XVI - Rêves sans douceurs.
Les murmures s'interrompirent brusquement lorsque Harry, Ron et Hermione firent irruption dans la Salle sur Demande et chacun orienta son regard en direction du trio, attendant avec impatience les directives du Survivant pour cette nouvelle séance d'entraînement de l'Armée de Dumbledore. La jeune fille fut surprise de voir autant de monde présent ce soir-là, puisqu'après concertation, ils avaient décidé qu'ils pouvaient encore accueillir quelques volontaires. Sauf qu'elle ne s'était pas attendue à ce qu'il y ait une dizaine de personnes en plus.
Un sourire fugace se dessina sur les lèvres de Harry, qui fit un pas de plus en avant pour faire face à la foule de ses camarades. L'appréhension du premier jour avait laissé place à l'excitation, et il avait très envie d'entendre la réaction de ses amis lorsqu'il leur apprendrait la leçon du jour. Le renvoi du professeur Trelawney lui avait fait revoir l'ordre de ses priorités et il estimait qu'il était temps pour eux d'apprendre des sortilèges de défense. Des vrais, aurait sûrement dit Zacharias Smith s'il avait été là mais Harry ne le repéra nulle part dans la salle.
―La séance du jour portera sur le sortilège du patronus, que beaucoup d'entre vous ne connaissent que de nom. C'est une formule qui permet de tenir éloignés les Détraqueurs en invoquant nos souvenirs heureux.
Des sourires apparurent sur les visages rayonnants de leurs camarades alors qu'ils échangeaient des regards ahuris. Eux qui avaient cru devoir encore s'entraîner quelques temps sur le sortilège de désarmement, voilà que Harry leur faisait une bonne surprise.
―Bien sûr, continua-t-il précipitamment en levant la main, c'est un sort très difficile. Il vous faudra du temps pour le lancer correctement. Même moi je n'ai pas réussi du premier coup.
―Ne dis pas ça, Harry, lança George avec un sourire amusé, je suis sûr qu'Hermione y parviendra elle.
La jeune fille leva les yeux au ciel sous les rires de leurs camarades. Certes, elle était la première à se vanter de ses capacités magiques, désireuse de prouver que les nés-moldu comme elle pouvaient être aussi doués que les autres, mais elle savait pourtant que ce sortilège là était très complexe. Elle avait passé plusieurs heures à la bibliothèque avant de venir, dans l'espoir d'en apprendre plus, mais les écrits qu'elle avait lus expliquaient qu'il fallait surtout faire confiance à son instinct. Et ne pas se laisser déstabiliser par de nombreux échecs.
―Quoi qu'il en soit, ajouta Harry, la priorité du jour est de trouver un souvenir heureux qui vous permettra d'invoquer votre patronus. Ainsi, vous serez protégés contre les Détraqueurs s'ils devaient un jour croiser votre chemin.
Cette idée donna la nausée à Hermione. Bien sûr, elle avait déjà fait la connaissance de ces ignobles créatures. Plusieurs fois même, mais jamais elle n'avait été confrontée à leur noirceur et à leur soif intarissable de souvenirs. Et elle espérait qu'il en resterait toujours ainsi, mais Harry avait raison. Mieux valait être préparé que sombrer dans la folie la plus profonde.
―Je passerai voir chacun d'entre vous si vous avez besoin, acheva le garçon.
Quelques groupes se formèrent, mais Hermione préféra rester seule dans son coin. Elle ne fuyait personne non, mais elle avait besoin de réfléchir au souvenir qu'elle allait utiliser pour jeter son sortilège. Et ce n'était pas évident pour elle, puisque la mort de ses parents était encore très présente dans son esprit.
Un mois était passé depuis la mort de Mr et Mrs Granger, pourtant la jeune fille avait parfois l'impression que c'était hier que Molly Weasley lui avait envoyé cette lettre qui avait à jamais changé sa vie. La douleur était là, bien présente au fond de son cœur, lui rappelant sans cesse que la vie était courte et que jamais plus elle ne reverrait les visages souriants de son père et de sa mère. Le temps avait fait son œuvre, et il lui arrivait souvent de penser à eux sans verser la moindre larmes, mais la balance penchait toujours du mauvais côté, et une seule parole, un seul geste pouvait à tout moment la faire sombrer de nouveau.
