VIII - Le silence des larmes.
Remus Lupin et Nymphadora Tonks les attendaient dans la cuisine du Manoir des Black, accompagnés d'un Sirius Black encore plus bougon qu'à l'accoutumée, mais la venue de son filleul sembla lui redonner le sourire, puisqu'il étreignit Harry avec enthousiasme avant de venir saluer les autres enfants, déposant un léger baiser sur le front d'Hermione.
La jeune fille esquissa un sourire avant de saluer à son tour son ancien professeur et l'Auror assise à ses côtés. Les cheveux rose fluo de Tonks l'amusèrent et c'est vers elle qu'elle se dirigea une fois les retrouvailles achevées, alors que Mrs Weasley s'attelait à la tâche de préparer le dîner pour tout le monde.
―Tu as l'air en forme, Hermione, lui sourit Tonks alors qu'elle prenait place près d'elle, imitée par Ginny. Comment se sont passées ces premières semaines de cours ?
―Bien, s'enthousiasma la rouquine, heureuse de retrouver sa famille et leurs amis. Grâce à notre tête pensante adorée, Gryffondor est en tête pour la course des quatre maisons !
Hermione rougit en levant les yeux au ciel, pour croiser le regard de Fred, accentuant la chaleur sur son visage. Son malaise n'avait pas totalement disparu, mais retrouver l'ambiance joyeuse de la demeure l'apaisa néanmoins. Etre ainsi entourée, par une famille aussi aimante que celle des Weasley était un soulagement. Arthur et Molly jouaient le rôle de parents de substitution à merveille, et elle était heureuse que ce soit eux qui soient présents pour elle. La famille de Ron était l'exemple parfait de l'amour et de la joie. Il suffisait de passer quelques instants avec chacun de ses membres pour s'en rendre compte.
―Remus n'arrête pas de dire combien tu es intelligente, ajouta Tonks. Sirius lui pose beaucoup de questions sur la vie d'Harry en tant qu'étudiant, et il ne tarit jamais d'éloges sur toi.
Hermione sourit, touchée d'entendre que son ancien professeur de Défense contre les Forces du Mal avait autant d'estime pour elle. Il avait quitté l'école depuis presque deux ans maintenant, pourtant, il semblait toujours avoir des nouvelles de ses anciens élèves. Sûrement était-il resté en communication avec le professeur McGonagall ou était-ce Dumbledore qui lui faisait des comptes rendus de leur scolarité. Quoi qu'il en soit, elle fut très émue et offrit un sourire éblouissant à l'Auror qui éclata vivement de rire, s'attirant des regards réprobateurs des hommes.
―Quoi qu'il en soit, nous avons eu vent de vos expériences avec Dolores Ombrage, continua la métamorphomage d'une voix plus grave. Tout le monde parle d'elle au Ministère.
―C'est une vraie sorcière ! souffla furieusement la rouquine pour que sa mère n'entende pas ses propos. Elle donne des heures de retenue à tout va en pensant qu'elle va se faire respecter.
―Elle a une vision étonnante de l'enseignement, ajouta Hermione, en passant le bout de ses doigts sur la cicatrice de sa main, souvenir d'une punition douloureuse.
―Elle n'a pas très bonne réputation au Bureau des Aurors, admit Tonks. Mais, c'est la préférée du Ministre, et pour qu'il la nomme Grande Inquisitrice de l'école, c'est qu'il doit avoir beaucoup de respect pour elle. Alors, vous devez faire très attention à vous.
Hermione promit qu'ils seraient tous prudent. Molly Weasley annonça alors que le repas était prêt, et comme durant les deux mois qu'elle avait passés au Square Grimmaurd, les adultes prirent place d'un côté de la table, et les adolescents de l'autre. Sans surprise, la jeune fille se retrouva face à Fred, mais la présence d'autres personnes la dissuada de le regarder ou même de lui sourire, et elle passa le reste de la soirée à l'ignorer.
