[CHAPITRE 26] Révolte multicolore.
Si un jour, quelqu'un avait osé affirmer aux jumeaux Weasley qu'il leur faudrait réaliser une blague sous la tutelle d'Hermione Granger, les deux garçons auraient rétorqué à cette personne aux idées farfelues qu'un lit lui était certainement réservé au service de démence de Ste Mangouste et ils se seraient fait un plaisir de l'y accompagner, pour être certains qu'elle ne prononcerait plus d'âneries de la sorte.
Pourtant, ce matin-là, personne ne fut conduit à Ste Mangouste et aucun sorcier ne fut considéré comme potentiellement dément par les garçons en question. Au contraire, tous les élèves présents dans la Grande Salle applaudirent en chœur lorsque les premiers effets de la potion ajoutée dans le lait et le jus d'orange servis le matin apparurent, et de nombreux regards se tournèrent en direction des garçons les plus farceurs jamais connus.
―Merci ! s'exclamèrent Fred et George en se levant avant d'exécuter quelques révérences à l'intention de leurs admirateurs.
―Nous sommes absolument ravis de voir que vous avez aimer...
―Oui, absolument ravis ! Et on espère que vous appréciez la couleur de votre nouvelle peau...
―Puisque vous l'aurez pour la journée !
Il y eut quelques cris d'indignations de la part de filles de Poufsouffle et Serdaigle, alors que celles de Gryffondor semblaient s'être plus résignées au triste sort qui leur était réservé pour les heures à venir.
―On mettra en vente notre invention très bientôt ! ajouta George.
―On a décidé de l'appeler " Les couleurs de la loutre " compléta Fred en faisant un clin d'œil à Hermione.
La jeune fille afficha un léger sourire avant de tourner la tête, juste à temps pour voir Dolores Ombrage arrivait comme une furie à la table des Gryffondor, la peau rose fluo, en parfaite contradiction avec le rose pâle de son tailleur.
―WEASLEY ! hurla-t-elle.
―Oui ? firent George, Fred, Ron et Ginny en même temps.
Un instant, la nouvelle directrice parut perdue, et elle jeta un long regard aux deux plus jeunes de la famille avant de se retourner vers les aînés, les menaçant de son petit index potelé.
Et également rose fluo.
―Ah nous ! lâcha George en haussant des épaules.
―Qui d'autre, cher frère ? lui rétorqua Fred avec un sourire éclatant. Bon matin, professeur ! Cette couleur vous va si bien au teint !
―Bande de petits... couina Ombrage mais le premier rouquin l'empêcha de poursuivre.
―Comme cela faisait un moment qu'on avait pas égayer la vie de nos camarades, on s'est dit qu'une petite farce de rien du tout ne pouvait pas faire de mal !
―Vous saviez que rire est bon pour la santé ? ajouta son jumeau. Ma mère est abonnée à Sorcière Hebdo et elle m'a envoyé l'article qui parle de ça.
―Et puisque vos nouvelles fonctions vous prennent tout votre temps, on a jugé qu'il était nécessaire de s'occuper de votre santé mentale. On vous aime bien, alors on vous protège !
―Ouais, vous êtes comme une mère pour...
―ASSEZ ! cria Ombrage.
Sa voix, répercutée en écho dans toute la Grande Salle, résonna de longues secondes aux oreilles de toutes les personnes présentes, et tous les regards convergèrent vers la directrice, qui avait toujours le regard rivé sur les deux fauteurs de troubles.
―De quel droit avez-vous osé mettre quoi que ce soit dans les boissons du matin ? siffla-t-elle en les fusillant du regard. Vous mériteriez un renvoi immédiat pour avoir outrepasser ainsi le règlement !
―Sauf que ce n'est écrit nulle part qu'il est interdit de mettre quoi que ce soit dans le lait, releva tranquillement George avec un petit sourire en coin. Dis donc, Madame, il faudrait voir à relire le règlement !
