[CHAPITRE 12] Si près et si loin...


Je ne sais pas comment cela s'est passé. Ni à quelle vitesse. Je n'ai que des souvenirs flous de notre rencontre avec Xenophilius Lovegood. Mais je me souviens avec une netteté surprenante de la peur que j'ai ressenti à la seconde où le premier Mangemort a attaqué la demeure. Je revois encore la surprise dans les yeux de Harry et la terreur dans ceux de Ron. Ces éclats de verre et de porcelaine qui volaient partout autour de nous, de l'entaille sur ma joue et le goût amer du sang dans ma bouche.

Je revois le père de Luna, prostré dans un coin, hurlant qu'il voulait que sa fille revienne. Notre amie, notre Luna, capturée par les Mangemorts, certainement torturée et parquée on ne savait où... Un bref instant, je pense à George et à la peine qu'il devait ressentir. Mais le sentiment s'évapore aussi vite lorsqu'un second Mangemort attaque. J'entends encore les cris de mes amis, qui me somment de les rejoindre à l'autre bout de la pièce. Couchée sur le sol, j'avance prudemment. Je garde la tête baissée pour ne pas me prendre un nouvel éclat de verre dans le visage.

Le temps me paraît infiniment long pour les rejoindre, mais à la seconde où nos mains entrent en contact, nous transplanons.

Là encore, un trou noir. Qu'étions-nous en train de faire ou de dire lorsque les Rafleurs nous ont encerclé ? Je ne sais plus. Mais ce n'est pas important. Non.

C'est notre course folle à travers la forêt qui l'est.

Dans mon dos, couvrant le bruit de ma respiration, je perçois les pas précipités du Rafleur qui me suit. Il n'est qu'à quelques mètres derrière moi et parfois, je l'entends jurer et grogner. Il marmonne des sorts aussi, que je parviens à éviter par je ne sais quel miracle. Ses sortilèges percutent avec force les branches et les troncs des arbres qui explosent en mille morceaux sur mon chemin. Malgré la douleur qui remplit mon corps tout entier, je continue de courir.

Encore et encore.

Sans m'arrêter.

Quelques mètres plus loin, j'aperçois Ron. Les Rafleurs qui le suivent l'assaillent de sortilèges de couleur verte et il leur répond un peu maladroitement, ne prenant pas le temps de viser pour en neutraliser un. Ralentir reviendrait à signer notre arrêt de mort et je ne suis pas prête à voir un de mes amis mourir.

Un sort violet atteint de plein fouet l'arbre qui se trouve devant moi et celui-ci s'écrase au sol avec un bruit sourd. Je l'évite de justesse et manque de me cogner contre un autre arbre déraciné. Le Rafleur jure dans mon dos.

Cours, cours, cours, me dis-je.

Comme j'aimerai que tu sois là, près de moi.

Je voudrai pouvoir puiser de la force en toi, cette force qui me pousserait à continuer de courir encore longtemps. Mais l'attaque de la maison des Lovegood nous a tous affaibli. Mon corps tout entier proteste face à cet effort que je lui impose.

Je t'en prie, Fred, donne moi le courage de continuer.

J'entends Harry crier, mais je suis incapable de saisir le sens de ses mots. Je prie tous les dieux qui existent pour qu'ils lui viennent en aide. Après tout ce chemin parcourut, tous ces obstacles que nous avons affrontés tous les trois, il est hors de question que notre quête se termine de la sorte. Nous n'avons pas réussi à mener notre mission à bien et même si je dois y laisser la vie, je refuse d'abandonner comme ça.

Je refuse de te laisser vivre dans un monde pareil.

La végétation se fait plus dense et après une certaine distance, je perds mes amis de vue. Les herbes hautes me chatouillent les mains et un court instant, je songe à m'y cacher, mais le sorcier derrière moi est bien trop près, je n'aurai pas le temps de faire quoi que ce soit sans qu'il me voit.

Alors je continue de courir, encore et encore.

Est-ce là la fin ? Non, je refuse d'y croire.

Mon cœur est sur le point d'imploser. Ma vision devient floue. Un sifflement retentit dans mes oreilles. Je suis au bord de l'évanouissement, mais je continue.

Encore et encore.

Ton visage me donne la force. Ton sourire est le meilleur remède au mal qui s'immisce en moi.

Un hurlement de douleur m'échappe lorsque le sort m'atteint à l'épaule. L'impact du choc me fait perdre l'équilibre et je m'effondre, au bord d'une colline en pente. J'essaie de me retenir à un buisson, mais la vitesse me fait basculer et je dégringole une quinzaine de mètres plus bas.

Le visage de Harry se dessine brusquement devant mes yeux. Je ne vois pas grand chose, mais je reconnais sa chevelure de jais et distingue vaguement le contour de ses lunettes. Sa présence me confirme que nous sommes en mauvaise position.

Je ne veux pas mourir...

L'idée de ne jamais revoir ton sourire me fait si mal que, ignorant la douleur dans mon bras, j'attrape ma baguette et la pointe sur Harry. Sans lui laisser le temps de protester, je lui jette un sort.

La dernière chose que je vois avant de m'évanouir, ce sont tous ces Rafleurs qui se jettent sur lui.

Fred...

[...]

Du sang.

Du sang.

Il y en avait partout, recouvrant le parquet sombre du salon principal du manoir.

Il fallut de longues secondes à Drago pour comprendre d'où il venait. Un sentiment d'effroi refroidit son corps tout entier lorsque son regard s'attarda sur le corps évanoui de Hermione Granger, aux pieds de sa tante Bellatrix, dont le rire démentiel retentissait dans chaque pièce du rez-de-chaussée.

