Chapitre 25

PDV Akiko

Une semaine avant la rentrée, toute la classe se réunit dans ma chambre, avec Koro déguisé en humain. Il allait nous raconter son passé.

« Dites, vous n'étiez pas un assassin encore meilleur que le Dieu de la Mort par hasard ? J'ai souvent remarqué que vous aviez des compétences d'assassin très développées et qui surpassaient les miennes. Sachant que j'ai réussi à surpasser le Dieu de la Mort, j'en ai déduis que vous étiez encore plus fort que lui avant, je me trompe ?

— Si, ton esprit de déduction est implacable. », confirma Koro. « Mais laissez-moi vous raconter. »

Koro avait grandi en ne croyant qu'en une seule chose : la mort. Ayant grandi dans le pire des bidonvilles, sa seule vérité était « Si on tue quelqu'un, il meurt. ». Il avait donc naturellement choisi la voie de l'assassinat. Il tuait les gens forts par la ruse et les gens intelligents par la force. Son charme lui permettait de piéger ses victimes. Au bout de mille personnes tuées, il gagne le surnom de « Dieu de la Mort », le vrai. Suite à une trahison de son disciple, qui avait ensuite volé son nom et ses techniques, il avait servi de cobaye dans un laboratoire faisant des tests sur l'anti-matière. C'est là-bas qu'il a rencontré Aguri, la soeur de Kayano. C'était la fiancée de celui qui menait les expériences, Yanagisawa. Elle travaillait au labo le soir, après les cours qu'elle donnait à la classe E de Kunugigaoka.

Yanagisawa avait pour but de créer de l'anti-matière dans l'organisme d'un être vivant. Koro avait réussi à manipuler les scientifiques pour obtenir une puissance inouïe grâce aux expériences. Le fiancé d'Aguri était violent avec elle et, selon Koro, cela la dérangeait.

Au fil du temps, ils s'étaient rapprochés, malgré la vitre qui les séparait. Koro avait même empêché Aguri de se faire taper une nouvelle fois avec la technique du clapping visant à paralyser le système nerveux. Koro aidait même Aguri avec les cours pour ses élèves. Il lui expliqua alors comment il s'était retrouvé dans ce laboratoire.

Il avait été persuadé d'être un bon mentor, il l'avait formé et supervisé presque à la perfection. Aguri lui expliqua alors que son disciple avait voulu qu'il le regarde vraiment, dans les yeux, au lieu de simplement le voir.

Elle avait compris qu'elle pouvait être sacrifiée, que le Dieu de la Mort était en train d'être transformé en une chose inhumaine. Cependant, elle ne posait aucune question, et se contentait de passer du temps avec Koro pour apporter un peu de couleurs entre ses expériences. Le Dieu de la Mort montrait enfin son vrai visage à quelqu'un, il éprouvait la joie d'être regardé, comme Aguri le regardait.

Les saisons s'étaient écoulées, et la nouvelle formation de la classe E pénétrait dans les locaux. Deux semaines après, la lune était réduite à un croissant.

Zéro virgule un gramme d'anti-matière suffisait à produire une énergie équivalente à celle d'une bombe atomique. Les multiples expériences sur le Dieu de la Mort transformèrent la composition des tissus, peu à peu, si bien que son corps se transformait en une substance solide et flexible. Yanagisawa nomma ces nouveaux organes "tentacules".

Le Dieu de la Mort savait qu'Aguri était fière de sa petite soeur qui était actrice. Durant un an, ils s'étaient rapprochés et le laboratoire était pour eux un lieu de bavardage. Selon Aguri, s'il avait grandi dans un lieu de paix, il aurait été différent. Il aurait été intelligent, un tantinet cochon, décalé, roublard et entêté et il aurait été capable de sourire pour de vrai.

Un jour, elle a décidé de faire du jour de leur rencontre la date d'anniversaire de Koro, puisqu'il ne la connaissait pas. Ce jour-là, elle lui a offert une grande cravate, bien qu'elle ne pouvait pas lui donner à cause du mur entre eux.

Yanagisawa voulait qu'elle arrête d'enseigner et travaille au labo à temps plein. Aguri pensait que cela valait mieux, car elle n'avait pas réussi à rallumer la flamme dans les yeux de ses élèves, les anciens ou les nouveaux. Mais elle ne voulait pas les abandonner, ils étaient sérieux, intègres et avaient tous leur propre personnalité. Elle voulait leur venir en aide. Elle aimait son métier d'enseignante.

A force de côtoyer Aguri, le sourire de Koro était devenu authentique. Ce jour-là, grâce aux tentacules du Dieu de la Mort, ils s'étaient touchés pour la première fois. Trois heures plus tard, une souris subissant les mêmes tests que Koro dans la base lunaire du laboratoire explosa, détruisant la Lune presque entièrement en libérant son énergie anti-matérielle. Yanagisawa avait donc fait calculer la date à laquelle cela se produirait pour Koro. C'était le treize mars de l'année suivante, le treize mars qui arrivait dans notre temporalité. Ce jour-là, il détruirait la Terre en même temps que lui s'il n'était pas tué avant. Aguri les entendit parler de tuer le Dieu de la Mort avant qu'il ne détruise tout, alors elle est allée prévenir Koro.