Plusieurs souvenirs lui revinrent en mémoire, des moments heureux de son enfance, passée auprès de parents aimants en dépit d'une absence croissante du fait de leur travail intense au cabinet. Elle se revit petite, assise à l'ombre d'un parasol, les pieds trempant dans la Méditerranée, alors que sa mère lui faisait la lecture et que son père lui construisait le plus grand château de sable du monde. Un sourire illumina son visage, et elle laissa les souvenirs envahir sa tête de longues minutes.
Elle avait finalement trouvé celui qui lui correspondait le mieux lorsqu'Harry s'approcha d'elle, une lueur inquiète dans le regard, qu'elle s'empressa de chasser en lui souriant joyeusement.
―J'ai trouvé, Harry ! s'exclama-t-elle en se relevant.
Un sourire se dessina sur les lèvres du brun à lunettes qui lui conseilla de répéter plusieurs fois la formule magique avant de tenter quoi que ce soit avec sa baguette. Hermione obtempéra, et allait se mettre à la tâche lorsqu'elle remarqua l'air absent de son meilleur ami, dont les yeux étaient posés sur une élève de Serdaigle qu'elle reconnut facilement.
―Tu devrais aller la voir, souffla-t-elle à son oreille.
―Quoi ? sursauta Harry.
Un léger rire s'échappa des lèvres de la jeune fille qui désigna Cho d'un signe discret de la tête.
―Tu en as tellement envie, ajouta-t-elle.
―Pas du tout ! protesta Harry en rougissant.
Mais le mal était déjà fait. Hermione le fixa quelques secondes en souriant avant de le pousser doucement vers la fille qui faisait battre son cœur. Ses lèvres s'étirèrent encore plus lorsqu'elle constata que Cho semblait attendre la venue de Harry avec impatience.
―Il y est enfin allé ? commenta Ron en se postant aux côtés de la Préfète. C'est pas trop tôt !
―Il faut lui laisser le temps, répondit-elle en fixant toujours ses deux camarades.
―Comme Fred et toi ?
Hermione rougit jusqu'à la racine des cheveux en croisant le regard dépourvu de la moindre expression de son meilleur ami. Alors, voilà, ils y étaient. Au moment où il leur faudrait parler de la relation grandissante entre la jeune fille et le frère du rouquin. Elle ne savait pas vraiment trop à quoi s'attendre, ayant toujours eu peur d'une réaction excessive de la part de Ron, mais il se contenta de la fixer de nombreuses secondes avant de hausser des épaules.
―Si t'es heureuse, lâcha-t-il avec désinvolture.
―Je le suis, confirma Hermione.
Ron lui sourit doucement.
―Si jamais il te fait du mal, je... commença-t-il d'un ton menaçant mais une voix amusée l'interrompit brutalement.
―Tu quoi ? demanda Fred en approchant.
Il n'avait pas pu s'empêcher d'écouter la conversation entre les deux amis lorsqu'il avait vu Ron rejoindre Hermione. À vrai dire, il avait passé les minutes précédentes à observer la jeune fille assise dans son coin, perdue dans ses pensées, craignant qu'elle ne se mette soudainement à pleurer, car il savait qu'en cet instant, elle pensait à ses défunts parents. Cela avait beaucoup amusé George et Lee qui l'avaient charrié comme des ingrats, le mettant terriblement mal à l'aise. Alors, quand Ron était venu rejoindre son amie et qu'il l'avait vu rougir, il s'était approché, se doutant qu'il était le sujet de leur discussion.
Un sourire malicieux naquit sur les lèvres du septième année, arrachant un rire à Hermione.
―Tu comptes me faire quoi, Ronnie ? répéta-t-il alors que George s'approchait à son tour, amusé de la situation.
―Te casser la gueule, marmonna Ron en fusillant son frère du regard.
Les jumeaux éclatèrent joyeusement de rire avant de se taper le poing. Hermione leva les yeux au ciel, ne pouvant s'en empêcher.
