[CHAPITRE 27] Souvenirs de Rogue.


tic tac

Seul le bruissement des aiguilles de l'immense horloge placée dans la Grande Salle venait rompre la quiétude étouffante des lieux. Assise dans une immense chaise gravée de runes anciennes, Dolores Ombrage avait bien du mal à contenir son contentement en posant les yeux sur la trentaine d'élèves placés devant elle, grimaçant de douleur lorsque leur peau se déchirer, laissant apparaître des mots qu'ils ne pourraient jamais oubliés.

tic tac

Une heure venait de s'écouler depuis la pause du déjeuner, que les élèves avaient été contraints de passer dans leur salle commune respective, la directrice refusant de quitter des yeux, ne serait-ce qu'un instant, les adolescents récalcitrants, qu'elle jugeait, au fond d'elle-même, insuffisamment corrigés.

tic tac

Hermione soupira en achevant une énième phrase. Voilà bien longtemps qu'elle avait perdu le fil de ses calculs, se disant que compter le nombre de phrases écrites ne faisait que renforcer la douleur mentale qui était sienne depuis qu'elle avait pris place à ce bureau bancal, aux premières lueurs de l'aube. Elle n'osait même pas penser à la douleur physique qui engourdissait ses sens et ralentissait les mouvements de sa main droite.

tic tac

Un instant, elle releva la tête pour croiser le regard fâché de Fred, assit plus haut dans les rangs, et qui avait visiblement délaissé son parchemin pour se mettre à chuchoter avec Angelina, assise non loin. George, lui, avait été placé vers le fond, Ombrage estimant nécessaire de séparer les deux frères, ce qui, selon elle, les empêcheraient de comploter une nouvelle farce. Mais c'était mal connaître les garçons que de croire qu'une telle chose était possible.

Il lui offrit un sourire charmeur avant de se replonger dans sa discussion avec sa meilleure amie, qui avait jeté un bref regard à Hermione avant de détourner le regard. Depuis quelques temps, l'indifférence de la métisse envers la plus jeune s'était transformé en une amitié naissante et cordiale, que les deux adolescentes entretenaient en discutant parfois, lorsque le temps le leur permettait, principalement des fauteurs de troubles qu'étaient leurs petits-amis. Et comme il s'agissait des jumeaux Weasley, les sujets de discussion ne manquaient jamais.

―Elle est gentille, avait dit Hermione à Ginny, après que sa meilleure amie eut remarquée leur soudain rapprochement. Elle est moins froide qu'elle en a l'air.

―Et elle a du caractère ! s'était empressée d'ajouter la rouquine dans un grand éclat de rire. Car, crois-moi, il en faut pour tenir tête à George !

Hermione sourit doucement en laissant son regard s'attarder encore un instant sur le dos de Fred avant de se repencher sur son parchemin, déjà bien noirci de son écriture délicate. La tête commençait à lui tourner face à ce maelstrom de mots enchevêtrés les uns dans les autres. Il lui semblait qu'un encrier n'avait pas suffi à contenir toute l'encre qu'elle avait utilisé pour contenter la directrice. Même si elle ne faisait pas cela de gaieté de cœur, elle ne pouvait pas se voiler la face non plus. S'ils étaient là, en ce samedi pluvieux, c'était seulement pour le bon plaisir d'Ombrage.

Un instant, la jeune fille douta même que le Ministre lui-même fut au courant de la punition collective ordonnée par la nouvelle directrice de Poudlard. Elle ne doutait pas un seul instant qu'il lui aurait donné son accord aveuglement, mais elle osait encore croire que Cornelius Fudge pouvait prendre conscience du sadisme qui découlait des punitions corporelles infligées par Ombrage.

tic tac

L'horloge sonna de nouveau, annonçant avec soulagement aux élèves présents dans la pièce qu'il ne restait qu'une heure de retenue avant de pouvoir quitter la Grande Salle, qui était devenue leur prison personnelle durant cette longue et fatigante journée. Aucun d'eux n'avait osé prononcer le moindre mot durant la pause déjeuner, qu'ils avaient passés accompagner de la directrice, qui estimait que les laisser seuls une seule seconde était une très mauvaise idée. Le mutisme dont ils faisaient preuve depuis l'aube commençait à devenir pesant pour certains.

