(écrit à partir de la vidéo "Everything is broken (Multifandom)" disponible sur youtube)

Elle est là.

Allongée au milieu des autres, dans la froideur et le silence de la Grande Salle, seulement rompu par les sanglots et les gémissements de certaines familles.

Fred se tient à ses côtés, sa main fermement accrochée à la sienne. Son regard fixe un point invisible dans l'air et il ne semble même pas prendre conscience de la présence de sa famille autour de lui.

De loin, il aperçoit Ginny qui pleure silencieusement dans les bras de ses frères aînés.

Elle est là.

Il ne peut voir son visage d'aussi loin, mais il sait que c'est elle. Il reconnaît ses vêtements. Il reconnaît sa petite besace violette.

Derrière lui, Ron étouffe tant bien que mal un hoquet de surprise.

Il vient de comprendre.

Harry, lui, savait.

Il l'avait compris, quelques minutes auparavant, lorsqu'il s'était retrouvé face à Voldemort, dans la Forêt Interdite. Mais il ne voulait pas le croire. C'était impossible. C'était impensable. Pas elle, non, pas Hermione. Cela ne pouvait être vrai. Narcissa Malefoy s'était trompée, il ne pouvait le croire.

Elle est là.

Et à mesure que la distance qui les sépare se réduit, il sent son cœur se briser en des milliers de petits morceaux.

La vérité le percute de plein fouet alors qu'il prend peu à peu conscience de ce que cela implique. Mais il se refuse toujours à y croire. Il sait qu'elle va se réveiller d'une seconde à l'autre, et alors il croisera son regard pétillant, avant de lui annoncer qu'il a réussi, qu'ils ont vaincu.

Que jamais plus Voldemort ne fera de mal à personne. Qu'ils peuvent à présent vivre en paix, sans crainte, sans cette terreur constante de voir les êtres qu'ils aiment le plus au monde disparaître les uns après les autres. James, Lily et Sirius ont été vengés. Tous les sorciers qui ont croisé le chemin des Mangemorts ont été vengés.

Elle est là.

Et pourtant elle n'y est pas.

Ron gémit et le dépasse, les mains tremblantes. Lui aussi peine à le croire. Lui aussi ne veut pas réaliser, voir la vérité en face. Cette terrible, insupportable vérité.

Harry se fige lorsqu'il voit son meilleur ami se laisser tomber auprès d'Hermione. Monsieur Weasley s'approche, et pose une main réconfortante sur l'épaule de son fils.

―Hermione ?

La voix chevrotante du rouquin s'élève dans la pièce, et Harry prend brusquement conscience du silence assourdissant qui enveloppe la pièce. Tous ont les yeux rivés sur eux, sur ce spectacle désolant et irréel. Sur cette vision venue d'un autre monde. Sur cette scène qui n'aurait jamais, ô grand jamais, du se produire.

Il ne veut toujours pas le croire, alors même que la vérité se dessine de façon horrifique devant ses yeux.

―Ron... souffle Monsieur Weasley. Ron...

Le garçon semble soudainement prendre conscience de la situation. Un cri lui échappe, déchirant mélange de désarroi, d'incompréhension et de douleur. Puis un deuxième. Et un autre. Ils se suivent, inexorablement, tous emplis de cette même douleur que seul Harry peut comprendre, que seul Harry peut partager.

Harry sent chaque particule de son corps s'imprégner de la douleur de son ami. Incapable de bouger, il voit Bill prendre son cadet dans ses bras, et le serrer fort contre lui, alors que Ron se montre incapable de retenir ses larmes, qui s'échappent par dizaines, non, par centaines sur ses joues noircies par toutes ces heures de lutte acharnée.

Il cherche encore à croire que ce n'est pas vrai. Que c'est une erreur.

Un cauchemar, et il va bientôt se réveiller. Alors Hermione se tiendra debout devant lui, souriante, soulagée de le voir et heureuse de savoir qu'ils ont gagné. Elle lui reprochera probablement d'être parti seul dans la forêt, lui rappelant qu'il doit compter sur eux, et que ce sera toujours eux trois jusqu'à la fin.

Il imagine presque le timbre de sa voix.

Il voit l'étincelle dans son regard.

Il voit le soulagement revenir sur les traits de son visage, après tous ces mois à sillonner le pays dans l'angoisse et la peur perpétuelle.

Il la voit, oui. Bien vivante. Bien réelle.

Elle est là.

Silencieuse. Immobile.