―Et je lui filerai un coup de main, ajouta sournoisement George à l'intention de son jumeau.
―Eh ! s'indigna Fred en écarquillant des yeux. Tu ne peux pas me faire ça à moi !
―Bien sûr que si, répliqua l'autre en entourant les épaules de la jeune fille d'un air protecteur. Je suis ton jumeau, alors j'ai tous les droits. Et Hermione fait partie de la famille maintenant, c'est comme ma petite-sœur.
―Tu montes tout le monde contre moi ! accusa ouvertement Fred en fixant Hermione, une lueur amusée dans le regard.
Celle-ci ne put retenir un rire, auquel se joignirent rapidement ceux de George et Ron alors que le troisième faisait semblant de bouder. Un instant, elle songea à aller l'embrasser, sachant pertinemment que c'était le moyen le plus efficace pour que Fred retrouve le sourire, mais la présence des autres élèves autour d'eux la dissuada de faire le moindre mouvement. Elle se demanda même si elle serait un jour capable de se détacher autant des qu'en dira-t-on. Sa bonne humeur s'envola légèrement et elle jugea préférable de se pencher vers l'apprentissage du patronus, trouvant que la discussion devenait bien trop envahissante. Plusieurs regards étaient tournés vers eux, fixant avec ébahissement le bras de George sur ses épaules.
―Pendant que vous continuez à vous chamailler, moi, je vais travailler, lança-t-elle en s'éloignant.
Une trentaine de minutes plus tard, Harry annonçait la fin de la séance, estimant qu'ils avaient tous bien travaillé et qu'ils avaient droit à une soirée de repos bien méritée.
Hermione fut une des premières à quitter la pièce, en compagnie de Ginny, qui était d'une humeur massacrante. La plus âgée comprit rapidement la raison du mal être de sa meilleure amie, mais pudique, elle n'osa pas aborder le sujet, estimant que la rouquine le ferait une fois qu'elle serait totalement prête. Pour s'être retrouvée plusieurs fois dans cette situation, elle savait que la solitude était le meilleur allié. Le soutien de ses amis aussi, mais l'acceptation de la situation était une phase primordiale avant de trouver le courage nécessaire pour se confier à autrui.
Elles s'installèrent en silence à la table des Gryffondor, dans une Grande Salle encore assez vide. La colère de la rouquine était palpable, si bien que plusieurs de leurs camarades lui jetèrent un regard étonné avant d'aller s'asseoir à leur tour, le plus loin possible des deux jeunes filles. Ginny était réputée pour être très douée en Sortilèges et sa démonstration du Chauve-Furie sur Pansy Parkinson était encore bien présente des les esprits de chacun.
Hermione attendit quelques minutes avant de trouver le courage de prendre la parole. Elle réfléchit à plusieurs façons possibles pour aborder le sujet, mais elle savait que Ginny ne serait pas dupe et refuserait catégoriquement de se confier à elle. Du moins, pas tant qu'elle serait animée par cette colère noire qui vivait en elle depuis des années. Un des aspects contraignant de l'adolescence, songea la Préfète en prenant une profonde inspiration alors que Ron et Harry rejoignaient leurs camarades de dortoir après qu'elle leur signifia d'un seul regard qu'ils n'étaient pas les bienvenus.
―Ginny... commença-t-elle d'une voix tremblante en s'efforçant de plonger son regard dans celui de sa meilleure amie qui gardait obstinément la tête baissée. Est-ce que tu veux...
―Pas maintenant, Hermione, se contenta de répondre sèchement la rouquine sans lui accorder un seul regard. Je ne suis pas d'humeur à discuter pour le moment.
―Plus tard ? proposa-t-elle, pleine d'espoir.
―On verra, bougonna Ginny d'un ton toujours aussi revêche.
Cela mit un terme à leur conversation. L'âme en peine, Hermione acheva son repas et profita d'un peu de temps libre pour se rendre à la bibliothèque et emprunter tout un tas de livres portant sur le charme du Patronus. C'était un sortilège complexe qu'elle souhaitait apprendre par-dessus tout, depuis que Harry lui en avait fait l'impressionnante démonstration il y a trois ans, et elle avait été très déçue en apprenant qu'il ne serait pas au programme cette année, elle qui se faisait une joie de l'étudier.