Il suffisait de bien tendre l'oreille pour percevoir les soupirs de frustration qui s'élevaient d'un peu partout dans la salle. Certains élèves, comme Fred, avaient totalement abandonnés la rédaction de leur punition, et essayaient de faire passer le temps comme ils pouvaient. D'autres, comme Ron, étaient carrément endormis sur leur table de travail, bien loin du regard perçant de la directrice.

Pour une fois, Hermione était bien tentée de faire comme ses amis. Abandonner, et prendre le risque de subir le courroux d'Ombrage par la suite. Accuser le coup avec dignité, telle la courageuse Gryffondor qu'elle était. Mais les façons de faire douteuses de la femme, lui faisaient bien trop peur pour qu'elle prenne le risque de recevoir une nouvelle punition. D'ailleurs, elle estimait avoir assez reçu d'heures de retenue pour cette année, et il lui tardait de prendre le Poudlard Express pour laisser derrière elle la terrible période qu'elle venait de vivre.

Cette cinquième année au sein du château n'avait pas été de tout repos pour elle et serait certainement celle qu'elle aurait le plus de mal à oublier. La mort de ses parents ayant été l'élément majeur qui avait fait prendre un tournant radical à sa vie d'adolescente qu'elle croyait parfaite. Lui faisant découvrir des facettes de sa personnalité qu'elle n'aurait jamais soupçonnée avoir. L'envoyant toucher le fond, cette abîme sans fin, où la colère, la tristesse et la douleur se côtoyaient et formaient une alliance des plus dangereuses.

Pourtant, malgré tout, elle avait réussi à remonter. A trouver la lumière pour faire le deuil et laisser son adolescence reprendre ses droits. Le manque était toujours là, bien présent, mais après six mois, il lui paraissait plus supportable. Moins étouffant. Mais ses amis, aimants et attentionnés, étaient présents pour elle. Ne la laissant pas tomber dans les moments difficiles, bien au contraire, ils prenaient le temps de lui prouver à quel point la vie était précieuse et valait la peine d'être vécue.

Alors, elle avait refait surface. S'échappant des ténèbres, les chassant de son cœur pour toujours. Du moins, était-ce ce qu'elle espérait.

tic tac

Un soupir de soulagement collectif s'éleva lorsque la grande horloge sonna quatre heures de l'après-midi, mettant ainsi un terme à ces sept heures de retenue consécutives que les élèves de l'Armée de Dumbledore venaient de vivre.

Ils n'attendirent pas la moindre injonction de la part de la directrice pour quitter la pièce, laissant derrière eux des dizaine de centimètres de parchemins, sur lesquels revenaient sans cesse la même phrase.

Je ne dois pas enfreindre le règlement mis en place par le Ministère de la Magie..

Hermione aurait bien du mal à oublier ses mots, qui étaient venus se superposer à ceux déjà gravés dans sa chair. Ils faisaient à présent partie intégrante d'elle, et elle y penserait encore dans quelques années, lorsque son regard s'attarderait dessus, souvenir d'une adolescence mouvementée.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'elle sentit la main de Fred se glisser le long de son bras, alors qu'elle prenait le chemin des escaliers qui la conduiraient au septième étage de l'école. Le garçon déposa un baiser sur sa joue avant d'attraper sa main et caresser la cicatrice douloureuse de la jeune fille.

―Quel genre de personne peut faire ça ? gronda-t-il sans parvenir à détacher son regard des mots.

La jeune fille s'arrêta sur la marche du dessus et jeta un regard inquiet au rouquin, craignant de retrouver la lueur mauvaise qu'elle avait aperçu un jour dans ses prunelles, le jour où ils avaient appris les méfaits accomplis par Voldemort. Pourtant, avec soulagement, elle constata que sa colère n'avait pas la même intensité.

―Celles qui se croient au-dessus des lois, soupira-t-elle.

―J'arrive pas à croire que le Ministère cautionne ça, continua-t-il en lui accordant un regard courroucé.

―Moi non plus, fit-elle avec douceur, venant caresser la joue du garçon du bout des doigts. Mais le mal pousse parfois à faire des choses insensées.

