XIX - La force des mots.
―J'ai l'impression d'être pris au piège dans un cercle vicieux infernal. Plus je me rapproche de toi, et plus tu t'éloignes.
La voix de Fred rompit le silence inquiétant de la bibliothèque qu'ils étaient les seuls à occuper, hormis Mrs Pince, perdue dans une des allées de l'immense pièce. Hermione avala difficilement sa salive en croisant le regard du garçon, et jugea préférable de fixer un point invisible entre eux. Son cœur battait la chamade. Douloureusement. Tellement que ça l'empêchait de respirer correctement.
―Pourquoi est-ce que j'ai l'impression que ce sera toujours comme ça ? continua-t-il avec amertume. Tu sais, si tu ne veux pas de moi, dis-le tout de suite. Au lieu de faire semblant.
Il fallut plusieurs secondes à Hermione pour retrouver l'usage de la parole.
―C'est faux ! dit-elle d'une voix tremblante. Tu sais bien que c'est faux. J'ai envie d'être avec toi.
―Ce n'est pas l'impression que tu me donnes, répliqua-t-il avec un rire sarcastique.
Elle encaissa le coup difficilement et baissa de nouveau les yeux, sentant soudainement qu'elle avait envie de pleurer. Et elle ne voulait pas que Fred la voit dans cet état-là. C'était bien trop difficile. Humiliant n'était pas le terme adéquat, mais en était l'équivalent. Car, il n'avait de cesse répéter qu'elle était forte, et que c'était pour ça qu'il était tant attiré par elle, mais si finalement il se rendait compte que ce n'était pas le cas, elle avait peur qu'il l'abandonne lui aussi.
Et elle ne supporterait pas de perdre encore un être cher.
―Je suis désolée, avoua-t-elle avec sincérité. Je ne sais pas quoi faire de plus.
―Peut-être me dire pourquoi tu es partie sans rien dire tout à l'heure ? répondit-il du tac au tac. Tu sais, Hermione, dans une relation, il y a toujours deux personnes. Pourtant, dans cette histoire, j'ai l'impression d'être seul.
―Alors quoi ? répliqua-t-elle piquée au vif en le fusillant du regard. Tu veux que je fasse comme si tout va bien, que le monde est tout beau, alors que ce n'est peut-être pas le cas ?
Elle regretta ses paroles à l'instant où elle les prononça, et elle ne put retenir ses larmes plus longtemps. La voir aussi triste bouleversa Fred qui eut toutes les peines du monde à ne pas se lever et l'enlacer pour la consoler. Mais il avait besoin de réponse. Il avait besoin de comprendre le comportement d'Hermione et savoir s'il avait fait quelque chose de mal. C'était primordial.
―Non, Hermione. Je veux juste que tu me dises ce qui ne va pas. Et ce que je peux faire pour t'aider à aller mieux.
―Tu ne peux rien faire, chuchota-t-elle plus pour elle-même que pour lui mais il l'entendit néanmoins et lâcha un rire nerveux.
―Alors je suis en train de perdre mon temps à essayer de te comprendre, c'est ça ?
―Je ne sais pas... admit-elle d'une voix brisée. Je ne sais pas, Fred.
Pendant de longues minutes, ils ne se parlèrent plus, chacun perdu dans ses pensées, analysant les propos de l'autre. Essayant de comprendre le fin fond du problème. Se refusant à penser que c'en était fini. Ils avaient encore tant d'autres choses à faire ensemble. A découvrir. Ils avaient encore toute la vie pour s'aimer et profiter de l'autre. Il leur était inconcevable que tout s'achève maintenant. Car l'un comme l'autre n'aurait pas la force de s'en remettre.
Ils s'étaient tellement rapprochés en si peu de temps qu'ils étaient devenus vital l'un pour l'autre. Hermione avait pris une telle place dans le cœur du rouquin qu'il ne voyait plus sa vie sans elle. Elle lui était aussi chère que son jumeau. Peut-être même plus. Il n'aurait jamais cru ça possible, mais il ne pouvait imaginer un avenir où elle n'était pas là. C'était comme imaginer un océan sans la moindre goutte d'eau. Totalement impossible.