―On peut vous le réciter si vous voulez ! s'enthousiasma Fred. Grâce à ma merveilleuse et intelligente petite-amie nommée Hermione Granger, on le connaît sur le bout des doigts !
Et sous le regard interloqué d'Ombrage, les jumeaux se mirent à réciter les premiers articles du règlement de l'école, accompagnés par les rires de certains élèves d'autres maisons. Même Drago Malefoy ne put s'empêcher d'afficher un rictus en entendant ces deux idiots de rouquin se jouer ainsi de la directrice.
―IL SUFFIT ! hurla-t-elle de nouveau. Vous n'êtes que deux petits plaisantins qui ne méritent pas la moindre attention !
―Vraiment ? s'offusqua Fred en portant une main à sa poitrine. Madame, vous me fendez le cœur !
―Déjà qu'une certaine tigresse s'amuse à le malmener... ajouta ironiquement George en se tournant à demi vers Hermione qui rougit violemment.
―Votre insolence mérite une lettre à vos parents ainsi qu'un mois entier de retenue dans mon bureau ! grinça Ombrage. Et si je surprends le moindre élève avec un produit Weasley entre les mains ou quoi que ce soit du même genre, son châtiment sera aussi terrible !
―Chouette ! s'exclamèrent les jumeaux en se tapant la main. Encore des retenues !
―Je crois qu'on a battu notre record annuel, Gred !
―Tu l'as dis, Forge !
Ombrage les fixa de longues secondes, comme s'ils était complètement fous, avant de se tourner en direction de la table des professeurs, pour chercher du soutien auprès de la directrice de Gryffondor, mais McGonagall, les joues violettes, se contentait de suivre la scène en silence, les yeux brillants d'amusement.
Comme la plupart des professeurs. Enfin sauf Rogue, que l'on avait du mal à reconnaître à cause de la noirceur sur son visage qui se confondait avec celle de ses cheveux.
Poussant un profond soupir qui en disait long sur son état d'esprit, Ombrage jugea préférable de quitter la Grande Salle et les élèves attendirent qu'elle se soit assez éloignée pour se mettre à applaudir avec véhémence les deux septième année encore debout, et qui échangeaient des regards fortement amusés avec leurs amis. Et à leur plus grand étonnement, aucun des professeurs ne tenta de ramener le calme.
A quoi bon ? Même s'ils avaient eux aussi été victimes des farces des Weasley, ils ne pouvaient pas leur en vouloir d'avoir tenu ainsi tête à Dolores Ombrage. Car eux-mêmes en étaient incapables.
―Félicitations ! commenta vivement Lee une fois les deux garçons assis sur leur banc. Vous avez vraiment fait fort ce matin !
Personne ne parut surpris de le voir ressembler à une limace géante avec sa peau orangée. A vrai dire, personne n'avait vraiment échappé à cette farce. Ron s'était transformé en fraise géante avec son rouge et ses tâches noires. Harry ressemblait à un strangulot avec son marron délavé. Ginny à une belle colombe avec son blanc pur. Hermione, quant à elle, avait hérité d'un bleu pâle qui ressemblait fortement à celui de sa chambre à Londres, et elle se demandait si Fred ne l'avait pas fait exprès.
Les jumeaux quant à eux, ressemblaient à deux grandes myrtilles avec leur violet foncé qui contrastait fortement avec le roux de leur cheveux.
―Mademoiselle est satisfaite ? lança justement Fred à l'intention de la jeune fille.
Hermione esquissa un léger sourire avant d'acquiescer.
―Mais je le serai encore plus lorsqu'Ombrage se rendra compte que sa coloration dure plus longtemps que celle des autres, ajouta-t-elle.
Et elle détourna le regard sur ces mots, se plongeant dans une discussion animée avec Ginny, qui ne pouvait se retenir de rire aux éclats en observant les élèves de la table de Serpentard.
