VI - Les confrontations de la reine.


Fred lui fit face, un sourire aux lèvres, qui se tarit rapidement lorsqu'il croisa son regard furibond. C'était plus fort qu'elle. Cette colère au creux de ses entrailles, dont elle ne connaissait pas vraiment l'origine. Cela avait simplement un rapport avec le garçon qui se tenait devant elle, plein d'insouciance, qui ne se doutait pas une seule seconde qu'il la mettait dans tous ses états.

Même Viktor Krum n'avait pas été capable d'un tel exploit et c'était une des raisons qui faisaient qu'Hermione était en colère contre le rouquin. Toutes ces émotions étaient nouvelles et elle ne pensait pas y être confrontée si tôt. Son objectif principal avait toujours été d'obtenir ses examens à la fin des sept années d'études à Poudlard. La possibilité de tomber amoureuse d'un garçon durant ce laps de temps ne lui avait jamais traversé l'esprit et mise sur le fait accompli de façon aussi brutale, face à quelque chose qu'elle ne comprenait pas et ne maîtrisait absolument pas, la désarçonnait complètement. Et Hermione détestait ne pas pouvoir faire face à une situation quelle qu'elle soit.

―Tu es en colère, souffla Fred, un rictus au coin des lèvres.

Incapable de se retenir, la jeune fille éclata de rire, sans se soucier que quelqu'un puisse la voir seule en compagnie du frère de son meilleur ami. Mais fort heureusement, les élèves semblaient tous être retournés au château ou encore dans les rues à profiter de cette liberté avant le début d'une nouvelle semaine, longue et éprouvante.

―Tu as deviné tout seul ? répliqua-t-elle une fois calmée, d'un ton sarcastique. Bravo ! Tu veux une médaille peut être ?

Les sourcils du garçon se froncèrent et il la fixa de longues secondes avec surprise avant de faire un pas en avant, mais Hermione en fit un en arrière, effrayée qu'il s'approche d'elle.

Un silence pesant s'installa entre eux. Aussi lourd que du plomb. Aussi étouffant qu'une chaleur insupportable. Hermione baissa les yeux, gênée, refusant qu'il voit les perles salées prêtes à couler le long de ses joues de porcelaine. Cette faiblesse... qu'est-ce qu'elle pouvait la haïr ! Se sentir si vulnérable face au regard d'un garçon, qu'elle connaissait pourtant depuis longtemps. Et pourquoi était-ce si douloureux et si difficile ? Son cœur qui battait la chamade en présence de Fred, comme s'il allait la lâcher d'une seconde à l'autre... toutes ces sensations qu'elle ne comprenait pas et qui échappaient à son contrôle... Qu'avait-il bien pu provoquer en elle pour perturber ainsi tout ce en quoi elle avait toujours cru ? Que s'était-il passé, à quel moment précis sa vie s'était-elle retrouvée sens dessus dessous ? Hermione appréciait le contrôle, la maîtrise, mais là, elle ne dirigeait absolument plus rien... rien du tout...

―Hermione ? souffla-t-il.

Un sourire crispé se dessina sur les lèvres de la jeune fille qui laissa son regard dériver en direction du ciel, dans lequel se rassemblaient d'épais nuages noirs annonciateurs d'une pluie prochaine. Un soupir lui échappa lorsqu'elle se rendit compte que Fred semblait attendre quelque chose d'elle. Un mot. Une phrase. Un regard.

―Je... soupira-t-elle. Je ne sais pas quoi dire.

Elle osa enfin croiser son regard et sentit le soulagement l'envahir. Il n'y avait pas la moindre trace de moquerie dans son regard. Ni de colère. Fred restait égal à lui-même à chaque instant et elle appréciait cet aspect du garçon. Peut-être pouvait-elle lui accorder sa confiance après tout ? Il n'était pas du genre à se jouer des autres, et même si lui et son frère aimaient se moquer des gens, c'était toujours sans méchanceté. Sauf envers les Serpentard, mais c'était différent dans ce cas.

