Entrée
Le bus arrive, masse d'air qui vrombit, je déchausse mon chapeau pour enfiler mon casque, fond le moteur et le monde se peuple de notes, se dote d'une bande-son en guitares saturées, batterie frénétique et hurlements. Bien mieux ! Violence relaxante du metal. La musique comme une accalmie. Yeux fermés, m'inonde, paisible. Bringuebalée, mais haussement d'épaules mental. Juste un brin d'attention auditive pour les arrêts, laisser un bout d'esprit émergé pour garder conscience du temps, et je peux voguer, glisser jusqu'à ma destination festive.
Comme au sortir d'une traversée nautique, il me faut quelques secondes pour m'habituer au goudron ferme. Le bus repart avec un nuage nauséabond. Autour de moi, nul repère où accrocher le regard : je suis au beau milieu d'une zone résidentielle. Des maisons individuelles semblent y avoir été déposées au petit bonheur la chance, puis jointes par des allées sinueuses (la route ne dispose même pas de marquage central : ici on fait appel au savoir-vivre de chacun•e – et à la vigilance de toustes si j'en crois les panneaux avec œil de Big Brother). Ça pue les wannabe bourgeois•es venu•es profiter de l'air pur et du « cadre verdoyant exceptionnel » pour élever leurs marmots (en même temps, qui dit jardin, dit balançoire, voire trampoline !). Ça veut aussi dire grande pièce à vivre, musique à fond et option terrasse pour les fumeureuses. Et une propriété arborée, ça veut aussi dire coin tranquille pour stimmer et évacuer tout le boucan qui ne manquera pas de combler mon crâne.
Suivant les instructions, j'emprunte le chemin des églantines pour arriver à l'impasse des acacias (pas un seul en vue d'ailleurs). J'aurais pu finir par m'orienter à l'oreille : la playlist fait déjà vibrer l'air à des plusieurs dizaines de mètres à la ronde. Espérons que les voisin•es ne sont pas tatillon•nes.
Le portail bien blanc (même pas d'écailles en vue) est grand ouvert, j'entre donc dans la propriété, remonte l'inévitable allée de gravier – crounch crounch – et m'approche de la baraque (« une perle dans son écrin de verdure ») : un étage, un patio avec barbecue intégré, une grande baie vitrée donnant sur une cuisine à l'américaine, un énorme garage et un jacuzzi. Les murs sont en stucco rose (souvenirs de mon enfance à m'érafler les mains sur ce genre d'enduits). Ma pote me repère et m'accueille, bras grands ouverts (qui, incidemment, présentent avec orgueil le domaine comme le sien pour cette soirée) :
« Hey Marie !
– Émelyne ! Contente de te voir ! Tu es magnifique !
– Mais toi aussi ! Merci de m'avoir invitée.
– Avec plaisir ! Viens, je vais te montrer où poser tes affaires et te présenter aux autres. »
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