Hermione ne savait pas encore si elle lui en voulait vraiment pour son comportement de la veille. Ses sentiments étaient partagés, et bien qu'elle désirait lui pardonner immédiatement, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir un peu trahie. Après tout, il lui avait promis de ne rien vendre avant le lancement de leur grand projet, et même si les jumeaux avaient dérogé à la règle sur sa demande, il n'en restait pas moins qu'il lui avait menti délibérément. Du moins, était-ce ce qu'elle pensait.
Alors, elle avait passée la soirée de la veille à l'ignorer, après avoir passer un peu de temps avec lui et son frère pour leur expliquer ce qu'elle attendait d'eux. Bien sûr, il avait tenter plusieurs fois d'engager la conversation, mais Hermione l'avait tellement ignorée que tous les lions s'en étaient aperçus. Et les commérages avaient aussitôt filés. Ginny était venue s'enquérir de la froideur de la Préfète à l'égard de son frère, et bien cachée dans le dortoir des filles de quatrième année, la jeune fille avait consenti à se confier à sa meilleure amie, lui expliquant à quel point elle était blessée de ce mensonge.
Malheureusement, la rouquine n'avait pas réussi à expliquer le comportement de son frère. Elle avait beau les côtoyer depuis de nombreuses années, ils n'en restaient pas moins un très grand mystère pour elle. Leur mère se plaignait tout le temps que les jumeaux étaient des enfants à part, qui ne prenaient même pas la peine de s'ouvrir aux autres. C'était faux bien sûr, mais c'était la seule chose que la matriarche prétendait savoir de ses fils.
Un soupir s'échappa des lèvres d'Hermione lorsque la cloche sonna dans l'école, et elle ne sut si c'était de soulagement ou de dépit. Soulagée de s'éloigner de Fred et ses regards insistants. Ou bien inquiète de rejoindre les cachots pour un double cours de potions avec les Serpentard.
―On y va ? fit Ron, qui pour une fois, était le premier du trio à se lever pour aller en classe.
Hermione acquiesça avant de se lever, essayant de toutes ses forces de ne pas tourner la tête en direction de Fred, et constater à quel point il était blessé de son rejet, et de quitter la Grande Salle au pas de course, suivie de près par un groupe de serpents qu'elle ignora avec superbe.
Drago Malefoy les regarda approchés avec un sourire narquois au coin des lèvres, mais contrairement à l'accoutumée, il ne vint pas se pavaner devant eux, comme il aimait tant le faire pour impressionner Pansy Parkinson. Il chuchota quelques mots aux oreilles de son amie, qui éclata d'un rire horriblement aiguë avant de tendre un doigt manucuré vers Hermione qui fit comme si de rien était.
―Qu'est-ce qu'elle a celle-là ? grogna Ron qui n'avait pas perdu une miette du manège de leurs camarades.
―Laisse tomber, Ron, fit Hermione. Ils n'en valent pas la peine.
Le rouquin se retint de répliquer, ne voulant pas se mettre à se disputer avec son amie pour si peu et se contenta de fusiller les Serpentard du regard, accentuant leur rires qui se turent subitement lorsque la porte en métal noire du cachot s'ouvrit, laissant apparaître un Severus Rogue plus furieux que jamais.
Ça commence bien, songea Hermione en pénétrant dans la salle.
[...]
Le mois d'avril avait fait fuir les dernières températures froides de l'hiver, et à présent, les élèves pouvaient pleinement profités du parc de Poudlard, accompagnés des brises printanières et des rayons du soleil qui avait su s'imposer dans le ciel. Les gradins du terrain de Quidditch étaient souvent occupés, maintenant que tous les matchs de la saison étaient finis, et quelques adolescents osaient s'approcher d'assez près du lac noir pour tenter de remarquer l'un de ses habitants.