―J'essaie vraiment de te comprendre, mais je n'y parviens pas, ajouta-t-elle, son regard rivé au sien. J'ai besoin d'être rassurée sur tes intentions, pourtant, en même temps, je n'ai pas envie de savoir ce que tu attends vraiment de moi. Ça me fait peur... terriblement.

Un rire lui échappa. Plus nerveux que le précédent. À travers lequel elle laissa transparaître certaines de ses émotions. La colère, la peur, l'inquiétude. Tous ces sentiments qui vivaient en elle depuis la première fois que Fred avait prononcé des mots qui allaient changer à jamais son avenir. Comment faire pour l'ignorer ? Ses vaines tentatives pour ne plus lui adresser la parole lui apparaissaient à présent bien dérisoires. Il lui serait impossible de l'éviter alors qu'ils allaient passer les prochains mois ensemble. Au château, au Square Grimmaurd. Et même dans les années à venir, puisque son destin semblait définitivement lié, de quelque façon que ce soit, à celui de la fratrie Weasley.

Fred fit un nouveau pas en avant, et cette fois-ci, elle ne recula pas. Au contraire, elle le laissa s'approcher jusqu'à sentir son souffle contre sa joue. Une odeur de réglisse monta aussitôt à ses narines.

―Tu ne dois pas avoir peur de moi, souffla-t-il d'une voix douce. Je ne te ferai jamais de mal. Pas intentionnellement.

―Ce n'est pas de toi que j'ai peur, rétorqua-t-elle. C'est de ce que je ressens quand tu es près de moi.

Les premières gouttes de pluie tombèrent sur ses joues, ses cheveux, les aplatissant, lui donnant un air de petite fille fragile que Fred lui ne avait jamais vue. Alors, tendrement, il lui caressa la joue, puis le cou et les épaules avant de déposer un léger baiser sur son front. Il ne savait pas pourquoi il agissait ainsi, mais il était certain d'une chose à présent. Hermione l'attirait considérablement et il voulait être près d'elle à chaque seconde de la journée. C'était comme s'il avait besoin d'elle pour respirer.

―Pourquoi ? répéta-t-elle.

Je ne sais pas.

C'était la seule réponse qu'il pouvait lui donner pour le moment.

Hermione s'éloigna du garçon en soupirant. La magie de l'instant venait de se rompre brutalement. Cette simple phrase venait de tout gâcher. Sa colère reprit le dessus et elle fit encore quelques pas en arrière, sous le regard incrédule du rouquin.

―Il... il faut que j'y aille, murmura-t-elle précipitamment avant de faire demi-tour.

Son cœur battait la chamade dans sa poitrine et elle dut lutter de toutes ses forces pour ne pas se retourner. Car en partant, elle avait bien vu la lueur dans les yeux du garçon, et l'expression de tristesse sur ses traits. Mais c'était au-dessus de ses forces de l'entendre lui dire qu'il ne savait pas vraiment ce qu'il voulait d'elle. Et ne pas savoir était éprouvant pour elle. C'était comme marcher dans une pièce sombre, sans la moindre lueur pour se guider. Et elle détestait ça.

Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu'elle remarqua que Ginny avait prit la peine de l'attendre devant les portes de la Grande Salle, à présent vide, mais de laquelle s'échappait encore des effluves du repas de midi. Hermione fit mine de ne pas croiser le regard interrogateur de sa meilleure amie et lui proposa de remonter dans la salle commune, où Harry et Ron devaient sûrement les attendre.

Ils étaient en train de jouer aux échecs lorsqu'elles passèrent ensemble le portrait de la Grosse Dame, qui ne cessait de grommeler contre le manque de politesse des élèves de sa maison. Un sourire vint éclairer le visage de la jeune fille lorsqu'elle constata, sans surprise, que Ron était en train de gagner la partie. À en juger par le nombre de pions restant sur le plateau, le jeu allait bientôt s'achever. Elle s'installa donc près d'eux, sur le canapé, tandis que Ginny allait rejoindre des camarades de son année, ayant compris que la Préfète n'était pas encore prête à se confier sur la discussion qu'elle venait d'avoir avec Fred.

