XV - Histoires d'une vie.
La neige finit par faire son apparition, quelques jours après la venue du mois de décembre, plongeant le château dans un nouveau tableau, plus merveilleux que les précédents. Recouvrant chaque parcelle d'herbes, le Saule Cogneur, les serres de Botanique, le terrain de Quidditch. Au plus grand bonheur des élèves pouvant ainsi profiter de batailles de boules de neige pour les plus jeunes, de promenades dans la poudreuse fraîche pour les plus téméraires. D'un paysage à couper le souffle pour les professeurs.
Ce changement de mois apporta également de nouvelle tension dans l'école, lorsque le renvoi du professeur Trelawney, enseignant la Divination depuis de nombreuses années à Poudlard, fut rendu officiel un matin, quelques jours avant le départ des élèves pour les vacances de Noël.
L'ambiance était joyeuse dans la Grande Salle, les collégiens profitant d'un moment de répit pour passer du temps avec leurs amis avant d'entamer une nouvelle journée du cours. Une à une, les décorations prenaient place un peu partout dans le château, et notamment dans la plus vaste salle qui accueillait les élèves matin, midi et soir. L'apparition des douze sapins rendit les élèves excités, et ce fut dans cette atmosphère détendue qu'Hermione descendit déjeuner, en compagnie d'Harry et Ron.
―Angelina n'arrête pas de hurler, disait le rouquin en référence à l'entraînement de l'équipe des lions qui avait eu lieu la veille. Elle a passé son temps à dire que Ginny ne serait jamais à ta hauteur, Harry.
En effet, après l'exclusion définitive du garçon par Dolores Ombrage, après que lui et les jumeaux Weasley se soient battus contre Drago Malefoy, la petite sœur de Ron avait rejoint l'équipe en tant que remplaçante du Survivant au poste d'attrapeur. Hermione savait cependant que son amie était douée à ce sport, elle se souvenait des nombreux matchs que les enfants Weasley avaient fait dans le jardin du Terrier l'été précédent, et Ginny, alors au poste de poursuiveuse, s'en était pas mal tirée. L'animosité de la métisse envers elle n'était pas justifié. Du moins, n'était-elle pas tournée vers les bonnes personnes.
―Je déteste Ombrage, lâcha Harry en bougonnant, alors qu'ils venaient de pénétrer dans la Grande Salle.
La jeune fille ne prit même pas la peine de répondre et s'installa à la table des rouge et or, près de Neville et Seamus, visiblement en grande discussion, puisqu'ils ne prirent même pas la peine de lever la tête à l'approche du Trio. Elle se servit quelques morceaux de pains, leva les yeux au ciel en entendant les gargouillements bruyant de Ron assis face à elle, qui rougit jusqu'à la racine des cheveux avant de croiser le regard brillant de Fred, plus loin avec son frère et Lee. Son visage s'empourpra lorsqu'elle constata que les trois garçons avaient le regard rivé sur elle, et elle se demanda si elle était le sujet de leur discussion ou si ce n'était que le fruit de son imagination.
Un soupir lui échappa et elle se détourna pour croiser le regard grave de son meilleur ami, installé près d'un Ron dévorant tout ce qu'il se trouvait à porter de mains. Elle lui sourit, à la fois étonnée et inquiète, mais Harry continua de la fixer, avec cette même lueur dans le regard.
―Quoi ? lui demanda-t-elle. Quelque chose ne va pas ?
―Non rien, répondit-il en secouant la tête.
Le cœur d'Hermione s'emballa et cette fois-ci, ce fut le regard inquiet de Ron qu'elle croisa. Leur discussion au sujet des rêves de leur ami lui revint en mémoire, et de longues secondes, elle hésita à aborder le sujet, de peur qu'Harry ne se braque et refuse de leur parler, mais les signes de tête répétitifs du rouquin la poussèrent à parler. Un soupir lui échappa lorsqu'elle ouvrit la bouche.
―Harry... commença-t-elle d'un ton hésitant.
Surpris, le garçon leva la tête et plongea son regard émeraude dans le sien. La tristesse dans ses prunelles inquiéta Hermione, et les spéculations de Ron sur le contenu du rêve du brun à lunettes lui parurent plus que fondées.
