XI - L'ultime au revoir.



Le soleil se levait lentement à l'horizon, dans un mélange parfait de jaune, rose et violet, donnant l'impression à la jeune fille appuyée contre la rambarde de la tour d'Astronomie qu'elle était en train de regarder le travail d'un peintre retranscrit sur une toile. Cette comparaison la fit sourire et lui rappela à quel point sa mère aurait aimé être avec elle en cet instant, pour profiter du silence de la nature et du spectacle offert par le paysage entourant Poudlard.

Hermione resta de longues minutes à observer le lever du soleil. La plupart des élèves dormaient encore, bien au chaud dans les draps de leur lit, avec l'espoir de grappiller quelques heures de sommeil en ce premier jour de week-end. La jeune fille aurait aimé faire partie de ces adolescents-là, bien qu'elle ne fut guère une très grosse dormeuse, mais la journée qui l'attendait l'avait empêchée de trouver le sommeil, malgré les potions calmantes que Mrs Pomfresh, l'infirmière de l'école, lui avait données la veille, à la suite de sa crise d'angoisse.

C'était l'annonce de l'enterrement de ses parents qui l'avait plongée dans cette folie passagère. Bien sûr, elle avait su qu'un jour, on viendrait lui annoncer ça, mais elle ne s'était pas attendue à ce que cela se fasse aussi vite. Ne devait-il pas y avoir des analyses, pour en apprendre plus sur les raisons de l'explosion, qui avait fait plus de cent morts ? La police ne devait-elle pas faire des recherches pour interpeller d'éventuels suspects ? N'était-ce pas comme ça qu'ils agissaient ? Le professeur McGonagall lui avait dit que quelques Aurors seraient rattachés à l'enquête, puisque le Ministère ne mettait pas de côté l'hypothèse que cela provienne d'une attaque de Mangemorts, sauf qu'à l'heure d'aujourd'hui, rien de concret n'avait été découvert, et les corps des victimes avaient été rendus à leurs familles pour les enterrer.

L'angoisse s'empara d'elle lorsqu'elle constata qu'il ne restait qu'une trentaine de minutes avant l'arrivée de Mr et Mrs Weasley, qui avaient tenu à l'accompagner en ce jour si difficile. Et puisqu'ils étaient désormais ces tuteurs officiels, ils se devaient d'être présents pour lui permettre de se rendre à la cérémonie. Au fond d'elle, Hermione était soulagée de savoir que le Ministère moldu avait accepté la demande d'adoption, puisqu'elle savait que dans le cas contraire, elle aurait été forcé de vivre chez la famille moldue de ses parents, et les chances pour qu'elle puisse retourner à Poudlard étaient minimes. Et puis Fred serait là avec elle.

Le professeur McGonagall avait beaucoup hésité lorsque la Préfète lui en avait fait la demande, mais la réaction qu'elle avait eu la veille avait eu raison de sa directrice, qui avait accordé une sortie exceptionnelle au septième année, après concertation avec Dumbledore, le directeur de l'école. Savoir qu'il serait présent avec elle allégeait considérablement le poids de ses épaules. Seule... elle n'aurait certainement pas tenue le choc.

Un hibou ulula quelque part dans la forêt, la ramenant à l'instant présent. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle entendit des pas dans l'escalier, et qu'une chevelure rousse émergea peu à peu.

―Bonjour, glissa-t-il doucement en s'installant près d'elle.

―Bonjour, répondit-elle.

Un sourire amusé naquit sur les lèvres de Fred, et fouillant dans sa poche, il en sortit une petite boîte violette, sur laquelle s'étendait un W, sigle représentant le petit trafic que les jumeaux avaient mis en place au début de l'année et auquel, Severus Rogue, leur terrible professeur des Potions, avait mis un terme avant les vacances de la Toussaint. Bien malgré elle, Hermione leva les yeux au ciel et récupéra la boîte qu'il lui tendit.

―Notre toute dernière invention, précisa-t-il avec un clin d'œil. Tu es la première à la voir. Après George et moi, bien sûr.