Et en cet après-midi particulièrement beau, Hermione avait décidé de venir étudier à l'abri d'un cerisier, non loin du grand Hall d'entrée du château. Harry et Ron, ainsi que plusieurs camarades de son année, avaient été contraints de passer leur après-midi en compagnie du professeur Rogue pour revoir toutes les potions étudiées ces quatre dernières années, et qui avaient beaucoup de chances de tomber aux BUSE. C'était la première fois que des cours de rattrapage étaient donnés à l'école, sur ordre du Ministre de la Magie qui estimait le niveau d'études des jeunes sorciers anglais bien inférieur à celui de leurs voisins français. Si l'exercice s'avérait fructueux, alors cette pratique serait étendue à d'autres matières, telle que la métamorphose, les sortilèges et même la botanique.
Quoi qu'il en soit, du fait de ses résultats scolaires exemplaires, Hermione avait eu la chance d'échapper à ces cours de rattrapage -qui faisaient autant plaisir aux élèves qu'au professeur- et était venue se réfugier dans le parc, pour se changer les idées, et étudier sous les rayons du soleil. L'approche des examens de fin d'année l'angoissait particulièrement, et elle s'efforçait de redoubler d'efforts pour se montrer plus attentive en classe, s'assurant de faire ses devoirs bien avant la date limite, étudiant des leçons qui n'étaient même pas au programme dans l'espoir d'en apprendre plus sur le sujet étudié. Ron appelait ça de la tricherie. Elle, elle voyait ça comme l'enrichissement de sa culture personnelle.
Elle était entrain de relire son cours d'Arithmancie lorsqu'une ombre imposante se dessina sur son manuel, lui arrachant un léger cri de surprise qui fut repris en écho par le rire de son visiteur. Et le cri d'Hermione cessa brusquement lorsque son regard se posa sur la mine enjouée de Fred, qui n'attendit pas la moindre invitation pour s'installer près d'elle, prenant appui contre l'arbre derrière lui.
Mais au grand étonnement de la Préfète, il ne prononça pas le moindre mot, se contentant de jouer distraitement avec sa baguette magique -habitude qu'Hermione avait remarquée chez lui et qu'il faisait souvent dans des moments d'angoisse ou d'ennui. Ne lui adressant pas le moindre regard. Comme si elle n'était même pas là.
Et la jeune fille en fut particulièrement offensée.
―Tu comptes rester là longtemps ? demanda-t-elle sèchement.
―Pourquoi ? la taquina le rouquin sans lui accorder un regard pour autant. Ma présente te perturbe ?
―Elle gêne ma concentration, oui, grimaça-t-elle.
―Alors je vais resté un bon moment.
Hermione soupira fortement, arrachant un sourire amusé au garçon, avant de se repencher sur ses parchemins, avec le mince espoir qu'elle parviendrait à faire abstraction de la présence de Fred à ses côtés, mais il avait un tel effet sur elle qu'elle ne réussit même pas à lire une ligne correctement.
Et ça, il le savait parfaitement. Et il aimait en jouer. Mettre Hermione dans tous ses états, parvenir à la déstabiliser. Il adorait ça.
―Tu le fais exprès, devina-t-elle.
Ce n'était pas une question, plus une affirmation qui tira un haussement d'épaules au septième année.
―C'est ce que tu crois ? rétorqua-t-il.
―Oui, répondit Hermione. Je sais que tu es venu ici avec la ferme intention de m'embêter pour que je ne puisse pas réviser comme il faut. Mais contrairement à toi, on a pas tous décidé de quitter l'école avant de passer nos examens !
C'était un coup bas digne du plus vil des Serpentard, pourtant, elle ne regretta pas une seule seconde, surtout lorsqu'elle vit Fred perdre son expression joyeuse qui l'agaçait particulièrement en cet instant.
Mais qu'elle aimait ô combien le reste du temps.
―Touché.
―Si tu t'ennuies tant que ça, tu n'as qu'à aller te chercher une autre victime.
―Je n'ai même pas le droit de passer un peu de temps avec ma petite-amie ?
Cette fois, il plongea délibérément son regard dans le sien, et Hermione constata à quel point la situation l'amusait.
―Tu en auras le droit le jour où tu arrêteras de lui mentir, répondit-elle du tac au tac en soutenant son regard.
―Coulé.
