I can... not have tea
Et puis soudain trop chaud, trop de gens, revenir au réel, pouvoir se dire les choses de lèvres à oreilles et pas juste de lèvres à lèvres. Alors qu'on file sur le balcon, la pulpe de ses doigts semble aimantée aux miens. Des taches de lumière. Un horizon géométrique. Un peu de fumée blanche qui s'effiloche de ci, de là. Sa main chaude dans la mienne et ma peau fouettée par le froid.
« Tu me plais. »
J'ouvre la bouche alors que monte en moi la joie des sentiments réciproques, mais la referme quand le doute point. « Tu me plais », ça veut dire quoi, précisément ? Attirance physique ? Romantique ? En tout cas, c'est pas de l'amour. Je ne sais pas non plus si je l'aime, à part dans le futur. Bon. L'espoir émerge de mon ventre, aussitôt enfoncé par la réalisation que « tu me plais », c'est aussi ce qu'on peut dire à un•e pote qui a une bonne idée. Dans mon ventre, le geyser est redevenu de la boue visqueuse. Confusion momentanée, j'en perds légèrement l'équilibre, me rattrape à la rambarde. Oui mais, si je lui plais... Incendie dans mon ventre. Elle n'a rien ajouté, cependant. Peut-être que c'est une façon de me mettre à distance. Fissures dans mon abdomen, j'ai presque des larmes aux yeux. Jusqu'à ce qu'en fait, que je me dis en remarquant au passage que je suis moins dégrisée que ce que je pensais, tu peux juste lui dire « moi aussi » et voir ce qu'il adviendra. Je m'exécute, la peur comme des coups de couteaux dans le bide.
Un sourire et tout s'efface. Sauf la joie de la sentir si proche de moi.
« On va chez toi ? demande-t-elle avec une légère rougeur aux joues absolument craquante.
Je m'apprête à acquiescer avec enthousiasme quand j'ai un flash : des boîtes de pizza jonchent le sol du salon comme des cadavres purulents couverts de fragments de garniture et de taches de sauce tomate brunâtre ; un tapis de fringues forme un étang avec mon matelas comme une île centrale lentement submergée par mes draps qui ne doivent plus sentir la douce brise marine de l'assouplissant depuis bien longtemps ; mon évier rempli de vaisselle sale parce que je n'utilise et ne lave qu'un seul bol et qu'une cuillère après avoir utilisé le reste.
Devant mon silence – et mes yeux exorbités par la perspective de montrer mon bordel – qu'elle prend pour de la peur, elle s'empresse d'ajouter :
« Non mais t'inquiète, si tu veux rester ici encore un moment, ou même qu'on en reste là, ya pas de soucis, hein ! Je voulais pas te brusquer, j'ai juste cru que... Je suis sincèrement désolée ! Ça... Ça va ?
– Oui oui ! C'est juste que... Bon, déjà, après une telle proposition, j'ai fait une apoplexie. Et puis, en bonne commerciale, je ne peux que saisir cette opportunité extraordinaire ! Cependant... disons que mon appart' est pas très... praticable.
– Oh ben si c'est que ça, on peut aller chez moi, si ça te va. »
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que le stress monte, et mes mains tremblent d'excitation quand je lâche avec un grand naturel, avant d'avoir pu y réfléchir :
« J'viens de réaliser, on parlait bien d'aller boire un thé au calme, c'est ça ? »
Son sourire se fige alors que les engrenages de sa réflexion se mettent en marche et qu'elle se demande si je blague ou si je suis sérieuse, si elle doit expliciter ou entrer dans mon jeu. Je lève un sourcil et elle semble se décider.
« Si par « boire un thé » tu veux dire « faire un cunni », alors oui, c'était ce que je voulais dire. Mais un thé me va aussi. »
Je m'étouffe un instant avant d'éclater de mon plus beau rire de phoque. Ses yeux se plissent avec son sourire et je me penche, dans l'euphorie du moment, pour l'embrasser. Quand je m'écarte, elle me regarde droit dans les yeux.
« C'était trop court, j'en veux plus. »
Mon ventre fourmille d'étincelles.
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