―Harry... répéta-t-elle, la gorge nouée. Est-ce que tu... fais toujours ce rêve ? Tu sais... celui dont tu nous as parlé ?
Les traits de son visage se durcirent et elle tourna la tête en direction de son autre meilleur ami qui, grand bien lui fasse, avait momentanément arrêter de manger. Hermione crut qu'il allait répondre, se confier à eux sur le mal être qu'il ressentait, mais il n'en fut rien, et Harry quitta précipitamment la salle, bousculant Ginny sur son passage qui jeta un regard étonné dans leur direction. Hermione soupira et sentit les larmes lui monter aux yeux.
―C'est pire que tout, lâcha Ron d'un ton défait.
―Oui, approuva-t-elle d'une voix tremblante. Et je crois que tu as raison. Sur ce qu'il voit, ajouta-t-elle en voyant le rouquin froncer les sourcils.
Ils ne prononcèrent plus le moindre mot jusqu'au début des cours. Même la visite des jumeaux et de leur meilleur ami ne raviva pas la joie chez la jeune fille. Elle croisa le regard inquiet de Fred, et essaya de lui sourire - en vain. Son inquiétude pour Harry était plus forte que tout le reste, et bien qu'elle désira passer du temps avec le rouquin, elle le laissa partir avec ses camarades, sans lui avoir offert la moindre parole.
La cloche sonna, et d'un pas traînant, ils rejoignirent les cachots pour un double cours de Potions avec les Serdaigle. Harry était déjà en bas, en train d'attendre l'aval de Rogue pour entrer dans la pièce, entouré par quelques camarades qui lui jetaient des regards en biais. Les articles de Rita Skeeter discutant de son état mental étaient de plus en plus fréquents, et un journal entier avait même été consacré à retracer la vie de James et Lily Potter que personne n'avait pris la peine de lire dans la tour des lions.
―Entrez ! aboya sèchement Severus Rogue.
Hermione essaya d'interpeller Harry, pour lui demander comment il allait, pourquoi il n'avait pas voulu leur parler, mais il l'ignora avec superbe et s'installa à la dernière place libre de la table que se partager Neville, Dean et Seamus. Réprimant, un soupir, elle s'approcha de Ron et posa lourdement son sac sur le sol.
―Aujourd'hui, nous allons préparer une potion qui est souvent demandée au Brevet Universel de Sorcellerie Elémentaire. Il s'agit du philtre de Paix, destiné à calmer l'anxiété et à apaiser l'agitation. Mais je dois vous avertir que si vous avez la main trop lourde dans le dosage des ingrédients, celui qui boirait la potion tomberait dans un sommeil profond et peut-être même irréversible. Vous devrez donc vous montrer particulièrement attentifs à ce que vous faîtes, annonça le professeur d'une voix froide, en fusillant chacun de ses élèves du regard. Vous avez deux heures.
L'aversion de Severus Rogue envers les élèves de Poudlard était connue de tous, causant de nombreux soucis aux élèves, de terribles angoisses aux première année, des inquiétudes à leurs parents qui ne cessaient de se demander comment un homme aussi abjecte que lui pouvait enseigner dans une école alors qu'il était évident qu'il détestait les enfants. Pourtant en dépit de tout ça, sa passion pour les potions faisait de lui un grand professeur. Les cours dispensés, pratiques pour la plupart, se différenciaient chaque semaine et le nombre de potions apprises dans l'année était considérable.
Sans un mot, Hermione se leva et alla récupérer les ingrédients nécessaires à la préparation du philtre de Paix, faisant mine de ne pas entendre les ricanements de Pansy Parkinson lorsqu'elle passa près d'elle. La Serpentard prenait un malin plaisir à l'humilier ouvertement depuis la mort de ses parents, espérant ainsi faire sortir la lionne de ses gonds pour qu'elle s'attire les foudres de Dolores Ombrage, mais la Gryffondor tenait bon, se disant que ses parents n'auraient pas aimé qu'elle réponde par la violence, puisque cela semblait être la seule solution pour mettre un terme à ces gamineries. Ils n'avaient déjà pas vraiment apprécié le coup de poing qu'elle avait donné à Malefoy en troisième année... Ce souvenir lui tira un sourire, et un peu moins morose, elle se mit au travail, ne pouvant cependant s'empêcher de se sortir Harry de la tête.