―Le lac est juste là, fit-elle en désignant l'étendu d'eau à sa droite.
Les lèvres de Fred s'étirèrent peu à peu en un sourire qui se transforma bien rapidement en éclat de rire incontrôlable. Hermione essaya bien de rester neutre face au ridicule de leur situation, mais la bonne humeur du garçon était tellement communicative qu'elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire à son tour, et le rouquin en profita aussitôt pour coller ses lèvres aux siennes.
Hermione sentit un poids être arraché de ses épaules. Car, malgré ce qu'elle avait bien pu pensé, ne pas parler au garçon avait été plus pesant qu'elle ne le croyait. Faire comme s'il n'avait aucun intérêt à ses yeux lui avait fait plus de mal qu'elle n'aurait cru. Et le retrouver là, dans ce cadre idyllique, effaça les dernières traces de sa rancœur et apaisa son cœur.
―Ne me refais plus jamais la tête, marmonna Fred en collant son front au sien.
―Alors ne fais pas de promesse que tu ne tiendras pas, répliqua-t-elle.
―Ne pas pouvoir t'embrasser a été une véritable torture.
―Tu n'en auras plus l'occasion quand tu partiras de l'école.
―Ne pas pouvoir être près de toi est un supplice.
―Agis en adulte responsable.
―Tu es encore plus belle quand tu es énervée.
―Et toi tu es plus agaçant à chaque nouvelle phrase.
―Tu es une vraie tête de mule.
―Et toi un gamin de dix-sept ans.
Fred l'embrassa de nouveau pour toute réponse, et cette fois-ci elle répondit à son baiser avec joie, entourant le cou du garçon avec ses bras, le reprochant d'elle. Elle le sentit sourire contre sa bouche, et son cœur s'emballa lorsqu'elle le sentit glisser ses mains dans le bas de son dos.
―Tête de mule, répéta-t-il en s'éloignant légèrement sans rompre le moindre contact tactile avec elle.
―Gamin.
―Miss-Je-Sais-Tout.
―Plaisantin.
―Tu sais qu'on pourrait jouer à ce jeu toute la nuit ? rit-il paisiblement.
―Je sais, sourit-elle et son sourire parut plus éblouissant que d'habitude aux yeux du garçon. J'ai eu un bon professeur.
La fierté du rouquin était tellement palpable qu'Hermione pouvait presque la sentir, entourant Fred comme une seconde peau.
―J'avais raison de dire que tout n'est pas perdu pour toi.
La jeune fille leva les yeux au ciel avant de poser délicatement sa tête sur l'épaule du rouquin qui entoura sa taille d'un geste possessif et protecteur, arrachant un sourire niais à l'adolescente.
―George est furieux après toi, fit Fred après quelques instants de silence.
―Pourquoi ? soupira-t-elle.
―Parce qu'il a dû admettre à haute voix que tu avais du sens de l'humour, ricana le rouquin.
Hermione éclata de rire en imaginant parfaitement la scène et l'air bougon du garçon en admettant que la sage petite Préfète qu'elle était pouvait se montrer parfois aussi imaginative que les jumeaux Weasley. Le sentiment de fierté qu'elle ressentit la galvanisa encore plus et elle se promit de remercier George dès qu'elle le verrait, se doutant que cela avait dû être très dur pour lui à avouer.
―Et je me doute qu'il l'a très mal pris, sourit-elle.
―Tu n'imagines pas à quel point !
Oh que si, pensa-t-elle en fixant la surface lisse du lac, alors que plus profondément, des strangulots, des sirènes et autres créatures marines faisaient leur vie sans se soucier de ce qu'il pouvait bien se passer sur la terre ferme.
Le temps ne semblait avoir aucune prise sur eux, et lorsque Harry, Ron, Ginny et George débarquèrent dans le parc, Hermione se rendit compte que trois heures venaient de passées. Trois heures qu'elle venait de passer en compagnie du garçon qui faisait battre son cœur à l'écouter lui raconter ses plus beaux souvenirs d'enfance. Trois heures qu'elle n'avait pas vu passée et qu'elle aurait beaucoup regretté ne pas vivre.
