PDV Akiko

Peu de temps après, de retour en classe, rien n'avait changé. Enfin presque. Entre deux heures de cours, mes camarades voulaient que je chante un peu pour eux. Même si je ne voulais pas, Karma intervenait à chaque fois et réussissait à me convaincre. J'aimerais bien savoir comment il fait...

On s'en fiche de comment il fait. Continue à jouer la comédie pour endormir sa vigilance ! L'heure de la vengeance a bientôt sonné.

Une vague de haine et de rage monta en moi, mais je réussis à la calmer. Cette voix dans ma tête, qui était comme ma conscience pour moi, avait raison. Je ne pouvais pas abandonner ma vengeance, je ne pouvais pas tourner définitivement la page sans me venger avant.

« Chers élèves, le grand jour va bientôt arriver. Ce sera l'apogée de cette année, la bataille scolaire décisive. J'imagine que certains d'entre vous visent la première place, n'est-ce-pas Karma et Akiko ? »

Karma me fit un clin d'oeil et je lui souris. Oh oui, je ne vais pas me gêner pour occuper la place du champion.

« Lors des premiers partiels, je vous avais fixé pour objectif de terminer dans les cinquante premiers. Je tenais à vous présenter mes excuses à ce propos, je vous ai mis trop de pression et j'ai mal jugé la détermination de nos adversaires. Toutefois, les choses ont changé. Vous avez tous mûri intellectuellement et psychologiquement. Vous êtes maintenant capables d'atteindre cet objectif malgré les embûches. Je suis persuadé que vous finirez tous dans les cinquante premiers, que vous pourrez tous retourner dans le bâtiment principal et que vous serez enfin libérés à jamais de la classe E.

— Ce ne sera pas aussi simple que vous l'imaginez. Il parait que la classe A a un nouveau professeur principal. Et vous ne devinerez jamais qui c'est... c'est le proviseur Asano, fit Sugino.

— Je vois, donc il a décidé de passer aux choses sérieuses.

— Il va leur faire subir un vrai lavage de cerveau. », soupira Kayano. « Il est persuasif, charismatique, il manipule les gens et arrive toujours à ses fins. Et il enseigne à toute vitesse, il paraîtrait qu'il pourrait lui aussi se déplacer à mach 20.

— Ce sont des sottises. Arrêtez de vous démoraliser. Ils font peut-être partie de « l'élite », et j'émets de grandes réserves à ce sujet d'ailleurs, mais nous sommes des assassins, non ? Nous sommes une équipe d'assassins. Ensemble, on y arrivera, comme un ensemble de notes forme une belle mélodie. On peut y arriver ! , souris-je.

— Tu sors de plus en plus d'expressions en lien avec la musique. C'est la fête de l'école qui t'a fait cet effet-là ? Tu es beaucoup moins réticente à ce qu'on parle de ta voix, fit remarquer Nagisa.

— Bah, en même temps, j'ai chanté devant des centaines et des centaines de personnes en l'espace de deux jours. C'est normal que je sois moins réservée à ce sujet. Je n'ai plus aucune raison de vous cacher que j'aime bien chanter et jouer de la musique. », répondis-je. « Enfin bref, on va atteindre cet objectif, je vous le garantis. Karma, tu ne vois pas d'inconvénients à ce qu'on annule nos soirées devoirs et jeux vidéos pendant un temps ?

— Qu'est-ce-que tu as en tête ?

— On va tous réviser chez moi, dans le salon. Je suis sûre qu'Irina sera d'accord. On sera installés plus confortablement que dans ce bâtiment, et on pourra mieux se concentrer. En plus, je veux vous montrer ce que j'ai fini pour Ritsu hier. »

A la fin des cours, on partit donc tous en même temps en discutant du fait que Koro et Asano senior se ressemblaient un peu dans un certain sens : ils avaient des capacités hors normes mais on choisit d'être de simples profs. Asano senior aurait pu devenir un magnat de la finance ou Premier ministre avec son intelligence, mais à la place, il se consacrait à son système éducatif dans son école. Vu sous cet angle, c'était normal qu'il soit redoutable.

« Regardez, c'est Asano. », fit remarquer Kayano.

Asano junior était accoudé contre un mur.

« Qu'est-ce-que tu fais là encore ? Tes copains sont trop occupés pour nous espionner à ta place ? », fit Sugino.

Asano se décolla et nous fit face. Ce qu'il s'apprêtait à dire sembler lui écorcher la gorge.

« Je ne le dirai qu'une seule fois, alors écoutez. Je suis venu vous demander un service.

— Môsieur Gakushû Asano vient demander de l'aide à nous, les « épaves » de la classe E. Quelle honneur ! », ironisai-je.

Karma me sourit et je cognai mon poing contre le sien. Asano serra la mâchoire. Tiens ? Il ne compte pas répondre à ma provocation ?