Avec un soupir de soulagement, elle s'allongea dans les draps propres de son lit, aussitôt imitée par Ginny, une fois qu'elles furent prêtes à aller au lit. Molly Weasley vint leur souhaiter bonne nuit, et une fois la lumière éteinte, Hermione perçut la voix de son amie, donnant un aspect différent à la chambre froide et sans charme dans laquelle elles avaient passé de nombreuses nuits avant leur départ pour l'école.
―Je suis contente d'être revenue, dit-elle. Ça m'avait manqué d'être ici. De voir mes parents et de profiter de mes frères quand je le veux. Et de revoir Sirius et Remus aussi.
―Moi aussi, avoua la plus âgée avec un demi-sourire, tandis que les souvenirs de la soirée refaisaient surface dans son esprit, notamment les anecdotes dans deux anciens Maraudeurs sur leur adolescence.
Ginny dut penser à la même chose qu'elle puisque son rire résonna quelques secondes dans la pièce, avant que le silence ne reprenne ses droits. Elles perçurent distinctement des bruits de pas dans le couloir, certainement Remus qui rejoignait sa propre chambre, et pendant plusieurs minutes, elles ne prononcèrent plus le moindre, jusqu'à que la voix de la rouquine ne résonne de nouveau, faisant battre le cœur de son amie plus fort.
―Je sais que tu ne veux pas en parler Hermione, chuchota-t-elle, mais tu devrais vraiment réfléchir à ce que tu veux. Par rapport à Fred, je veux dire. Je vois bien que cette histoire te bouleverse plus que tu ne me le fais croire. Alors, pense à ce que tu veux vraiment et fonce. Sans trop te poser de questions.
Et sans attendre la moindre réponse, elle s'endormit, décidant de laisser son amie tranquille jusqu'à qu'elle ait prit la bonne décision. Celle qui l'aiderait à être vraiment heureuse, à redevenir la Hermione Granger insouciante et joyeuse qui s'était présentée à eux durant les vacances d'été et que les Weasley -adultes et enfants- avaient accueillie avec enthousiasme.
Un soupir s'échappa des lèvres de la Préfète lorsqu'elle entendit la respiration de sa voisine ralentir et s'apaiser complètement. Et elle s'était doutée que Ginny finirait au bout d'un moment par aborder le sujet, et au fond d'elle, elle aurait préféré qu'elle le fasse à un tout autre moment. À l'instant où la rouquine prononça le nom de son frère, Hermione comprit qu'elle ne pourrait pas trouver le sommeil.
De longs instants, elle se repassa les mots de sa meilleure amie en tête, essayant d'y trouver le réconfort dont elle avait besoin, l'aide, la lumière qui la mettrait sur le droit chemin, mais Ginny ne connaissait pas toute l'histoire. La dernière discussion que la cinquième année avait eue avec Fred lui était encore inconnue, et Hermione hésita à lui en parler. Premièrement, parce qu'elle avait encore besoin de temps pour s'y faire, et aussi car elle souhaitait s'en sortir seule. Ginny était sa meilleure amie, une des personnes en qui elle avait le plus confiance, mais pour une fois, la jeune fille désirait parvenir seule à ses fins. C'était peut-être égoïste de sa part, et un peu mesquin envers la rouquine, mais depuis longtemps, Hermione avait pris l'habitude de se débrouiller seule. L'absence de ses parents ayant joué un rôle important dont son apprentissage de l'autonomie.
Les minutes défilèrent, puis les heures, et lorsque l'église du village voisin sonna minuit, Hermione décida d'aller se rafraîchir dans la cuisine, et quitta sans bruit la chambre, éclairée par une petite bougie à la lueur vacillante, puisqu'aucune des pensionnaires de la pièce n'avait le droit de pratiquer la magie en dehors de Poudlard pour la raviver.
Le reste du Manoir était plongé dans la pénombre et le silence, pourtant, de la lumière filtrait sous la porte menant à la cuisine. La jeune fille hésita quelques secondes avant d'abaisser la poignée. Un sourire rassurant de Sirius l'accueillit et sans la moindre appréhension, elle pénétra dans la cuisine.