Dix minutes avant la fin du cours, Rogue fit un tour des tables pour examiner le contenu de leur chaudron. Sans être trop vantarde, Hermione savait parfaitement qu'elle avait réussi sa potion. Elle avait l'odeur et la couleur indiquées dans son manuel, et la réplique désobligeante du professeur à son égard lui tira un sourire, confirmant ses pensées.
―Médiocre... lâcha simplement Rogue en observant le contenu du chaudron de Ron.
Le garçon s'empourpra et jeta un regard noir à Rogue qui s'éloigna en ricant, de façon assez audible pour que tous les élèves puissent l'entendre. Il s'approcha ensuite de la table d'Harry, qui ne s'en était pas mieux sorti avant d'annoncer la fin du cours, marmonnant qu'ils étaient tous une bande d'incapables.
Ils rejoignirent ensuite la salle de Sortilèges, et sur le chemin, Harry se joignit à eux, s'excusant d'être parti sans explications le matin-même, mais promettant néanmoins de leur parler à midi. Hermione échangea un regard inquiet avec Ron avant de s'asseoir au premier rang, sous l'œil avisé du professeur Flitwick, qui ne pensait que du bien de son élève. Le cours débuta et se passa sans encombres, et ce fut avec impatience qu'elle suivit ses amis hors de la classe, pour tomber nez à nez avec un Fred Weasley discutant joyeusement avec un de ses camarades.
Hermione rougit lorsqu'il lui sourit, de son habituel sourire charmeur avant de congédier gentiment son ami. Il attendit que la plupart des élèves aient quitté le couloir pour s'approcher d'elle, faisant battre son cœur encore plus vite.
―Sois prudente, lui souffla la voix de son meilleur ami avant qu'il ne suive Ron en direction de la Grande Salle.
Interloquée, elle le suivit du regard jusqu'à qu'il ait totalement disparu de son champ de vision, se questionnant sur sa mise en garde. Harry n'avait jamais montré le moindre sentiment d'amertume envers les jumeaux, alors pourquoi se mettait-il soudainement à douter de Fred ? Savait-il quelque chose qu'elle ignorait ? L'angoisse s'insinua sournoisement en elle et elle sursauta violemment lorsque le rouquin glissa doucement sa main dans la sienne, inondant son corps de cette chaleur qu'elle réclamait tant. Pour croiser son regard, dans lequel l'inquiétude faisait luire ses prunelles.
―Tout va bien ? chuchota-t-il.
Incapable de répondre, Hermione se contenta de hausser des épaules et orienta de nouveau son regard en direction du couloir au bout duquel Harry avait disparu. Son conseil avait-il un lien quelconque avec le rêve qu'il faisait depuis quelques temps et dont il n'aimait pas parler ? Elle avait eut du mal à le convaincre d'en parler à Sirius, qui n'avait pas pu les aider plus, leur proposant de mettre Dumbledore au courant, mais le brun à lunettes s'y était fermement opposé. Est-ce que c'était elle qu'il voyait dans son rêve ? C'était probable... mais pourquoi douter de Fred dans ce cas ?
Elle sursauta de nouveau lorsque la main du rouquin se posa cette fois-ci sur sa joue. Les traits tirés de son visage exprimaient toute son inquiétude. Elle lui sourit doucement, et une fois certaine qu'ils étaient bien seuls dans le couloir, déposa un léger baiser sur sa joue, avant de l'entraîner en direction de la Grande Salle. Mais l'attitude de son meilleur ami reprit place dans son esprit, et sans s'en rendre compte, elle lâcha la main de Fred au détour du premier couloir, s'attirant un regard surpris et peiné du garçon qu'elle ne vit même pas. Il essaya bien de lui parler, mais elle était tant perdue dans ses pensées qu'elle ne perçut pas sa voix dans le silence de l'école.
