Lettre 4
26 juin 2020
GabyGabrielle~
J'adore ton prénom, on dirait une musique.
C'est beau, un albatros. C'est l'oiseau du poète. C'est Rimbaud qui a écrit ça, je crois. Ou Rousseau. Ou Racine ? Je ne sais pas, mais je crois que ça commence par un R. Mais ça ne m'étonne pas, que tu sois un Albatros. Ton esprit vole déjà au dessus de notre monde quand tu as les pieds sur terre.
Si j'étais une habitation, je serais peut-être sélénite, comme tu le dis. Mais je ne suis pas grande, ni par la vertu, ni par la taille. Aussi, il n'y aurait pas beaucoup de place, et je m'ennuirais bien vite. Peut-être que je serai un arbre, alors. Je protégerais les insectes et les oiseaux. Après tout, tu n'as pas précisé que je devais être une habitation humaine, n'est-ce-pas ?
Si j'étais une copie, je serais une copie double sans ligne, mais écrite sur toute sa surface.
À l'extérieur, je ressemblerais aux copies d'Emma. Elles sont belles et propres, ses copies, avec de belles lettres bien rondes au plume, les consignes écrites en plein de jolies couleurs, et les titres soulignés proprement à la règle. C'est le genre de copies qui ont des bonnes notes, parce qu'elles sont si jolies.
Mais à l'intérieur, je serais ce genre de copie écrite en pattes-de-mouches au Bic noir, avec plein de ratures et des tâches d'encre partout. À l'intérieur, je serais de ce genre de copie que tu ne sais pas lire.
Si j'étais un tableau, c'est compliqué, je trouve. Si tu m'avais proposé une œuvre d'art, j'aurais été "la petite danseuse de 14 ans" de Degas. Et pourtant, je n'ai jamais dansé.
Sinon, je pense que je serais un tableau de Soulages. Noir, avec des traits noir. Chacun y voit ce qu'il veux. Moi, je n'y voit rien, et c'est ça qui me plaît. Je serais un canevas, dans lequel les observateurs ne voient que leur reflet.
Tout le monde croit que Monet a peint "impression soleil levant" de sa fenêtre. Mais en fait, il te regardait, parce que c'est toi, le soleil qui perce le brouillard.
Si j'étais une forêt, je serais Brocéliande. Ce serait trop triste, si je devais arrêter de rêver. Et puis, je n'imagine pas meilleure compagnie que celle des fées.
Si j'étais un livre, je serais de ceux que l'on brûle lors d'autodafés. Je serais choquant, vrai et provoquant. Je serais encore plus beau quand les flammes lècheraient ma couverture. Et si je ne pouvais passer mon message pacifiquement, j'hurlerais mes mots à la face du monde.
J'adore tes saisons. Elles sont belles et poétiques. C'est comme si c'était un monde sur un bout de papier. Il doit être magnifique, ton monde.
J'aimerais bien vivre dans ce monde là. La vie doit y être tellement plus douce.
Qui a dit que la lune était douce et calme ? Ce n'est pas parce qu'elle est silencieuse qu'elle est apaisée. Si elle est si jolie et si lumineuse la nuit, c'est parce qu'elle est endormie. Il faut bien que la lune rêve, aussi.
Le reste du temps, la lune est noire, grise, rouge. Elle tempête, elle crie, elle pleure. La lune est violente, égoïste. La lune est une menteuse.
La lune ment. Elle ment comme le monde, comme le terre, comme les gens. De toute façon, tout le monde ment. Parce que c'est pas possible de faire autrement.
À bientôt, petit soleil
Lune, lune, lune
Qui s'ennuie du monde.
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