Mrs Prince ne parut pas franchement ravie de la voir, puisqu'elle était sur le point de fermer la pièce à clés, mais consentit néanmoins à la laisser récupérer les ouvrages qu'elle demandait, lui stipulant fermement de les rendre le plus tôt possible. Hermione acquiesça avant de remonter à la salle commune des Gryffondor, songeant déjà avec plaisir aux longues heures de lecture qui l'attendaient, après les devoirs qu'elle comptait faire pour prendre de l'avance.
Elle ne fut guère surprise en constatant que malgré l'heure tardive, la pièce était encore bondée. Un groupe d'élèves de deuxième année avait investi les canapés et s'amusaient à des jeux de sociétés au coin du feu, sous les regards noirs des élèves installés sur les tables, furieux que les rires de leurs camarades viennent perturber leur concentration. Hermione prit place près d'eux, remarquant du coin de l'œil que ses meilleurs amis se trouvaient en compagnie des jumeaux Weasley et leurs condisciples. Elle hésita à les rejoindre, surtout après avoir constaté que Ginny se trouvait parmi eux, avant de renoncer à le faire, soucieuse de pouvoir prendre de l'avance sur ses devoirs.
Les Runes Anciennes était une des matières qu'elle préférait le plus mais qui lui causait aussi le plus de difficultés, ce dont elle ne parlait jamais à ses amis, bien trop gênée qu'ils puissent rire de son problème. Oh bien sûr, elle admettait facilement lorsqu'elle avait tord sur quelque chose, mais les études, c'était complètement différent. Il s'agissait de son repère, de son passe-temps, de sa passion, et cela lui avait valu le statut de meilleure élève de l'école. On disait même qu'elle était en bonne position pour détrôner Albus Dumbledore qui, élève ici aussi, avait obtenu les meilleures notes aux ASPIC, examens de fin d'année pour les étudiants de septième année. Son objectif à elle, pour le moment, était d'obtenir ses BUSE, qu'elle passerait en fin d'année, et il était impératif qu'elle se montre attentive durant les prochains mois.
Plongée dans son travail, elle ne se rendit pas compte que la pièce était peu à peu en train de se vider. Les élèves, tombant de fatigue, abandonnaient pour la plupart des dissertations non achevées sur la composition complexe d'une potion, les détails d'une guerre gobeline remontant à plusieurs siècles. Le silence reprit peu à peu ses droits, plongeant la pièce dans une atmosphère austère qui n'atteignit même pas la jeune fille, qui sursauta vivement lorsque minuit sonna sur l'énorme horloge de l'école.
Ses yeux scrutèrent la pièce à la recherche d'un élève, mais elle se trouvait définitivement seule. Un soupir de lassitude lui échappa et elle agita une dernière fois sa baguette au-dessus de son devoir de sortilèges, pour faire sécher l'encre plus rapidement avant de s'approcher doucement de la cheminée, dans laquelle brûlait encore un bon feu. Elle se laissa lourdement tomber sur un fauteuil et se massa les temps, espérant faire disparaître la migraine qui commençait à prendre place dans sa tête.
Elle resta ainsi quelques instants avant de décider de rejoindre son dortoir. Elle était en train de ranger ses cours lorsque des bruits de pas se firent entendre dans les escaliers, attirant son attention. Son regard s'illumina lorsqu'elle croisa celui, plus moqueur, de Fred.
―Hermione, lança-t-il sans paraître étonné toutefois, la voix légèrement rauque, les cheveux ébouriffés.
―Fred, répondit-elle avec un léger rire.
Durant de longues secondes, ils se fixèrent, comme s'ils ne croyaient pas vraiment se trouver face à l'autre. Puis un sourire naquit peu à peu sur les lèvres du rouquin qui attrapa sa main pour les conduire sur le fauteuil où elle se trouvait quelques instants plutôt. Hermione essaya de ne pas rougir lorsqu'il la fit asseoir sur ses genoux, entourant sa taille de ses bras musclés.