Tant bien que mal, Hermione essaya de se sortir le rouquin de l'esprit, mais il revenait sans cesse perturber ses pensées. C'était agaçant, déroutant et incompréhensible. Incontrôlable. Et peut-être un petit soulageant de savoir que quelqu'un la voyait enfin comme une fille. Pas simplement que comme une tête pensante. Sauf que le fait que le garçon en question soit Fred Weasley... et bien cela remettait tout en question.

―Échec et mat ! s'écria alors Ron, la faisant sursauter. J'ai encore gagné, mon vieux !

Hermione sourit de nouveau en croisant le regard exaspéré d'Harry. Il était bien meilleur mauvais perdant que le rouquin mais l'entendre sans cesse proclamer qu'il ne valait rien aux échecs commençait légèrement à l'agacer.

―Peut-être une autre fois, le réconforta Hermione lorsqu'il prit place près d'elle pendant que Ron allait ranger le jeu dans son dortoir.

―Tu dis ça simplement pour me faire plaisir, bougonna le survivant en remontant ses lunettes sur son nez.

La jeune fille admit que oui avant de rire doucement. Elle croisa alors le regard sérieux de son meilleur ami et l'angoisse lui noua aussitôt le ventre.

―Quoi ? demanda-t-elle.

Une expression gênée prit place sur les traits du garçon qui détourna le regard avant de répondre.

―Euh... hum... Ginny m'a un peu parlé de... Fred, souffla-t-il.

Les yeux d'Hermione s'écarquillèrent et elle sentit le feu envahir son visage. Elle n'eut pas la force de faire le moindre mouvement et croisa le regard atrocement gêné de son ami, qui semblait faire des efforts incommensurables pour évoquer le sujet. Après tout, discuter de garçons était plus simple entre filles qu'avec un autre garçon.

―Qu'est-ce... qu'elle t'a dit ? se risqua-t-elle à demander.

Son cœur se mit à battre la chamade lorsqu'il vit Harry déglutir difficilement. Qu'est-ce que Ginny avait bien pu lui dire pour que ça le mette dans un tel état ?

―Pas grand chose, assura-t-il précipitamment. Mais, en gros, que Fred te faisait des... avances.

En cet instant, elle aurait tout donné pour être capable de se transformer en souris et s'enfuir loin de la salle commune. Très loin. Ou encore que des plumes lui poussent subitement dans le dos pour qu'elle s'envole dans un pays lointain. Mais ce n'était pas possible, elle le savait parfaitement. Un sourire crispé vint se dessiner sur ses lèvres, son visage toujours aussi rouge de gêne.

―Des « avances »... c'est un terme un peu gros non ? lâcha-t-elle avec un rire embarrassé.

―C'est vrai, admit Harry. Mais c'est ce qu'elle a dit. Et aussi que tu... tu était très troublée en sa présence.

―D'accord Harry ! fit-elle se levant. Cette discussion est aussi difficile pour toi que pour moi, alors je pense qu'il vaut mieux qu'on s'en tienne là.

Elle vérifia que personne ne leur prêtait attention avant de continuer.

―Si ça peut te rassurer, je vais parfaitement bien. Et cette histoire n'ira pas plus loin. Ce n'était qu'un jeu stupide. Maintenant, tu m'excuseras, mais j'ai des devoirs à finir pour demain.

Et elle le planta sur ses mots. Sans savoir que son meilleur ami ne croyait pas une seule seconde à ce qu'elle venait de dire. Hermione n'allait pas bien, ça se voyait comme si c'était inscrit à l'encre indélébile sur son visage.

[...]

La Grande Salle était quasiment déserte lorsqu'Hermione y arriva, de nombreux livres anciens sous le bras qu'elle avait été empruntés à la bibliothèque avant de venir prendre son petit-déjeuner. Quelques élèves de Gryffondor étaient plongés dans leurs assiettes, imités par des Serdaigle et des Poufsouffle. Seule la table des Serpentard était encore vide, mais cela n'avait rien d'étonnant en soi.