Ses paupières lui donnent presque le sentiment qu'elle est juste en train de dormir, de prendre un repos bien mérité après toutes ces heures de combats acharnés. Fred veille sur elle comme un ange gardien, comme un protecteur, fermement accroché à elle. Le jeune homme ne semble même pas prendre conscience de l'endroit où il se trouve. Ni des personnes qui l'entourent. Une aura de tristesse l'enveloppe, telles les ailes d'un immense phénix, mais aucun oiseau magique n'aurait le pouvoir de revenir en arrière et d'effacer cette ligne de vie.

Elle est là.

Et alors qu'il trouve enfin la force de faire un pas après l'autre, Harry réalise.

Il réalise.

Et la souffrance le percute de plein fouet. Elle lui coupe le souffle. Lui comprime la poitrine, les muscles, chaque cellule de son corps endolori.

Il comprend. Il prend conscience.

Il sent ses jambes vaciller.

Percy et George le retiennent de justesse.

Il sent la main douce et chaleureuse de Molly Weasley se poser sur sa joue creuse, et lorsqu'il croise son regard larmoyant et noyé par la douleur, il sait qu'il n'y a plus rien à faire.

Elle est là.

Son corps elle est là, mais Hermione, son amie, sa sœur, sa confidente, n'est plus.

Elle est partie. Loin. Dans un monde inaccessible. Auprès de ses parents, de James, de Lily, de Sirius, de Remus et de tant d'autres.

Elle est partie. Non sans se battre jusqu'à son dernier souffle. Non sans sacrifier sa vie pour défendre une cause qui lui tenait à cœur. Non sans s'assurer de leur laisser un monde enfin en paix.

Elle est partie, si loin. Loin de lui, de Ron. Loin de Fred. De Ginny. Des Weasley. De ses amis. De ses camarades. De toutes les personnes qui ont eu la chance de connaître la merveilleuse jeune femme qu'elle est.

Elle est partie et il sait qu'il ne la reverra jamais plus.

La mort les a séparés. Eux, ce trio que tous croyaient indestructible. Soudés par une force bien plus puissante que l'amitié. Unis par la volonté du destin. Désormais, il ne reste que lui, et Ron. Et l'idée même de devoir continuer sans Hermione lui paraît impossible. Impensable. C'est comme si toute la lumière du monde venait d'être brusquement arrachée et qu'il n'y avait aucun espoir de la voir revenir un jour. C'est comme si tout l'oxygène s'était échappé. C'est comme si tout le bonheur du monde avait été avalé par les ténèbres.

Il suffoque. S'accroche de toutes ses forces aux bras qui le soutiennent.

Il ne parvient pas à détacher son regard du visage si apaisé de son amie. Ses traits affichent une expression de plénitude, et il ne remarque pas les sillons rougeâtres qui marquent ses joues creuses. Où se trouve-t-elle en cet instant ? A-t-elle enfin pu rejoindre un monde sans douleur, sans peur, sans noirceur ? Est-elle heureuse ? Est-elle avec les êtres qu'elle chérissait plus que tout au monde ? Est-elle là, avec eux ? Voit-elle ce qu'elle a laissé derrière elle ? Les voit-elle tous, rassemblés autour de son corps ? Perçoit-elle leur souffrance, leur tristesse, leur douleur ? Sait-elle que sans elle, le monde ne sera plus jamais le même ?

Harry aimerait croire qu'il reste une lueur d'espoir. Qu'un jour, ils seront capables de faire leur deuil et d'honorer sa mémoire en vivant la vie qu'elle a toujours rêvée pour eux. Qu'un jour, ils trouveront enfin le courage de penser à elle sans s'effondrer. Qu'un jour, ils évoqueront son souvenir le sourire aux lèvres, partageant des anecdotes de leur vie auprès d'elle aux générations futures. Harry aimerait oui. Mais en cet instant, la douleur est si forte qu'il n'a pas la force de penser à autre chose.

À autre chose qu'à elle. Qu'à Hermione. Qu'à son amie. Qu'à sa meilleure amie. Qu'à celle qui a toujours été à ses côtés dans les bons et les mauvais moments. Qu'à ce bout de femme si pleine de vie, si intelligente, si altruiste. Qu'à cette fille qui n'a pas hésité à faire des sacrifices inimaginables pour le suivre jusqu'au bout du monde. Qu'à cette jeune femme qui croyait en lui, en ses capacités, en ses forces. Cette fille qui a su remettre toutes ses convictions en question pour le soutenir dans toutes les épreuves que la vie a placées sur son chemin.

Sans elle, il ne serait pas là aujourd'hui. Et même s'il est certain qu'Hermione le sait, il aurait aimé avoir le temps de le lui dire.