Lui était devenu sa bouée de sauvetage après la mort de ses parents. Il avait été son soutien le plus précieux, son pilier. Son point de repère. Sa lumière, qui avait su faire fuir les ténèbres qui l'avaient entraînée bien trop profondément dans leur abîme de douleur. Il avait trouvé le moyen de la faire sourire, rire, aimer la vie. Sincèrement. Sans avoir besoin de se forcer. Il lui avait fait découvrir des émotions nouvelles, et elle ne lui serait jamais assez reconnaissante pour ça. Pour sa présence.
Une histoire aussi merveilleuse ne pouvait pas se terminer ainsi. Ils n'en étaient qu'au début, au moment ils se découvraient encore. Apprenaient les secrets de chacun, leurs rêves, leurs espoirs. Leurs doutes. Leurs peurs. Leurs pensées les plus profondes. Et ils furent tous les deux horrifiés à cette idée.
―Parle-moi Hermione... supplia Fred en plongeant son regard dans le sien. Aide-moi.
―Je voudrais tant... souffla-t-elle. Je voudrais tant mais j'ai peur que... que tu me laisses aussi. Comme mes parents.
―Hermione, je te promets que je serai toujours là pour toi. Jusqu'à que tu me dises de m'en aller.
La jeune fille esquissa un faible sourire face à cette promesse. Ce n'était pas la première fois que Fred lui tenait un tel discours, mais elle avait besoin de l'entendre de nouveau pour y croire. Et trouver le courage de lui parler. Il fallait qu'elle apprenne à lui faire confiance. Qu'elle apprenne à se dévoiler plus à lui. A ne pas avoir peur des regards des autres. Il lui avait dit que ça ne concernait qu'eux cette histoire. Et c'était vrai. Ils étaient les seuls maîtres de leur destin et ils ne pouvaient pas baisser les bras au moindre obstacle. Ce n'était pas digne d'un véritable Gryffondor.
―Je... je suis incapable de... d'être à l'aise face aux regards des autres, avoua-t-elle en fuyant de nouveau son regard, un peu inquiète de sa réaction. De leur regard quand tu es avec moi.
Elle crut qu'il allait répondre, mais il n'en fit rien, et la poussa silencieusement du regard à poursuivre, sentant qu'elle avait encore besoin de se confier à lui. Et en comprenant qu'elle était vraiment en train de le faire, Fred sentit tout son être s'alléger et un léger sourire naquit au coin de ses lèvres.
―Toi tu as l'air si à l'aise, ajouta-t-elle. Tu fais comme si rien ne t'atteignait, mais j'y arrive pas. Je ne suis pas aussi forte que toi. Tout ce que je veux, c'est disparaître dans un trou de souris.
―Alors il faudra que tu m'amènes avec toi ! rit-il en lui faisant un clin d'œil.
―Fred ! s'exaspéra-t-elle en ne pouvant s'empêcher de lever les yeux au ciel. C'est une discussion sérieuse, il me semble !
―Quoi ? C'est vrai ! fit-il avec sérieux. J'irai partout où tu iras !
―Même quand j'irais aux toilettes ? essaya-t-elle de ne pas rire.
―Ne me tente pas !
En croisant son regard, Hermione comprit que les choses s'étaient arrangées entre eux. Pas entièrement, mais c'était en chemin. Il leur faudrait du temps pour se stabiliser et trouver l'équilibre parfait pour que leur relation perdure, mais ensemble ils y parviendraient. Elle pourrait compter sur lui, et lui sur elle.
Comme un tout. Une même entité.
―On devrait aller retrouver les autres, proposa-t-elle. Sinon ils risquent de nous chercher.
―Ça m'étonnerait, dit-il en se levant et elle l'imita aussitôt.
―Pourquoi ? s'inquiéta-t-elle.
―Gryffondor a perdu, soupira-t-il. Angelina est furieuse.
Hermione ne prit pas la peine de répondre et haussa des épaules. Elle comprenait l'amertume du garçon, et imaginait sans peine que tous les autres joueurs de l'équipe seraient dans le même état, sauf qu'elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi ils se mettaient dans un tel état pour un sport. Ron aurait été là qu'il lui aurait dit qu'elle n'avait pas l'âme d'une sportive. C'était vrai et elle ne le regrettait absolument pas.