Avec un soupir de soulagement, elle posa ses paquets sur la table et se massa le bras, qui avait commencé à s'engourdir à force de porter une charge aussi lourde. Mais c'était un rituel auquel elle avait du mal à se détacher. Depuis toute petite, elle aimait prendre son déjeuner en lisant, que ce soit un livre d'aventures ou bien ses manuels scolaires. Lire était son moyen à elle de se détendre et d'oublier les soucis qui venaient parasiter sa vie.

Un bâillement lui échappa alors qu'elle se servait du thé. Sa nuit avait été courte et agitée, le sommeil refusant de venir. Son esprit avait passé en revu les derniers événements, de ses discussions avec Fred à la première réunion de l'Armée de Dumbledore, qui avait accueilli plus d'élèves qu'elle ne l'aurait cru. Cela l'avait confortée dans l'idée que leur action était bonne et serait positive pour tous les membres de l'AD.

Bien entendu, il restait encore une salle à trouver, et malgré des recherches acharnées, Hermione n'avait rien trouvé à la bibliothèque, qui contenait pourtant tous les secrets de l'école depuis sa création, mille ans auparavant. Harry avait fait chou blanc sur la carte du Maraudeurs que lui avaient remis les jumeaux Weasley. Si une telle pièce existait, alors Lunard, Patmol, Queudver et Cornedrue n'avaient jamais mis la main dessus. L'idée qu'ils doivent songer à annuler ces cours lui donnait la nausée. Et devoir annoncer à leurs camarades que c'était un échec lui nouait le ventre. Ils leur avaient promis tant de choses, Harry avait su faire naître l'espoir dans leur prunelles ! Et il était hors de question de leur enlever ça.

Quelques professeurs firent leur apparition dans la pièce, suivis par de nombreux élèves encore ensommeillés. La plupart avaient les paupières closes et avalaient sans s'en rendre compte tout le contenu de leur assiette. Songer qu'il s'agissait là de la dernière semaine avant les vacances ne leur redonnait même pas le sourire. Hermione elle, était à la fois pressée de partir mais presque autant de revenir.

Pressée de partir pour s'éloigner d'Ombrage et de sa surveillance constante, des décrets qu'elle mettait en place tenant lieu de nouveau règlement intérieur de l'école, de ses costumes roses qui donnaient envie de vomir, de sa voix de petite fille et de ses cours théoriques où rien n'était vraiment appris.

Un nouveau soupir lui échappa et elle sursauta en voyant deux têtes rousses prendre place face à elle. Son visage s'enflamma aussitôt et elle accrocha son regard sur le visage souriant et moqueur de George, qui piochait allégrement dans un plat de brioches.

―Je m'inquiétais que le temps passé en compagnie de mon frère ne t'ait totalement retourné le cerveau et que tu ne sois plus notre Miss-Je-Sais-Tout préférée ! lui lança-t-il innocemment, sans prendre la peine de lui accorder un regard.

Sa bouche s'entrouvrit pour former un "O" alors qu'elle jetait un regard noir en direction de Fred, qui paraissait aussi gêné qu'elle. Peut-être n'avait-il rien dit à son frère finalement, alors que c'était la première chose qu'elle avait pensé en entendant les propos de George. Mais s'il avait vraiment gardé le silence, comment son jumeau aurait-il pu comprendre ? Était-ce si visible que ça ?

―Ne sois pas si gênée, ricana George. C'est l'ordre naturel des choses, après tout.

―Tu te crois drôle, peut-être ? répliqua-t-elle, piquée au vif.

Le sourire qu'il lui adressa répondit pour lui. Hermione poussa un profond soupir en enfouissant son visage dans ses mains. L'idée d'apprendre à devenir un Animagus lui parut de plus en plus alléchante... surtout si tout le monde se rendait compte qu'elle n'était plus aussi insensible que ça à Fred ! Après Ginny, Harry et George, à qui serait-ce le tour ? Ron ?

―Miss Parfaite aurait-elle perdu sa langue ?

―Je crois que certains profs seraient heureux d'apprendre ça ! ajouta Fred, retrouvant enfin de son assurance.

Il lui adressa un clin d'œil qui la fit rougir encore plus.