―Tu devrais être en train de dormir, l'accueillit le parrain d'Harry lorsqu'elle alla se servir d'un verre d'eau.
―Je n'y arrive pas, avoua-t-elle en s'approchant de l'évier.
Son regard s'arrêta sur la balancelle en piteuse état du jardin des voisins et elle se demanda si quelqu'un avait déjà remarqué qu'elle se trouvait là.
―Moi non plus, rit doucement Sirius.
Une odeur de café monta de la tasse qu'il avait en main lorsqu'Hermione décida de s'asseoir face à lui. Elle n'était pas du tout intimidée par cet homme, fugitif de son état qui avait réussi le fabuleux exploit de s'évader de la tristement célèbre prison d'Azkaban grâce à ses capacités d'Animagus, mais rares étaient les moments qu'ils avaient passés ensemble depuis son évasion et elle avait parfois l'impression de se retrouver face à un véritable inconnu, alors qu'il faisait parti de leur vie depuis maintenant deux ans.
―Tu as l'air soucieuse, continua-t-il en fronçant les sourcils.
Cette expression fit ressortir les rides creusant son visage, vestiges de douze ans de détention, lui donnant l'âge d'un homme ayant eu une vie bien longue, alors qu'il était encore assez jeune. Était-ce pour cette raison qu'il refusait obstinément de couper sa longue chevelure ? Molly avait eu beau lui suggérer une bonne vingtaine de fois, le Maraudeur avait toujours dit non. Voulait-il garder un souvenir bien vivant de sa jeunesse ?
―Ça se voit tant que ça ? s'enquit-elle en portant le verre à ses lèvres.
La froideur de l'eau lui fit du bien, et les idées un peu plus claires, elle reporta son attention sur Sirius, qui portait encore sa robe de sorcier.
―J'ai été jeune moi aussi, Hermione, lui rappela-t-il en esquissant un sourire, illuminant son visage fatigué. Tous les tracas que tu vis en ce moment, je les ai vécu.
Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune fille, qui essaya tant bien que mal d'imaginer un Sirius Black plus jeune, en se basant sur les photos qu'elle avait vues de la scolarité des Maraudeurs, et elle n'eut aucun mal à l'imaginer en adolescent bon vivant, farceur et courageux.
Comme l'était Fred.
―Tu peux m'en parler si tu veux, ajouta-t-il avec une lueur rassurante dans le regard.
Le rouge lui monta aussitôt aux joues lorsqu'elle s'imagina en train de parler de ses peines de cœur au parrain de son meilleur ami. Sirius dut comprendre à quoi elle pensait, puisqu'il éclata de rire, en précisant que certaines choses ne devaient pas lui être dites à lui.
―Retourne te coucher, lui conseilla-t-il d'une voix plus douce.
Après un dernier regard, la jeune fille quitta la pièce. Sans savoir si Sirius allait faire de même ou passer toute la nuit à ressasser un passé dans lequel il s'était perdu quatorze ans auparavant.
[...]
Les trois jours suivants, Hermione n'eut guère l'occasion de se retrouver seule avec Ginny pour lui faire part de sa dernière discussion avec Fred, la veille de leur retour au Manoir. Molly Weasley trouvait que la demeure n'était pas encore assez saine pour y accueillir autant de personnes, aussi, décréta-t-elle qu'un peu de ménage ne ferait pas mal, et chacun fut mis à contribution, y compris Remus et Sirius, bien qu'ils tentèrent d'échapper à cette tâche « ingrate et inutile », selon les propos du second.
Elle passa le plus clair de son temps en compagnie de Ron et Harry à récurer les livres de la bibliothèque du premier étage, faisant le tri entre ceux qu'ils pouvaient garder et ceux qu'il fallait impérativement détruire. Ils contenaient pour la plupart des sortilèges de magie noire, témoignant du sombre passé de la famille, dont Sirius avait réussis à s'échapper à temps. Il répétait sans cesse, que sans les Potter -les parents de James-, il ne serait jamais devenu l'homme qu'il était.