Ce ne fut que lorsqu'elle fut assise près de ses amis à la table des Gryffondor, qu'elle se rendit compte de son indifférence envers le garçon. Son visage pâlit brusquement, sous le regard étonné de ses amis, et du regard, elle le chercha. Il était assis quelques mètres plus loin, avec son jumeau et ses camarades, et riait aux blagues de Lee. Ne lui prêtant pas la moindre importance. Comme si elle n'existait pas. Comme elle l'avait fait à son égard un peu plus tôt. Une boule se forma dans sa gorge et elle croisa le regard compatissant de sa meilleure amie qui mima un « plus tard » du bout des lèvres. Hermione acquiesça en comprenant la requête de la rouquine avant de se pencher vers Harry.
―On s'inquiète pour toi, souffla Ron pour que personne d'autres ne perçoivent leur discussion.
Un soupir s'échappa des lèvres du brun à lunettes qui fixa le contenu de son assiette pendant quelques secondes avant d'enfin trouver le courage de lever la tête.
―Je sais, dit-il. Mais je ne veux pas vous impliquer dans cette histoire.
―Que tu le veuilles ou non, ça nous concerne aussi, rétorqua durement Hermione, sourcils froncés.
Harry plongea son regard dans le sien pendant quelques secondes.
―Mon rêve a changé, expliqua-t-il doucement, les yeux perdus dans le vague. Je... la scène est toujours la même, avec ce couloir sombre et cette porte à son bout, mais j'ai... l'impression d'y être. Encore plus qu'avant. Comme si c'était moi qui marchait, respirait et regardait partout.
―Tu as pu voir la personne ? demanda Hermione. Celle que tu as l'impression d'être ?
―Non, soupira Harry. Je ne la vois pas. Mais je ressens sa terreur lorsque le serpent de Voldemort se jette sur elle.
La jeune fille ne put retenir un frisson de dégoût en imaginant les crocs acérés du reptile se planter dans sa propre chair pour la dévorer. Elle réalisa alors que son meilleur ami vivait avec cette vision d'horreur depuis quelques temps, et qu'il avait eu peur de leur en parler. Elle se dit qu'il lui faudrait lui en toucher deux mots, lui faire comprendre qu'il n'était pas seul dans cette guerre, et qu'ils feraient front ensemble, comme ils le faisaient depuis des années maintenant. Harry était leur meilleur ami et à ses yeux, il était tout bonnement hors de question qu'il vive cela seul. Ce n'était pas une vie pour un adolescent de quinze ans.
―Je ferai des recherches à la bibliothèque pour voir s'il existe un charme ou une potion pour rompre le lien qui t'unit à Tu-Sais-Qui, promit-elle.
Elle eut le plaisir de le voir esquisser un sourire face à sa remarque. Ce fut donc dans une atmosphère plus détendue qu'ils finirent de déjeuner, sous le regard secrètement envieux de Fred, qui n'arrivait pas à comprendre pourquoi Hermione s'était montrée aussi distante envers lui, et celui de Ginny, qui aurait tant donné pour être à la place de sa meilleure amie et recevoir les sourires sincères de Harry.
―Merci, souffla doucement Harry après avoir échanger un regard amusé avec Ron.
Ils étaient en train de finir leur dessert lorsque les premiers éclats de voix se firent entendre dans le hall d'entrée de l'école. Le silence tomba dans la Grande Salle, et chacun jeta un regard étonné à son voisin, en quête de réponse, mais personne ne semblait comprendre ce qu'il se passait. Pas même les professeurs. La directrice des Gryffondor fut une des premières à réagir cependant, et d'un pas rapide, elle remonta la pièce pour disparaître au de-là des immenses portes. Les voix résonnaient toujours - et à mesure qu'elles se rapprochaient, il était aisé de comprendre qu'il s'agissait de deux femmes.
Curieuse, Hermione se leva à son tour et suivit la procession d'élèves qui suivit les traces du professeur McGonagall. Un hoquet de stupeur parcourut la foule lorsque le cortège s'arrêta dans la cour du hall, et des murmures s'élevèrent d'un peu partout. Le trio dut jouer des coudes pour se rapprocher au plus près. Les yeux d'Hermione s'écarquillèrent lorsqu'elle les posa sur la silhouette sanglotante du professeur de Divination, assise sur ce qui devait être ses valises, face à une Dolores Ombrage plus détestable que jamais.
―Vous n'avez pas le droit, pleurait la voyante, de grosses larmes coulant sur ses joues creuses. Seize ans ! Seize ans que j'enseigne ici ! Poudlard est ma maison, vous n'avez pas le droit de me faire partir !