―Et je devrais être flattée de cet honneur ? rétorqua-t-elle avec un rire.

Très sûr de lui, Fred assura que oui avant de la pousser à ouvrir la boîte, qui contenait une petite boule jaune. Dès qu'elle l'eut en main, Hermione fut surprise en voyant plusieurs mots apparaôt les uns après les autres, dans le vide devant elle, sans suite logique, mais qui avait un rapport avec ce qu'elle avait noté dans son dernier devoir de Runes Anciennes.

―C'est une balle à mémoire, lui expliqua-t-il alors qu'elle observait l'objet de plus près. C'est très utile pour réviser un contrôle à la dernière minute. Tu penses très fort à une matière en particulier, et les mots importants que tu as appris apparaissent dessus.

―C'est très ingénieux, admit-elle avec un sourire.

Son cœur s'emballa lorsque le rouquin déposa un baiser aussi léger qu'une plume sur sa joue et de lui glisser un « Merci » à l'oreille. Son visage prit feu, et gênée, elle détourna le regard, pour le poser sur un hibou voletant gracieusement dans le ciel, en direction de la volière, placée un peu plus au nord.

―C'est pour toi.

Touchée, elle remit la balle dans la boîte et la rangea dans la petite besace qu'elle avait apporté avec elle. Son regard s'attarda un léger instant sur la robe noire que Ginny lui avait conseillé de mettre et les larmes lui montèrent aux yeux.

―J'ai peur, souffla-t-elle en relevant la tête pour croiser le regard confiant du rouquin.

Il l'enlaça pour toute réponse et ils passèrent les minutes restantes ainsi, à regarder le monde environnant. À trouver le réconfort dont ils avaient besoin tous les deux dans l'autre.

[...]

Les yeux de Molly Weasley s'écarquillèrent grandement lorsqu'elle pénétra dans le bureau du directeur, accompagnée de Fred, la faisant rougir de gêne. Mr Weasley parut tout aussi surpris, mais il eut moins de mal que son épouse à masquer son étonnement et il accueillit les arrivants avec un sourire rassurant, ses lunettes rondes légèrement de travers sur le bout de son nez.

―Bonjour Maman, lança Fred en embrassant rapidement sa mère.

Il fallut quelques secondes à Mrs Weasley pour retrouver l'usage de la parole et répondre au salut enthousiaste de son fils. Mais elle redevint rapidement la femme aimante qu'Hermione avait toujours connu et elle l'étreignit à son tour, en posant une main chaude sur sa joue.

―Bonjour ma chérie, souffla-t-elle.

Une once de timidité perçait dans sa voix. Signifiant clairement que Molly ne savait pas quelle attitude adopter envers Hermione. Agir au naturel ? Se montrer plus affective ? Ou bien plus effacée ? D'un sourire, la jeune fille rassura la mère de son meilleur ami, ne désirant pas qu'elle changea de comportement à son égard. Elle l'appréciait telle qu'elle était, et elle ne voulait pas que cela change. La matriarche des Weasley dut le comprendre puisque son sourire devint aussitôt plus chaleureux et elle déposa un baiser sur la joue de la collégienne avant de se retourner vers son mari et le professeur McGonagall, précisant qu'ils étaient prêts à partir.

Hermione remarqua rapidement l'absence du professeur Dumbledore. C'était de plus en plus fréquent ces derniers temps, et d'après Harry, le directeur trouvait toujours un prétexte lorsque le Survivant désirait le voir, remettant leur entrevue à plus tard. Son ami commençait à perdre patience, d'autant que les intrusions de Voldemort dans sa tête étaient de plus en plus fréquentes. Elle le poussait à fermer son esprit, mais ce n'était pas chose facile et les capacités magiques de son ami ne valaient rien face à celles du Seigneur des Ténèbres qui semblait prendre un plaisir pervers à pénétrer ses rêves et à les déformer à sa guise.

―Un portoloin vous ramènera au château à six heures ce soir, indiqua le professeur McGonagall à l'attention de ses deux élèves.