Les rares pauses octroyées par la doyenne de la famille consistaient aux repas pris tous ensemble dans la cuisine, sous l'œil mauvais de l'elfe de maison des Black, Kreattur, qui ne cessait de marmonner contre les sang impur et les sorciers de bas lignage. Sirius passait le plus clair de son temps à le punir et songea plusieurs fois à le renvoyer, mais l'idée même que l'elfe puisse indiquer la présence du fugitif au Ministère le dissuada de le faire. Il fallut donc prendre sur soi et faire mine de rien en présence de la créature, qui, Hermione devait l'avouer, lui faisait terriblement peur. Il n'avait absolument rien à voir avec Dobby et les rares elfes de l'école qu'elle avait pu rencontrer. Il incarnait la noirceur la plus extrême et on comprenait facilement pourquoi la mère de Sirius en avait fait son serviteur.
Le quatrième jour, Hermione se réveilla avec le sourire aux lèvres, ne songeant guère aux heures de dur labeur qui l'attendait. À vrai dire, cela n'avait guère d'importance, puisque le soir même, elle serrait de retour chez elle, auprès de ses parents, dans la maison de son enfance. Et cet instant, elle l'attendait depuis de nombreux mois.
―Bonjour Hermione, l'accueillit chaleureusement Molly.
La jeune fille ne fut guère surprise en remarquant qu'à part Remus, et les parents Weasley, elle était la seule à être debout. Ne pouvant se voir durant la journée, ses amis attendaient la mise au lit de Molly pour se retrouver dans la chambre des jumeaux, à discuter jusqu'à des heures tardives pour rattraper le temps perdu. Hermione ne se rendait guère à ses rendez-vous nocturnes, un peu honteuse de trahir ainsi la confiance de la mère de son meilleur ami, préférant récupérer d'une éprouvante journée. Et être seule dans sa chambre lui permettait de penser à ses problèmes personnels, ou bien de prendre de l'avance en faisant ses devoirs et en lisant -relisant- ses manuels de cours.
―Bonjour, sourit Hermione en s'installant autour de la table.
Arthur et Remus lui sourirent avant de se replonger dans leur lecture respective. La matriarche des Weasley ne tarda pas à lui servir une assiette succulente, précisant qu'elle partirait en fin d'après-midi, escortée par son ancien professeur et Tonks. La sécurité avant tout, songea-t-elle en pensant à Maugrey Fol'Oeil.
Sa première rencontre avec l'Auror n'était pas un souvenir franchement agréable, puisque l'homme en question était en fait un Mangemort du nom de Barthemius Croupton Junior se faisant passer pour Fol'Oeil alors que le véritable Maugrey était enfermé dans une malle magique au sein même de Poudlard. Il avait fallut attendre plus de huit mois pour se rendre compte de la supercherie et libérer le véritable Auror qui n'avait pas vraiment apprécié sa captivité.
Le cours dispensé sur les Impardonnables était le pire que la jeune fille ait connu de toute sa scolarité. Même les heures passées en compagnie de Dolores Ombrage étaient plus supportables que de voir une bête innocente se faire tuer sous ses yeux. Quoi qu'il en soit, chaque fois qu'il venait assister aux réunions de l'Ordre, Hermione faisait attention à ne pas se retrouver seule en compagnie de l'Auror et elle fut donc heureuse d'entendre que ce serait Tonks et non lui qui assurerait sa sécurité.
―Merci, souffla-t-elle.
Molly lui sourit et retourna à ses fourneaux, desquels s'échappaient une agréable odeur de tarte et de fruits cuits.
[...]
Le salon du rez-de-chaussée était la pièce dans laquelle Hermione aimait se réfugier durant ses temps libres, pour se retrouver seule, profiter du silence en lisant un livre, en regardant les albums photos que Sirius avait trouvés dans le grenier datant de sa scolarité, que sa mère n'avait même pas pris la peine de jeter, préférant les laisser de côté, pensant sûrement que son fils finirait par revenir dans le droit chemin. Celui qu'elle-même avait suivie. Celui des Ténèbres.