―Alors, s'exclama George en se laissant tomber près d'eux, bien vite imité par les autres. Ce cours avec la chauve-souris des cachots ?
Le grognement qui franchit les lèvres de Ron provoqua l'hilarité générale, faisant rougir le garçon qui les fusilla du regard un par un avant d'arracher une touffe d'herbes d'un geste furieux. Hermione jeta un regard compatissant à son ami. Les potions était le cours qu'il détestait le plus, et elle savait qu'il avait déjà prévu de ne pas le continuer l'année prochaine. Ses notes désastreuses et le sarcasme dont faisait preuve Rogue à son égard ne l'aidait pas à apprécier cette matière, en dépit de tous les efforts de la Préfète.
Elle avait en mémoire toutes les soirées qu'elle avait passée à essayer de faire comprendre l'art des potions à son ami - en vain. L'impatience de Ron et son irritabilité excessive avaient souvent mis un terme précoce à ces leçons qu'Hermione s'efforçait de lui faire réviser. Au milieu de leur deuxième année, elle avait fini par laisser tomber, incapable de supporter une minute de plus la mauvaise foi du rouquin. Grand bien lui en prit puisque leur relation s'améliora nettement et il n'y eu plus de tension constante au sein de leur groupe.
Et peut être que le fait qu'elle ait été pétrifiée joua un rôle majeur.
―Horrible, répondit Harry après avoir compris que son ami ne laisserait échapper aucun mot.
―Si vous étiez plus attentifs en cours, vous n'auriez pas eu besoin de ce rattrapage... commenta Hermione en leur adressant à tous deux un regard lourd de sens.
Si le brun se contenta de hausser des épaules, ce ne fut pas le cas de Ron qui rougit encore plus violemment que la première fois et qui jeta un regard exaspéré à sa meilleure amie.
―Ouais, excuse-nous de ne pas être des Je-Sais-Tout comme toi ! cracha-t-il.
―Je n'ai jamais dis ça ! s'indigna aussitôt la jeune fille. Pourquoi faut-il que tu déformes toujours ce que j'ai dis ?
―Pourquoi faut-il toujours que tu me prennes pour un moins que rien ? rugit le rouquin.
―Quoi ?
―D'accord, c'est bon ! s'exclama Ginny en se redressant. Tous les deux, plus un mot ! ajouta-t-elle à l'intention de son frère et de Hermione. Je ne veux plus vous entendre jusqu'à que je vous ai donné l'autorisation de parler !
Hermione soupira fortement avant de lancer un regard plein d'animosité à son amie, qui se contenta de lui offrir un sourire amusé avant de se retourner vers Ron, juste à temps pour le voir fuir à toutes jambes en direction du terrain de Quidditch.
―Non mais quelle tête de mule celui-là ! fit George.
―Je vais le chercher, dit simplement Harry avant de suivre les traces de son meilleur ami.
Il y eut un silence, pendant lequel tout le monde observa le garçon courir derrière le dos de Ron, dont la démarche lourde exprimait à elle seule toute sa colère. Pendant quelques secondes, Hermione s'en voulut même de leur avoir fait cette réflexion, ne s'attendant pas le moins du monde à une telle réaction de la part du rouquin. Mais elle aurait dû la prévoir, vu l'état dans lequel se trouvait Ron depuis l'attaque de son père.
Il avait beau ne jamais mettre ses sentiments et ses ressentis au grand jour, sûrement par pudeur et par timidité, mais Hermione savait à quel point Ron s'était inquiété pour son père lorsque leur ami avait rêvé de Mr Weasley se faisant attaquer au Ministère, par le serpent de Voldemort, quelques semaines avant les fêtes de Noël. Il ne s'était jamais exprimé sur le sujet, laissant ses frères et sœur le faire à sa place, cependant, la jeune fille avait remarqué son angoisse, ses peurs. Sa terreur de perdre un membre de sa famille.