La jeune fille acquiesça rapidement avant de suivre les parents Weasley à travers toute l'école, encore endormie. Le soleil brillait haut dans le ciel lorsqu'ils traversèrent le parc, mais les nuages noirs se profilant au loin annonçaient une journée pluvieuse. Le silence qui les accompagna durant leur route l'aida à trouver l'apaisement nécessaire pour se faire à l'idée qu'elle allait revoir des membres de sa famille qu'elle n'avait pas vus depuis plusieurs années. L'obligation de garder le secret quant à son statut de sorcière avait éloigné ses parents de leurs familles respectives. Elle avait toujours cru qu'ils lui en voudraient pour ça, mais sa mère avait toujours assuré que non. Qu'elle était plus importante que tout le reste.

Une dernière fois, elle observa le château sous les rayons du soleil, avec l'étrange impression que c'était là l'ultime fois qu'elle y mettrait les pieds, avant de prendre la main tendue de Mr Weasley, qui lui expliqua qu'ils transplaneraient directement au cimetière de Londres. Son rythme cardiaque s'accéléra subitement et avant de sentir le monde tourner autour d'elle, elle croisa le regard rassurant de Fred.

La pluie se mit à tomber à l'instant où ils franchirent le portail du cimetière, duquel émana un silence qui l'oppressa plus qu'il ne la rassura. Plusieurs personnes qu'elle ne reconnut pas attendaient près de l'entrée, toutes vêtues de noir. Quelques uns lui offrirent des condoléances, d'autres des sourires. Ils étaient là pour ses parents. L'étau dans sa poitrine se resserra, et, comme s'il venait de percevoir sa détresse, Fred glissa sa main dans la sienne et la guida à travers l'endroit, suivant leurs parents qui ne cessaient de jeter des regards étonnés en direction de leurs mains liées. Mais Hermione ne se soucia pas qu'ils apprennent la vérité. Cela n'avait guère d'importance en cet instant.

Les cailloux crissaient sous le poids de leur corps, rompant la quiétude environnante. Quelques chants d'oiseaux se faisaient entendre par-ci par-là, à travers les feuillages des arbres, comme s'ils désiraient accompagner cette procession d'amis, voisins, famille et collègues qui marchaient tous en silence en direction de l'endroit où serraient prochainement enterrés Mr et Mrs Granger. Tête baissée, Hermione n'eut pas le courage de relever la tête, pour croiser une nouvelle fois le regard plein de pitié des personnes venues se recueillir une dernière fois auprès de ses parents. Seule la main de Fred dans la sienne avait de l'importance, l'empêchant de sombrer et fuir cet endroit qui lui rappelait douloureusement que la vie était courte et que son père et sa mère n'avaient pas eu la chance de profiter des leurs.

Ils s'arrêtèrent finalement devant les trous où seraient ensevelis les cercueils de ses parents, et le trou béant dans sa poitrine s'agrandit, lui arrachant un gémissement à peine audible. Sa vue se brouilla et les battements de son cœur augmentèrent. La douleur refit soudainement surface, la submergeant, et prenant appui sur Fred, qui entoura sa taille d'un geste protecteur, elle adressa une dernière fois un adieu silencieux à ses parents.

[...]

Elle ne voit pas ce qu'il se passe autour d'elle. La douleur l'empêche de capter le moindre son, le moindre mouvement. Sa vue brouillée par les larmes, ne lui donne pas l'occasion de voir les personnes qui s'approchent des tombes de ses parents. Elle ne perçoit que le toucher de Fred, qui la retient. Qui lui permet de s'accrocher, de trouver la force de garder la tête haute, alors que la souffrance l'englobe comme une seconde peau. La tirant un peu plus vers le fond à chaque nouvelle larme qui coule.