Mrs Pince parut satisfaite de les voir partir puisqu'elle s'empressa de fermer la bibliothèque après leur départ, précisant que les lieux seraient fermés toute la journée du lendemain. En silence, ils rejoignirent la tour des Gryffondor, chacun perdu dans ses pensées, repensant à la discussion qu'ils venaient d'avoir. Ils ne croisèrent que peu de monde dans les couloirs de l'école, les élèves ayant jugés préférable de se réfugier dans leurs salles communes respectives pour éviter de tomber sur le concierge, ou pire, la Grande Inquisitrice.
L'ambiance était morose lorsqu'ils passèrent le portrait de la Grosse Dame qui ne cessait de grommeler contre l'incapacité des lions à gagner cette fichue coupe de Quidditch. D'un rapide coup d'œil à travers la pièce, elle constata que la plupart des joueurs de l'équipe ne se trouvaient pas dans la pièce. Elle repéra néanmoins la chevelure flamboyante de sa meilleure amie, assise au coin du feu, les yeux dans le vague, ruminant certainement sa défaite.
―On se voit plus tard, lui souffla doucement Fred à l'oreille avant de se diriger vers son dortoir, après avoir vérifié que son frère et Lee ne se trouvaient pas là non plus.
Hermione le suivit du regard jusqu'à qu'il ait complètement disparu dans les escaliers en colimaçon avant de se diriger vers ses meilleurs amis, assis sur les fauteuils. Ils ne dénièrent même pas lever les yeux à son approche et elle se laissa lourdement tomber à leur côté, avant d'attraper un livre traînant par là.
Elle n'avait jamais partagé l'enthousiasme de ses amis à propos du Quidditch, mais elle avait toujours aimé venir les voir durant les matchs, pour leur apporter son soutien, applaudir avec les autres à chaque nouveau point apporté à leur équipe, s'inquiéter pour Harry lorsqu'il s'élançait à vivre allure pour attraper le Vif d'Or et encourager Ron. Alors, dire qu'elle se fichait totalement de la défaite de sa maison serait un mensonge. L'abattement des autres était communicatif, si bien qu'elle regretta d'avoir manqué la fin du match. Même si ses problèmes étaient bien plus importants qu'une rencontre de Quidditch.
[...]
Elle était en train d'aider Ron à finir son devoir de Défense contre les Forces du Mal lorsqu'Harry débarqua dans la bibliothèque, en traînant des pieds, ce qui eut le don de particulièrement agacer les élèves installés à diverses tables et qui lui jetèrent un regard noir, auquel le Survivant ne prêta nullement attention, avant de se laisser tomber sur une chaise près de sa meilleure amie.
―Alors, ce cours avec le professeur Rogue ? chuchota-t-elle pour que lui et Ronald soient les seuls à l'entendre.
Puis, remarquant son teint pâle et l'inquiétude dans ses prunelles, elle ajouta :
―Tout va bien, Harry ? s'inquiéta-t-elle. Tu as une petite mine.
―Je l'ai revu, répondit le garçon. Le département des Mystères.
―Tu as encore fait un rêve ? s'alarma la jeune fille alors que face à elle, Ron écarquillait des yeux.
―Hein ? fit Harry d'un ton perdu. Non. Je l'ai vu dans les souvenirs de Rogue.
Bien malgré elle, Hermione poussa un profond soupir de soulagement avant d'échanger un regard rassuré avec le rouquin. Certes, c'était étonnant d'apprendre qu'Harry avait vu ce Département précisément dans les souvenirs de leur professeur, compte tenu de ce qu'il s'était passé à Noël, mais rien ne laissait entendre que cela avait un lien quelconque. Rogue s'était peut être tout simplement déjà rendu là-bas, et c'était le premier souvenir qui lui était revenu en faisant face à Harry.
Non, pensa-t-elle en secouant la tête. Cela ne peut pas être une coïncidence.
―Qu'as-tu vu ? demanda-t-elle, sourcils froncés, signe qu'elle était en train de réfléchir et on aurait presque pu entendre les rouages de son cerveau se mettre en marche.
―Je ne me souviens pas vraiment de tout, répondit Harry. Juste du couloir et de la porte que j'ai vu dans mes autres rêves.