C'était une des facettes de Ronald qu'elle ne comprendrait certainement jamais. Son silence. Sa capacité à absorber les bonnes comme les mauvaises choses sans trouver pour autant la force d'en parler. S'il était parvenu à vanter ses exploits au Quidditch après le premier match de l'équipe, c'était simplement pour rabattre le clapet à ses frères. Mais depuis, rien. Le silence le plus total. Etait-ce le fait d'être le cinquième enfant d'une si grande famille qui l'avait rendu comme ça ?
Si peu loquace sur ses états d'âme.
Et il fallait dire que la célébrité de son meilleur ami n'arrangeait pas les choses. Si en privé, au sein de sa famille, Ron arrivait à trouver sa juste place auprès de l'élu, tout était bien différent en public. Avec leurs camarades de maison. Beaucoup en venait même à se demander ce que le Survivant pouvait trouvé à celui qu'il considérait comme son meilleur ami. Hermione, elle, savait à quel point le rouquin était important aux yeux de Harry, et elle ne ressentait pas le besoin d'expliquer la place de Ron dans leur trio ; d'ailleurs ce n'était pas à elle de le faire, car elle lui paraissait aussi logique que de jeter des sorts.
Et tout cela ne faisait que restreindre la confiance que le rouquin pouvait avoir en ses capacités. Il fallait dire que ses trois frères aînés avaient placé la barre bien haut, et il était donc naturel que Molly Weasley ait des exigences très arrêtées pour ses autres enfants. Fred et George sortaient totalement du lot, et Ginny, étant la seule fille de la famille, était si choyée par ses parents que personne ne se permettait jamais de douter en ce qu'elle faisait. D'une certaine façon, Ron avait la mauvaise place puisque toutes les attentes de sa mère étaient placées sur lui.
Hermione soupira de nouveau en récupérant ses affaires éparpillées un peu partout dans l'herbe, se promettant d'avoir une discussion avec son ami. Elle y passerait le temps qu'il faudrait, mais tant que Ron n'aurait pas compris qu'elle était désolée et qu'elle s'en voulait, elle ne le lâcherait pas d'une semelle.
―Ne te prends pas la tête pour ça, souffla doucement Fred à son oreille, alors qu'elle marchait en direction du Hall d'entrée.
La jeune fille esquissa un faible sourire avant de lever la tête pour croiser le regard plein d'assurance du garçon.
―J'aimerais bien, dit-elle.
―Tu sais ce que j'aime le plus chez toi ? sourit Fred en glissant délicatement sa main dans celle de l'adolescente.
―Non, répondit-elle et ses joues se teintèrent légèrement de rouge.
―Ton altruisme. Ton besoin irrépressible d'aider les autres, même lorsqu'ils ne sont pas très sympas avec toi.
Hermione sourit grandement avant de déposer un baiser sur la joue du garçon, au moment où ils franchissaient le seuil de la Grande Salle, peu à peu entrain de se remplir pour le dîner, attirant de nombreux regards vers eux qui la firent rougir.
La plupart des élèves avaient retrouvé leur couleur naturelle de peau, à l'instar d'Hermione et Fred, mais persistaient ça et là quelques touches colorées qui semblaient encore amusées les adolescents. Seules quelques filles de Poufsouffle jetèrent des regards scandalisés au garçon, avant de se mettre à glousser comme des bécasses en remarquant les mains liées du couple.
―Promets-moi que je ne deviendrai jamais comme ça ! chuchota Hermione en s'installant à la table des Gryffondor.
―Comme quoi ? fit Fred avec une moue amusée.
―Comme une bécasse !
―Oh ! Tu veux dire comme ces filles-là ! s'exclama-t-il en désignant les Poufsouffle d'un geste de la main.
Les trois adolescentes de sixième année leur jetèrent un regard noir avant de se pencher les unes vers les autres, en quête de commérages.
―Je te le promets, assura Fred d'un ton solennel.
―Merci, rit doucement Hermione.