Fred ne rétorqua pas, et la poussa à reprendre son ascension, se refusant à rompre le moindre contact tactile avec elle. Depuis quelques temps, il avait ce besoin presque vitale de la toucher, pour s'assurer qu'elle était toujours là, et qu'elle ne s'était pas évaporée. Qu'on ne l'avait pas arraché à lui pour lui faire du mal. Etait-ce leur départ imminent qui le mettait dans un tel état ? Il n'aurait su le dire, et à vrai dire, il ne voulait pas vraiment savoir, désirant simplement profiter un maximum de la présence de la jeune fille.

Le silence se fit lorsqu'ils pénétrèrent dans la salle commune des lions, et leurs camarades n'ayant pas assistés à la punition, leur jetèrent des regards gênés et admiratifs à la fois. A dire vrai, il était bien difficile de mettre un mot sur la lueur qui faisait luire leurs prunelles. Tous les élèves -des quatre maisons sans exception- avaient fini par ouvrir les yeux sur la présence de Dolores Ombrage au sein du château. Son aversion des élèves leur était devenue plus flagrante, et certains regrettaient parfois de ne pas avoir oser rejoindre l'Armée de Dumbledore, qui avait été le fer de lance de la rébellion contre la nouvelle directrice, qui vivait mal cet affront de la part d'adolescents ingrats et perturbateurs.

Ceux qui appartenaient à l'AD étaient même fiers d'avoir pris la tête d'une révolte silencieuse mais pourtant bien réelle. Fiers d'avoir accomplis toutes ces choses qui avaient mis Ombrage dans un tel état d'agacement et de frustration. Fiers d'avoir défendus les idées d'Albus Dumbledore, bien que le vieil homme fut contraint de les abandonner aux mains d'une sorcière vile et cruelle.

―Et oui, fit Fred d'un ton enjoué, on est encore en vie !

Cela eut le don de détendre l'atmosphère. Quelques rires résonnèrent pendant quelques secondes, avant que l'ambiance enjouée qu'ils connaissaient ne reprenne ses droits, et les encouragements des élèves assistant aux batailles explosives, aux échecs ou aux Bavboules se mirent à résonner dans chaque recoin de la pièce.

Hermione soupira d'aise en se laissant tomber sur le canapé le plus proche, Fred l'imitant comme son ombre. Toutes ces heures assise sur cette chaise en bois lui avaient donnés un terrible mal de dos, et elle songea un instant à se rendre à l'infirmerie pour que Mrs Pomfresh ne lui prescrive un remède efficace, mais l'entrée de Ron, le visage tiré en une expression bougonne, la dissuada de partir.

Ou peut être était-ce l'absence d'Harry à ses côtés.

―Où est Harry ? demanda-t-elle sans attendre que Ron ait pu s'asseoir.

―Rogue l'a convoqué dans son bureau pour une nouvelle séance, répondit le garçon en s'installant près de son amie.

Hermione fronça les sourcils et adressa une prière silencieuse à qui voudrait bien l'entendre pour que la séance soit plus concluante que les précédentes. Car mettre Harry et Rogue, seuls, dans la même pièce était une idée carrément dangereuse. Incroyablement stupide et dangereuse. Et malgré tous les conseils, toutes les remontrances de son amie, le brun à lunettes avait bien du mal à contrôler la colère qu'il éprouvait envers le professeur des potions.

Qui, en passant, le lui rendait bien, il fallait l'admettre. Mais protéger son esprit du plus grand mage noir n'était-il pas plus important que de se quereller avec un professeur détestable et détesté ? Harry affirmait que non, Hermione était persuadé du contraire. Et pour une fois, Ron était de son côté à elle, rendant leur ami plus bougon qu'à l'ordinaire.

―Je me demande pourquoi Rogue continue à lui donner des cours alors que Dumbledore n'est même plus à l'école, ajouta le rouquin.

―Peut être que le professeur Dumbledore lui a demandé de continuer, supposa Hermione. Il sait combien c'est important de détruire ce lien.

―Harry rêve de nouveau, ajouta Ron, plus doucement pour ne se faire entendre que de sa meilleure amie. Il s'agite beaucoup la nuit.

―Il ne m'a rien dit, souffla-t-elle en fronçant les sourcils.

―A moi non plus. Mais je l'entends gesticuler dans tous les sens et gémir aussi, parfois.

Hermione échangea un regard grave avec son ami. Ils savaient tous les deux que les rêves que faisait Harry n'étaient jamais anodins. Et qu'il fallait y prêter une attention toute particulière. Surtout depuis ce qu'il s'était passé à Noël.