Pour lui, ce n'était alors qu'un juste retour des choses compte tenu de son passé. Aguri essaya de le persuader de ne pas abandonner, en vain. Il avait gagné de nouveaux pouvoirs et comptait s'en servir pour se libérer. Cela arrivait plus tôt qu'il ne le pensait mais avec la puissance accumulée, tout irait bien. Il fit ses adieux à Aguri et se libéra, quittant peu à peu son apparence humaine.

Yanagisawa ordonna qu'on l'arrête, qu'on l'abatte. Mais Koro esquivait rapidement et tuait les soldats qui essayaient de l'abattre. Mais le scientifique avait produit des mines-tentacules, dérivées de la production d'anti-matière. Plusieurs transpercèrent le Dieu de la Mort, mais cela ne suffit pas à l'arrêter. Il extermina tous les soldats et creva un oeil de Yanagisawa.

Le labo n'était plus que ruines, mais Aguri réussit à rejoindre Koro. Cela lui était égal de mourir dans cet endroit, puisqu'il mourrait dans un an, dans tous les cas. Et que la Terre disparaisse avec lui l'importait peu. La soeur de Kayano tenta de l'arrêter en enlaçant sa taille pour l'empêcher de partir, car il ne pourrait faire marche arrière ensuite. C'est à ce moment-là qu'il a été capable de voir vraiment Aguri, elle qui l'avait regardé et écouté.

La seconde d'après, Aguri se prenait une mine-tentacule à la place de Koro. Elle tomba et il se déplaça rapidement pour la rattraper. Elle ne savait pas que ce genre de pièges avait été installé. Elle l'avait enlacé, ayant eu l'impression que sa voix seule ne suffirait pas à l'arrêter. Il aurait pu la sauver en la regardant un dixième de seconde plus tôt, et s'il avait exercé ses tentacules à soigner, il aurait pu la sauver. Il avait eu le temps, mais il ne l'avait pas fait.

Il s'est alors demandé pourquoi il n'avait pas mis au service des autres son pouvoir de tuer et de détruire. Pour lui, c'était comme s'il avait tué lui-même Aguri. Elle le rassura, affirmant qu'elle était prête à mourir si cela permettait de sauver le Dieu de la Mort. Il comptait énormément pour elle et, un jour, il rencontrerait quelqu'un qui changerait sa vie. Il était prêt à mourir pour elle, il n'y avait personne comme elle selon lui.

Dans ses dernières minutes de vie, elle lui a demandé de mettre la dernière année qui lui restait au service des autres. Elle voulait qu'il aille faire la classe à ses élèves, trouvant qu'il avait beaucoup en commun avec eux. Comme lui, ils étaient perdus dans les ténèbres. Elle lui dit de les regarder dans les yeux pour voir la lumière. Elle trouvait les tentacules de Koro magnifiques et elle savait qu'il serait un merveilleux professeur pour ses élèves, grâce à eux. C'étaient les derniers mots qu'elle avait prononcé, avant de rendre l'âme.

Le Dieu de la Mort récupéra la cravate offerte par Aguri et comprit enfin : les défauts faisaient partie du charme d'une personne. Il décida alors d'accomplir la dernière volonté d'Aguri et laissa un mot indiquant qu'il voulait devenir le professeur principal de la classe E du Kunugigaoka. Il se promit de ne jamais les abandonner, et c'était là que Kayano était arrivée, et avait vu Koro partir.

Quand ses tentacules lui avaient demandé ce qu'il voulait devenir, il avait répondu qu'il voulait être quelqu'un de faible, quelqu'un avec plein de faiblesses et facile à vivre, capable de comprendre l'être le plus faible, de le protéger, de le guider. C'était le genre de professeur qu'il voulait devenir, celui qui se trompait parfois, qui se montrait dur par moment à cause de son passé, mais qui ferait malgré tout de son mieux. Il comptait déployer toutes ses qualités pour accomplir les aspirations d'Aguri, et c'est comme ça qu'il a prit l'apparence que nous lui connaissions aujourd'hui, la cravate offerte autour de son cou.

Koro conclut son histoire, disant qu'Aguri Yukimura avait joué le rôle de professeur pour lui. Elle traitait les gens comme ses égaux, elle les regardait droit dans les yeux et ne les jugeait pas à cause de leurs faiblesses. C'étaient les bases de l'enseignement qu'Aguri lui avait transmis. En y ajoutant son savoir et son expérience, il était devenu notre professeur. Pour pousser ses élèves à évoluer le plus possible, il avait choisi de former une classe d'assassins pendant les mois qui lui restaient à vivre.