―Une journée sans entendre la merveilleuse voix d'Hermione Granger, enchaîna George.

―Ou de quelqu'un d'autre, continua Fred, un sourire fendant son visage.

Et sous les yeux médusés de la jeune fille, ils se lancèrent dans une discussion à voix basse, mettant sûrement au point une nouvelle fabrication signée Weasley.

Harry et Ron la rejoignirent une dizaine de minutes avant le début des cours, et elle fit mine de ne pas voir le regard surpris du brun qui passa d'elle à Fred. Elle-même avait du mal à comprendre comment il avait pu plaisanter de la situation, alors qu'elle, elle était terriblement embarrassée, prête à disparaître dans un trou de souris. Était-ce sa façon à lui de faire face, de continuer à vivre, sans se retourner le cerveau pour essayer de chercher une réponse ? Elle aurait aimé être capable d'en faire autant, de continuer d'être la Hermione Granger que tout le monde connaissait sans pour autant chercher une excuse plausible au soudain rapprochement de Fred !

―Que quelqu'un fasse disparaître le sourire satisfait de cette fouine de Malefoy ! marmonna sèchement Ron.

Hermione lui jeta un regard surpris avant d'orienter son regard en direction du Serpentard, assis avec les autres élèves de sa maison. Ses bras s'agitaient dans tous les sens et plusieurs de ses condisciples étaient pendus à ses lèvres, buvant chacune de ses paroles. Elle remarqua alors le badge épinglé à la poitrine du garçon.

―Il a rejoint la Brigade Inquisitoriale ? s'enquit-elle.

―On dirait bien, approuva Harry. Et il n'est pas le seul. Plusieurs Serpentard ont suivi le mouvement. Malefoy n'arrête pas de se vanter qu'ils font partis de l'élite, maintenant. Qu'ils ont été choisis par Ombrage pour leur prestige.

Un rire s'échappa des lèvres de la jeune fille, sous le regard de Fred, qui commençait à envier son frère et Harry d'être capable de faire rire Hermione. À chaque fois qu'il lui adressait la parole, il ne recevait que des regards furibonds en retour.

―Quelle idiotie ! ajouta-t-elle. Je suis sûre qu'Ombrage les a choisi car ceux sont les seuls à s'être présentés !

La cloche sonna, annonçant le début d'une nouvelle journée de cours, et ce fut en traînant des pieds que les Gryffondor de cinquième année se rendirent au double cours de Potions en commun avec les Serpentard.

Comme à l'accoutumée, Severus Rogue se montra exécrable envers les élèves de la maison des lions et passa les deux heures que durèrent le cours à ignorer la main tendue d'Hermione, sous les ricanements de certains serpents, ce dont la jeune fille ne tint pas compte. Elle avait l'habitude d'être le sujet de moqueries, surtout lorsqu'elle prouvait à tout le monde qu'elle était intelligente. Mais elle aimait répondre aux questions des professeurs, prouver qu'elle était assidue et sérieuse, même si pour cela, elle devait subir les railleries de ses camarades.

Après les Potions, ils enchaînèrent avec un cours de Métamorphose et Hermione fit gagner vingt points à sa maison, sous le regard secrètement fière de Minerva McGonagall qui avait toujours su exploiter à sa juste valeur l'intelligence de son élève et qui n'hésitait pas le moins du monde à l'interroger, sachant qu'elle avait toujours la bonne réponse. Bien sûr, elle connaissait les façons de faire de son ancien élève et collègue, mais elle ne se permettait pas de critiquer les méthodes éducatives des autres. Si le professeur Dumbledore ne disait rien, alors elle ne dirait rien non plus.

Hermione profita de son heure de libre avant le déjeuner pour aller faire ses devoirs à la bibliothèque, alors que Ron et Harry se rendaient en cours de Divination. Elle était très heureuse de ne pas avoir poursuivi l'apprentissage de cette matière, il suffisait de voir les notes de ses amis pour comprendre que la lecture de l'avenir ne pouvait être une science exacte. Aux yeux de la jeune fille, ce n'était qu'une perte de temps, et les BUSE approchant, il était hors de question qu'elle perde la moindre minute qui pouvait être bénéfique à ses révisions.