―Tu ne devrais pas être en train de dormir ? le questionna-t-elle.
―Ce devrait être effectivement le cas, grogna-t-il. Mais entre Lee et mon frère qui n'arrêtent pas de ronfler, j'ai bien du mal !
―Alors tu t'es dit que tu pourrais tranquillement finir ta nuit sur le canapé... acheva-t-elle avec un rire.
―C'est ça, confirma Fred. Sauf que tu es là.
―Qu'est-ce que ça sous entend ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils, plongeant son regard dans le sien.
Pour toute réponse, le rouquin déposa ses lèvres sur les siennes, et instantanément, Hermione oublia tout ce qui n'avait pas un rapport avec le garçon en train de l'embrasser, ses mains caressant doucement ses bras, sa taille, ses épaules. Elle s'était rendue compte que les baisers du garçon avaient cet effet-là. C'était très... déroutant, dérangeant, et incompréhensible. Se rendait-il compte de l'impact que cela avait sur elle ? Elle avait essayé de le lui dire plusieurs fois, mais le courage lui manquait à chaque fois. C'était bien trop intime pour en parler. Même à...
Son petit-ami.
―Que je remercie mon frère de ronfler aussi fort, répondit-il après s'être légèrement éloigné.
Hermione sourit avant de laisser tomber sa tête sur l'épaule du garçon, respirant son odeur sucrée de réglisse qu'elle appréciait de plus en plus. En l'espace de quelques mois, Fred était devenu vital à sa vie. Sa présence réconfortante, son soutien sans faille après la mort de ses parents, lui avait permis de remonter doucement la pente. Pour retrouver sa joie de vivre. Le bonheur. Redevenir cette fille insouciante qui se cachait derrière ses cheveux hirsutes. Le chemin serait encore long avant qu'elle accepte totalement le fait que ses parents ne seraient plus jamais présents pour elle. Il lui arrivait parfois de se réveiller en sursaut la nuit, après avoir rêvé d'eux, le visage ruisselant de larmes. Alors que parfois, elle laissait les souvenirs l'envahir, lui arrachant des sourires nostalgiques.
Bien sûr, Harry et Ron, ainsi que le reste de la famille Weasley étaient constamment présents pour elle, mais Fred était devenu son pilier. Son ancrage à la vie réelle. Son sourire, la lueur malicieuse dans ses yeux, ses blagues vaseuses, tout ce qui faisait de lui le garçon qu'il était, était son point de repère. Sans lui, elle se serait perdue. Et Hermione Granger serait morte en même temps que ses parents.
―À quoi penses-tu ? lança-t-il soudainement, rompant le silence de la pièce.
Un instant, Hermione ferma les yeux, se remémorant le souvenir bienveillant de sa mère avant de répondre au garçon dont elle ne pouvait voir le visage.
―À mes parents, répondit-elle doucement.
Elle n'eut pas besoin de voir pour savoir qu'une lueur de compassion venait d'apparaître dans les prunelles du rouquin. Comme chaque fois qu'elle évoquait Mr et Mrs Granger en sa présence. Elle se doutait qu'il craignait qu'elle se mette brusquement à pleurer. C'était arrivé plusieurs fois mais à présent, Hermione essayait de toutes ses forces de laisser la peine enfouie au plus profond d'elle-même.
―Ils me manquent tellement, avoua-t-elle en fermant les paupières.
Elle sentit les mains du rouquin se resserrer un peu plus autour de sa taille, lui arrachant un sourire attendri. Ce côté protecteur de Fred... elle n'y avait jamais fait attention auparavant. Quand il veillait sur Ginny, cela finissait généralement en dispute puisque les jumeaux estimaient de leur devoir de maintenir une surveillance constante sur leur petite sœur, au grand désarroi de celle-ci qui n'attendait qu'une chose : pouvoir vivre une vie normale d'adolescente sans avoir ses frères constamment sur le dos.
Mais à présent que leur relation avait pris une tournure bien différente, elle se rendait compte que cet aspect-là du garçon était attendrissant. Rassurant de savoir qu'il ne la laisserait pas tomber comme une vieille chaussette dans les moments difficiles. Qu'elle pourrait toujours compter sur lui, son soutien, sa présence.