Elle veut partir. Fuir loin du cimetière, loin de cette vie de souffrance qui l'attend, mais elle sait que ce n'est pas possible. Et pourtant. Elle est prête à tout donner pour pouvoir s'échapper. Faire disparaître la douleur, la peur et la colère qui l'habitent. Elle est prête à échanger tout ce qu'elle a, les moments de bonheur les plus précieux qu'elle possède, pour revoir une dernière fois sa famille. Son père. Sa mère. Leur dire qu'elle les aime et qu'elle n'arrive pas à vivre sans eux. Que c'est une torture au quotidien. Qu'ils accaparent ses pensées à chaque instant de la journée. Elle veut revoir le sourire bienveillant de son père, sentir le doux parfum de sa mère. Profiter d'un moment en famille, sur le bord de la mer, comme ils ont tant l'habitude de le faire pendant les vacances.

Rien qu'une fois. Une dernière.

Le temps défile, mais il ne semble avoir aucune prise sur elle, et indifférente à ce qu'il se passe autour d'elle, elle laisse les souvenirs refaire surface. Par centaines. Par milliers, lui rappelant à quel point elle a été heureuse, aimée et choyée. Elle s'efforce de se souvenir de la saveur du bonheur, mais déjà, il s'échappe, s'enfouit au plus profond de sa mémoire. Pourra-t-elle être heureuse un jour de nouveau ? La main de Fred sur sa taille lui affirme que oui, mais son cœur qui saigne n'est pas aussi confiant. Ne l'est plus. Elle essaie de croire que c'est possible, qu'elle pourra s'en sortir, mais elle n'y parvient pas. La douleur l'assaille, phagocyte ses sens et bride sa capacité à penser. Alors, elle laisse son esprit se vider et s'appuie contre le rouquin assis à ses côtés.

La pluie tombe toujours, emportant avec elle les larmes salées qui coulent sans retenue sur ses joues. Pleurer apaise sa douleur. Un peu. Elle voudrait tant la faire disparaître, cependant, elle sait que ce n'est pas possible. La souffrance est l'unique souvenir que ses parents lui ont laissée. Alors, elle s'y accroche. De toutes ses forces. Les battements de son cœur s'accélèrent lorsqu'elle distingue Mr Weasley au pied des deux cercueils, déposant une rose blanche sur celui de sa mère. L'espace de quelques secondes, elle se demande pourquoi on dépose toujours des fleurs sur les cercueils, alors que dans peu de temps, on les mettra sous terre, ensevelis à jamais. Elle aimerait en faire de même, mais son corps refuse de bouger. D'esquisser le moindre mouvement. Impuissante, elle regarde Mrs Weasley approcher à son tour, reniflant dans un mouchoir en soie, et poser une nouvelle fleur sur les tombes. L'étau dans sa poitrine se resserre et un nouveau gémissement lui échappe.

Les minutes s'écoulent encore. Elle voit alors le meilleur ami de son père approcher d'elle et elle le sent déposer un baiser sur son front, en signe de soutien, avant qu'il ne s'approche à son tour des deux cercueils. Il ne bouge plus, mais elle arrive à distinguer le mouvement de ses lèvres. Elle ne parvient pas à comprendre ce qu'il dit, le bourdonnement à ses oreilles l'empêchant de percevoir le moindre son. Mais elle fixe son regard sur lui. Et en le voyant là, une main sur la tombe de son père, elle comprend qu'elle n'est pas la seule à souffrir. Que toutes les personnes venues pleurer ses parents une dernière fois éprouvent ce qu'elle éprouve. Bien que cela n'apaise pas la douleur qu'elle ressent, ça la rassure. Et lui permet de voir une lueur d'espoir au bout du chemin.

Pour sa part, sa lueur d'espoir c'est Fred. Aussi étonnement que cela puisse être.

C'est lui.

[...]