―Alors il faut qu'on le fasse parler, trancha-t-elle.

Ron ne répondit pas, mais il n'en restait pas moins de son avis.

Un soupir lui échappa lorsque le rouquin décréta qu'il avait besoin de se changer les idées et le laissa rejoindre le dortoir des garçons sans rien dire, avant de se retourner vers Fred, qui avait suivi toute leur conversation sans rien dire. Il n'était pas aussi proche qu'eux de Harry, pourtant, il admettait sans peine partager leur avis. Les rêves du brun l'inquiétait beaucoup depuis qu'il y avait vu Monsieur Weasley se faire attaquer par le serpent de Voldemort.

―C'est grave, souffla-t-il en pressant doucement les mains de la jeune fille.

―Très grave, acquiesça Hermione.

[...]

―Je veux trente centimètres de parchemin sur le sortilège Experlliarmus pour la prochaine fois, annonça froidement Ombrage.

La cloche sonna quelques secondes plus tard, arrachant quelques soupirs de soulagement aux élèves de cinquième année à Gryffondor et Serdaigle. Depuis que leur professeur de Défense contre les Forces du Mal était devenue directrice de l'école, ils se rendaient peu à peu compte à quel point elle était mesquine, méchante et détestait les adolescents.

―Vous pouvez y aller, ajouta-t-elle. Sauf vous, Mr Potter, j'aimerai m'entretenir avec vous quelques instants.

Hermione échangea un regard étonné avec Harry avant de suivre Ron hors de la salle de classe, laissant leur ami entre les mains d'Ombrage. Un instant, elle hésita à rejoindre son dernier cours de la journée, préférant rester auprès du brun lorsqu'il aurait l'autorisation de quitter la pièce, mais le professeur Babbling ne serait pas forcément ravie de son choix.

―Reste là, ordonna-t-elle au rouquin avant de prendre la direction de la salle des runes anciennes.

Pourtant, elle eut bien du mal à se concentrer sur les paroles du professeur, son esprit restant focalisé sur l'entretien privé entre Ombrage et Harry. Selon elle, il ne présageait vraiment rien de bon, et des conséquences désastreuses en découleraient, connaissant l'amertume que chacun éprouvait pour l'autre. Et maintenant que Dumbledore n'était plus là, il n'y avait plus personne pour sauver le Survivant. Bien entendu, elle espérait qu'ils n'aient pas besoin d'en arriver là, mais ces derniers mois avec la Grande Inquisitrice l'avaient mise sur ses gardes.

Fort heureusement, le professeur Babbling ne chercha pas à la retenir à la fin du cours, et elle put rejoindre rapidement la salle commune des Gryffondor, où elle était certaine de trouver ses amis. Certainement affalés sur les canapés, à discuter de ce qu'il s'était passé dans le bureau d'Ombrage.

Alae jacta est, lança-t-elle d'un ton pressé au portrait de la Grosse Dame.

Celle-ci lui jeta un regard contrarié lorsqu'Hermione déclina la proposition de l'écouter chantonner sa nouvelle mélodie, et grommela quelques mots incompréhensibles contre l'impolitesse des adolescents, ce dont la Préfète ne lui tint pas rigueur.

―Hermione ! l'appela aussitôt Harry en la voyant franchir le portrait.

La jeune fille fronça les sourcils en posant le regard sur le visage de son ami, comme de crainte d'y trouver de nouvelles marques de la haine d'Ombrage envers lui, pourtant, il paraissait presque serein. Un peu perturbé, mais pas en colère ou quoi que ce soit. Discrètement, elle poussa un soupir de soulagement avant de se laisser tomber à ses côtés, face à Ron qui piochait allégrement dans une poche de bonbons de chez Honeyduckes.

―Alors ? demanda-t-elle sans attendre.

Vérifiant que personne ne leur prêtait attention, bien que la pièce fut encore assez vide à cette heure de la journée, Harry se pencha vers ses amis et leur raconta en détails ce qu'il s'était passé dans le bureau d'Ombrage, la façon dont elle avait essayée de le manipuler pour lui faire boire un thé contenant, selon toute vraisemblance du Veritaserum au vu de l'insistance de la directrice pour le lui faire avaler, et lui révéler tout ce qu'il savait sur l'endroit où se trouvait actuellement Dumbledore.