Un soupir lui échappa lorsqu'elle posa de nouveau sa main sur un des carreaux de l'unique fenêtre, s'attirant un regard étonné de la part de Fred, avec qui elle devait nettoyer la pièce, sur ordre de Molly. La jeune fille avait été très surprise en entendant la mère de Ron lui demander de faire le ménage ici en compagnie du rouquin, mais il avait finit par lui avouer qu'avec son frère jumeau, ils ne faisaient pas grand chose et leur mère avait du s'en rendre compte. Peut-être pensait-elle qu'en compagnie d'Hermione il se montrerait plus raisonnable et lui obéirait sans protester.
Savait-elle seulement ce qu'elle faisait en les mettant ensemble ?
Ils ne s'étaient guère parlés depuis qu'ils étaient revenus de l'école, et Hermione avait l'impression qu'un certain malaise s'était installé entre eux, comme si ce qu'ils vivaient à Poudlard ne pouvait survivre au de-là de l'enceinte du château. Cette idée l'avait effrayée, et elle aurait voulu en faire part au garçon, mais elle ne savait pas vraiment comment il pourrait réagir. Après tout, s'il avait tant tenu à être avec elle, pourquoi n'était-il pas venu la voir ? N'aurait-il pas passé du temps avec elle, au lieu de rester confiner dans sa chambre tard le soir avec ses frères et sœur et Harry ?
Ce manque d'attention avait beaucoup blessé la jeune fille qui avait finit par se dire que rien de bien ne pourrait découler d'une relation avec Fred. Cela lui faisait beaucoup de mal de penser ainsi, mais leur éloignement commençait à avoir raison d'elle. Et être seule avec lui n'arrangeait pas les choses. Elle qui était si heureuse le matin-même à l'idée de revoir ses parents, voilà qu'elle était habitée par l'angoisse et la rancœur.
C'était des sentiments qu'elle avait l'habitude de côtoyer depuis qu'elle connaissait Harry Potter, pourtant, ils n'avaient jamais paru aussi forts qu'en cet instant. Ils l'enveloppaient comme une seconde peau, s'enroulant autour d'elle comme un serpent autour de sa proie. Et c'était une sensation des plus désagréables dont elle se serait bien passée. Mais tant que Fred serait près d'elle, les choses ne pourraient guère aller mieux.
En croisant son regard, elle comprit qu'il lui faudrait prendre un jour une décision sérieuse. Ginny avait raison. Elle ne pourrait pas continuer longtemps sur ses montagnes russes, ils finiraient par en souffrir tous les deux. Rester sur cette voie-là et peut-être un jour connaître le bonheur, celui que tout le monde espère atteindre ou bien mettre un terme à cette histoire avant que les choses ne prennent une tournure bien désagréable ?
Comme c'était difficile ! Un nouveau soupir lui échappa et la voix de Fred finit par rompre l'insupportable silence du salon.
―Tu risques de faire fuir tous les oiseaux si tu continues à soupirer comme ça, lui fit-il malicieusement remarquer.
Hermione hésita longuement avant de répondre, estimant que si elle ouvrait la bouche, elle dirait sûrement des choses qu'elle ne pensait pas, tant sa colère était forte. Elle n'avait pas imaginé une seule seconde que le désintérêt de Fred la blesserait autant. Agissait-il de façon consciente ou inconsciente ? Les qu'en dira-t-on de Poudlard semblaient de ne pas le déranger, mais hors de l'école, les choses étaient différentes ? Le regard de ses parents le dissuadait-il de s'approcher d'elle ? Toutes ces questions sans réponses lui donnaient affreusement mal à la tête. Lasse, elle préféra ne rien dire, et retourna à la tâche de nettoyer les carreaux, mais c'était sans compter sur la curiosité du garçon.
―Hermione Granger aurait-elle perdu sa langue ? ricana-t-il en délaissant complètement son ménage.
La jeune fille essaya de ne pas rougir lorsqu'il s'approcha d'elle, lentement, tel un félin se rapprochant silencieusement de sa proie.