―Est-ce que tu sais pourquoi Rogue se trouvait là ? demanda Ron. Peut-être qu'il sait ce qu'i est arrivé à mon père.
―Aucune idée, fit le brun en haussant des épaules. J'ai essayé de lui demander mais il m'a dit que ça ne me regardait pas.
―Il peut y avoir plusieurs explications sur ce que tu as vu, commenta Hermione. Si ça se trouve, ce n'est qu'une coïncidence.
―Je sais que tu n'y crois pas une seule seconde, Hermione, répliqua sereinement Harry.
La jeune fille rougit jusqu'à la racine des cheveux avant d'acquiescer, tout en se demandant depuis quand elle était devenue aussi prévisible pour ses amis.
―Quoi qu'il en soit, fit Ron, il faudrait qu'on en sache plus. Pour savoir s'il y a un lien entre Rogue et ton rêve.
―Je ne pense pas, répondit Hermione en secouant la tête. Mais c'est vrai qu'on ne peut pas laisser cette information de côté. Que t'a-t-il dit de plus ?
―Que le lien que j'avais avec Voldemort est de plus en plus fort, avoua Harry après plusieurs secondes de silence. Qu'il s'en est rendu compte.
La jeune fille frissonna à l'entente du nom maudit avant d'écarquiller des yeux en entendant la dernière phrase de son meilleur ami. Elle sentit son cœur se mettre à battre plus fort dans sa poitrine et cette fois-ci, ce fut un regard inquiet qu'elle échangea avec Ron. Très inquiet.
―Comment ça " Il s'en est rendu compte " ? demanda le rouquin d'une voix chevrotante. Parce que ce n'était pas le cas avant ?
―Apparemment non, répondit Harry avec un calme qui étonna la Préfète. Je pouvais simplement percevoir ses émotions, mais depuis que j'ai fait ces rêves sur ton père, c'est comme si j'étais directement relié à son esprit. Comme si je pouvais voir ce qu'il voyait.
―Harry, il faut absolument que tu fermes ton esprit ! s'écria Hermione, oubliant momentanément qu'elle se trouvait dans la bibliothèque.
Elle rougit brusquement lorsque Mrs Pince apparut soudainement dans le dos de Ron, leur intimant à tous les trois de faire le silence, sous peine de se voir exclure pour le restant de l'après-midi. Gênée, elle baissa la tête, faisant mine de ne pas entendre les ricanements discrets de ses amis, et attendit que la bibliothécaire soit retournée à son bureau pour se pencher vers Harry.
―Je suis sérieuse ! siffla-t-elle. Est-ce que tu réalises à quel point ce lien est dangereux ? Si jamais Tu-Sais-Qui se rend compte de toute la portée qu'il a, alors les conséquences en seront désastreuses.
―Oui, Hermione, je sais, répondit le brun en la fixant droit dans les yeux. Mais est-ce que tu te rends compte que cela peut être un atout majeur pour nous ?
―Nous ? répéta timidement Ron.
―L'Ordre ! souffla Harry d'un ton évident. Pouvoir anticiper les actions de Voldemort et peut-être trouver ses faiblesses !
―Harry... fit-elle avec hésitation. Tu ne penses pas ce que tu dis, n'est-ce pas ?
Un instant, en croisant son regard, elle eut l'impression de faire face à une personne totalement différente de son meilleur ami. La lueur de folie dans ses prunelles émeraudes ne lui ressemblait pas, ce qui inquiéta d'autant plus la jeune fille qui craignait toujours que Voldemort parvienne à prendre le dessus sur Harry grâce à leur connexion. Bien sûr, elle n'avait fait part de ses doutes à personne, ne voulant pas angoisser encore plus l'entourage de son meilleur ami.
―Pourquoi ? s'étonna le Survivant. Ce serait un atout majeur pour nous.
―Harry, il n'y a même pas de " nous " ! lui fit remarquer Hermione. On ne fait toujours pas parti de l'Ordre et ils n'accepteront jamais que tu y rentres à quinze ans !
―Ils savent que je suis un atout pour eux, répliqua Harry d'un ton borné.
―Ron ! fit la jeune fille à bout d'arguments. Dis quelque chose, bon sang !
Mais incapable de répondre, le garçon resta parfaitement silencieux, se contentant de lui offrir un sourire désolé, qui ne fit que l'exaspérer encore plus.