―Je n'ai pas voulu boire le thé, continua Harry en chuchotant, sans remarquer que son amie palissait au fur et à mesure de son discours, alors elle s'est énervée, et a sortie sa baguette. Je me suis enfui avant qu'elle tente quoi que ce soit, mais je suis sûre qu'elle avait versé du Veritaserum dedans. Comme elle l'a fait avec Marietta, commenta-t-il aigrement.

―Harry ! commenta Hermione d'un ton effaré. Il faut absolument que tu en parles à quelqu'un ! Il faut dénoncer ce qu'elle fait avec les élèves !

―Et à qui tu veux en parler, Hermione ? lui fit remarquer Ron. Ombrage est la directrice ! En plus, elle travaille pour le Ministère ! Alors personne ne peut rien faire !

―Je suis sûre qu'il y a un moyen ! insista-t-elle. Harry, tu étais le premier à dire qu'il fallait qu'elle quitte l'école !

―Oui, admit le brun. Mais c'était avant qu'elle devienne directrice. Maintenant, on ne peut rien faire contre elle. Pas sans Dumbledore en tout cas.

Hermione poussa un profond soupir de dépit en réalisant que les propos de ses amis étaient teintés d'une vérité affligeante. Maintenant qu'Ombrage avait obtenu le monopole de l'école, qu'elle avait convoitée dès la première seconde où elle avait mis un pied dans le château, ils leur étaient impossible de faire quoi que ce soit pour la faire partir.

―On ne peut pas la laisser continuer... souffla-t-elle d'un ton dépité.

―Oui, tu as raison, approuva Harry. Mais pour le moment, nous on ne peut rien faire contre elle.

Nous non, pensa Hermione. Mais eux oui. Son regard se posa aussitôt sur les jumeaux qui venaient de franchir le seuil de la salle commune, accompagnés de Lee, Angelina et Alicia. Ils riaient tous d'une blague que George venait d'énoncer tout haut avant de franchir le portrait de la Grosse Dame, et aucun d'eux ne remarqua les trois adolescents assis dans un coin, la mine soucieuse, et qui, visiblement, venaient de penser à la même chose.

―Tu nous avais pas dis que Fred et George préparaient quelque chose ? fit Ron.

―Si, acquiesça Hermione. Et je crois même que ça a pour but de s'en prendre à Ombrage.

―Alors il faut qu'on leur parle ! ajouta le rouquin d'un ton enjoué.

Il se leva aussitôt, imité par son meilleur ami, mais Hermione ne les suivit pas immédiatement, réfléchissant encore pour savoir si solliciter l'aide des jumeaux était judicieuse. Certes, il y a de cela quelques jours, ils lui avaient prouvés que oui, mais aujourd'hui, l'enjeu était bien différent. Et d'après les informations qu'elle avait réussi à récupérer sur le fameux projet, celui-ci n'était pas si inoffensif que ça. Et c'était pour cette raison qu'elle hésitait à aller les voir.

Mais l'empressement de ses amis l'empêcha de réfléchir à tête reposée, et moins de trois minutes plus tard, les quatre garçons venaient dans sa direction, affichant tous une mine extatique qui l'agaça un peu.

―Je t'interdis de faire le moindre commentaire ! siffla-t-elle en posant son regard sur George.

Le garçon échangea un regard étonné avec son jumeau, se demandant comment Hermione savait qu'il allait dire quelque chose, et poussa un profond soupir renfrogné. Décidemment, côtoyer la jeune fille aussi intimement portait un coup aux excentriques adolescents qu'ils étaient.

―Il parait que notre aide est requise ? sourit Fred.

―Oui, avoua-t-elle. C'est à propos d'Ombrage.

―Et de votre grand projet, ajouta Ron d'un ton excité.

La jeune fille secoua négativement la tête lorsque le regard de son petit-ami se posa sur elle, lui demandant silencieusement si elle avait révélé quoi que ce soit aux deux autres garçons. Bien qu'elle n'approuvait pas du tout leur idée, connaissant les conséquences qui en découleraient, elle n'avait jamais cherché à rompre la promesse qu'elle avait faite aux jumeaux. Elle aurait pu s'offusquer du manque de confiance de Fred, mais elle savait que l'enjeu était trop important pour eux pour qu'ils prennent le moindre risque.