La jeune fille sentit ses propres yeux la picoter, et la pitié l'envahir en discernant l'aura de détresse enveloppant Trelawney. Ombrage ne réagit pas, sans doute lassée d'entendre le même discours depuis qu'elle avait débarqué dans les appartements de sa consœur pour lui demander de faire ses bagages, précisant que ses talents n'étaient plus requis et qu'ils allaient malheureusement devoir se passer d'elle.
―C'est horrible... chuchota Ginny, près d'elle.
Hermione leva les yeux vers elle et remarqua les pupilles écarquillées de son amie.
―Ombrage est un monstre, grogna une voix qu'elle connaissait bien, dans son dos.
Elle n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que Fred se tenait juste derrière elle. George aussi certainement.
―Seize ans ! répéta Trelawney. Seize ans ! Seize... Oh Minerva ! Comment... comment...
Le professeur de métamorphose fendit la foule pour s'approcher de sa collègue, ne se gênant pas le moins du monde pour fusiller le crapaud au passage, qui esquissa un rictus de dégoût lorsque la voyante s'effondra dans les bras de son amie.
―Allons... allons... la réconforta McGonagall en lui tapotant le dos. Venez avec moi...
―C'est tout bonnement hors de question ! s'éleva alors la voix haute perchée et grinçante de Dolores Ombrage. Cette femme ne mettra jamais plus un pied dans ce château !
Des murmures d'indignations s'élevèrent dans la foule, et bientôt, plongeant l'école dans un silence oppressant, les portes d'entrée s'ouvrirent, pour laisser place à un Albus Dumbledore plus fatigué que jamais qui ordonna à sa sous-directrice de conduire Sybille Trelawney dans ses appartements.
―Oh Albus, merci ! Merci ! Merci ! se confondit en excuse la concernée en passant près de lui.
Le directeur lui sourit gentiment avant de faire face à la Grande Inquisitrice qui le fusillait de ses petits yeux de chat. Son visage était écarlate et ses mains tremblaient dangereusement. Un instant, Hermione craignit qu'elle ne sorte sa baguette magique pour s'attaquer au directeur, mais elle n'en fit rien et se contenta de le massacrer du regard, sous l'attention de tous les élèves.
―Vous n'avez pas le droit de saper ainsi mon autorité ! fulmina-t-elle en le menaçant de son doigt potelé.
―Je suis encore le directeur de cette école, professeur Ombrage, répondit calmement Dumbledore.
―Plus pour très longtemps, je vous en fais la promesse, siffla-t-elle avant de rentrer dans le château au pas de course.
[...]
L'accrochage entre le directeur de l'école et le professeur de Défense contre les Forces du Mal fut évoqué tout le restant de la journée, y compris de la part de certains professeurs qui commençaient à comprendre que la présence d'un membre du Ministère de la magie au sein du château ne présageait rien de bon. Les cours de Dolores Ombrage furent annulés, et ce fut avec empressement que la Grande Inquisitrice raconta ses mésaventures au Ministre en personne, l'enjoignant de prendre les mesures nécessaires pour destituer Dumbledore de son poste.
Hermione eut bien du mal à se sortir Ombrage de la tête, essayant de comprendre pourquoi elle tenait tant à retirer le statut de directeur à Albus Dumbledore. Certes, elle avait entendu parler des différences d'opinion entre lui et Cornelius Fudge, et le fait qu'il ait ouvertement affirmé le retour de Voldemort ne jouait certainement pas en sa faveur, mais cette haine viscérale du Ministre envers sa personne était incompréhensible.
Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu'elle constata qu'il était l'heure pour elle et Ron de faire leur ronde dans les couloirs, pour s'assurer qu'aucun élève n'ait décidé de faire le mur. Au risque de tomber sur Rusard, le concierge, qui les conduirait sûrement devant Dolores Ombrage. Elle décida de vérifier les couloirs du septième étage alors que le rouquin prenait la direction du cinquième - leurs collègues de Poufsouffle s'occupant du six et du quatre.
―Lumos, chuchota-t-elle dans la nuit noire.