―Oh Drago, te voilà, mon cher neveu ! minauda-t-elle en frappant dans ses mains. Bien, bien... maintenant que tu es ici avec nous, les choses sérieuses vont pouvoir commencer !

Il remarqua alors la présence discrète de ses parents dans le dos de sa tante et le soulagement remplaça l'horreur lorsqu'il croisa le regard confiant de sa mère, qu'il n'avait pas revue depuis de nombreuses semaines. Sentiment qui s'accentua en constatant que Narcissa semblait se porter comme un charme, ce qui n'était visiblement pas le cas de son mari.

Lucius Malefoy faisait peine à voir, avec ses cheveux ternes et des cernes violacées sous les yeux. De toute son existence, c'était bien la première fois que Drago voyait son père en aussi piteux état, mais cette vision ne lui fit ni chaud ni froid. Cet homme était à l'origine de tous ces cauchemars et voilà bien longtemps qu'il n'éprouvait plus rien en le voyant. Sans lui, sa mère aurait pu être une femme heureuse et comblée, vivant dans un monde sans noirceur.

―Amenez-les, grogna Bellatrix.

Peter Pettigrow, si discret jusqu'à présent, au point que Drago ne l'ait pas remarqué, sortit de sa cachette et s'inclina respectueusement devant la femme avant d'emprunter les escaliers que le jeune homme avait monté à peine quelques minutes auparavant.

―Drago, souffla sa mère.

Sans un mot, il la rejoignit et la laissa le serrer contre elle sans rien dire, son regard s'accrochant de nouveau sur la jeune femme qui gisait, presque morte, aux pieds de sa tante.

Pendant de nombreux mois, il avait eut l'espoir un peu fou de la voir débarquer, elle et l'Ordre du Phénix, pour venir les sortir, sa mère et lui, de cet enfer. Il avait imaginé mille scénarios de leur fuite, allant même jusqu'à imaginer l'euphorie qui se serait sienne au moment il quitterait le manoir à tout jamais, sans un regard en arrière pour la demeure qui avait accueilli tous ses souvenirs d'enfance. Il entrevoyait le soulagement dans les prunelles de Narcissa, et il y avait ce stupide sourire au coin des lèvres de Granger. Un sourire qu'il avait appris à apprécier, l'année passée. Un sourire qui lui avait permis de tenir le coup.

Mais elle n'était jamais venue. Ni elle, ni l'Ordre. Personne n'était venu les secourir et la belle promesse qu'elle lui avait faite s'était envolée avec le temps. Son cœur s'était muré dans la pierre et la colère avait bétonné toutes ses illusions de liberté et de bonheur.

Et maintenant, elle se tenait devant lui, si vulnérable qu'il ne put s'empêcher de balayer tous les mauvais sentiments qu'il avait éprouvé à son égard ces derniers mois. Seule la présence de sa tante l'empêchait de se jeter à ses côtés et s'assurer qu'elle respirait encore. Tout le sang qui l'entourait nouait le ventre de Drago avec une force inouïe.

―Non, murmura Narcissa à son oreille.

Le jeune homme baissa le regard et croisa le regard sombre de sa mère. Ce ne fut qu'à cet instant qu'il remarqua qu'il avait sorti sa baguette magique et qu'il la pointait à présent sur le dos de sa tante. La main de sa mère le força à baisser le bras.

―Attends, reprit-elle avant de reculer.

Pettigrow revint.

Drago sentit sa bouche s'entrouvrir légèrement, sous le choc.

Malgré les effets du sortilège cuisant qui défigurait son visage, il n'eut aucun mal à reconnaître la cicatrice sur le front de Potter.

Weasley se trouvait avec lui, et tous deux avaient les mains nouées.

Ils semblaient en aussi piteux état que Granger.

―Hermione ! cria le rouquin en remarquant son amie.

La jeune femme resta parfaitement immobile et un rire satanique s'échappa des lèvres de Bellatrix, qui repoussa l'adolescente d'un coup de pieds.

Non.

Narcissa n'eut pas besoin de parler pour se faire comprendre. D'un regard, elle contraint son fils à ranger de nouveau sa baguette et le jeune homme obtempéra, sans parvenir à contrôler la haine qui remonta le long de sa langue.

De quel droit Bellatrix osait-elle lever ainsi la main sur Hermione ?

―Elle n'est pas morte, grinça-t-elle, même s'il aurait mieux valut pour elle. Une telle vermine...

―Ne la touchez pas ! gronda Weasley.

―Sinon quoi ? railla la sorcière. Tu vas me jeter un sort ? Sale petit Weasley que tu es, comment peux-tu penser une seule seconde pouvoir battre une sorcière telle que moi ? Comment oses-tu ?!

―Bella, s'exclama Narcissa en voyant la brune lever sa baguette. Attends ! Ne le tues pas ! Ce garçon n'est pas notre priorité, nous...

Un gémissement l'interrompit et chaque personne présente dans la pièce porta son regard sur le visage de Granger.

Lentement, la jeune femme ouvrit les yeux et tenta de se redresser, mais le sort qui l'avait atteint à l'épaule l'empêcha de faire le moindre mouvement. De là où il se tenait, Drago n'eut aucun mal à voir la peur se faire une place dans ses prunelles mordorées, alors qu'elle tournait la tête et que son regard rencontrait le sourire sardonique de Bellatrix Lestrange.

―Parfait, sourit celle-ci, maintenant que la petite vermine est réveillée, nous allons pouvoir nous amuser un peu...


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