―Ah ! fit George avec un sourire en coin. Gred, je crois que c'est à nous d'entrer en jeu...

[...]

Les jours suivants cette discussion, les jumeaux passèrent pratiquement tout leur temps libre à finir de mettre au point les feux d'artifices utiles à leur dernière blague, si bien qu'Hermione eut rarement l'occasion de profiter de la présence de Fred.

La décision de demander de l'aide aux deux septième année, lui avait ouvert les yeux sur leur départ prochain, et maintenant, elle avait conscience que ce n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne quittent Poudlard définitivement. Deux, trois même six jours. Et après, ils partiraient. Et à cette idée, Hermione se sentait prise d'angoisse.

Elle craignait plus que tout que les remparts qu'elle avait construit ces derniers mois, épaulée par le soutien sans faille de Fred, viennent à s'écrouler une fois celui-ci loin du château. Les cicatrices de son cœur s'étaient peu à peu refermées, mais la douleur était encore là, tapie dans l'ombre, prête à lui sauter dessus au moindre moment de faiblesse de sa part. Que le rouquin était le seul à apaiser, et elle avait peur de ne pas réussir à surmonter sa peine sans lui.

Durant le peu de temps qu'il parvint à lui accorder, Hermione n'osa pas lui faire part de ses inquiétudes. Qui dans le fond, n'avaient pas lieu d'être puisque, quoi qu'il se passe, ils se reverraient fin juin, lorsqu'elle rejoindrait les Weasley, qui depuis la mort de ses parents, étaient devenus ses tuteurs légaux. Molly lui avait récemment écrit pour lui expliquer que l'ancienne chambre des aînés de la famille avait été mise à sa disposition, attendant d'être aménagée par ses soins. La matriarche lui avait demandé si elle souhaiter récupérée certaines affaires de la maison familiale des Granger, à Londres, qui serait vendue prochainement par le ministère moldu.

Alors, elle ne dit rien, se contentant d'afficher une mine réjouie en l'écoutant s'enthousiasmer sur ce projet que son frère et lui mettaient en place depuis longtemps maintenant. Ils en avaient eu l'idée l'année précédente, durant le tournoi des trois sorciers, et y avaient consacrer tellement d'énergie qu'ils se disaient un peu triste d'être sur le point de le dévoiler à toute l'école, même si l'excitation prédominait sur tout le reste.

Le week-end suivant, une sortie à Pré-au-Lard fut organisée, certainement la dernière de l'année, et Fred parvint à convaincre la Gryffondor d'abandonner ses révisions le temps d'une journée, pour l'accompagner au village sorcier. Ils passèrent une majeure partie de la matinée à déambuler dans les rayons très étroits de Honeyduckes, que le rouquin présentait comme le paradis sur terre.

―J'espère que notre magasin sera aussi célèbre, fit-il d'un ton émerveillé après de longues minutes dans la boutique.

Ils prirent ensuite la direction des Trois Balais, bondé d'élèves venus s'exiler loin de l'école et de la tension qui y régnait, où Fred révéla à Hermione que c'était là que George avait embrassé Angelina pour la première fois, après que Madame Rosemerta lui fit remarquer que son amie semblait n'attendre que ça.

Les Trois Balais les conduisit ensuite chez Zonko, où Fred se fit un point d'honneur de ravitailler ses stocks, ignorant le regard réprobateur de sa petite-amie. Mais un détour chez Scribenpenne redonna le sourire à Hermione, et ce fut avec ravissement qu'elle quitta la boutique, une magnifique plume de hibou noire dans les mains, cadeau du garçon.

Un petit détour par la Cabane Hurlante, qui imposait toujours autant de terreur aux habitants de Pré-au-Lard, même de nombreuses années après le départ du " monstre " qui était en réalité Remus Lupin, ancien professeur de Défense contre les Forces du Mal, et loup-garou de son état, qui avait trouvé refuge dans la maison hantée durant sa jeunesse pour y passer toutes ses pleines lunes.

En retournant au château, la main de Fred serrant doucement la sienne, Hermione réalisa que cette journée, bien que riche en émotions et ensoleillée par la présence du rouquin, avait un étrange sentiment d'amertume. Car, malgré les bons moments qu'elle venait de passer, elle avait l'impression que le garçon venait de lui faire ses adieux.

Ultime instant de bonheur avant leurs au revoir.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top