VII - Les mots du prince.
La main en feu, Hermione acheva sa phrase avant d'entendre la voix de Dolores Ombrage rompre le silence oppressant de son bureau, annonçant la fin des deux heures de retenue.
―Vous pouvez disposer, ajouta-t-elle alors qu'ils se levaient prestement. Mais que je ne vous reprenne pas à vous battre. Ni l'un ni l'autre.
Ni elle ni Harry prirent la peine de répondre et ils s'éclipsèrent rapidement, pour rejoindre la salle commune des Gryffondor, où Ron et bien d'autres de leurs camarades devaient se trouver. Les couloirs étaient déserts, ce qui n'avait rien d'étonnant en soi puisque le couvre feu était passé depuis plus d'une heure, et Hermione réalisa alors qu'elle avait loupé sa ronde de surveillance. Ron n'avait pas dû apprécier d'arpenter les couloirs seul, sachant que Malefoy et un de ses camarades en faisaient de même non loin.
Un soupir de soulagement lui échappa lorsque le portrait de la Grosse Dame apparut enfin dans son champ de vision, au bout du couloir. Harry, un sourire gêné sur les lèvres se retourna vers elle, la forçant à s'arrêter.
―Je suis désolé, tu sais, souffla-t-il dans le silence de la nuit. C'est de ma faute si tu as eu cette retenue.
Hermione sourit à son tour avant de rassurer son meilleur ami. Non ce n'était pas de sa faute s'ils avaient fini dans le bureau du crapaud rose pour écrire des lignes, mais celle de Malefoy. Au contraire, elle lui était reconnaissante d'avoir pris sa défense. Bien entendu, elle aurait aimé qu'il le fasse d'une façon moins violente, mais le geste étant, elle lui était redevable.
―Tu es ma meilleure amie, se justifia-t-il en rougissant légèrement.
Et sur ces paroles, ils passèrent le portrait, qui grommela de devoir leur ouvrir à une heure aussi tardive, pour rejoindre le cocon protecteur et chaleureux de leur salle commune.
Le regard d'Hermione se posa aussitôt sur le garçon roux assis près de son jumeau sur un des canapés faisant face à la cheminée, et qui semblait n'avoir d'yeux que pour elle. La lueur inquiète dans ses prunelles la toucha et elle lui offrit à lui aussi un sourire reconnaissant, la douleur dans sa main s'atténuant peu à peu.
Elle hésita à s'installer avec eux, après avoir remarquer que Ron se trouvait là également et que c'était de côté que Harry se rendait, mais la fatigue la dissuada et elle leur souhaita simplement bonne nuit avant de monter lourdement les marches menant à son dortoir. Son visage s'illumina lorsqu'elle vit sa meilleure amie, assise à même le sol, tenant plusieurs compresses et une potion jaune dans les mains.
―Harry m'a dit que tu en aurais besoin, dit Ginny.
Une vague de reconnaissance pour son meilleur ami l'envahit et elle se promit de le remercier le lendemain avant de conduire la jeune fille dans son dortoir. Lavande et Parvati leur jetèrent un bref regard avant de se replonger dans leur conversation, après avoir soigneusement tirer les rideaux entourant le lit de la première. Hermione leva les yeux au ciel face à ce geste et perçut le rire étouffé de la rouquine.
―Alors ? chuchota aussitôt la plus jeune, une fois installées sur le lit de la Préfète. Il était comment le bureau d'Ombrage ?
―Aussi rose que ses vêtements, grimaça Hermione qui aurait tout donné pour se sortir la pièce de la tête.
L'éclat de rire de Ginny sembla perturber les deux colporteuses puisqu'un bruyant " Chut ! " résonna à travers la pièce, qui ne décontenança pas le moins du monde la jeune fille qui fusilla du regard le rideau rouge.
―C'est pas comme si c'était une discussion de la plus haute importance de toute façon, lança-t-elle tout haut, d'une voix sarcastique.