―Cette discussion ne mènera à rien, bougonna-t-elle en ramassant ses affaires.
Et sans ajouter quoi que ce soit de plus, elle les laissa en plan, quittant l'endroit d'un pas rapide, les joues rouges de colère, pestant intérieurement contre ses amis. Ne se rendaient-ils donc pas compte du danger de ce lien psychique ? Était-elle la seule à percevoir les terribles conséquences qui en découleraient ? Elle espérait sincèrement que non et que quelqu'un parviendrait à ramener Harry à la raison.
La cloche sonna dans toute l'école, annonçant la pause déjeuner, et durant quelques secondes, Hermione hésita à se rendre à la Grande Salle, n'ayant aucune envie de voir ses amis pour le moment, mais elle avait promis aux jumeaux et Ginny qu'elle les rejoindrait pour le repas. Ce fut donc en traînant des pieds qu'elle fit demi-tour, toujours aussi furieuse.
La pièce était encore vide lorsqu'elle y pénétra et elle s'installa en bout de table, le plus loin possible de l'endroit où les garçons avaient l'habitude de s'asseoir, et elle fit mine de ne pas les voir lorsqu'ils passèrent près d'elle.
―On dirait qu'il y a des tensions dans l'air, lui lança une voix amusée.
La jeune fille sursauta et releva les yeux pour croiser le regard amusé de Lee Jordan, le meilleur ami des jumeaux, qui, s'installa près d'elle, comme si c'était tout à fait normal.
―Ce ne sont que des idiots, pesta-t-elle.
―Qui sont des idiots ? demanda George.
Hermione rougit en posant son regard sur Fred, qui lui adressa un clin d'œil avant de s'installer sur le banc face à elle, imité par son jumeau.
―J'espère que ce n'est pas de nous que tu parlais, ajouta George en faisant mine d'être offensé.
―Non, gros bêta, répondit Lee. De ton frère et d'Harry.
Comme un seul homme, les jumeaux se retournèrent en direction des deux concernés et semblèrent alors réaliser que le trio n'était pas réuni pour le déjeuner. Après avoir échangé un regard entre eux, ils se tournèrent vers la jeune fille, en quête d'explications.
―Ce ne sont que des idiots, répéta-t-elle d'un ton qui intrigua fortement les deux rouquins.
Elle n'ajouta rien de plus, et d'un geste discret de la main, désigna le septième année assis à ses côtés, occupé à se servir dans les divers plats proposés par les elfes de maison. Les jumeaux comprirent et Fred mima un " plus tard " du bout des lèvres. Elle acquiesça avec un sourire avant de se servir à son tour.
―Vous auriez pu m'attendre ! s'indigna Ginny en arrivant quelques minutes plus tard.
―Tu n'avais qu'à te dépêcher, répliqua Fred.
La rouquine fusilla son frère du regard avant de s'asseoir près de sa meilleure amie qui l'accueillit d'un sourire.
―Salut, dit-elle.
―Salut, marmonna Ginny.
Hermione rit doucement avant de continuer à manger, amusée de voir à quel point les enfants Weasley pouvaient être susceptibles. Ils avaient beau posséder des caractères bien différents, il n'en restait pas moins qu'ils étaient aussi obstinés et colériques les uns que les autres. Elle n'avait pas encore la chance d'avoir rencontré Bill, l'aîné, mais elle imaginait qu'il était comme le reste de sa famille. Très gentil, rieur, altruiste, et aussi courageux, obstiné et facilement irritable.
Le reste du déjeuner fut ponctué des blagues des jumeaux, de la mise au point de leurs dernières inventions et de la relation entre Ginny et Micheal Corner, qui tentait encore par tous les moyens de la reconquérir. Hermione remarqua que le projet qu'elle avait un jour découvert n'était jamais évoqué, et un instant, elle se demanda si Lee était seulement au courant de ça. La plupart du temps, il était associé aux pitreries des jumeaux, mais tout le monde savait qu'ils en étaient les seuls inventeurs.
La cloche sonna de nouveau, et avec un sourire, Hermione observa Fred quitter la pièce, accompagné de son frère et de plusieurs de ses camarades de classe, dont une Angelina Johnson plus morose qu'à l'accoutumée. Et il y avait de quoi, après la défaite de Gryffondor face à Serdaigle lors de la finale.