Un frisson parcourut ses bras lorsque la lumière provenant de sa baguette projeta des ombres effrayantes sur les murs de pierre. Hermione n'avait pas peur du noir, mais être seule dans les couloirs du château n'était jamais une partie de plaisir. Tomber une nouvelle fois sur Malefoy l'inquiétait, car elle ne savait pas de quoi il était capable. Les jumeaux étaient intervenus, puisqu'ils se trouvaient non loin, mais à présent, elle était seule. Ron se trouvait deux étages plus bas et il ne l'entendrait certainement pas si elle se mettait à crier.
Prudemment, elle se mit à marcher, s'enjoignant de ne pas sursauter au moindre bruit suspect et remonta ainsi tous les couloirs du septième étage, pendant plus d'une heure, vérifiant chaque pièce, chaque recoin et chaque passage secret qu'elle connaissait. Elle ne vit personne, si ce n'est quelques tableaux bougons d'être réveillés par la lueur de sa baguette.
Elle était en train de retourner dans la salle commune des lions, se demandant si Ron était toujours entrain d'arpenter les couloirs ou non, lorsque Fred apparut au détour du premier carrefour. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il l'aperçut, emballant le cœur d'Hermione qui ne sut comment réagir lorsqu'il se planta devant elle. Son comportement envers lui le matin-même lui revint en mémoire et elle se demanda s'il lui en voulait encore. La lueur dans ses yeux lui disait que non, mais peut être était-il bon comédien...
―Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle lorsqu'il fut évident qu'il ne prendrait pas la parole.
―Je voulais te voir, quelle question, répondit-il le plus naturellement du monde, faisant rougir de plaisir la Préfète.
―Le couvre-feu est passé depuis longtemps, lui fit-elle remarquer.
―Comme si ça m'avait un jour arrêté, répondit-il du tac au tac.
Hermione rit doucement avant de réaliser que c'était vrai. Elle ne se souvenait pas que les jumeaux aient une seule fois respecté le règlement, et encore moins le couvre-feu que seuls les préfets étaient autorisés à dépasser pour leurs rondes.
―Et comment as-tu su que j'étais là ? s'enquit-elle.
―J'ai mes sources, répondit Fred avec un clin d'œil, lui arrachant une moue dubitative.
Un silence s'installa entre eux, agréable, réconfortant, et Hermione comprit que le rouquin attendait qu'elle fasse un pas vers lui. Un sourire. Un mot. Un baiser. Tout ce qu'il attendait était qu'elle revienne d'elle-même vers lui. Mais comment savoir quoi faire quand on avait jamais vécu ça auparavant ? Son instinct lui disait de se laisser aller, que les choses se feraient naturellement, qu'il ne fallait pas qu'elle s'inquiète pour si peu, mais ce n'était décidemment pas si facile que ça.
Pourtant, la chaleur qui faisait luire les prunelles de Fred la réconfortait. Alors, en dépit de ses craintes, elle combla la distance entre eux et se plaça sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur les lèvres sucrées du garçon, qui esquissa un sourire en l'enlaçant.
―Alors, tu vas me dire ce qui te tracassait tant ce matin ? demanda-t-il lorsqu'ils se séparèrent l'un de l'autre.
―Harry, lâcha-t-elle en soupirant. Il ne va pas bien depuis quelques jours et il ne voulait rien nous dire.
―C'est grave ?
―Je ne sais pas.
Et c'était vrai. Comment était-il possible de mesurer la portée des rêves que faisait Harry sans en connaître l'exact contenu ? Toute la souffrance, la peur et l'angoisse qu'il ressentait chaque nuit n'étaient pas des sentiments anodins, même pour un jeune garçon vivant dans la crainte depuis ses onze ans. Et comment en parler à un tiers, lui faire comprendre, sans lui faire peur ? Ron et Hermione avaient peur. C'était un fait, bien qu'ils essayaient de toutes leurs forces de ne pas le faire remarquer à leur ami. Ne voulant pas qu'il s'enfonce encore plus dans l'abîme de douleur qui avait été le sien durant tout l'été. Mais Harry n'était pas stupide. Est-ce que c'était pour cette raison qu'il n'avait pas voulu leur en parler ?
―Ne te tracasse pas pour ça, lui souffla doucement Fred au creux de son oreille. Je suis sûr que Harry viendra vers vous lorsqu'il sera prêt.