Hermione esquissa un sourire et attendit une réponse de la part de ses condisciples, mais rien ne vint, arrachant une mine triomphante à Ginny qui entreprit alors de soigner la main de son amie, même si toutes les deux savaient que les mots gravés ne disparaîtraient jamais totalement.
―Quel genre de monstre peut faire ça ? renifla dédaigneusement la rouquine en enroulant la main de son amie dans un bandage. Et dire que Dumbledore ne fait rien pour arrêter ça !
―Avec le Ministère mêlé aux affaires de l'école, le professeur Dumbledore ne peut plus faire grand chose, la tempéra Hermione. Ombrage a du prendre les mesures nécessaires pour lui retirer un maximum de pouvoir, mais ce n'est pas à elle de décider de le renvoyer ou non. C'est au conseil administratif de l'école et contre ça, le Ministère ne peut rien y faire.
―Et s'ils décident de le faire partir ? s'inquiéta Ginny.
―Alors, Ombrage prendra sûrement sa place et le château sera placé sous l'autorité du Ministère, conclut-elle.
C'était la vérité. Aussi effrayante soit-elle.
[...]
Le lendemain, Hermione eut du mal à détacher son regard des mots cicatrisant sur sa main. Elle les voyait à chaque fois qu'elle prenait des notes, à chaque fois qu'elle levait la main pour répondre à une question de ses professeurs et même quand elle tournait les pages de son livre. Elle avait espéré oublier rapidement, pensant que le rythme intense des cours l'aiderait, mais ce ne fut pas le cas, et lorsqu'elle se retrouva dans la salle de bains, la veille de leur départ, son regard s'attarda une énième fois sur les rougeurs.
Un soupir lui échappa lorsqu'elle se mit à repenser aux circonstances ayant entraînées l'obtention de la retenue. Étrangement, Malefoy se tint tranquille le reste de la semaine, mais les regards qu'il jetait constamment envers la jeune fille lui signifiait que les choses n'étaient pas finies et qu'il n'en resterait pas là. Loin d'être effrayée, Hermione attendait même cette confrontation avec impatience, désireuse d'exprimer de façon très explicite ce qu'elle pensait de cette sale fouine de Malefoy. Elle n'était pas du genre bagarreuse, mais elle avait horreur que ses amis pâtissent des agissements de ce gamin arrogant qui se croyait supérieur à tous simplement parce qu'il disait son sang plus pur.
La salle de bains des filles était vide, ce qui lui laissa tout le loisir de profiter d'une bonne douche chaude avant de rejoindre ses amis pour le dîner dans la Grande Salle. La journée avait été rude, le cours de Soins aux créatures magiques prodiguait par le garde chasse Hagrid avait conduit plusieurs de ses camarades à l'infirmerie, et après avoir laissé Harry conduire Ron dans l'antre de Mrs Pomfresh, elle avait du terminer de nourrir le Chartier, qui lui avait fait l'étalage de son vocabulaire, constitué principalement d'insultes apprises par des sorciers plus que douteux.
Elle avait échappé à de nombreuses reprises à des attaques de l'animal et ne s'en sortait, fort heureusement, que par quelques griffures sur les joues et sur les bras. Rien de bien alarmant par rapport aux autres, ce qui expliquait en partie qu'elle n'avait pas été voir l'infirmière pour se faire soigner à son tour. La deuxième raison étant qu'elle voulait faire ses devoirs de vacances au plus vite pour être tranquille durant les deux prochaines semaines, et ainsi profiter de la présence de ses parents.
Mrs Weasley lui avait annoncé la bonne nouvelle quelques jours auparavant, après avoir discuter avec le professeur Dumbledore, qui avait accepté qu'elle retourne quelques jours chez ses parents pendant les vacances. Cela lui avait fait extrêmement plaisir, sachant qu'elle ne les avait pas revus depuis presque quatre mois maintenant, ayant passé la majeure partie de l'été en compagnie des Weasley au Square Grimmaurd. Leur prochaine rencontre étant prévue à l'origine pour les vacances de Noël, elle avait plusieurs fois dit à sa meilleure amie qu'elle souffrait de ne communiquer avec ses parents que par lettres. Ginny avait du transmettre ça à ses parents et sa mère avait du faire le nécessaire.
