[CHAPITRE 22] La chute éternelle...


La pluie s'était mise à tomber.

Les oiseaux avaient brusquement arrêtés de chanter.

Un silence pesant avait envahi l'école.

La froideur de la mort avait recouvert le château de son épais manteau.

Assise contre un des murs du bureau du professeur Rogue, Hermione essayait tant bien que mal de retenir le tremblement de ses doigts. Ceux-ci, comme dirigés par une force extérieure, ne cessaient de venir pianoter contre sa cuisse, en un rythme régulier qu'elle trouvait particulièrement agaçant. Mais l'angoisse qui avait pris possession de son corps l'empêchait de cesser ce mouvement, d'ordonner à ses doigts de ne plus bouger, alors que, impuissante, elle attendait que quelqu'un vienne les chercher, elle et les trois autres élèves enfermés ici.

Elle ne se souvenait plus très bien de la façon dont elle avait atterrit ici. La dernière chose qu'elle avait en mémoire, c'était le visage torturé de Malefoy. Sa main pâle qui s'était emparée de la sienne, quelques secondes avant qu'il ne lui demande de le pardonner et de se mettre à l'abris. Après ça, le trou noir. Comme si aucun laps de temps ne s'était écoulé entre le moment où elle avait quitté Malefoy et celui où le cliquetis de la serrure avait résonné à ses oreilles. Par mesure de sécurité, Rogue les avait enfermé là, leur ordonnant de ne pas essayer de s'enfuir.

Pourquoi ? Ils n'en avaient aucune idée.

Les minutes s'étaient écoulées avec une lenteur infinie qui avait rendu complètement fou l'élève de Poufsouffle qui se trouvait avec eux. Hermione ne le connaissait pas, ne l'ayant jamais remarqué auparavant. Hurlant à s'en casser la voix, il avait tambouriné de toutes ses forces contre la porte, dans l'espoir que quelqu'un vienne les sortir de là, mais seul le silence lui avait répondu.

Un silence bien vite remplacé par des bruits d'explosion. Et des cris. Des hurlements de terreur qui avaient fait frissonner la jeune femme.

C'est la guerre, songea-t-elle. Et on va tous mourir.

Le visage de Fred s'était dessiné derrière ses paupières closes et elle avait regretté qu'il ne soit pas à ses côtés. Il y avait tant de choses qu'elle aurait souhaité lui dire et dont elle n'aurait jamais plus l'occasion pour le faire. Les cris s'étaient intensifiés et des larmes silencieuses s'étaient mises à couler le long de ses joues.

Et de nombreuses heures durant, ils avaient écouté ces cris d'agonie et impuissants, assistés à la défaite de leurs amis.

—Vous croyez qu'il se passe quoi dehors ? demanda une jeune fille blonde lorsque le silence revint, plus vif que le précédent. Vous pensez que quelqu'un sait que nous sommes ici ?

—Oui, souffla Hermione en réalisant qu'elle était la plus âgée de tous. Ne t'inquiètes pas, le professeur Rogue viendra nous sortir de là.

—Ouais, sauf s'il est pas mort avant, marmonna le Poufsouffle.

La blonde poussa un gémissement de frayeur et éclata en sanglots.

—Bravo, grinça Hermione. Tu peux pas la fermer, sombre crétin ?

Elle fit mine de ne pas remarquer le regard furibond du garçon et se rapprocha de l'adolescente, qui ne devait pas avoir plus de treize ans.

—Ne l'écoute pas, lui conseilla-t-elle en lui souriant doucement. Je suis sûre que quelqu'un viendra nous chercher.

Du moins, je l'espère, pensa-t-elle.

Le silence les enveloppa de nouveau et à bout de force, le Poufsouffle se laissa tomber au sol. Ils restèrent ainsi, prostrés contre les murs de pierre, de longs instants. Si longs que la Préfète finit par perdre la notion du temps. Combien d'heures s'étaient écoulées depuis le départ de l'ancien Serpentard ? Faisait-il encore jour ou la nuit avait-elle repris ses droits ? Enfermée dans cette pièce d'où ne perçait aucun puits de jour, elle n'aurait su le dire.

Lasse d'attendre, la petite blonde s'endormit, la tête contre l'épaule de Hermione. Cette source de chaleur, ce petit corps serré contre le sien, l'aida à tenir le coup et ne pas succomber à son tour aux doux bras de Morphée. Elle voulait être parfaitement éveillée lorsque quelqu'un finirait par venir les chercher. Elle voulait être prête à donner un coup de main si nécessaire. Elle voulait se battre, sauver le monde qui l'avait adopté et qui était devenu sien au fil des années.

Elle voulait aider son meilleur ami à achever la quête qui lui incombait.

—Tu entends ça ?! s'exclama brusquement le Poufsouffle en se redressant.