J'espère, pensa-t-elle sans toutefois le dire à haute voix.
―Tu sais quoi ? continua le garçon. J'ai une idée pour te changer les idées.
―Une bonne idée j'espère, grimaça-t-elle en sentant son cœur faire des bonds dans sa poitrine.
Fred l'embrassa furtivement au coin des lèvres avant de lui prendre la main pour la conduire face au mur donnant accès à la Salle sur Demande. Elle ne sut ce qu'il demanda, mais moins d'une minute plus tard, une élégante porte en or, haute comme celles de la Grande Salle, s'ouvrit devant eux.
Ils pénétrèrent dans une immense pièce qui ressemblait à une chambre, et il fallut plusieurs secondes à Hermione pour comprendre où elle se trouvait. Ses yeux se remplirent de larmes et elle jeta un regard surpris en direction du rouquin qui se contenta de lui sourire avant de déposer un nouveau baiser sur ses lèvres.
La chambre... c'était la sienne. Celle de la maison de ses parents, à Londres. Celle dans laquelle elle avait passé le plus clair de son temps avant d'être envoyée à Poudlard. Celle dans laquelle elle avait passé les meilleurs moments en compagnie de sa mère. Celle que son père avait pris soin de repeindre pour lui faire plaisir, l'année de ses sept ans.
Les murs étaient bleu pastel, avec quelques touches de blanc par-ci par-là. Le lit d'une personne trônait au milieu de la pièce, encadré par deux bibliothèques croulant sous des centaine de livres. Des dizaines de photos avaient été punaisées sur les murs, montrant Hermione lorsqu'elle était petite, en compagnie de ses parents ou d'autres membres de sa famille. Puis, les années passèrent et ce fut en compagnie de Ron et Harry, lors de leur première année, assis sous un grand chêne, riant aux éclats.
Un sourire se dessina doucement sur ses lèvres et elle se mit à déambuler dans la pièce, caressant du bout des doigts le bureau en bouleau, la couverture tricotée à la main par sa grand-mère, la reliure des livres entassés sur sa minuscule table de chevet. Elle pouvait presque percevoir l'odeur du jasmin que sa mère déposait chaque matin pendant l'été. Entendre le rire de son père, les murmures de son épouse qui chantonnait gaiement en faisant le ménage. La nostalgie s'insinua en elle et elle s'assit sur le lit qui grinça comme d'habitude.
―Comment tu as su ? demanda-t-elle en levant les yeux vers Fred qui la fixait avec contentement, fier de sa surprise.
Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, Hermione fut surprise de constater que le garçon rougissait, détournant le regard un quart de seconde avant de se rapprocher d'elle et s'installer à ses côtés. Distraitement, il prit sa main entre les siennes et caressa sa peau du bout des doigts.
―Il se peut que... j'ai demandé de l'aide à mon père, lâcha-t-il avec un rire nerveux.
Hermione éclata franchement de rire, imaginant parfaitement Fred demander une telle requête à son père, ce qui eut le don de détendre l'atmosphère. Le rouquin retrouva instantanément sa joie de vivre et un plateau rempli de sucreries apparut devant eux.
―Tu n'es pas le frère de Ron pour rien, rit-elle en récupérant un bonbon à la fraise.
―Weasley un jour, Weasley toujours, répondit-il en lui faisant un clin d'œil.
La jeune fille esquissa un nouveau sourire avant de laisser tomber sa tête sur l'épaule du garçon, frissonnant lorsqu'il entoura sa taille pour la rapprocher un peu plus de lui. Elle ne sut combien de temps ils restèrent ainsi enlacés, à profiter de la présence de l'autre, savourant le bonheur d'être à deux.
Mais une question vint perturber l'esprit enfin apaisé d'Hermione. Les battements de son cœur s'accélérèrent considérablement. Le rouge lui monta aux joues et elle essaya de se calmer avant que Fred ne perçoive son changement de comportement, mais il s'en aperçut néanmoins et la força à lever la tête vers lui pour plonger son regard serein dans le sien.
―Est-ce que ça va ? demanda-t-il d'une voix légèrement inquiète.