―Tu n'as pas cours ? s'enquit Ginny en se levant également.
―Non, j'ai une heure de libre, répondit la Préfète.
―Super, moi aussi ! Dis, tu m'accompagnes à la bibliothèque ? J'ai un devoir de Sortilèges à faire.
La plus âgée accepta avec enthousiasme, et ce fut en papotant gaiement que les deux amies se rendirent dans l'antre de Mrs Pince, quasiment déserte à cette heure de la journée. Elles s'installèrent le plus loin possible du bureau de la vieille dame, et chacune sortit plusieurs parchemins de sa besace. Ginny ricana en remarquant la pile de livres qu'Hermione déposa devant elle, la faisant rougir.
―Heureusement que mon frère est là pour te sortir un peu de tes bouquins ! ajouta malicieusement la rouquine, accentuant les rougeurs sur le visage d'Hermione.
―Chut ! s'exclama-t-elle bien que ce fut inutile.
Elle jeta néanmoins un regard paniqué autour d'elle, inquiète de voir débarquer tout un attroupement d'élèves, mais personne ne franchit le seuil, à son plus grand soulagement.
―Oh allez ! fit Ginny en chuchotant, ayant visiblement du mal à se retenir de rire. Ne me dis pas que tu es gênée !
Une ombre passa furtivement sur le visage de la lionne, et son sourire se fana brusquement, sous le regard étonné de la quatrième année. Puis, semblant réaliser que ses propos n'étaient pas si faux que ça, elle adressa un sourire d'excuse à son amie qui soupira fortement en laissant son regard dérivé partout dans la pièce, s'attardant sur chaque détail qu'elle pouvait distinguer.
―Je suis désolée, Hermione, je ne savais pas, fit timidement la rouquine.
―Ce n'est rien, soupira-t-elle. C'est juste... que ça a jeté un froid entre ton frère et moi.
―Tu veux m'en parler ? proposa gentiment Ginny.
De longues secondes, Hermione planta son regard dans celui de sa meilleure amie, pour y chercher le soutien dont elle avait tant besoin. Le réconfort contre lequel elle pourrait s'appuyer. La gentillesse qui faisait de la dernière des Weasley la jeune fille formidable qu'elle était.
Personne n'avait jamais vraiment compris pourquoi ni comment les deux filles en étaient venues à s'apprécier, en dépit de leur deux ans d'écart. Peut-être que l'idée d'être la seule fille du groupe les avaient angoissé toutes les deux, les poussant à se rapprocher et à se découvrir de nombreux points communs. Elles possédaient des caractères différents, mais cela les rendait complémentaire en quelque sorte. Ginny était devenue la présence féminine qui avait cruellement manqué à Hermione durant sa première année à Poudlard.
Prenant une grande inspiration, elle raconta ce qu'il s'était passé quelques jours auparavant entre elle et Fred, ne cherchant pas à mentir à son amie. Ses conseils lui étaient particulièrement précieux et justes et ils lui étaient primordial. Et puis, pouvoir se confier à quelqu'un qui n'était pas son petit-ami était bien plus simple.
Il lui fallut plusieurs minutes pour raconter ce qu'elle avait sur le cœur. Et elle sentit chaque pore de sa peau s'alléger considérablement.
―Pourquoi est-ce tu ne m'en as pas parlé avant ? demanda Ginny avec douceur.
―Parce que je ne savais pas comment faire, avoua Hermione avec franchise. Plus j'y pense, et plus je me trouve bête de réagir comme ça, mais c'est plus fort que moi.
―Tu sais, je n'étais pas très à l'aise non plus quand j'ai commencé à sortir avec Micheal, confia la rouquine. Et puis ça s'est fait naturellement, et je n'ai pas prêté attention à ce qu'il se passait autour de moi.
―J'aimerais vraiment être comme toi. Faire comme si de rien était. Vivre pour soi-même. Mais c'est tellement dur.
―Et tu en as parlé avec Fred ?
Hermione se mordit la lèvre avant de répondre, sentant ses yeux la picoter. Il n'en fallut pas plus à Ginny pour comprendre.