Sourcils froncés, elle le regarda appuyer sa tête contre la porte. Si, au début, elle ne perçut que le bruit de leurs respirations, elle finit par percevoir un léger son. Comme si quelqu'un était en train de marcher. Comme si quelqu'un se trouvait en ce moment dans le couloir qui permettait de rejoindre les cachots.

—Attends ! siffla-t-elle en attrapant la main du garçon. Attends !

—Quoi ?! Pourquoi ?

—On ne sait pas si c'est un gentil ou un méchant, chuchota-t-elle alors que le son s'intensifiait peu à peu.

—Parce que tu comptes rester enfermée ici toute ta vie ? rétorqua-t-il en se dégageant. Hé ! Oh ! hurla-t-il ensuite en tapant de toutes ses forces contre la porte.

Hermione se recula de quelques pas et récupéra la baguette magique dans sa poche arrière de pantalon. Elle savait pertinemment qu'elle ne ferait pas le poids contre un Mangemort aguerri, mais elle devait au moins essayer de donner du temps aux autres pour qu'ils puissent s'échapper.

Ses doigts se resserrèrent autour du morceau de bois.

Ses phalanges blanchirent.

Les pas se rapprochèrent et une incantation fut prononcée par un homme.

Il y eut un cliquetis de serrure.

Le Poufsouffle recula légèrement et la porte s'ouvrit en grand...

—Bill ! s'exclama-t-elle en reconnaissant leur sauveur.

Le rouquin parut sincèrement surpris de la trouver-là. Ses yeux s'écarquillèrent sous l'étonnement et il s'empressa de les rejoindre, remarquant alors les trois autres adolescents prostrés dans un coin de la pièce.

—Depuis combien de temps vous êtes-là ? demanda-t-il en étreignant brièvement la jeune femme.

—On ne sait pas, répondit-elle. Le professeur Rogue nous a enfermé ici pour notre sécurité et depuis, plus rien.

—Quelques heures, je crois, ajouta le Poufsouffle, heureux que quelqu'un leur soit venu en aide.

—Que s'est-il passé ? questionna Hermione. On a entendu des bruits horribles, comme s'il y avait eu des combats.

Le visage de Bill s'assombrit soudainement et les trois élèves échangèrent des regards graves avant de se tourner vers la Préfète, qui, sentit son cœur faire une embardée.

—Bill... articula-t-elle lentement, la voix tremblante.

—Il y a eu des combats, répondit-il gravement, en plongeant son regard dans le sien. Des Mangemort ont pénétré dans l'école. Le...

—Le quoi ? insista-t-elle en sentant que le pire était à venir.

—Le... le professeur Dumbledore est mort, souffla l'aîné des Weasley.

Le professeur Dumbledore est mort.

Non. Impossible.

Le professeur Dumbledore est mort.

Non, c'était une erreur. Une énorme erreur.

Le professeur Dumbledore est mort.

Elle ne pouvait pas le croire. Le plus grand sorcier de tous les temps ne pouvait pas être mort.

Non ?

—Pardon ?! s'exclama le Poufsouffle.

—Dumbledore est mort, répéta Bill d'une voix si hachée qu'elle fut presque inaudible. On l'a vu tombé de la tour d'Astronomie.

—Non... souffla Hermione en se mettant à pleurer. Non... non...

Elle ne vit pas Bill s'approcher et la prendre dans ses bras. Elle ne se sentit pas s'accrocher de toutes ses forces à sa cape de sorcier. Elle n'éprouva rien. Juste un terrible sentiment de peur, d'horreur et d'angoisse.

Qu'allaient-ils donc devenir sans cette lueur d'espoir qui avait ravivé bien des feux sur son passage ?

On l'a vu tombé de la tour d'Astronomie.

Les Mangemort l'avaient certainement tués. Combien avaient-ils été pour parvenir à bout de ce puissant sorcier ? Combien avait-il réussi à terrasser avant de mourir ? Combien...

Harry !

—Harry ! cria-t-elle en se dégageant de l'homme. Où est Harry ? Il était avec le professeur Dumbledore ce soir. Où est-il, Bill ? Ne me dis pas que...

—Non, non ! Harry va bien ! Je l'ai vu, il allait bien.

La jeune femme poussa un profond soupir de soulagement en essuyant les ultimes perles salées sur ses joues.

—Je veux le voir, dit-elle. Amène-moi à lui.

Bill acquiesça et ils quittèrent les cachots pour rejoindre le parc de l'école. Arrivés devant les portes de la Grande Salle, Hermione sentit son estomac se nouer à la vue des corps immobiles allongés sur le sol. La plupart avaient encore les yeux ouverts, tandis que d'autres se trouvaient face contre terre. Elle entendit la petite blonde gémir de nouveau dans son dos et Bill accéléra l'allure.

—Maman et Papa vont être contents de te voir, commença-t-il. Ron est avec...