Hermione secoua la tête, cependant, elle fut bien incapable de répondre, de peur de briser la bulle dans laquelle ils étaient plongés. Non, elle ne voulait pas être celle qui changerait la donne, simplement parce qu'elle était inquiète pour quelque chose. Certes, c'était une inquiétude justifiée, mais elle avait peur que Fred se méprenne et refuse de la voir par la suite. Leur relation était stable, encore un peu bancale par moment puisqu'ils avaient besoin de trouver leur place, sauf qu'elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qu'ils étaient vraiment l'un pour l'autre. Des amis ? Des amoureux ? Formaient-ils un couple à proprement parler ou n'était-ce qu'un flirt sans conséquence ? Son cœur loupa un battement à cette idée et de nouvelles larmes perlèrent au coin de ses yeux, sous le regard incompréhensif du garçon.
―Hermione ? insista-t-il.
Toute trace d'amusement avait disparu de ses yeux bleus et il la fixait à présent avec angoisse. Se demandant ce qu'il pouvait bien se passer dans la tête de la jeune fille pour qu'elle change subitement d'attitude. Avait-il fait quelque chose de mal en recréant la chambre de son enfance ? Il avait pourtant cru que cela lui ferait plaisir. Il savait que la disparition de Mr et Mrs Granger était encore très présente dans la tête d'Hermione, bien qu'elle n'en fit plus la moindre allusion. Mais c'était ce manque de parole qui lui avait fait comprendre qu'elle était encore très fragile et qu'elle avait besoin de soutien pour s'en sortir. Il faisait tout ce qu'il pouvait pour elle, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de penser que ce n'était pas toujours suffisant.
―Oui ça va, mentit-elle en détournant le regard.
―Ne me prends pas pour un idiot, répliqua Fred en s'agenouillant face à elle. Dis-moi ce que tu as.
Hermione se mordit l'intérieur de la joue si fort qu'elle sentit le gout métallique du sang se répandre peu à peu. Son pouls s'accéléra lorsqu'elle croisa de nouveau le regard insistant de Fred. Une petite voix dans sa tête lui souffla qu'elle ne perdait rien à lui poser la question. Qu'elle se faisait passer pour une fille stupide en se montant le bourrichon pour si peu. Ginny lui aurait dit qu'elle était inquiète pour rien. Qu'elle devait se faire plus confiance. Croire en l'avenir. Profiter au jour le jour. Mais ce n'était pas facile de le faire quand les deux êtres que l'on chérissait le plus au monde étaient morts.
Un soupir franchit la barrière de ses lèvres avant qu'elle ne trouve le courage de prendre la parole.
―Qu'est-ce que... commença-t-elle avant de s'interrompre, à cours de mots.
―Qu'est-ce que quoi ? l'enjoignit le rouquin d'un sourire rassurant. Tu sais que tu peux tout me dire. Je ne te jugerai pas.
Bien sûr que non, pensa-t-elle en esquissant un faible sourire.
―Où est-ce que ça va nous mener cette histoire ? chuchota-t-elle en baissant les yeux, laissant les mots franchirent la barrière de ses lèvres sans qu'elle ne cherche à les retenir. Qu'est-ce que je suis à tes yeux ? Et qu'est-ce que tu dois être aux miens ? Qu'est-ce qu'il faut que je fasse ? Qu'est-ce que...
Les lèvres de Fred emprisonnèrent les siennes, l'empêchant de poursuivre. Son cœur s'emballa et sans la moindre appréhension elle passa ses mains autour du cou du garçon, pour le rapprocher d'elle. Une douce chaleur inonda chaque parcelle de son corps et une boule de bonheur prit place en elle. Elle sourit lorsqu'il passa ses mains autour de sa taille, et approfondit un peu plus leur baiser. À bout de souffle cependant, ils se séparèrent l'un de l'autre et Hermione fut heureuse de revoir cette lueur de malice dans les yeux du garçon.
―Je ne sais pas vraiment dans quoi on s'embarque, avoua-t-il, mais je sais que j'ai envie d'essayer. Que j'ai envie d'être avec toi à chaque instant de la journée, que j'ai tout le temps envie de t'embrasser et de te voir rougir. Et puis, ajouta-t-il avec un rire, on peut dire que je suis ton petit-ami. C'est généralement le cas quand deux personnes ont envie de vivre une histoire ensemble.
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