En sortant de la douche, Hermione se promit de remercier Molly le lendemain, lorsqu'elles se verraient sur le quai de la gare, puisque son retour chez elle ne se ferait que trois jours après leur arrivée. Ses parents se trouvaient pour le moment en France pour une conférence sur les nouveaux appareils créés au cours de l'année pour les dentistes. Elle savait, par les écrits de sa mère, que ce congrès était très important pour eux, notamment pour le renouvellement de leurs équipements. L'impatience la rongeait littéralement de l'intérieur et il lui faudrait encore prendre son mal en patience pendant quelques temps.
La salle commune était vide lorsqu'elle y descendit à son tour, quelques minutes plus tard. Elle profita du silence présent pour souffler un peu avant de rejoindre le tumulte de la Grande Salle, qui était toujours très animée en cette dernière soirée avant les vacances. Les élèves profitaient de ce dernier moment tous ensemble pour évacuer le stress des dernières semaines, intenses autant pour les première année que pour les septième. La plupart des étudiants ne se retrouveraient qu'au retour des vacances, n'ayant pas la chance de pouvoir se voir. Hermione, elle, faisait partie des rares qui pourraient encore profiter de ses amis pendant les deux semaines suivantes, bien que cette année, elle aurait tout fait pour n'être qu'avec ses parents.
Perdue dans ses pensées, elle ne vit pas immédiatement le garçon s'asseoir près d'elle sur le canapé. Ce ne fut que lorsque sa voix brisa le silence de la pièce qu'elle le remarqua, et immédiatement, le rouge lui monta aux joues.
―Nostalgique, Miss Parfaite ? s'enquit Fred.
―Un peu, admit-elle en évitant de croiser son regard. Pas toi ?
―Pas le moins du monde, affirma-t-il avec assurance. Il ne me tarde qu'une seule chose : c'est de quitter l'école et d'ouvrir ma propre boutique.
Hermione esquissa un sourire. Cette phrase, elle l'entendait à longueur de journée de la bouche des jumeaux, surtout lorsqu'ils recevaient une nouvelle retenue d'Ombrage. Notamment depuis qu'ils avaient décidé de rendre la pareille à leur professeur et qu'ils mettaient au point un stratagème grandiose pour la faire partir de l'école. La jeune fille ne savait pas vraiment si cela pourrait fonctionner, mais elle leur laissait néanmoins le bénéfice du tout. Tant qu'ils ne lui demandaient pas de participer, elle n'irait pas les dénoncer.
―D'ailleurs, ajouta-t-il d'un ton qui la poussa à lever les yeux vers lui, je crois que j'ai gagné mon pari...
Le sourire triomphant qu'il arborait fit battre son cœur plus fort, et rougissante, elle détourna le regard un quart de seconde, mais lorsque la voix de Fred se fit de nouveau entendre, elle ne put s'empêcher de le regarder.
―Je suis assez doué, se félicita-t-il. Parce que franchement, je ne pensais pas m'en sortir aussi rapidement. George me doit dix gallions !
Hermione fronça les sourcils en l'entendant dire qu'il avait parié avec son frère sur sa capacité à la faire sourire.
―Contente d'avoir pu te rendre ce service, répliqua-t-elle, acerbe, avant de se lever, vexée par les propos du rouquin.
Fred éclata de rire avant de la suivre dans le dédale de couloirs menant à la Grande Salle. Ils perçurent le bruit des couverts et des éclats de rire de leurs camarades bien avant de rejoindre le Hall d'entrée. Hermione rejoignit ses amis, assis en bout de table, discutant gaiment avec Ginny et Neville, espérant que Fred ne la suivrait pas, mais son espoir s'envola lorsqu'elle vit George près de sa petite sœur. Ses épaules s'affaissèrent lorsqu'elle remarqua que les deux places restantes se trouvaient l'une en face de l'autre. En s'installant, elle perçut le discret rire du garçon, qui la fit rougir bien malgré elle.