Les jours qui suivirent l'enterrement, Hermione passa le plus clair de son temps à la bibliothèque à étudier, faire ses devoirs, lire des tas des livres. S'occuper l'esprit lui permettait de ne pas penser à ses parents, et le silence agréable de l'antre de Mrs Prince lui permettait de trouver le calme qu'elle cherchait tant. Parfois, Neville l'accompagnait et elle l'aidait à remplir des tas de parchemins pour des devoirs de métamorphose, sortilèges et potions. Lentement, mais sûrement, elle redevenait l'élève studieuse que tous connaissaient et appréciaient, du moins tout le monde sauf les Serpentard qui passaient beaucoup de temps à se moquer des lions, d'autant que le prochain match de Quidditch allait opposer les deux mains ennemies depuis toujours. Harry et Ron venaient parfois la rejoindre, souvent à l'heure des repas pour être certains qu'elle s'alimentait correctement. Elle les suivait toujours, silencieuse mais présente, dans la Grande Salle, lieu toujours animé et avalait le contenu de son assiette sous le regard vigilant de ses meilleurs amis. Cette présence constante des garçons autour d'elle la rassurait. Ainsi que celle de Ginny et des jumeaux.

La nuit était tombée depuis longtemps sur l'Angleterre, le couvre-feu passé depuis plusieurs heures maintenant, pourtant, Hermione et ses amis étaient encore présents dans la salle commune des lions, à profiter du silence de la pièce, assis près du feu de cheminée. Leurs condisciples avaient rejoint leurs dortoirs depuis un petit moment déjà, tombant de fatigue. La journée avait été difficile, Dolores Ombrage se montrant plus exécrable qu'à l'accoutumée, et il y avait une raison logique à cela, qui tenait le trio encore éveillé à une heure aussi tardive. Et qu'ils étaient les seuls à connaître.

La veille, alors qu'il contactait Sirius pour l'informer du mutisme de Dumbledore à son égard, grâce à la cheminée de la salle commune, Harry avait eu la désagréable surprise de voir la tête du professeur de Défense contre les Forces du Mal apparaître près de celle de son parrain, manquant de peu de faire attraper le fugitif. Sirius avait eu le temps de s'échapper, mais Ombrage, furieuse, leur avait donné deux heures de retenue à chacun après avoir débarqué comme une furie dans la pièce, alertant plusieurs élèves endormis par ses cris de démente. Bien entendu, le professeur McGonagall avait eu vent de l'affaire, et notamment de la présence de Sirius -du moins sa tête- à l'école, mais elle n'avait rien pu faire pour faire lever la punition, estimant qu'il valait mieux ça que l'arrestation de Sirius Black par le Ministère.

Depuis, ils attendaient la moindre nouvelle du parrain d'Harry, craignant que quelqu'un ait découvert la cachette dans laquelle il avait trouvé refuge depuis son évasion. Hedwige était partie le matin, portant une lettre à l'intention de Mr et Mrs Weasley qui vivaient également au Square Grimmaurd, sauf qu'aucune réponse n'était revenue pour le moment.

―Peut-être qu'ils n'ont pas reçu la lettre, commenta Ron en étouffant un bâillement.

Lentement, Hermione leva les yeux vers le rouquin et croisa son regard fatigué. Elle aussi avait songé à cette éventualité, mais la chouette de leur meilleur ami serait revenue depuis longtemps si tel avait été le cas. Non, il s'était passé quelque chose d'autre. De plus grave, peut-être. De toutes ses forces, elle espéra qu'ils n'aient perdu personne. Elle n'aurait pas supporté de devoir dire au revoir une nouvelle fois à quelqu'un qu'elle aimait. La perte de ses parents l'avait déjà bien trop fait souffrir. Elle ne voulait pas revivre ça.

―Ce n'est pas la première fois que j'écris à Sirius, rétorqua Harry en secouant négativement la tête. Hedwige a déjà réussi à trouver la maison malgré toutes les protections qu'elle possède.

La jeune fille poussa un léger soupir lorsque les deux garçons se tournèrent vers elle, en quête d'aide pour déterminer lequel des deux pouvaient avoir raison. Haussant des épaules, elle tourna son regard en direction des flammes, lorsqu'un " plop " résonna dans la pièce, faisant sursauter les trois personnes présentes.

―Dobby ? fit Ronald avec étonnement.