Mrs Pince la salua avec aigreur lorsqu'elle poussa les lourdes portes menant à l'endroit qu'elle préférait le plus dans le château. Une odeur de papier et d'encre monta jusqu'à ses narines et un sourire serein se dessina sur son visage. Elle trouva rapidement une table libre et y posa lourdement son sac dessus, avant de sortir les manuels nécessaires pour faire ses devoirs.

Elle était en train de s'occuper des Potions lorsqu'une ombre se dessina devant elle, la faisant sursauter. Son visage s'enflamma et ses sourcils se froncèrent lorsqu'elle vit Fred prendre place face à elle et sortir un livre de son sac de cours. Et sans prononcer le moindre mot, il se plongea dans sa lecture, comme si Hermione n'était pas présente.

Plus perturbée que jamais, elle pencha la tête vers son parchemin et les mots inscrits à l'encre se mélangèrent dans son cerveau, qui essayait par tous les moyens de comprendre le comportement de Fred. Et une question revenait sans cesse parasiter ses pensées. Pourquoi faisait-il ça ? Avait-il seulement conscience de l'état dans lequel se trouvait la jeune fille ? Plusieurs fois, elle essaya de lui poser la question, mais aucun son ne franchit le rempart de ses lèvres, et avec colère, elle referma la bouche, après une énième et vaine tentative.

Midi sonna, et elle vit Fred refermer son livre. Alors, pour la première fois en trente minutes, il daigna enfin poser les yeux sur elle. Le rouge lui monta aux joues lorsqu'elle remarqua la lueur amusée dans les prunelles du garçon.

―Je peux savoir à quoi tu joues ? siffla-t-elle en fronçant les sourcils.

Un rire s'échappa des lèvres écartées du garçon.

―Ce matin, je me suis rendu compte que je n'avais pas une seule fois réussi à te faire sourire, s'expliqua-t-il.

Une expression étonnée déforma les traits de la jeune fille.

―Et c'est ça qui te tracasse autant au point de venir te terrer dans la bibliothèque ? rétorqua-t-elle avec amusement.

―En partie, admit-il avec un haussement d'épaules. Toujours est-il que je me suis donné la semaine pour te faire sourire. Tant que je n'y serai pas parvenu, je ne te lâcherai pas d'une semelle, foi de Weasley !

Hermione éclata de rire, s'attirant un regard noir de la part de Mrs Pince qui détestait lorsqu'un élève venait perturber le silence de sa bibliothèque, sans se douter que ce son venait de faire battre le cœur de Fred beaucoup plus fort.

―C'est nul ! fit-elle. Je n'ai jamais entendu d'excuse plus débile que celle-là !

―Hé ! s'indigna le rouquin en écarquillant des yeux.

La jeune fille se retint de sourire, ne voulant pas qu'il parvienne à ses fins aussi facilement. Elle aussi, elle pouvait s'amuser. Une idée germa au fond de son esprit, et une expression indéchiffrable fit luire ses prunelles.

Ho ho ! Aurais-je touché l'ego de Miss Parfaite ? ricana Fred en se frottant les mains. Chouette ! Je n'aime pas jouer en solo !

―Je n'ai jamais dit que j'allais jouer à ton stupide jeu, rétorqua-t-elle en arquant un sourcil.

Une demi seconde, les paupières du rouquin se plissèrent avant qu'un sourire ne vienne s'étirer sur ses lèvres roses.

―Je savais bien que tout n'était pas perdu pour toi, Hermione, ajouta-t-il en lui faisant un clin d'œil.

Sans rien répondre, Hermione rassembla ses affaires avec la ferme intention d'aller déjeuner en compagnie de ses amis. Fred l'imita et ils quittèrent ensemble la pièce, sous le regard estomaqué de certains élèves, qui n'avaient pas manquer de noter la présence du jumeau Weasley dans la bibliothèque. Une grande première !