―Vous étiez où tous les deux ? s'éleva alors la voix soupçonneuse de Ron.
Hermione rougit jusqu'à la racine des cheveux en croisant le regard interrogateur de son meilleur ami qui se posa ensuite sur son frère aîné. Fred était la nonchalance incarnée, fixant son frère avec un sourire taquin, comme s'il se jouait de lui, tout en se servant quelques morceaux de poulet. Le ricanement de George accentua encore plus l'effet et la jeune fille ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. Mais une question la taraudait. Si Ginny disait vrai, alors comment faisait-il pour ne pas être aussi gêné qu'elle en cet instant ?
―Dans un couloir sombre, lâcha-t-il alors avec un clin d'œil.
Hermione baissa les yeux vers son assiette vide, sous les rires de Harry, Ginny et George. Ron, lui, elle en mettrait sa main à couper, devait avoir viré au rouge tomate. Elle imaginait parfaitement la veine de sa tempe ressortir.
―Quoi ? s'époumona le plus jeune. Vous... vous...
―Ce n'est pas vrai, soupira-t-elle en relevant la tête. Fred dit ça simplement pour te taquiner, Ronald.
L'éclat de rire des jumeaux confirma ses propos, leur attirant un regard noir de la part de leur petit frère qui ne prononça plus le moindre mot jusqu'à la fin du repas, au plus grand plaisir d'Hermione qui n'aurait pas supporté une autre réflexion de la part de son meilleur ami. Le sens de la délicatesse n'était pas son point fort et ses propos pouvaient souvent être très blessant. Pour en avoir fait les frais à plusieurs reprises, elle savait à présent à quoi s'en tenir.
Harry lui jeta un regard énigmatique auquel elle répondit par un simple sourire crispé avant d'avaler sans grande conviction les quelques aliments que Ginny avait placés dans son assiette. Et ce fut en compagnie de cette dernière qu'elle retourna dans la tour des Gryffondor, suivant d'assez loin les quatre garçons qui discutaient joyeusement devant elle -bien que Ron ne semblait pas dire grand chose.
―Tu as une expression toute mignonne quand tu réfléchis, la charria Ginny au détour d'un couloir.
Hermione rougit légèrement avant de lever les yeux au ciel.
―Allez, l'encouragea la rousse, dis-moi ce qui te tracasse tant !
―Ton frère, lâcha-t-elle dans un soupir de dépit.
Elle se retint de préciser duquel il s'agissait. Ginny, dans un grand éclat de rire, approuva d'un signe de tête en passant un bras autour des épaules de la Préfète.
―Les joies de l'amour ! philosopha-t-elle.
Immédiatement, Hermione perdit son sourire et s'éloigna brusquement de l'étreinte de son amie qui lui jeta un regard interloqué avant de s'arrêter face à elle, surprise par ce soudain changement d'humeur.
―Hermione ? demanda-t-elle.
―Je ne suis pas amoureuse de ton frère ! siffla la plus âgée, dents serrées, les yeux embués de larmes.
Le froncement de sourcils de Ginny ne lui échappa pas, ainsi que l'expression peinée de son regard. L'espace de quelques secondes, elle sentit la culpabilité l'envahir, honteuse de s'être montrée aussi froide envers la seule personne qui essayait vraiment de la comprendre et de l'aider. Peu-être ne valait-elle pas mieux que cet idiot de Malefoy, après tout...
―D'accord, concéda Ginny. J'y suis peut être allée un peu fort en parlant d'amour, mais admets au moins qu'il ne te laisse pas indifférente. Il suffit de voir comment tu réagis en sa présence pour le comprendre !