L'elfe de maison esquissa un faible sourire avant de s'incliner en direction d'Harry Potter, qu'il considérait comme son sauveur depuis le jour où le garçon lui avait offert une chaussette, le libérant ainsi de l'emprise de la famille Malefoy. La chemise qu'il portait aujourd'hui, donnée par Albus Dumbledore lorsqu'il avait accepté de venir travailler dans les cuisines de l'école, témoignait d'un changement de vie radicale pour la petite créature. Lentement, ne voulant effrayer personne, Dobby claqua des doigts, et une cage avec une Hedwige mal en point à l'intérieur se matérialisa soudainement devant eux. Les yeux d'Hermione s'écarquillèrent et elle se précipita vers le hibou qui ulula difficilement.

―On dirait qu'elle est blessée, souffla-t-elle en sortant sa baguette pour examiner le volatile qui ne bougeait pas.

―Où l'as-tu trouvé, Dobby ? demanda Harry en approchant à son tour. Où as-tu trouvé Hedwige ?

Un instant, Hermione leva les yeux en direction de son meilleur ami et décela le soulagement dans ses prunelles vertes. Le soulagement de savoir que sa chouette était encore en vie.

―Dans la volière, Monsieur Harry Potter, très tôt ce matin, répondit le petit elfe. Elle était blessée et avait une lettre accrochée à la patte.

―Qu'as-tu fais de la lettre ? s'enquit Hermione.

Sa baguette cessa de s'agiter au-dessus du corps inerte de la chouette. Elle n'était pas encore assez douée pour déceler le mal qui habitait Hedwige, et elle se dit qu'ils devraient l'emmener à Hagrid dès le lendemain matin pour qu'il puisse la soigner correctement.

―Euh... fit Dobby en se dandinant d'un pied sur l'autre, le regard fuyant.

Le ton hésitant dans sa voix attira l'attention des trois jeunes sorciers qui échangèrent des regards inquiets, ayant tous en tête l'image d'un Sirius Black se faisant emmener de force au Ministère de la magie par des Aurors, pieds et mains enchaînés. Cette idée fit frissonner Hermione, la peur prenant place en elle. Elle savait que, si Sirius retournait en prison, alors Harry n'aurait plus personne lui rappelant sa famille.

―Dobby, dis-nous ce que tu as fais de la lettre, insista Harry avec empressement.

―Dobby a brûlé la lettre lorsqu'il a lu le nom du dentinaire, avoua l'elfe d'une petite voix, oreilles tombantes, regard baissé. La lettre n'était pas adressée à Harry Potter, alors Dobby l'a brûlée.

Un profond soupir de soulagement s'échappa des lèvres roses d'Hermione qui se laissa tomber sur le canapé, aux côtés de Ron, avec lequel elle échangea un regard exprimant leur soulagement de savoir que la lettre n'était pas tombée dans de mauvaises mains. Et cela voulait ainsi dire que Sirius allait bien. Ainsi que Mr et Mrs Wealsey. Personne n'était venu le chercher au Square Grimmaurd puisque la lettre n'était jamais arrivée à destination. Mais il restait encore à découvrir qui avait bien pu faire du mal à Hedwige.

La réponse s'imposa rapidement dans l'esprit de la jeune fille qui ne tarda pas à en faire part à ses amis. Une lueur mauvaise s'alluma dans le regard de l'élu, faisant rougeoyer ses prunelles. Un instant, elle eut l'impression d'avoir Voldemort en personne en face d'elle et cela lui rappela à quel point le mage noir avait de l'emprise sur l'esprit de son ami. Cette idée la fit frissonner d'angoisse.

Dolores Ombrage. C'était elle qui était responsable des blessures de la chouette.

―Dobby est vraiment désolé, s'exclama l'elfe. Dobby aimerait bien aider Harry Potter pour se faire pardonner parce que Harry Potter a donné la liberté à Dobby et que Dobby est beaucoup plus heureux maintenant.

―Tu ne peux pas m'aider Dobby mais je te remercie de me l'avoir proposé, souffla Harry avec un sourire.