―Je suis sûr qu'ils sont extrêmement fiers de toi, souffla-t-il doucement à son oreille, lui arrachant un frisson.
―Je sais. Mais ça ne remplace pas leur absence.
L'énoncer à haute voix était encore plus difficile qu'elle ne le pensait. Le temps faisait son travail, apaisant la douleur, la rendant plus supportable, mais il n'en restait pas moins que c'était une évidence difficile à admettre pour une adolescente de quinze ans. Bien sûr, elle pouvait compter sur Mr et Mrs Weasley qui étaient devenus ses tuteurs légaux jusqu'à qu'elle ait atteint l'âge adulte chez les moldus, mais l'amour qu'ils lui portaient n'était en rien comparable à celui de ses parents.
―Rien ne les remplacera jamais, promit Fred. Personne ne prendra leur place dans ton cœur.
Hermione sourit de nouveau avant de lâcher un discret soupir de soulagement. Après l'enterrement de ses parents, elle avait craint que le monde dans lequel elle grandissait ne devienne trop obscur et dangereux, dénué de lumière, d'amour et d'amitié. Sauf qu'elle s'était trompée.
[...]
La bibliothèque était déserte, ce qui n'avait rien d'étonnant à une heure aussi tardive de la soirée, pourtant, Mrs Prince, assise derrière son bureau, ne semblait nullement pressée de partir, au grand ravissement de la jeune fille assise à une table en bois, feuilletant une dizaine de livres à la fois, les sourcils froncés, signe d'une grande réflexion.
Hermione avait passé une majeure partie de l'après-midi à faire des recherches sur le lien unissant son meilleur ami au plus puissant mage noir de tous les temps, espérant secrètement trouver ne serait-ce qu'un indice relatant de la complexité de ce rapport. Elle n'avait jamais entendu parler d'un pareil phénomène dans le monde sorcier. Cela n'avait rien d'étonnant en soi, puisque Voldemort n'était pas un sorcier ordinaire, mais elle avait cru que cela avait déjà pu se produire quelque part. Sans grand résultat pour le moment.
Mais elle ne désespérait pas. Surtout pas maintenant que le rêve d'Harry se faisait de plus en plus puissant. Il n'avait pas changé, la scène était toujours la même, mais son intensité augmentait à chaque fois, et tous les matins, ils retrouvaient leur meilleur ami plus fatigué et accablé que jamais. La détérioration de son état de santé inquiétait beaucoup la Préfète qui lui avait à plusieurs reprises conseiller d'en parler à Dumbledore, en dépit de l'ignorance qu'il avait à l'égard de lui, mais Harry s'y était refusé à chaque fois. Même en parler à Sirius était difficile pour lui car il craignait de replonger son parrain dans de mauvais souvenirs.
Il devait bien avoir dans cette bibliothèque un livre, ne serait-ce qu'un, expliquant pourquoi Harry était ainsi lié à son pire ennemi. C'était certainement l'endroit le plus fourni de toute la Grande-Bretagne et Hermione se refusait à croire qu'elle ne trouverait rien. Une part d'elle-même s'en voudrait de ne pas avoir su venir en aide à son meilleur ami alors qu'il avait tant besoin d'elle...
Un soupir de frustration lui échappa lorsqu'elle referma son septième livre. Une migraine avait pris place dans sa tête, l'empêchant de se concentrer correctement mais elle refusait de partir. Emprunter les livres était une idée, mais Mrs Prince refuserait certainement qu'elle le fasse puisqu'elle n'avait déjà pas rendu ceux qu'elle avait pris sur le sortilège du Patronus qu'Harry était en train de leur enseigner durant les cours de l'AD. C'était un charme fascinant qu'elle rêvait d'apprendre depuis que son meilleur ami lui en avait fait l'incroyable démonstration à la fin de leur troisième année, alors qu'il empêchait des Détraqueurs d'aspirer l'âme de son fugitif de parrain.