George finit par les rejoindre, cette fois accompagné par Angelina, qui salua les deux amoureux d'un ton enthousiaste avant de s'asseoir près d'Hermione, qui ne sut vraiment comment réagir en présence de la métisse. Certes, elle la connaissait car elles avaient toutes les deux appartenues à l'Armée de Dumbledore et qu'elles étaient dans la même maison, mais la présence de la petite amie de George la rendit mal-à-l'aise. Son assurance, sa prestance et son côté décontracte étaient tout ce qu'il manquait à la jeune fille.
Elle ne fit part de ses inquiétudes à personne, et lorsque le repas commença, elle réalisa que Ron et Harry n'étaient toujours pas revenus. Ginny était bien là, assise quelques mètres plus loin, en compagnie d'élèves de sa classe, mais aucune trace des deux garçons. Elle sentit la culpabilité l'envahir en repensant à sa dispute avec Ron, craignant d'avoir encore plus dégradée les choses et son appétit disparut brusquement.
―Est-ce que ça va, Hermione ? demanda doucement Fred en remarquant le changement de comportement soudain de l'adolescente.
George se tut brusquement, et lança un regard intrigué à la Préfète, qui tête baissée, se contenta de secouer la tête. Il échangea un regard inquiet avec Angelina qui se pencha délicatement à l'oreille d'Hermione pour lui chuchoter quelques mots que les garçons n'entendirent pas, mais qui semblèrent faire beaucoup de bien à la lionne, qui releva finalement la tête, un maigre sourire aux lèvres, en dépit de ses yeux embués.
―On se voit plus tard, lança-t-elle précipitamment à Fred, qui la regarda partir, ahuri.
―Qu'est-ce que tu lui as dis ? s'enquit aussitôt George une fois Hermione hors de vue.
―Ce qu'elle voulait entendre, sourit doucement Angelina.
La nuit était peu à peu entrain de tomber sur l'Angleterre, pourtant, malgré la distance, Hermione n'eut aucun mal à remarquer les deux silhouettes se lançant une balle dans les airs, assises sur des balais appartenant à l'école. Les deux garçons ne la remarquèrent pas, bien trop concentrés sur leur passe, et elle dut les appeler en s'appliquant un Sonorus pour faire remarquer sa présence.
Si Harry lui offrit un joyeux geste de la main, Ron, lui se contenta de tourner le regard et de s'envoler plus loin, la mine renfrognée.
―Hermione, sourit le brun en descendant à sa hauteur.
―Il m'en veut toujours ? souffla-t-elle, la gorge nouée en ne quittant pas le rouquin du regard.
―Oui, répondit honnêtement son ami.
―Je suis venue... pour m'excuser, grimaça-t-elle en accordant un regard à Harry qui esquissa un léger sourire satisfait.
―Sinon pour quelle autre raison tu serais venue sur le terrain de Quidditch ? Ne bouge pas, je vais le chercher.
Et sans attendre de réponse, il donna un léger coup de pied dans l'herbe et son balais s'envola d'une dizaine de mètres en direction de Ron, qui semblait les observer, mais d'aussi loin, Hermione n'en était pas certaine. Elle ne sut ce que dirent les deux garçons, pourtant, au bout de quelques minutes, ils revinrent vers elle et elle n'attendit pas que Ron fasse la moindre réflexion pour ouvrir la bouche.
―Je suis désolé, fit-elle d'une voix tremblante. Je n'aurais jamais dû dire ce que j'ai dis. Et sache que jamais je n'ai pensé que tu étais un moins que rien. Au contraire, je trouve que tu es un grand sorcier, Ron.
Elle ne savait pas vraiment si c'était-là les paroles que voulait entendre le rouquin, mais lorsqu'il haussa des épaules d'un air désinvolte, elle sut que la crise était passée.
―On va manger ? proposa-t-il simplement.
Leurs éclats de rire résonnèrent longuement dans la nuit.
Malgré les circonstances, Ron resterait toujours Ron.
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