« Je préfère aller droit au but. Le proviseur est un monstre. Je vous demande de l'éliminer. Bien entendu, je ne suis pas en train de vous demander de le tuer physiquement. Je veux que vous le détruisiez mentalement, que vous éliminiez son système pédagogique. Le fait que Sato soit première au niveau nationale à deux reprises alors qu'elle est en E l'a beaucoup ébranlé.

— Eliminer son système ? Et comment ? , demanda Yada.

— C'est très simple. Lors des prochains examens, je voudrais que les élèves de votre classe occupent le haut du classement. Bien sûr, c'est moi qui occuperait la première place...

— Tu y crois encore ? Je vais affirmer mon pouvoir Asano, ne compte pas terminer premier tant que je serai en vie, je n'ai aucune intention de descendre de ce trône que tu affectionnes particulièrement.

— ... mais comme je suis un des Cinq Prodiges, cela ne surprendra absolument personne. », continua-t-il en m'ignorant. « Vous par contre, vous êtes des déchets. La classe des épaves. Alors si vous surpassez la classe A, cela démoralisera le proviseur.

— Dis Asano, tout le monde sait que tu as une relation très compliquée avec ton père. Mais quand même, t'as vraiment l'intention de détruire l'oeuvre de sa vie ? Est-ce-que tu ne fais pas ça pour qu'il te remarque ? , voulut savoir Kataoka.

— Non, ce n'est pas ça du tout ! Si vous voulez savoir, mon père serait ravi que je le détrône ! En fait, il m'a élevé dans ce seul but, et espère qu'un jour je pourrais le dépasser. Il est mon maître et je suis son élève, c'est ça notre relation. Néanmoins, je ne souhaite à personne de subir son enseignement. Si on n'a pas été élevé par cet homme dès l'enfance, ses cours sont une vraie torture. Il pousse ses élèves à haïr la classe E, et il utilise cette haine pour les motiver à se surpasser.

— Ouais, c'est très courant. C'est en utilisant ma haine envers quelqu'un que j'ai pu atteindre ce niveau scolaire, remarquai-je.

— Oui, mais tu l'as choisi, non ? , insista Asano.

— Si on veut. Mais je t'accorde le fait que c'était bien plus choisi que pour les élèves de ta classe.

— Ils ne doivent pas gagner de cette façon. Parce que sinon, toute leur vie, ils ne croiront en rien d'autre qu'en la haine. Haïr son ennemi, le mépriser, le tromper, maintenant, je sais que cela ne suffit pas pour gagner. Sous-estimer ses adversaires peut même être fatale. Les quatre autres Prodiges iront sûrement dans le même lycée que moi, mais mon père les a transformé en vulgaires pantins. Et je ne veux pas d'une bande de zombies comme camarades. C'est pour ça qu'il faut les battre, je pense que cela leur ouvrirait les yeux. Alors, s'il vous plaît, faites-leur goûter à la défaite et montrez à mon père combien il a tord. »

Il s'inclina. Il n'avait pas cherché à cacher son orgueil ou son mépris pour nous et, dans un sens, c'était une preuve d'honnêteté. Malgré son orgueil, il était venu demander de l'aide à ses rivaux. S'il s'abaissait à faire ça, c'est qu'il s'inquiétait pour ses camarades. Il en devenait presque humain, ce petit prétentieux.

« Hé, Asano, oublies tes copains, c'est pour toi que tu devrais t'inquiéter ! , fit Karma avec un sourire carnassier.

— Karma et moi, on compte bien te cramer la première place au classement, comme nous l'avons fait aux partiels ! », ajoutai-je avec le même sourire. « On te l'a déjà dit : nous et les autres, on a jamais prévu d'y aller doucement avec ta classe.

— On finira premiers du classement et nos camarades seront juste derrière nous, pas vrai Akiko ?

— Oui. Il aura de la chance d'arriver à la dixième place. »

Terasaka essaya de faire le malin à propos des examens où Karma avait chuté du classement, mais le rouge lui donna un coup dans le ventre pour le faire taire.

« Ecoute Asano, je ne sais pas ce qu'il en était au début de l'année, mais depuis que je suis là, ils ont toujours donné leur maximum.

— Et on fera pareil cette fois-ci. », confirma Isogai. « S'il y a une chose que nos classes ont en commun, c'est la motivation. On est contents quand on gagne, on a la rage quand on perd. Mais sinon, on s'en fiche du classement. L'essentiel, c'est qu'on fasse de notre mieux. Nous, la classe E, on a travaillé dur cette année. Maintenant, on peut rivaliser avec vous et deux des nôtres peuvent rivaliser avec toi. On est devenus vos égaux.

— En revanche, Karma et moi, on veut que, de ton côté, tu donnes le maximum toi aussi.

— Fais comme si tu voulais nous tuer. Sinon, ce sera beaucoup moins marrant de te battre. », termina Karma.

Asano esquissa un sourire arrogant.

« Très intéressant. Puisque vous insistez, je ne ferai pas de cadeaux, moi non plus.