Hermione souffla de nouveau avant de jeter un coup d'œil à sa montre qui indiquait que onze heures du soir approchait à grands pas. Il ne lui restait que quelques minutes pour rejoindre son dortoir si elle ne voulait pas se faire attraper par un Rusard traînant dans les couloirs, après le couvre-feu. Le concierge était devenu le meilleur ami d'Ombrage et se retrouver une nouvelle fois dans le bureau rempli de chats... Très peu pour elle, merci.
D'un coup de baguette, elle ramena tous les grimoires à leur place, notant les étagères sur lesquelles elle les avait trouvés, avant de quitter la bibliothèque à grands pas, sous le regard plus détendu de la bibliothécaire. Les couloirs étaient déserts, faiblement éclairés par les rayons de la lune, et glacials. L'hiver avait pris sa place, et la neige tombait drue depuis des semaines sur le pays.
Elle remonta jusqu'au septième étage, franchit le portrait de la Grosse Dame et eut l'étonnante surprise de tomber sur Fred et George, penchés sur toute une pile de parchemins qu'elle eut bien du mal à déchiffrer. Ils échangèrent un regard amusé en l'apercevant avant de se décaler pour lui laisser une place entre eux. Intriguée, elle s'y installa avant de jeter un regard aux parchemins. Ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle remarqua les croquis et les annotations inscrits dessus. Elle n'eut aucun mal à comprendre de quoi il s'agissait.
―Je vais faire comme si je n'avais rien vu, déclara-t-elle d'un ton qui laissait cependant entendre ce qu'elle pensait de tout ça.
―Personne d'autre que toi n'a vu ce précieux sésame, fit George avec une fierté évidente.
―Et c'est supposé me flatter ? rétorqua-t-elle en le fusillant du regard.
Son éclat de rire répondit pour lui, et levant les yeux au ciel, Hermione se retourna vers Fred qui se contentait de la fixer avec un sourire en coin. Elle rougit lorsqu'il déposa ses lèvres contre les siennes, dans un baiser aussi rapide que l'éclair, et fit mine de pas entendre la remarque que lança le deuxième rouquin.
―Alors, qu'est-ce que c'est ? lui demanda-t-elle en désignant les parchemins d'un geste de la main.
―Notre nouvelle invention, répondit-il avec une nonchalance qui l'agaça un peu. On est encore au stade de la recherche et du développement, mais on espère la mettre en place l'année prochaine.
―Il faut qu'on laisse une trace de notre passage, ajouta George avec enthousiasme. Alors, on veut marquer le coup. Une dernière blague. La meilleure de toute !
Hermione ne savait pas vraiment quoi penser de tout ça. Mais en acceptant de sortir avec Fred, elle avait réalisé qu'elle ne pouvait pas lui demander d'arrêter de faire des farces. C'était comme lui demander de ne plus être la personne qu'il était. Alors oui, elle détestait ce que les jumeaux faisaient, mais il arrivait parfois que ça ait du bon. Ils n'étaient pas idiots, tout le monde le savait, et la plupart du temps, leurs inventions étaient plus qu'ingénieuses. La balle de mémoire qu'il lui avait donné en était la preuve. Bien sûr, ça elle ne leur avouerait jamais. Fierté de Préfète.
―Parce que les blagues que vous faîtes tout le temps ne sont pas les meilleures ?
―Aurions-nous fait de toi une de nos nouvelles adeptes ? s'exclama George.
―Absolument pas, assura-t-elle sèchement.
―Dommage, soupira le garçon d'un air théâtral. Mais je suis sûr que tu vas finir par tomber sous notre charme. Quoi que... mon frère a déjà plutôt bien assuré de ce côté-là !
La jeune fille enfouit son visage dans ses mains en sentant son visage prendre feu. Bon sang, comment allait-elle pouvoir supporter les remarques de George ! Déjà que celles de Ginny elle avait du mal à s'y faire... Elle entendit les jumeaux éclater de rire avant de sentir la main de Fred caresser doucement son bras, la poussant à lever les yeux vers lui. Une lueur amusée faisait luire son regard, mais elle distingua néanmoins une certaine gêne dans ses prunelles.
―N'écoute pas ce gros bêta, souffla-t-il.