Le regard de l'elfe se fit plus insistant, comme s'il cherchait réellement le moyen de se faire pardonner d'avoir brûlé la lettre, bien qu'aux yeux du trio, cela fut plus perçu comme une bonne chose que comme une faute. Hermione le regarda avec désolation, désireuse de pouvoir venir en aide à la petite créature, qui avait pourtant refuser le soutien de la Société d'Aide à la Libération des Elfes qu'elle avait elle-même créé dans l'espoir de faire changer le regard des hommes sur les créatures. Une idée lui vint subitement, et se levant, elle s'approcha doucement de Dobby qui leva vers elle un regard suppliant.

―Il y a peut-être quelque chose que tu peux faire pour Harry, dit-elle. Une chose qui lui ferait très plaisir.

L'elfe la regarda, le visage radieux. Elle se retourna vers son meilleur ami, qui la fixait avec étonnement avant de comprendre où elle voulait en venir. Le regard du brun à lunettes se mit à pétiller et il se pencha de nouveau vers Dobby, qui semblait avoir bien du mal à tenir en place, l'excitation le rongeant littéralement de l'intérieur.

―J'ai besoin d'un endroit où de nombreuses personnes peuvent s'entraîner à pratiquer la Défense contre les Forces du Mal sans être découvertes par un professeur.

―Surtout pas par Ombrage, ajouta Ron avec un grognement.

Hermione s'attendait à voir le sourire de Dobby disparaître et ses oreilles tomber. Elle s'attendait à l'entendre dire que c'était impossible ou bien qu'il essayerait de chercher un endroit mais qu'il n'avait pas grand espoir. Jamais, cependant, elle n'aurait pensé qu'il ferait un petit bond en l'air et qu'il agiterait ses oreilles d'un air joyeux en claquant des mains.

―Dobby connaît l'endroit idéal, Harry Potter ! s'écria-t-il. Dobby en a entendu parler par les autres elfes de maison dans les cuisines, lorsqu'il est arrivé à Poudlard. On l'appelle la Salle sur Demande ou la Pièce Va-et-Vient.

Hermione fronça les sourcils, en essayant de se souvenir si elle avait lu un tel nom dans un de ses livres. Mais rien ne lui revint en mémoire et elle se demanda si c'était de cette même salle que Sirius avait parlé à Harry lors des vacances de la Toussaint, précisant que c'était une pièce très capricieuse et qui n'apparaissait qu'aux personnes méritant qu'elle se manifeste pour elles.

―Et pourquoi ? s'étonna Ron.

―Parce que c'est une pièce où on ne pas peut entrer, expliqua Dobby avec sérieux. Parfois elle est là, parfois elle n'y est pas. Mais quand elle apparaît, elle contient toujours ce que l'on cherche. Dobby l'a déjà utilisée, quand Winky avait beaucoup bu. Il l'a cachée dans la Salle sur Demande et il y a trouvé des antidotes à la Bièraubeurre avec un joli petit lit à la taille d'un elfe pour qu'elle puisse se remettre... Dobby y a même cherché le remède pour vaincre l'alcoolisme de Winky mais... C'est une pièce très étonnante, Harry Potter. Vraiment très étonnante.

―Combien de gens la connaissent ? demanda Hermione.

―Très peu, répondit Dobby. La plupart du temps, ils tombent dessus quand ils en ont besoin mais, après, souvent, ils ne la retrouvent plus jamais parce qu'ils ne savent pas qu'elle est toujours là à attendre qu'on l'appelle.

―C'est une excellente idée, dit alors Harry en se tournant vers ses deux amis. La Salle sur Demande semble être l'endroit idéale pour l'Armée de Dumbledore.

Hermione échangea un rapide regard avec Ron avant d'acquiescer. Le sourire aux lèvres, le Survivant demanda à l'elfe s'il pouvait leur donner la localisation exacte de la pièce pour qu'ils puissent s'y rendre. Elle songea un instant à ce qu'ils y aillent sur le champ, mais la punition obtenue la veille par Ombrage la dissuada de faire part de son idée à ses amis. Elle n'avait pas envie de se faire repérer par Rusard ou par un autre professeur.