―Si tu n'arrives pas à lui parler en face, alors pourquoi tu ne lui dis pas tout ce que tu ressens dans une lettre ? proposa-t-elle.
Et sans attendre de réponse, elle se pencha sur son devoir, sans savoir qu'elle venait de semer le trouble dans la tête de sa meilleure amie, qui n'était pas certaine que ce soit une aussi bonne idée que ça, mais penser à ce qu'il adviendrait si Fred finissait par en avoir assez de sortir avec une fille qui n'osait même pas se confier à lui l'effraya. Alors elle se promit qu'elle le ferait. Pas maintenant. Plus tard, lorsqu'elle serait seule.
[...]
Un feu vif avait été allumé dans la cheminée de la salle commune, réchauffant agréablement la peau nue des bras d'Hermione, assise au pied du canapé, occupée à écouter Fred lui raconter en détails ce que lui et son frère avaient prévus de faire pour le lendemain. Elle avait bien du mal à paraître enthousiaste en l'entendant parler avec joie de leur nouvelle invention, mais entendre sa voix lui faisait tellement de bien qu'elle n'osait même pas lui avouer qu'elle n'était pas vraiment intéressée par le sujet.
La nuit était tombée depuis plusieurs heures sur le château, et le couvre-feu avait sonné peu de temps après, pourtant cela ne les empêchait pas de profiter de la pièce vide pour se retrouver un peu. Parler. Rire. S'embrasser. Etre ensemble tout simplement.
―Je pense que ça va beaucoup plaire à Ombrage, répéta le garçon avec euphorie.
―Si tu le dis, sourit Hermione en se focalisant sur le contact de sa peau contre la sienne.
―Ce que je dis ne t'intéresse pas, hein ?
La jeune fille rougit en entendant les propos du rouquin et baissa la tête pour ne affronter son regard, incertaine de ce qu'elle verrait dedans. Sauf qu'à son grand étonnement, le rire de Fred résonna dans la pièce, emballant son cœur. Elle releva timidement les yeux et croisa son regard amusé.
―Tu es toute mignonne quand tu rougis, dit-il en lui faisant un clin d'œil.
Hermione sentit son visage s'embraser encore plus et elle jugea préférable de porter son attention sur autre chose que sur le garçon assis à ses côtés. Elle sut qu'il ne la laisserait pas tranquille bien avant de sentir sa main se poser sur sa joue pour qu'elle daigne se tourner vers lui. Il ne riait plus, mais un sourire taquin illuminait néanmoins son visage.
―Tu es mignonne quand tu boudes, ajouta-t-il avant de l'embrasser.
En sentant les lèvres du garçon sur les siennes, elle oublia momentanément qu'elle était fâchée contre lui et ses remarques pour la faire rougir. Elle passa ses bras autour du cou de Fred qui sourit contre sa bouche et approfondit plus encore leur baiser. A bout de souffle cependant, ils finirent par se séparer, et délicatement, il posa son front contre celui de la jeune fille, qui rougit de nouveau en croisant son regard brillant.
―Ce n'est pas en m'embrassant que tu arrêteras de me faire bouder, souffla-t-elle d'un ton saccadé.
―Je peux toujours essayer, répliqua-t-il avec amusement avant de l'embrasser.
Hermione sourit lorsqu'il s'éloigna et ferma les yeux un instant pour profiter de toutes les sensations positives qu'il lui prodiguait. La chaleur. Le bien-être. Le bonheur. L'allégresse. Tout un ensemble de sentiments qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps et qu'elle croyait perdus pour toujours. Même Viktor Krum n'était pas parvenu à la faire se sentir aussi bien. Il avait été son premier petit copain, pourtant, le temps passant, elle se rendait peu à peu compte que ce qu'elle avait pu éprouver pour lui n'atteignait pas les sentiments forts qu'elle avait à l'égard du rouquin.
Alors, brusquement, en le sentant caresser sa joue du bout des doigts, elle réalisa qu'elle était tombée amoureuse.
Amoureuse de Fred Weasley.
Son rythme cardiaque s'accéléra et elle finit par ouvrir les yeux, pour les poser sur le visage du rouquin, toujours en train de l'observer avec un sourire aux lèvres.
