Le maître Ô

La soirée est suffisamment entamée pour que nous n'ayons pas à subir un au revoir général qui aurait pu être gênant. Nous enfilons manteau et chaussures et filons donc à l'anglaise. Nos pas résonnent dans la cage d'escalier. Une fois dehors, je mets quelques secondes à me rappeler qu'il fait frisquet ; le contraste avec mon corps chaud bouillant me fait frissonner.
« On prend le métro, yen a pour un petit quart d'heure.
– Hâte d'arriver, j'ai froid.
– C'est en effet une raison de plus à ajouter à la liste. Mais t'inquiète, on boira un bon thé en arrivant, dit-elle en faisant un clin d'œil. En attendant, vu que je tiens pas à ce que tu deviennes un glaçon, je vais te prêter un peu de chaleur corporelle. »
Sur ce, elle passe un bras autour de ma taille et m'attire contre elle.
« Je fooonds !
– J'espère que ça inclut ton cœur de glace !
– Ça va sonner très fleur bleue, mais ce sont tes sourires qui ont liquéfié mon cœur tout à l'heure.
– J'espère quand même que mon sourire n'est pas l'unique responsable de ce que tu es tombée dans mes filets.
– Oh non ! Ya aussi ta personnalité, évidemment.
– C'est vrai que j'ai une belle personnalité.
– Ah ça oui, une belle grosse personnalité, dis-je en zyeutant sa poitrine.
– Si tu continues, je vais avoir la grosse tête.
– Oh non, tu risquerais d'avoir des soucis pour enlever tes vêtements !
– C'est vrai ! Je finirai par devoir prendre des douches habillée.
– Ou juste porter des chemises.
– Moins drôle.
– Par contre, si tu as les chevilles qui gonflent, tu auras une excuse pour ne pas porter les horribles bottes en caoutchouc jaune canari.
– Ahah ouais grave ! Complimente-moi plus alors ! »

Notre rire s'éteint doucement alors que nous arrivons à la station.
« Oh, on a de la chance, ya un métro bientôt !
– Mh, c'est décevant, affirmè-je.
– Comment ça ? T'as plus froid ?
– Oh si, si, mais ça fait moins de temps pour t'embrasser sauvagement.
– Oh ! »
D'une main sur sa taille, je l'approche tout contre moi et elle prend immédiatement mon visage entre ses mains (gelées, mais tant pis), et son souffle chaud a le temps de caresser ma bouche avant qu'elle n'y plante ses lèvres, incitée sans doute en partie par mon autre main, posée à l'arrière de sa tête, demandeuse. Ce baiser est long et doux, tout en intensité réprimée. Nous nous écartons un instant. Ses yeux brillent et elle me sourit. Je souris aussi.

Cette fois, c'est une collision. D'un coup, son regard s'enflamme et j'ai à peine le temps de sentir qu'elle va me dévorer – je prends une grande bouffée d'air – avant que nos lèvres ne se rejoignent et qu'une onde de choc d'excitation me traverse le corps comme un éclair. J'oublie tout, sauf les endroits où elle me touche. Mes mains se referment tandis que je me tends, emplie de plaisir.
         Elle me mordille la lèvre supérieure et je halète.
                 Sa langue tente une approche et je l'accueille avec joie.
                       Et enthousiasme.
                              C'est un genre de rock que nos langues dansent.
                                     Elle interrompt notre baiser.
                                             Manque.
                                                     J'ouvre les yeux.
Son visage ultra réel en face de moi. Si proche. Un air sérieux, concentré. Un regard de pur amour et désir.
C'est comme si ça se cassait en moi, se comprime tout en s'étendant vers elle.
Trop d'émotions, trop fortes.
Je secoue la tête, agite les lèvres.
Pose mes mains sur ses joues.
L'embrasse avec tout ce qui bout, explose, fond en moi.
J'ai putain d'envie de pleurer.
Je la serre fort, je veux qu'elle fasse partie de moi.
Comment dire l'amour, comment le montrer ?
Un baiser qui nous unit, peau contre peau, un peu de moi en elle, un peu d'elle en moi.
Je veux la griffer, sentir encore plus sa peau brûlante.
Elle le perçoit et me repousse gentiment avec un air rieur par-dessus son désir qui luit dans son regard.
« Attends qu'on soit rentrées ! »
Je secoue la tête plus énergiquement. La réalité revient, avec son vent froid.
« Désolée, c'était... Intense. J'ai un peu perdu pied.
– J'ai senti ça !
– Désolée.
– Le sois pas, c'était chouette. Hâte de reprendre ça après une bonne tasse de thé bien chaud !
– Attends, dis-je avec un air perplexe. Le thé, c'était pas une métaphore pour le sexe ?
– J'apprécierai que tu te sois réchauffé les mains avant.
– Oh, soit. »
Et le métro arrive.

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