Hermione secoua négativement la tête en croisant les bras. Hors de question qu'elle dise une telle chose à haute voix. Même s'il n'y avait personne dans le couloir. Elle était trop fière pour ça.
―Je pourrai y passer toute la nuit s'il le faut, assura Ginny avec obstination. Et tu sais combien nous sommes têtus dans ma famille...
Hermione soupira bruyamment avant de prendre la fuite en direction de sa salle commune, suivie de près par son amie qui ne cessa de répéter qu'elle obtiendrait très rapidement gain de cause et se laissa lourdement tomber sur le canapé près de Ron, qui grignotait quelques bonbons, malgré le repas bien riche qu'il avait pris quelques minutes plutôt.
―Hermione ça va ? lui demanda Harry.
―Très bien ! répondit-elle sèchement.
Elle ne vit pas le regard qu'échangèrent ses deux meilleurs amis et ne se rendit encore moins compte de la façon dont Fred la fixait, sourcils froncés, n'ayant pas perdu une miette du bref échange entre le Trio.
Un à un, les élèves finirent par quitter la pièce, prenant la direction des dortoirs à mesure que le temps s'écoulait. Bien vite, Hermione se retrouva seule, le regard perdu dans les flammes, ses pensées se perdant bien loin de Poudlard, dans une petite maison moldue de Londres.
Minuit sonna quelque part dans le château, la faisant sursauter. Elle ne s'était pas rendue compte qu'il était si tard. Un bâillement lui échappa, suivit de près par un sursaut lorsqu'elle remarqua la masse endormie près d'elle.
C'était la première fois qu'elle voyait une expression aussi sereine sur le visage de Fred Weasley. Chaque trait de son visage était détendu, mais un tic agitait néanmoins très souvent sa lèvre supérieure. Hermione ne résista pas à l'envie de passer une main dans les cheveux du rouquin, se mordant la lèvre de peur qu'il se réveille au même moment. Le contact était agréable contre sa peau. Un sourire se forma sur ses lèvres, allégeant soudainement le poids de son cœur.
Comment une seule personne pouvait avoir un tel pouvoir sur soi ? Faire disparaître les angoisses, éradiquer les doutes, mettre en sommeil les pires peurs ? Aussi étonnant soit-il, Fred avait cette capacité sur elle. Elle s'en était rendue compte à de nombreuses reprises, mais la colère avait toujours été plus forte, l'empêchant de vraiment ouvrir les yeux sur ce qu'elle ressentait.
Ginny avait raison. Elle n'était pas indifférente au rouquin, mais l'admettre lui faisait peur. Car jamais elle n'avait ressenti ça pour Viktor, qui lui avait pourtant ouvert les yeux sur les relations entre filles-garçons. Dans ce cas-là, c'était plus fort, plus prenant, plus indomptable. Et c'était bien plus attirant qu'un béguin d'adolescent...
Un soupir lui échappa et elle ramena ses genoux contre sa poitrine, le regard toujours rivé sur le garçon endormi qui faisait battre son cœur plus fort. D'une nouvelle façon. D'une façon bien agréable. Incompréhensible, car il s'agissait du frère de son meilleur ami. Appréciable car Fred était un beau garçon.
Après plusieurs minutes, il finit par papillonner des paupières et son regard se posa instantanément sur la jeune fille à ses côtés, arrachant un sourire involontaire à Hermione.
―Tu es beau quand tu dors, souffla-t-elle.
Le rouge lui monta aux joues, cependant, pas un seul instant elle regretta d'avoir prononcé ces paroles. Tant pis, si ce n'était qu'un jeu et qu'elle devait en souffrir plus tard. Tant qu'elle pouvait encore profiter de ce bien être qu'il lui apportait sans le savoir, bien qu'elle prétendit toujours le contraire en sa présence.
―Seulement quand je dors ? fit-il semblant de se vexer tout en se redressant.
Un nouveau sourire illumina le visage de la jeune fille et Fred attrapa sa main sur laquelle il exerça une légère pression.
