de la jeune fille. Celle-ci survolait la toile des doigts sans la toucher, comme si elle se l'était interdit. Elle fermait les yeux en essayant de ressentir les émotions, les couleurs, les odeurs... Puis comme si cela avait été normal elle sentit quelque chose, comme du bois, un morceau de bois vertical. Jo fut surprise et ouvrit les yeux. Elle se rendit compte qu'elle était face au tableau, mais que la fenêtre venait de s'ouvrir pour de vrai. Prise de stupeur, elle recula, et marcha sur un verre rempli d'eau destiné au rinçage des pinceaux. Elle perdit l'équilibre... et tomba dans le tableau ! Elle aurait dû déchirer la toile, mais non. Elle était littéralement tombée dans le tableau, par l'ouverture de la fenêtre. Jo cria en s'apercevant qu'elle était en train de chuter. Son cri s'enfonça dans les ténèbres. Et l'atelier redevint calme. Flouquet passa la tête par la porte et ne vit personne « elle a dû partir avant moi » se dit-il, puis il referma la porte de la pièce, ne pensant pas que Jo était en fait encore dans cette salle...
Jo continuait de tomber dans le noir complet. Elle s'était arrêtée de crier. Non pas parce qu'elle n'était plus effrayée, mais parce que sa gorge lui faisait maintenant mal. Jo ne comprenait pas ce qui se passait. C'était surréaliste, c'était tout bonnement... Impossible ! Soudain, le noir qui l'entourait devint un ciel bleu éblouissant. Jo n'en croyait pas ses yeux. Elle continuait de tomber, mais c'était comme si elle volait avec les nuages. Bientôt le sol apparut sous elle, elle recommença à crier de nouveau. Elle allait s'écraser, et elle ne pouvait rien y faire. Elle s'approchait du sol à une vitesse telle que le choc la tuerait sur le coup. Et lorsqu'elle crut enfin que s'en était fini d'elle, une chose incroyable se passa : Un nuage de coton l'intercepta avant sa chute, et la fit descendre en douceur. Elle s'enfonça dans le nuage jusqu'à ne plus voir ni le ciel ni le sol. Jo essaya de passer à travers ce coton rose, mais celui-ci s'effaça avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit.
Elle se retrouva devant une jeune fille qui devait être à peine plus vieille qu'elle. Elle était vêtue... Comment dire... C'était très coloré, même peut être un peu trop. De plus les formes de ses vêtements étaient... peu conventionnelles : un triangle orange pour une robe, des ovales rouges pour les chaussures ... Mais ce n'était pas tout, son visage était simpliste, deux ronds pour les yeux, des traits violets pour les cheveux. C'était comme si elle avait été dessinée par un enfant. Cet étrange personnage sourit à Jo :
- Bonjour, je t'ai vu tomber du ciel du coup je me suis dit que ça te ferait moins mal si je dessinais quelque chose pour que tu ne tombes pas par terre. Tu ne viens pas d'ici dis-moi ?
- Euh ... Bonjour ? répondit Jo, hésitante, en observant cette singulière personne. Je m'appelle Jo, et non, je ne viens effectivement pas d'ici et oui, je te remercie de m'avoir sauvée, je serais sûrement morte sans toi, mais comment as-tu fais ça ?
- Bah avec mon pinceau quelle idée ? D'ailleurs toi aussi tu dois en avoir un, et quelle idée de ne pas l'utiliser ... Et c'est quoi « être morte » ? Et puis c'est quoi « Jo » ?
Jo regardait La jeune femme d'un air dépité. Comment pouvait-elle ignorer ce qu'était la mort ? Et elle ne savait pas non plus ce qu'était un prénom ?... Mais ou avait-elle atterri ?! Un monde avec des pinceaux qui semblaient magiques, et des habitants plus qu'étranges, car il y en avait probablement d'autres...
- Hum... Excuse-moi, mais qui es-tu ? Et où sommes-nous ? Tu n'as pas de nom ? Mais alors comment faites-vous pour vous appeler entre vous ? Et puis, tu ne peux pas ignorer la mort ? C'est quand la vie a quitté le corps d'une personne, qu'elle ne bougera plus. Qu'elle est comme endormie à jamais....
- Eh ! Oh ! Tu en poses des drôles de questions ! Et bien nous, on ne s'appelle pas ... Quand on veut parler à une personne on va la voir, c'est tout. Tu es bizarre...
Les sourcils de la jeune femme se froncèrent avec méfiance.
- On m'a parlé de quelqu'un comme toi il n'y a pas si longtemps que ça ... Il était dangereux, on disait qu'il voulait détruire notre monde ... Pour nous faire « mort » comme tu dis.
Jo regarda en souriant la jeune femme, elle parlait comme une enfant.
- Non, c'est un verbe on le conjugue, ça fait « vous faire mourir », et je n'ai nullement l'intention de vous faire du mal, je veux juste comprendre où je suis et pouvoir rentrer chez moi ...
La jeune femme aux cheveux violets, compris que Jo n'était pas méchante, et posa sa main carrée sur l'épaule de celle-ci et dit d'une voix douce pour la rassurer :
- Bien ! Je vais t'aider alors. Peut-être que l'homme qui te ressemble et qu'ils ont enfermé pourra t'aider.
Jo se mit à sourire à celle qui venait de lui proposer son aide si gentiment alors qu'elles ne se connaissaient pas. Elle acquiesça et se mit en route avec cette jeune femme étrange vers la ville qui apparaissait au loin.
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