De lui dire toutes ces choses qu'il aurait aimées. Lui dire merci. Merci de l'avoir soutenu, envers et contre tous. D'être restée à ses côtés même dans les pires moments. De lui avoir donné une raison de continuer de se battre. De lui avoir rappelé pourquoi il devait faire tout ce qu'ils ont fait. Pourquoi il ne devait pas perdre espoir, pourquoi il devait s'ouvrir aux autres, pourquoi il devait apprendre à faire confiance aux autres. Pourquoi il devait s'efforcer de partager avec eux le lourd fardeau qui pesait sur ses épaules depuis bien avant sa naissance. Sans elle, il serait mort lors de sa première année. Sans elle, il n'aurait pas su affronter les aléas de la vie. Surmonter la mort de Cédric, et pire encore, celle de Sirius. Sans elle, il ne serait pas devenu l'homme qu'il est aujourd'hui.

Et surtout, il aurait voulu lui dire combien il l'aimait.

Elle est là.

Immobile, sereine.

Elle est là.

Magnifique, puissante.

Elle est là.

Paisible, apaisée.

Elle est là.

Il se laisse doucement tomber auprès de Ron.

Son regard embué de larmes ne peut se détacher de son visage.

Délicatement, comme de peur de lui faire mal, il attrape sa main. Il perçoit encore la chaleur de son corps.

Un sanglot lui échappe alors qu'il porte la main d'Hermione contre ses lèvres.

Il comprend alors qu'il ne la reverra jamais. Qu'il n'aura jamais plus la chance de lui parler, de lui sourire, de l'entendre rire. Qu'il ne pourra plus obtenir ses si précieux conseils. Qu'il ne pourra jamais plus profiter de sa simple présence rassurante.

Hermione a toujours été une constante dans sa vie. La lumière dans les ténèbres. Le pissenlit qui représente l'espoir. La chaleur dans les hivers les plus rudes.

Une vie sans elle paraît inimaginable.

Elle est là.

Il sent Ron s'appuyer contre lui.

Il sent la main de Ginny glisser le long de sa joue, mais il n'a pas la force de tourner la tête vers elle.

Tout ce qui compte en cet instant, c'est Hermione.

Hermione, dont les souvenirs s'estompent déjà.

Il peine à se remémorer son rire.

Elle est là.

Si près et si loin.

Elle est là.

Tout près de lui.

Elle est là.

Mais des années lumière semblent séparer leur dernière conversation de cet instant.

Il sent chaque particule de son être se dissoudre. Il perçoit la brisure suffocante de son cœur. Il sent la bile lui brûler l'estomac. Il sent la froideur qui l'enveloppe peu à peu.

Il sent son univers tout entier exploser en milliers de petits morceaux alors qu'il comprend.

Qu'il entrevoit l'avenir.

Un avenir où Hermione n'est plus.

Un avenir qu'il devra affronter sans elle.

Que Ron et lui devront affronter ensemble pour honorer sa mémoire.

Un avenir dans lequel Fred devra apprendre à se reconstruire sans l'amour de sa vie.

Un avenir dans lequel les Weasley devront s'habituer à son absence.

Un avenir qu'elle aura sauvé, en se sacrifiant.

Un avenir qu'elle ne connaîtra jamais.

Un avenir qui n'aurait pas du se profiler ainsi.

Un avenir qui l'effraie.

Un avenir qui, en cet instant, n'a pas encore la moindre saveur.

Un avenir qui, Harry ne le sait pas encore, lui apportera des joies qu'il viendra chaque semaine lui rapporter, lors de ses visites au cimetière moldu de Londres.

Un avenir pour lequel Hermione a donné sa vie.

Un avenir dans lequel Drago Malefoy fera tout pour changer la vision des sorciers sur les né-moldus.

Un avenir qui s'illuminera un jour.

Mais en cet instant, une seule pensée se fraie un chemin à travers le brouillard de sa douleur.

Elle n'est plus là.

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Hey, ça fait un bail !

Un petit bonus supplémentaire que j'ai commencé à écrire l'année passée et que j'ai achevé pas plus tard qu'aujourd'hui, retrouvant avec plaisir les sensations que j'éprouvais en écrivant cette histoire. Ce n'est malheureusement pas un bonus joyeux, mais le point de vue de Harry sur la mort de Hermione.

J'espère qu'il vous aura plu, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé! Et merci pour tous ceux et celles qui prennent encore le temps de lire et d'aimer cette histoire, ça fait toujours plaisir ! :)

Déborah