―Non, tout le temps.
―Pourquoi ? murmura-t-il. Pourquoi ce revirement soudain ?
Bien malgré elle, elle soupira et détourna le regard, malgré l'attraction des prunelles de Fred.
―On ne sait pas de quoi est fait demain, dit-elle.
Elle se souvint que Ginny avait dit cette même phrase le jour où elles étaient tombées sur la photo des parents d'Harry, prise durant leur scolarité. Elle s'était dit que ce n'était pas totalement faux, et avait cru le faire de la meilleure des façons avec ses amis, mais à l'heure d'aujourd'hui, les choses avaient changé et Fred était entré dans sa vie. D'une manière différente.
Sans appréhension, elle posa son autre main sur leurs doigts entrelacés, remarquant du coin de l'œil le sourire satisfait du garçon.
―Si on m'avait dit un jour que nous en serions là tous les deux, je crois que j'aurais dis à cette personne d'aller faire un tour à Ste Mangouste, rit-il.
―C'est presque aussi probable que d'entendre Malefoy dire « s'il-te-plait » !
―Pas faux, pas faux.
Hermione esquissa un nouveau sourire avant de fermer les yeux, laissant sa tête tomber lentement sur l'épaule de Fred, duquel émana une odeur de réglisse. La chaleur qui se dégageait de son corps l'apaisa et elle oublia immédiatement tous ses soucis.
―Tu vas me rendre fou, souffla-t-il à son oreille.
Un rire aussi léger qu'une plume lui échappa, mais elle n'ouvrit pas les yeux pour autant. L'instant était parfait et elle aurait tout donné pour qu'il ne s'arrête jamais.
―Je ne serai plus seule, alors, répondit-elle.
Pendant de longues minutes, ils restèrent ainsi enlacés, échangeant pour la première fois un moment où ils n'étaient que deux adolescents en train de tomber amoureux, profitant de la présence réconfortante de l'autre pour s'apaiser mutuellement. Si longtemps qu'Hermione commença à somnoler, mais la voix de Fred se fit de nouveau entendre, l'arrachant à cet état comateux.
―Il y a quand même une question à laquelle j'aimerai que tu répondes.
La jeune fille ouvrit les yeux en s'éloignant à contre cœur du garçon pour croiser son regard sérieux.
―Je t'écoute, dit-elle.
―Pourquoi est-ce que tu agis comme ça ? demanda-t-il. Je sais, tu m'as dis qu'on ne peut pas savoir de quoi est fait demain, mais cette réponse n'est pas suffisante. Pas pour moi. Elle ne justifie pas tout.
Hermione poussa un profond soupir avant de se lever, lâchant les mains chaudes de Fred qui traçaient des cercles sur le dos des siennes. Elle s'approcha de la cheminée et observa les dernières braises encore luisantes, se disant qu'il aurait mieux valu qu'il ne pose pas cette question. Du moins pas tout de suite. Pas avant qu'elle ait trouvé une explication plausible à son comportement.
Mais la question de Fred était légitime. Si elle, elle se posait des questions sur ses agissements, lui devait certainement en faire de même de son côté. Un jour elle l'ignorait, et l'autre elle s'approchait de lui. C'était comme se retrouver sur un balai volant contrôlé par un sort, montant et descendant sans cesse, sans jamais se stabiliser. Et bien, c'était comme ça qu'elle était au fond d'elle. Elle montait, montait, vers ce bonheur qu'elle n'avait jamais atteint jusque-là, et au moment ou elle pensait l'avoir trouvé, elle tombait en chute libre et incontrôlable.
Une longue minute s'écoula avant qu'elle ne trouve la force de répondre.
―Je ne sais pas, avoua-t-elle. Des fois, j'aimerais vraiment tout plaquer et revenir en arrière, au moment où tu n'étais pas entré dans ma vie comme ça et que tu avais tout chamboulé sur ton passage. Parfois, je n'ai pas envie de ressentir tout ce que j'éprouve quand je suis près de toi. Cette gêne, cette attirance, ce bien être indescriptible. J'ai envie que ma vie redevienne ennuyeuse et monotone.