―Pas du tout, dit-elle sans assurance.
Les battements de son cœur s'accélèrent lorsqu'elle constata qu'il était vraiment tout près. Plus près qu'il ne l'avait été ces derniers jours. Prise de panique, elle recula vivement et fit mine de ne pas voir la lueur dans les yeux de Fred, exprimant à quel point il était blessé par ce rejet.
―Hermione ? demanda-t-il.
Le ton de sa voix avait perdu tout humour et il la fixait à présent avec incompréhension. La jeune fille ferma les yeux un court instant avant de rouvrir les paupières pour fixer une poussière invisible sur la poignée de la porte. Elle devinait qu'il attendait une réponse à son comportement, mais elle était incapable de lui en donner une. Du moins, une qui lui conviendrait parfaitement.
―Tu devrais retourner travailler, dit-elle. Au cas où ta mère arriverait.
Ce fut les deniers mots qu'ils échangèrent jusqu'à leur retour à Poudlard et Hermione sut que cela venait d'ériger une barrière invisible entre eux.
[...]
Un sourire se dessina peu à peu sur les lèvres d'Hermione lorsque la voiture du Ministère, conduite par Nymphadora Tonks, s'engagea dans la rue menant au lotissement où ses parents avaient élu domicile plusieurs années auparavant. Un sentiment de plénitude s'empara d'elle et elle n'attendit pas que le moteur soit coupé pour sortir de la voiture et remonter la petite allée gravillonnée.
La porte d'entrée s'ouvrit alors sur Mrs Granger, suivie de près par son époux. Le cœur de la jeune fille fit une embardée dans sa poitrine, et les larmes aux yeux, elle accepta sans hésitation l'étreinte réconfortante de ses parents, respirant leur odeur à plein poumons, l'imprimant dans son esprit, comme si c'était la première fois qu'elle les voyait.
―Comme tu es belle, ma chérie ! commenta sa mère en la relâchant légèrement, mais gardant néanmoins une main sur ses épaules. Tu deviens une véritable jeune femme.
Hermione rougit et détourna le regard, gênée. Recevoir des compliments était difficile pour elle, n'y étant guère habituée. Même ceux venant de ses parents la rendaient mal-à-l'aise car elle croyait souvent qu'ils disaient ça simplement pour lui faire plaisir. Ce n'était pas vrai, bien entendu, il suffisait de voir la lueur de fierté dans leurs regards pour comprendre qu'ils pensaient sincèrement ces mots.
―Ta mère a raison, tu es absolument magnifique ! ajouta son père en déposant un baiser sur son front.
Un sourire se dessina sur les lèvres de la collégienne, qui se souvint soudainement que Tonks et Remus devaient encore l'attendre dans la voiture magique. Elle prévint rapidement ses parents de la situation avant de retourner dans la rue, où les deux sorciers semblaient effectivement l'attendre. Tonks, avec ses cheveux rose fluo, ne passait pas inaperçu et Hermione se douta que bon nombres des voisins de ses parents avaient du la remarquer. La jeune femme affichait un sourire rayonnant, et sans la moindre amertume, elle salua les parents d'Hermione, venus timidement à la suite de leur fille. Remus semblait plus réservé et se contenta de saluer d'un signe de tête les parents de la jeune fille, incertain qu'ils apprécieraient de voir son visage défiguré d'aussi près.
―On se revoit dans une semaine, l'informa Tonks en l'aidant à récupérer sa malle. Arthur, Remus et moi viendrons te chercher en fin d'après-midi. Envoie un hibou au moindre problème.
―Merci beaucoup, Tonks, la remercia Hermione.
L'Auror assura que c'était un plaisir avant de remonter dans le véhicule, qui démarra en trombe, remettant fortement en question les capacités de la métamorphomage à conduire une voiture, avant de disparaître complètement au bout de la rue, emportant avec elle les deniers vestiges du monde sorcier.