L'homme sortit de l'ombre si rapidement que Hermione n'eut pas le temps de réagir. La créature se jeta sur Bill avec une telle force qu'ils roulèrent quelques secondes au sol avant de venir percuter une des portes extérieures. Son cri de surprise mourut au fond de sa gorge lorsqu'elle remarqua les longs crocs dépassant de la bouche du sorcier.

—Mettez-vous à l'abris ! cria-t-elle à l'intention de ses camarades.

Ils obtempérèrent sans protester et la jeune femme attrapa sa baguette. Elle la pointa sur l'assaillant de Bill, mais celui-ci bougeait si vite qu'elle risquerait de blesser le rouquin si elle tentait de lancer un sort pour l'éloigner de son adversaire.

—Bill ! s'exclama-t-elle lorsque l'homme lui donna un coup au visage. Bill !

L'aîné des Weasley poussa un cri de douleur lorsque la créature lui décocha un nouveau coup de poing et pendant quelques secondes, sa vision se flouta. Il crut entendre Hermione l'appeler de nouveau, mais la douleur l'empêchait de se concentrer sur ce qu'il se passait autour de lui.

Brusquement, il sentit une déchirure brûler son visage. Son hurlement résonna longuement, se répercutant en écho contre les murs du Hall d'entrée. Il sentit un liquide chaud envahir sa gorge et il toussa à plusieurs reprises pour ne pas s'étouffer.

—BILL !

Avec horreur, Hermione vit le sang gicler. La créature s'immobilisa, la tête penchée vers celle de sa victime et la Préfète en profita aussitôt pour lui lancer un sort qui la ligota sur place. Elle ignora son cri de mécontentement et le paralysa d'un Petrificus Totalus.

—Oh Merlin, souffla-t-elle en plaquant une main contre sa bouche.

Le visage du rouquin était totalement défiguré et recouvert d'un sang qui ne cessait de couler des trois longues plaies qui le barraient de haut en bas. Hermione sentit la bile remonter le long de son œsophage et eut toutes les peines du monde à ne pas vomir.

—Hermione ? l'appela-t-on et il lui fallut un petit moment pour reconnaître la voix du Poufsouffle, à moitié assourdie par la statue derrière laquelle ils s'étaient réfugiés.

—Ne bougez pas ! parvint-elle à dire. Attendez que je vous le dise.

D'une main tremblante, elle récupéra sa baguette et la pointa sur le visage ensanglanté de Bill. Elle ne savait pas s'il était encore conscient ou non, mais tout le sang qu'il perdait ne présageait rien de bon. Prenant une profonde inspiration, elle murmura les diverses incantations qu'elle avait apprise au cours de sa scolarité et qui lui avaient été bien utiles pour soigner les blessures de ses amis. Certes, celle de Bill était bien plus sérieuse, mais elle parvint tout de même à arrêter les diverses hémorragies.

—Tiens bon, renifla-t-elle. Tiens bon.

La respiration du rouquin s'apaisa et elle déchira un morceau de sa cape pour essuyer le sang sur son visage.

—C'est bon, lança-t-elle.

Elle perçut du bruit dans son dos et ne se retourna pas pour voir ses camarades la rejoindre. Serrant doucement la main de Bill, elle se redressa et se tourna vers le Poufsouffle.

—Il faut que tu trouves Mrs Pomfresh pour qu'elle vienne le soigner, lui demanda-t-elle. Il faut que je retrouve mes amis. Vous deux, ajouta-t-elle en regardant la blonde et un petit brun, ne bougez pas d'ici. Restez avec lui. Il s'appelle Bill Weasley. S'il se passe quoi que ce soit, allez chercher quelqu'un. D'accord ?

Ils opinèrent tous trois et après un dernier regard vers le roux, elle franchit les portes extérieures et rejoignit la foule qui s'était amassée au pied de la tour d'Astronomie. Elle n'eut aucun mal à reconnaître Hagrid, qui, debout au milieu des élèves, reniflait bruyamment dans un crasseux mouchoir en tissu. Elle aperçut même le haut pointu du chapeau de McGonagall.

Jouant difficilement des coudes, elle rejoignit l'intérieur du cercle qu'ils formaient et son cœur se serra douloureusement.

Le professeur Dumbledore y était allongé, comme s'il dormait. Et Harry se trouvait à ses côtés, pleurant sans retenu dans les bras de Ginny.

Au loin, l'aube pointa le bout de son nez et Drago Malefoy observa avec horreur la Marque des Ténèbres au-dessus de l'école.

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Petit chapitre, mais j'ai beaucoup aimé l'écrire ! 

Dumbledore est mort et les ennuis ne font que commencer... 

Alors, dites-moi, vous préférez un ou deux chapitres par semaine ? On se retrouve bientôt pour la suite :) 

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