Elle s'arrêta un quart de seconde avant de poursuivre, laissant cette fois son regard se river à celui de Fred.
―Mais la plupart du temps, j'ai envie que ça continue. Les papillons dans le ventre, le bonheur et tout le reste. J'ai envie d'être cette fille que tu vois en moi, celle qui t'attire tant, mais je ne sais pas comment faire. J'ai... ça me terrifie, de ne pas savoir. Que tout parte en vrille, que je ne puisse rien maîtriser. Je voudrais tellement y parvenir, sauf que je ne sais pas. Et savoir que tout le monde épie ainsi tes moindres faits et gestes me bloque. Et en même temps, j'ai peur. Peur de me laisser aller. D'avoir des sentiments pour toi alors que dehors, la guerre se prépare et qu'on peut se perdre à tout instant. Alors, je laisse cette barrière en place et te repousse tout le temps. C'est lassant, mais je n'ai pas envie de souffrir. De perdre une personne que j'aime.
Son cœur s'emballa lorsqu'elle le vit se lever et attraper délicatement son visage entre ses mains, la forçant à lever des yeux embués vers lui.
―Je serai prudent, promit-il.
―Ne fais pas de promesse que tu ne peux pas tenir, renifla-t-elle en le fusillant du regard.
Pourtant, malgré cette peur constante au creux du ventre, elle se laissa aller contre lui et respira à pleins poumons son odeur.
[...]
Le train s'ébranla et Hermione observa une dernière fois le salut d'Hagrid le garde chasse, debout sur le quai de la gare de Pré-au-Lard, avant de reporter son attention sur les personnes assises avec elle dans un des compartiments du Poudlard Express. Elle croisa le regard rassurant de son meilleur ami et lui offrit un sourire en retour avant de sortir le livre qu'elle avait pris dans son sac de voyage.
―Une bonne chose de faite, grommela Ron du ton revêche qui ne le quittait pas depuis plusieurs jours maintenant.
Hermione ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel en ouvrant une page bien précise de son livre. Son meilleur ami était dans cet état depuis le jour de leur altercation avec Malefoy et sa clique, passant ses nerfs sur le moindre première année osant faire un écart de conduite devant lui, ce que la jeune fille trouvait parfaitement hypocrite en passant, car lui-même respectait rarement le règlement.
Elle savait au fond, que si le rouquin agissait ainsi, c'est parce qu'il s'en voulait de s'en être sorti aussi facilement face à Ombrage. Une seconde plus tard, et lui aussi aurait hérité des heures de retenue, alors que son poing allait s'abattre sur le visage de Malefoy, mais Harry l'avait pris de vitesse, écopant à sa place d'une nouvelle punition.
Mais il ne servait à rien de ressasser le passé. Les choses étaient faites, voilà tout. Il fallait à présent aller de l'avant et se soucier de problèmes bien plus importants qu'une retenue. Le retour de Voldemort était le souci le plus important qu'ils avaient, et le retour au Square Grimmaurd allait directement les replonger dans une guerre muette qui sévissait pourtant réellement.
Durant plusieurs heures, la jeune fille laissa son regard se poser sur les mots inscrits à l'encre noire, n'écoutant que d'une oreille distraite les discussions de ses amis, n'éprouvant pas le besoin de s'y mêler. Et personne ne vint la déranger dans son mutisme, chacun ayant comprit qu'elle n'avait pas envie de parler.
Il faisait nuit sur Londres lorsque le Poudlard Express arriva en gare, au plus grand soulagement de ses passagers, pressés de retrouver leurs familles et également de se dégourdir les jambes après ces nombreuses heures assis. Sans hésitation, Hermione suivit ses amis hors du wagon. Son cœur se serra lorsqu'elle croisa le regard aimant de Mrs Weasley et qu'elle réalisa que pour la première fois en six ans, ses parents n'étaient pas là à l'attendre sur le quai.