―Sur ce, les enfants, je vous souhaite une bonne nuit, fit George en se levant et en leur faisant une révérence. Je me sens légèrement de trop. A demain... et pas trop de bêtises !
Il adressa un clin d'œil à Hermione avant de monter dans son dortoir. La jeune fille attendit qu'il soit parti pour pousser un profond soupir et se laisser tomber contre le dossier du canapé. Fred l'imita et attrapa aussitôt sa main. Un sourire aux lèvres, elle observa leurs doigts entrelacés, en se demandant encore si elle n'était pas en train de rêver.
C'est trop beau pour être vrai, pensa-t-elle.
―Vous allez vraiment mettre au point votre invention ? demanda-t-elle.
L'éclat de rire du rouquin rompit le silence de la salle commune. Un instant, Hermione se sentit idiote d'avoir posé cette question, puisqu'elle savait que, quoi qu'elle dise ou fasse, les jumeaux iraient jusqu'au bout de leur idée. Mais elle espérait quand même que son statut de Préfète les dissuaderaient d'agir.
―Tu en penses quoi ? rétorqua-t-il.
―Que vous allez quand même le faire, même si je cours vous dénoncer à McGonagall, soupira-t-elle.
―Alors il ne sert à rien de poser la question puisque tu connais déjà la réponse.
La jeune fille leva les yeux au ciel avant de se relever, sous le regard étonné du garçon qui avait espéré pouvoir profiter de sa présence encore un peu.
―Je suis fatiguée, s'excusa-t-elle en croisant son regard.
―Pas de problème, sourit-il. Je suis sûr que tu vas rêver de moi cette nuit !
―N'y compte pas trop, rit-elle avant de l'embrasser.
Elle avait l'impression que cela ne faisait que quelques secondes qu'elle venait de s'endormir lorsqu'elle sentit une main attraper son épaule et la secouer doucement. Surprise, elle ouvrit les yeux et croisa le regard perçant du professeur de métamorphose, éclairé par une bougie. Son cœur s'emballa lorsqu'elle constata la mine inquiète de sa directrice de maison.
―Professeur ? s'étonna-t-elle d'une voix pâteuse. Que se passe-t-il ?
―Arthur Weasley a été attaqué cette nuit durant sa surveillance au Ministère de la Magie, l'informa la vieille dame. Molly Weasley m'a chargé de vous faire rentrer au Square Grimmaurd.
―Les Weasley... lâcha-t-elle en se relevant.
―Ils se trouvent déjà au chevet de leur père. Ainsi que Monsieur Potter.
Hermione acquiesça difficilement, l'esprit encore embrumé. Sur les ordres de McGonagall, elle prépara sa valise pour les vacances et récupéra sa baguette magique posée sur sa table de chevet.
―Un portoloin vous attend dans le bureau du directeur, ajouta la sous-directrice une fois qu'elles eurent franchi le portrait de la Grosse Dame qui offrit un regard triste à la collégienne.
―Comment va Monsieur Weasley ? demanda Hermione.
McGonagall ne répondit pas immédiatement et la jeune fille crut même qu'elle ne le ferait pas avant qu'elles ne s'arrêtent devant la gargouille gardant l'accès du bureau directorial.
―Il va s'en sortir, son état n'est pas grave, mais les circonstances de l'accident sont... étonnantes, avoua le professeur de Métamorphose.
Hermione ne chercha pas à en savoir plus. A vrai dire, elle avait déjà une petite idée sur les circonstances de l'accident d'Arthur. Et si elle ne se trompait pas, alors il ne lui restait guère de temps pour trouver un moyen de défaire le lien entre Harry et Voldemort.
Sans surprise, elle constata que le professeur Dumbledore ne se trouvait pas dans la pièce mais elle ne s'attarda pas sur cette découverte. D'une main un peu tremblante, elle récupéra la tasse violette que lui tendit son professeur, quelques secondes avant de sentir son nombril être aspiré de l'intérieur.
Le décor changea et elle se retrouva dans la cuisine du Square Grimmaurd, uniquement occupée par Sirius Black et son éternel air triste.
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