— Ce n'est pas un peu ce que tu faisais déjà ? », minaudai-je.

Sur ces dernières paroles, on partit tous vers chez moi. Irina avait déjà installé un coin confortable pour toute la classe, pour qu'on puisse travailler. Je les laissai s'installer et descendis dans mon labo (on a vraiment tout dans cette maison) avant de remonter avec un robot humanoide avec la coupe de Ritsu.

« Qu'est-ce-que c'est ? , demanda Kayano.

— J'ai fabriqué un corps à Ritsu, afin qu'elle ne reste plus à l'écart de tout ce qu'on fait. Je l'ai essayé hier et ça fonctionne, regardez. Ritsu, tu veux bien venir dans ton corps ?

— Tout de suite. »

Quelques secondes après, le robot ouvrait les yeux. C'était tellement réaliste qu'on aurait pu la confondre avec un humain, et elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à sa version digitale.

« Le mieux, c'est qu'elle est toujours connectée à son corps principal, dans la classe. Elle a donc toujours accès à ses armes, et elle peut passer d'un corps à l'autre sans soucis. Par contre, son corps ne résiste pas encore assez pour qu'elle puisse l'utiliser pour assassiner. Je voulais le finir pour les examens, mais il est encore en phase de test alors cela devra attendre. Mais je voulais absolument vous montrer le prototype.

— Incroyable !

— Oui. Itona m'a aidé sur ce coup-là. Après les exams, on continuera à travailler dessus. Maintenant, révisons ! »

Les jours ont passé. On travaillait d'arrache-pieds et les clones de Koro m'enseignait déjà les programmes d'université, ainsi qu'à Karma. Il se donnait à fond, au point que ses clones faisaient de drôle de têtes. Tous les jours, on faisait la même chose : révisions intenses à l'école, arrivée chez moi, petit encas pour reprendre des forces et révisions intensives tous ensemble.

Le grand jour finit par arriver.

On allait dans notre salle quand on vit les A ressemblant à ses zombies, enfermés dans leur salle.

« Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils sont très motivés. Karma, Akiko, vous pourrez les battre ?

— Tu veux quelle réponse ? Franche ou assurée ? , dis-je.

— Euh... ça va Akiko ? , me demanda Karma.

— Oui très bien. Ce que je veux dire c'est que, oui, on peut les battre. Mais on ne sait pas vraiment ce qu'il y aura aux examens, ni ce qu'Asano senior leur a appris. On pourrait tomber sur un gros pépin. En plus, Asano junior va tout faire pour nous battre, alors ce sera serré.

— Akiko, grâce à Koro, nous avons le niveau d'élèves d'université. On va s'en sortir, me rassura le rouge.

— Je suppose que tu as raison.

— Un petit défi, cela te motiverait ?

— C'est-à-dire ?

— Celui ou celle qui a le meilleur classement paie une sortie à l'autre. Le gagnant choisira où aller. Cela te va ? , proposa Karma.

— Tu veux perdre ou quoi ? Je marche ! »

Il sourit et on entra en salle. On s'installa, prêt à démarrer les examens. L'épreuve d'anglais commença.

Mon stylo courut sur la feuille. Bien que plus compliqué que le dernier, le sujet restait plutôt simple pour moi, grâce à nos révisions et à Koro. Je pus donc terminer avant la fin du temps imparti, contrairement au reste de la classe. Ils étaient déjà épuisés alors que ce n'était que la première épreuve. Je reconnais que la compréhension orale était plutôt complexe, je pense que même Irina n'aurait pas tout compris. Mais le principal était de comprendre le sujet central. Avec les connaissances, on pouvait ainsi réussir à décoder le reste.

La deuxième épreuve, S.E.S. . Vu le niveau des questions, je m'estimais vraiment chanceuse d'avoir une telle avance sur les autres, même si cela me demanda un peu de réflexion pour certaines questions.

Après une petite pause où je réussis à remotiver un peu les troupes, l'épreuve de sciences eut lieu. On avait observé les A à la pause, ils se jetaient sur leurs copies comme des bêtes enragés. La haine était vraiment plus motivante que ce que la plupart pensaient.

La suivante fut japonais, puis maths. Les questions étaient nombreuses et difficiles, même pour moi, cela me demandait quelques secondes de réflexions pour certains points.

L'avant-dernier problème concernait une suite par récurrence, quelque chose qui était au programme des premières. Mais l'arme secrète que nous avait expliqué Karma, qui résidait en une seule formule, allait être salvatrice pour les autres élèves, j'en étais certaine.

« Bon, le dernier problème. »

Je levai légèrement la tête et pris une profonde inspiration. Je croisai le regard de Karma, qui me souriait. Ses yeux ocres semblaient me souhaiter bonne chance. Je lui fis un clin d'oeil et lui souris en retour, avant qu'on ne retourne sur nos copies.

« A nous trois Asano. On va te démolir ! »