Toujours en silence, ils traversèrent plusieurs couloirs, et plusieurs fois, la jeune fille remarqua que le rouquin marchait près d'elle. Vraiment très près. Au point que leurs épaules se frôlaient parfois et que le chemin de leurs mains se croisait par moment. Elle essaya de ne pas rougir, comprenant parfaitement le jeu qu'il jouait pour la faire craquer et rejoignit Harry et Ron en faisant mine de rien. Un regard à nouveau surpris de la part du premier l'accueillit et elle lui offrit un sourire, alors que Fred allait rejoindre ses propres amis un peu plus loin.

Personne ne semblait avoir remarquer qu'elle était arrivée dans la Grande Salle en compagnie de Fred Weasley, mis à part Harry, Ginny et George, qui avaient le regard braqué sur elle -un sourire amusé en plus pour le dernier.

Et ce n'est pas plus mal, songea-t-elle avant de se servir.

―Alors, votre cours ? s'enquit-elle.

―Une calamité, commenta Ron, la bouche pleine.

Hermione grimaça et pesta intérieurement contre le manque de propreté de son ami. Elle avait parfois du mal à croire qu'il était bien le fils de la si maniaque Molly Weasley.

―Trelawney m'a une nouvelle fois prédit le Sinistros, développa Harry.

―Et moi un bon gros rhume, fit Neville, assis tout près. J'espère qu'elle a tord, parce que je ne supporterai pas de passer une nuit aussi horrible que la dernière fois.

La jeune fille lui offrit un sourire compatissant.

―Mrs Pomfresh a de bons remèdes contre le rhume, dit-elle.

Le garçon lui sourit en retour avant de se replonger dans une conversation avec Dean Thomas. Seamus, installé près de son meilleur ami, lui offrit un signe de tête.

―On dirait que les choses vont mieux avec Seamus, souffla-t-elle pour que seuls Harry et Ron puissent entendre.

―Il a admis que je n'étais peut-être pas si fou que ça, répondit le premier.

―Oui, mais heureusement que Dean était là pour te le faire comprendre, commenta aigrement le deuxième.

―On ne peut pas tout avoir dans la vie, soupira Hermione.

Ils étaient en train de quitter la salle lorsque Drago Malefoy et sa clique, composée de Gregory Goyle et Vincent Crabbe, ainsi que de Pansy Parkinson, décidèrent de venir titiller le trio, jugeant qu'ils avaient été assez sages jusqu'à présent. Profitant de l'absence de la Grande Inquisitrice, ils s'approchèrent des trois amis, jetant un regard dégoûté en direction d'Hermione qui ravala difficilement sa colère.

―Potter, salua alors Malefoy. Weasmoche et Granger.

―Malefoy et ses petits chiens, répliqua Harry. Quel déplaisir de vous revoir !

Un son ressemblant plus ou moins à une exclamation indignée s'échappa des lèvres colorées de rouge de la Serpentarde, qui s'accrochait au bras de Malefoy comme à une bouée de sauvetage.

―Déplaisir partagé, Potter, commenta cyniquement Malefoy. Mais comme je suis obligé de supporter votre face d'illettrés tous les jours, j'ai décidé de me montrer poli et de venir vous saluer.

―Un mois après la rentrée ? ricana Hermione, ne pouvant se retenir. Un problème avec l'algèbre, Malefoy ?

Ron pouffa, s'attirant un regard noir de la part du Prince des Serpentard, qui s'approcha de la jeune fille, un air menaçant sur le visage.

―Ne fais pas la maline avec moi, Sang-de-Bourbe, siffla-t-il.

Le point d'Harry s'abattit alors sur le nez parfait de Malefoy, émettant un ignoble craquement. Parkinson s'éloigna en hurlant comme une démente, tandis que Crabbe et Goyle s'approchaient de leur condisciple pour le soutenir. Du sang s'écoula du nez du garçon, tâchant sa chemise immaculée.

―Je vais te tuer, Potter ! hurla-t-il.

Et il se jeta aussitôt sur le Gryffondor, bousculant Hermione qui s'écrasa au sol avec une grimace. Sans hésitation, elle attrapa sa baguette, prête à séparer les deux garçons, lorsque quelqu'un le fit avant elle. Et ce quelqu'un n'était autre que Dolores Ombrage, qui fusillait Harry de ses petits yeux de crapaud.