Nous avions tous beaucoup grandi moralement, grâce à lui. Il avait été le meilleur des professeurs pour nous. La demi-heure qu'il avait passé à nous expliquer comment il était devenu notre enseignant nous rappelèrent les moments passés avec lui. Ceux de peur, d'agacement, de bonheur. Ceux de joie... ceux de joie... ceux de joie.

Je sentis le doute s'installait dans les esprits de chacun des élèves, et dans le mien. Devions-nous vraiment le tuer ? Mes amis se rendaient enfin compte ce que cela impliquait de tuer mais, alors que cela avait été pour moi ma réalité depuis quatre ans, je me mettais à douter au même titre qu'eux.

Avant, je m'aurais dit que c'était parce que j'étais faible. Aujourd'hui, je savaus qu'il n'en était rien. J'avais certes mes propres faiblesses, mais les doutes qui me traversaient par moment signifiaient que j'étais humaine. Mais c'était dans ces moments-là que je me maudissais d'être humaine. Etait-ce à nous de le descendre, comme j'avais assassiné tant de gens depuis mes dix ans ? Etions-nous tous prêts à tuer quelqu'un qui avait tant fait pour nous ?

C'était comme si on me demandait de tuer un de mes camarades. Je ne pourrais tout simplement pas, ils m'avait tous apporté quelque chose, et je les aimais. Nous aimions tous Koro, il avait tant fait pour nous. Voulions-nous vraiment le descendre ?

Cette année, le treize mars était le jour de la cérémonie de fin d'année de Kunugigaoka. D'ordinaire, j'aurais ris devant l'ironie de la situation. Notre dernier jour d'école serait le dernier jour de Koro.

La semaine passa. Personne n'avait tenté de tuer Koro pendant cette semaine-là, et Irina venait tous les jours dans ma chambre pour qu'on discute. J'avais besoin de son aide pour me dépêtrer de ces doutes, pour réussir à voir la situation plus ou moins dans sa globalité. Elle m'avait apporté son expérience, ses conseils, sa douceur. Combinés à ma propre expérience, à mes valeurs et aux enseignements que je n'avais cessé de transmettre à Karma puis au reste de la classe, j'avais pu arriver à une vérité qui m'effrayait quelque peu, une vérité que tous rejetteront durant un temps : qu'on le tue ou non, il mourrait. La seule chose qui changeait, c'était le nombre de personnes qui disparaîtraient. Dans un cas, un seul : lui. Dans l'autre, toute l'humanité.

Je ne voulais pas encore faire mon choix, mais cette réalité était désormais ancrée dans mon esprit, comme une marque au fer rouge. Nous étions une équipe, et nous allions décider en toute collégialité.

Le six janvier, la rentrée des classes. Nous étions de retour dans notre bâtiment, et nous entamions le troisième trimestre. Koro voulait qu'on continue de travailler et de tuer dans la joie et la bonne humeur, mais toute la classe était tristement morose.

« La méthode d'assassinat la plus stupide, c'est de se passer totalement de plan, d'agir sous le coup de l'émotion et du désir. Akiko en a fait l'expérience, par deux fois. Kayano l'a également vécu. Même les animaux ne s'abaissent pas à ça.

— Irina... , dis-je doucement.

— Autre méthode aussi insensée : celle qui consiste pour abattre sa cible à tordre le cou à ses émotions. Avec cette méthode, vous perdrez beaucoup en échange de la prime. Je vous parle par expérience, et je suis sûre qu'Akiko pourra confirmer. Réfléchissez bien à ce que j'ai dit. Il s'agit aussi de ne pas tuer l'émotion qui vous est la plus chère, c'est important, croyez-moi. »

Elle sortit, nous laissant seuls. Ce qu'elle avait dit... je m'y retrouvai complètement. Ma carrière d'assassin se résumait à ça, à ces deux méthodes stupides. Quand je n'agissais pas sous le coup de l'émotion et du désir, je tordais le coup à mes émotions pour abattre ma cible. J'enfouissais mes sentiments afin de mieux tuer ma cible. Tout ce que j'avais fait en temps qu'assassin se résumait en un seul mot.

Stupide.

Ces émotions, je les avais mise en bouteilles en pensant que je pourrais mieux les contrôler. Mais elles avaient éclaté avec encore plus de férocité quatre ans après, m'empoissonnant un peu plus chaque jour pendant ce laps de temps.

J'avais encore beaucoup à apprendre, en tant qu'assassin et en tant que personne. Irina avait raison : on devait réfléchir à ce qu'on voulait faire. On devait tous le faire.

C'est pourquoi Nagisa réunit toute la classe après les cours. Il nous annonça que, bien qu'il ne savait pas si c'était faisable, il voulait savoir ce que l'on en pensait. Il voulait trouver un moyen pour sauver Koro.

Sauver ce poulpe... cette histoire allait bien au-delà de cette classe. Même si on trouvait le moyen pour qu'il n'explose pas, Koro mourrait quand même. C'était un fait, évident pour moi mais pas pour les autres.

Le sauver ? Really ?

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