Comme à l'accoutumée, Mr et Mrs Granger laissèrent Hermione se reposer avant qu'ils ne se retrouvent tous ensemble pour discuter de tout ce qu'elle avait manqué d'important dans le monde moldu, que ce soit les anniversaires de famille ou l'actualité en général, de sa scolarité et de la famille Weasley que ses parents appréciaient beaucoup. Elle profita de ce répit pour vider sa valise et réfléchir à la meilleure façon d'annoncer à ses parents que le plus puissant et maléfique sorcier, répondant au nom de Lord Voldemort, était revenu d'entre les morts et désirait par dessus tout éradiquer de la surface de la Terre les personnes comme eux. Elle savait que, s'ils s'inquiétaient, il y avait de fortes chances pour qu'ils refusent qu'elle retourne à Poudlard, seule, loin d'eux, dans un endroit où ils étaient incapables de la protéger.
Elle n'avait pas eu le courage de le faire, lorsqu'elle était revenue de l'école, après sa quatrième année. La mort de Cedric Diggory l'avait beaucoup fait réfléchir, et elle avait cru que mêler ses parents à tout ça était la meilleure chose à faire, mais en les renvoyant sur le quai de la gare, tout sourire, elle n'avait pas eu la force de leur dire la vérité. Alors elle n'avait rien dit, racontant simplement que Poudlard avait accueilli de nouveaux élèves pour développer de bonnes relations entre les écoles, mettant volontairement la mort de son camarade de côté.
Hermione ne descendit qu'à l'heure du dîner, et en écoutant son père s'enthousiasmer sur les nouveaux appareils qu'ils avaient achetés pour le cabinet, elle prit la décision de ne rien leur dire. C'était peut-être égoïste, mais c'était sûrement la meilleure façon pour les protéger. Le cœur au bord des lèvres, elle écouta sa mère lui parler des récents exploits du fils de leurs plus proches amis, essayant de se rassurer en se disant qu'elle faisait ce qu'il fallait.
―Tout va bien, chérie ? demanda sa mère une fois qu'elles furent seules dans la cuisine pour débarrasser la table. Tu n'as quasiment rien mangé.
―Oui, mentit difficilement la jeune fille. Je suis juste un peu fatigué. Mrs Weasley nous a fait nettoyer toute la maison des Black. C'est très éprouvant.
Elle fit mine de ne pas remarquer le regard de sa mère posé sur elle. Elles savaient tous les deux que mentir ne lui allait pas, et Mrs Granger avait toujours le don pour deviner quand quelque chose n'allait pas chez sa fille. Mais l'expression de sa fille la dissuada de faire la moindre remarque, et ce fut angoissée qu'elle lui souhaita bonne nuit.
Coq l'attendait patiemment sur le rebord de sa fenêtre, portant dans son petit bec un morceau de parchemin qu'Hermione s'empressa de récupérer avant de donner quelques friandises au volatile qui s'installa sur le dossier de la chaise de son bureau. Il ne fallut que quelques secondes au hibou pour s'endormir. La jeune fille s'assura qu'il ne risquait pas de tomber -ce qui n'était pas rare- et s'allongea sur son lit avant de décacheter l'enveloppe. Son cœur s'emballa lorsqu'elle reconnut l'écriture de Fred. Leur dernière discussion lui revint en mémoire ; le doute s'insinua en elle.
Ainsi que la peur. Qu'allait-il donc lui dire ?
Hermione,
Je ne vais pas te mentir, je ne suis pas doué pour écrire des lettres, et encore moins écrire des lettres pour exprimer ce que je ressens, mais je ne pense pas pouvoir me faire à l'idée que tu sois partie en pensant qu'il valait mieux pour nous ne plus jamais nous adresser la parole.
Il m'a fallut longtemps pour décider à t'écrire, et tu devras remercier George et Ginny car ce sont eux qui m'ont convaincu. Je reste persuadé que ce n'est pas une bonne idée, et j'imagine que tu penses la même chose en lisant ces mots, mais voilà, je n'ai plus le choix. Si je sors de cette chambre sans t'avoir écrit, je risque de passer un mauvais quart d'heure...