―Quoi ? souffla-t-elle comme de peur de rompre la quiétude du moment.
―Tu es belle.
Un sourire illumina son visage, poussant le garçon à l'embrasser encore une fois.
―Tu es beau, dit-elle lorsqu'il consentit à la lâcher. Tu es beau.
―Je suis le garçon le plus chanceux de la planète, ajouta-t-il.
―Pourquoi ?
―Parce que je sors avec la plus belle fille qui puisse exister.
Ce n'était pas des paroles en l'air. C'était des mots sincèrement pensés. Des mots qu'il avait rêvés de lui dire depuis leur premier baiser. Depuis le jour où elle avait débarqué au Square Grimmaurd, avec ses cheveux en bataille, sa détermination et son inquiétude pour les personnes qui lui étaient chères. Si seulement elle savait combien elle avait changé tout son univers depuis ce jour-là...
―Je pourrai te retourner le compliment, rit-elle. Même si c'est niais à souhait.
Fred allait lui répondre lorsque des bruits de pas précipités se firent entendre dans les escaliers, les poussant à s'éloigner légèrement l'un de l'autre, de peur de tomber sur un de leurs camarades n'ayant pas connaissance de leur histoire. Mais ce fut un Ron paniqué qui débarqua dans la pièce, le visage pâle, les yeux cernés.
―Ron ! fit aussitôt Hermione en se relevant pour se rapprocher de son meilleur ami, qui les fixa un instant, hébété. Ron !
Il sursauta en sentant sa meilleure amie lui secouer le bras et il baissa un regard inquiet vers elle, enserrant sa poitrine dans un étau abominable.
―Qu'est-ce qu'il y a Ron ? demanda-t-elle d'une voix chevrotante.
―C'est Harry... expliqua difficilement le rouquin. Il... il rêve mais j'arrive pas à le réveiller. Il...
La peur envahit Hermione et elle eut l'impression de revenir deux mois en arrière, quelques jours avant les vacances de Noël, lorsque sa directrice de maison était venue la réveiller au beau milieu de la nuit pour lui apprendre que Mr Weasley s'était fait attaqué. Elle sentit des larmes perler au coin de ses yeux, avant que la main de Fred ne se pose dans le bas de son dos, en signe de soutien.
―Je... continua Ronald.
―Je viens avec toi, le coupa Hermione d'un ton sans appel.
Et sans lui laisser le temps de protester, elle s'élança en direction des escaliers et poussa sans la moindre hésitation le portrait donnant accès au dortoir des garçons de cinquième année. Elle n'était jamais venue ici, pourtant elle n'eut aucun mal à repérer le lit de son meilleur ami, se guidant à ses gesticulations et à ses gémissements.
―Harry... souffla-t-elle en posant une main sur le front brûlant du garçon. Harry ! Harry ! HARRY !
Sa main s'abattit durement sur la joue du brun, réveillant les trois autres garçons endormis, jusqu'à que les paupières de son ami ne se mettent à tressaillir puis à s'ouvrir complètement, lui arrachant un profond soupir de soulagement. Il la fixa quelques secondes, complètement perdu, avant de réaliser. Ses prunelles s'écarquillèrent et il jeta un regard hébété à son meilleur ami et à Fred, qu'Hermione n'avait pas entendu monter.
―Qu'est-ce qu'il se passe ? lança la voix rauque de Neville.
―Rien, Neville, rendors-toi, lui conseilla gentiment la jeune fille s'en prendre la peine de se retourner vers lui.
Elle ne sut pas s'il l'écouta ou non, et se pencha plus encore vers Harry, observant attentivement son visage, rendu entièrement blanc par les rayons de la lune.
―Est-ce que ça va ? chuchota-t-elle.
―Qu'est-ce qu'il s'est passé ? ajouta Ron.
―Je ne sais pas... haleta Harry en se redressant. Il est vraiment heureux... Très heureux...
―Tu-Sais-Qui est heureux ?
―Il s'est passé quelque chose de bien pour lui, marmonna-t-il.
Il tremblait presqu'autant qu'après avoir vu Mr Weasley se faire attaquer par le serpent et se sentait pris de nausées. Et ce rire... ce rire démentiel qui résonnait encore dans sa tête...
―Quelque chose qu'il espérait.
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