Sitôt Dobby parti, Harry revint s'asseoir près d'eux, et pendant quelques instants, ils restèrent plongés chacun dans leurs pensés, songeant qu'ils avaient enfin découvert un endroit pour y accueillir les membres de l'AD. Il ne restait plus qu'à fixer la date de la première réunion, qu'ils voulaient le plus vite possible, pour pouvoir rattraper les deux mois de Défense sans pratique. Il fallait également mettre en place le contenu du cours, et pour ça, le brun à lunettes comptait sur le soutien de sa meilleure amie pour le faire. Il savait qu'Hermione ne le laisserait pas se débrouiller seul, surtout pour cette première fois face à vingt-huit personnes. Et au fond, il voulait prouver que la confiance qu'ils plaçaient tous en lui n'était pas vaine... alors venir sans idée précise à ce premier cours ne lui semblait pas la meilleure idée au monde.

Hermione, elle de son côté, réfléchissait aux impacts que l'Armée de Dumbledore pourrait avoir sur l'avenir de ses amis. Elle savait que, en devenant professeur, Harry prendrait plus confiance en ses capacités magiques, qu'il remettait souvent en question, préférant dire qu'il devait ses exploits face à Voldemort au sacrifice de sa mère. Ce n'était pas faux, mais la jeune fille savait que le courage et la détermination qui l'habitaient étaient ce qui lui permettait d'assumer le rôle qu'on lui avait donné même avant sa naissance. Être le seul enfant capable de vaincre le plus puissant sorcier du monde avait de quoi faire peur... hors, Harry n'avait jamais failli à la tâche et avait toujours assumé ce que l'on attendait de lui. Pourtant, à plusieurs reprises, il avait remis en question ce qu'il savait et pouvait faire, et en prenant la tête de l'Armée de Dumbledore, elle espérait qu'il ne se poserait plus de questions et comprendrait qu'en dépit de tout, c'était un excellent sorcier.

Elle savait aussi que cela aurait des répercussions sur les élèves en général, et peut-être même l'école toute entière. Si un professeur apprenait un jour l'existence de leur organisation secrète, les choses en seraient changées à jamais. Une révolution à l'intérieur même du château ? Elle n'était même pas certaine que cela se soit déjà produit auparavant. Sûrement parce que le Ministère n'avait pas eu à se mêler des affaires de Poudlard avant l'arrivée d'Harry et ses amis.

Et puis il y avait Ron. Comment vivrait-il le fait que son meilleur ami soit encore mis en pleine lumière ? Il ne l'avait jamais concrètement dit, mais Hermione savait que le rouquin vivait mal la célébrité d'Harry, ayant parfois l'impression de n'être que la cinquième roue du carrosse. Celle qui n'était là que pour faire bonne figure. C'était faux bien entendu, puisque sans lui, Harry n'aurait pas survécu à la moitié des aventures qu'ils avaient vécues tous les trois, mais il était difficile de faire comprendre ça à Ronald. C'était comme le convaincre de ses capacités au Quidditch. Difficile, périlleux, mais certainement pas improbable. Il fallait se montrer patient, et elle serait là jusqu'à que son ami voit enfin de quoi il était capable.

Un bâillement lui échappa, et après avoir souhaité bonne nuit à ses amis, elle monta dans son dortoir, où ses camarades de chambre dormaient déjà depuis un bon moment. Sans bruit, elle s'allongea dans les draps chauds de son lit, une fois son pyjama enfilé, et ferma les yeux. L'image de ses parents se manifesta alors, mais contrairement aux fois précédentes, les voir lui fit du bien. Aucune larme ne s'échappa de ses paupières closes, et l'esprit en paix, elle s'endormit. Sans savoir qu'à l'étage supérieur, un certain rouquin avait des rêves plein la tête. Des rêves dont elle faisait partie.

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