Avouons-le tout de suite, être sérieux ne me va pas et je ne sais pas ce qui me retient de jeter ce parchemin dans la cheminée, pour qu'il brûle. C'est difficile, car j'ai l'impression qu'en t'écrivant, je ne fais qu'envenimer les choses, mais ils ont raisons. Si on ne met pas les choses à plat maintenant, alors ça deviendra pire.
Tu te souviens, tu m'as demandé pourquoi je t'avais choisi toi et pas une autre fille ? Je t'ai répondu que je ne savais pas, ce qui est toujours le cas aujourd'hui, mais je pense qu'une partie de la réponse m'est venu quand on a passé un moment tous les deux dans la salle commune, l'autre soir.
La première fois que je t'ai vu avec mon frère, j'ai tout de suite pensé que vous finiriez ensemble. C'est ce que toute ma famille a pensé d'ailleurs. Vous sembliez être le couple parfait, mais en te voyant évoluer à Poudlard, essayant de te faire une place, de te faire des amis, j'ai compris qu'on s'était tous trompés. Ron n'est pas celui qu'il te faut. Il ne le sera probablement jamais. Moi non plus d'ailleurs, mais j'y crois.
Tu es la première fille que j'ai rencontré en me disant que tu pouvais être le digne égale d'un homme. Tu étais jolie, cultivée et très altruiste. Tu n'as jamais fait faux bond à ma famille, ni à mon idiot de petit frère même lorsqu'il passait son temps à se moquer de toi. Tu as soutenu Harry dans les pires moments, tu l'as aidé, rendu plus fort. Grâce à toi, il a découvert ce que cela voulait réellement dire avoir une vraie famille. Et je n'avais encore jamais vu autant de qualités chez une fille. Idiot, hein ? Et très peu gentleman, je te le concède.
Le temps a passé et tu nous as montré plus d'une fois, à George et moi que tu étais loin d'être une fille stupide. D'ailleurs, nous ne te remercierons jamais assez de nous avoir offert cet exemplaire du règlement, l'an dernier ! Grâce à lui, nous avons pu faire un bon feu au Terrier et déguster les meilleures sucreries de chez Zonko ! Quoi qu'il en soit, j'ai découvert une Hermione plus courageuse et forte que celle qui se cachait sous ses livres.
Mais jamais jusqu'à cette année, j'aurai pensé éprouver plus que de l'amitié pour toi. Pourtant, quand tu as franchi le seuil de la maison pendant les vacances, cet air si déterminé sur le visage, j'ai retrouvé cette fille courageuse. Je savais que tu avais du mal à te remettre de la mort de Cedric, pourtant, tu gardais la tête haute, pour Ron, pour Harry. Pour tout le monde. Et alors, j'ai réalisé que tu étais belle. Tu es belle, Hermione. De bien des manières. Et j'ai compris qu'il était difficile de rester indifférent à ton charme.
Alors, si je t'écris aujourd'hui -bon d'accord, ça fait deux heures que mon frère me bassine pour que j'envoie la lettre qu'il a lu plusieurs fois en passant- c'est pour t'assurer que je ne joue pas avec toi. Je ne me le permettrais pas. J'ai envie de te découvrir, de te faire rire, sourire et t'aimer. J'ai envie que tu vois en moi plus que le rigolo de service. Tout comme j'ai découvert cette autre fille en toi.
Je ne te demande pas de me répondre, je suis même certain que tu ne le feras pas, mais je voulais quand même que tu saches tout ça. Te le dire à voix haute aurait été bien plus facile, mais je ne suis pas doué pour faire ce genre de déclaration. Coucher les mots sur le papier est mieux... un peu. Je veux simplement que tu penses à tout ça. Que tu te demandes ce que tu veux réellement.
Si tu veux toujours de moi, alors je serai là. Je t'en fais la promesse. Mais si tu penses qu'il vaut mieux ne pas s'engager sur cette voie, alors je comprendrai ta décision. Et je la respecterai.
Mais Hermione, sache que, je ne cesserai jamais de me battre pour être avec toi. Jamais.
Fred.
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