Une main se posa furtivement sur la sienne, et malgré la cacophonie environnante, elle reconnut facilement le toucher de Fred. Avait-il perçu sa détresse ? C'était peu probable, puisque personne, mise à part Ginny et ses parents, n'était au courant que le couple Granger ne serait pas là en ce jour. Harry et Ron n'en savaient rien non plus, Molly lui ayant demandé de garder le silence pour plus de sécurité. Sûrement un ordre du professeur Dumbledore, qui avait brillé par son absence durant les deux dernières semaines, au plus grand désarroi du Survivant qui commençait à se demander si les agissements du directeur n'avaient pas pour but de l'ignorer. Hermione ne croyait pas en cette hypothèse, mais la prise de pouvoir accrue d'Ombrage et la disparition de Dumbledore l'inquiétaient. Beaucoup.
―Hermione ! l'appela Mrs Weasley.
La jeune fille prit une grande inspiration avant d'avancer vers eux, sa lourde malle traînant lourdement derrière elle, faisant mine de ne pas voir le regard curieux qu'échangèrent ses meilleurs amis, ni le sourire satisfait de Ginny. Savoir que ses parents n'étaient pas là lui faisait mal... et la bienveillance de Molly n'avait pas l'effet habituel. Bien au contraire. Cela renforçait encore plus son sentiment de mal être dû à l'absence de sa famille.
―Et bien nous allons pouvoir y aller, ajouta la matriarche après avoir brièvement enlacer la nouvelle venue. Votre père nous attend dehors.
Hermione suivit le mouvement, en essuyant discrètement ses yeux, le cœur battant la chamade. Elle avait eu beau savoir que ses parents ne seraient pas présents aujourd'hui, la douleur était plus difficile à supporter qu'elle ne l'aurait crue. Un immense sentiment d'abandon coulait à travers ses veines, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Ils allaient se revoir très bientôt, c'était une certitude, mais alors, pourquoi avait-elle l'impression qu'elle ne les reverrait jamais ?
Mr Weasley les attendait, appuyé contre une vieille voiture des années 50, portant le sceau du Ministère sur les portières arrières. Il leur expliqua rapidement que le professeur Dumbledore avait réussi à convaincre un vieil ami des Transports de leur louer le véhicule pour la matinée, permettant ainsi à tout le monde de rejoindre le Quartier Général de l'Ordre sans encombres.
Ils s'entassèrent tant bien que mal sur les sièges, agrandis magiquement pour pouvoir accueillir plusieurs personnes. Hermione se retint de sourire lorsqu'elle se retrouva coincée entre les jumeaux, mais eut encore plus de mal à se retenir lorsqu'elle sentit la main de Fred s'emparer de la sienne, cachées par leurs jambes respectives. Elle croisa le regard interrogateur de sa meilleure amie, et préféra détourner le regard. Elle savait qu'elle n'échapperait pas à une discussion lorsqu'elles se retrouveraient confinées dans leur chambre pour la nuit. Et peut-être était-il temps de mettre la rouquine au courant de la discussion qu'elle avait la veille avec le garçon. Elle ne savait pas trop quoi en penser pour le moment, mais il avait réussi à la convaincre de vivre au jour le jour et de ne plus s'inquiéter pour l'avenir, et pour le moment, c'était la seule chose en laquelle elle désirait croire.
Tant pis si elle devait en souffrir plus tard, tant qu'elle avait le droit de goûter au bonheur ne serait-ce que quelques temps. Et plus que tout, elle voulait que Fred soit la personne qui lui fasse découvrir toutes ces choses qu'elle ne connaissait pas encore. Et même si, au fond d'elle, elle était terrifiée, elle voulait y croire. De toutes ses forces.
Mais alors, pourquoi avait-elle l'impression que quelque chose de terrible allait bientôt se produire et changer à jamais sa vie ?
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