―Quelle honte de se battre dans l'enceinte de l'école ! s'écria-t-elle, sa voix haut perchée résonnant dans tout le couloir. Et d'attaquer un camarade sans défense ! Cinquante points en moins pour Gryffondor, Potter ! Et deux heures de retenue dans mon bureau, ce soir !

Un sourire satisfait se dessina sur les lèvres de Malefoy qui s'éloigna, après avoir reçu l'autorisation du professeur de se rendre à l'infirmerie, sans obtenir la moindre punition.

―Et vous, Miss Granger ! ajouta Ombrage, reportant son attention sur les trois amis. Prête à faire usage de la magie sur des élèves !

―J'allais simplement les séparer, se défendit Hermione, d'une petite voix.

Mais la Grande Inquisitrice ne voulut rien savoir et lui intima à elle aussi de se rendre le soir-même dans son bureau, pour tenir compagnie à Harry durant ces deux heures de retenue.

Un profond sentiment de déception s'empara de la jeune fille qui quitta ses amis sans un mot, les larmes aux yeux.

Le reste de l'après-midi se passa dans le flou le plus totale pour Hermione, qui prenait des notes par automatisme, mais sans grand intérêt, ce dont ne manqua pas de noter le professeur Flitwick. Harry et Ron tentèrent tant bien que mal de la rassurer, mais elle les ignora avec superbe et se réfugia dans son dortoir, manquant le dîner, jusqu'à l'heure de retenue donnée par Ombrage.

Ron les accompagna devant le bureau du professeur de Défense contre les Forces du Mal mais s'éclipsa rapidement, le rouge aux joues, lorsque le portrait s'ouvrit à la volée, sur une Dolores Ombrage plus furieuse que jamais, qui prit néanmoins le temps d'offrir un sourire hypocrite aux élèves punis. Sans un mot, elle les invita à entrer. Aussitôt, la bile monta aux lèvres de la jeune fille qui jeta un regard ahuri à la pièce.

Du rose. Du rose. Et encore du rose. Il y en avait partout ! Sur les plumes à écrire, sur les napperons en dentelle, sur les murs de briques et même sur des dizaines et dizaines d'assiettes dans lesquelles miaulaient tour à tour de nombreux chats, leurs yeux perçants scrutant les nouveaux venus avec dédain. Il y en avait même sur les assises des chaises.

D'un geste de la main, elle leur désigna les deux tables faisant face à son propre bureau, et les genoux tremblants, Hermione s'installa à la sienne, après avoir jeté un rapide coup d'œil à son meilleur ami qui ne semblait pas le moins du monde perturbé de se retrouver dans une pièce aussi... rose.

D'une main tremblotante, elle attrapa la plume posée sur son bureau, et ne parut pas étonnée de constater qu'il n'y avait pas le moindre encrier. Elle connaissait les méthodes barbares du Ministère, ayant déjà plusieurs fois vu le résultat sur la main de son meilleur ami ou même celles des Weasley, mais aujourd'hui, c'était elle qui allait expérimenter cette méthode moyenâgeuse et douteuse. Son cœur s'emballa à cette idée.

―Miss Granger, vous écrirez : " Je ne dois pas jeter de sortilèges à mes camarades ", lui ordonna sèchement Ombrage, sans pour autant se départir de son sourire. Quand à vous, Mr Potter, un : " Je ne dois pas attaquer des camarades sans défense " devrait vous aider à comprendre la leçon.

―Combien de fois ? souffla Hermione.

―Autant qu'il le faudra, répondit la femme avant de leur intimer de commencer.

Le bout de la plume rencontra le parchemin et les premiers mots s'écrivirent de sa calligraphie soignée. Ce ne fut qu'à la fin de la première phrase que les démangeaisons apparurent, suivie de près par une douleur qui lui arracha un gémissement. Un coup d'œil à sa main lui apprit que " Je ne dois pas jeter de sortilèges à mes camarades " serait à jamais gravé sur sa peau.


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