Anatomie d'une salle de spectacle
Mon corps a compris avant moi. Légère humidité entre mes cuisses quand elle est tombée dans mes bras, fouettée par ses cheveux menthe poivrée, son sourire et ses yeux en diamant étincelant d'euphorie ou d'ivresse en tout cas amusée jusqu'à l'extase, et qu'elle s'est attardée contre moi, confortablement installée sur ma poitrine, juste quelques secondes de trop. Ce n'est qu'après qu'elle s'est écartée que je me suis demandé si son sourire m'était adressé.
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CADRE : un stade reconverti en salle de concert (plaques en synthétique assemblées sur le sol), 20 000 metaleux•ses enfièvré•es y sont parqué•es. Nombreux sifflements.
ZOOM sur la FOSSE : les spectateurices sont acculé•es conte les crash barriers, entassé•es, comprimé•es. À mesure qu'on s'éloigne de la scène incandescente, les rangs s'écartent, à la façon de la compression de l'air face à un objet se déplaçant à grande vitesse (c.f. : effet Doppler). Mais la foule est plus fluide, agitée de soubresauts (de la même manière qu'un muscle traversé par un courant électrique intermittent). À certains endroits, des maelströms se forment, tourbillons désordonnés qui aspirent des grains de sable sur leurs lèvres. Et brutalement se referment.
MÉGA ZOOM sur le 15ème RANG : ça saute en hurlant les paroles de la chanson (« Death is not the end », Ectoplasmic Cataplasm, Longwalker Records, 2018) et ne s'arrête que pour lever le poing – index et annulaire sortis – et crier sa joie, avant de pogoter de plus belle.
-> Je suis en frange de la zone de gesticulation intense© ; je m'agite plus calmement, un pied devant l'autre en marquant le rythme d'un coup de torse : je kiffe dans un calme très relatif.
À la fin d'une chanson, je me retourne pour appréhender l'immensité de la foule dans laquelle je baigne (et jouir de ce que je peux voir le visage des musiciennes et pas les autres). C'est là qu'une petite midinette me tape dans l'œil, littéralement : son levé de poing enthousiaste atterrit sur mon arcade sourcilière. Alors que je porte la main sur la zone meurtrie en serrant les dents, elle vagit d'une voix rauque d'avoir trop chanté :
« Oh putain ça va, je t'ai pas éborgnée ? »
J'agite la main dans une tentative de minimiser le problème.
« Tu veux que je t'accompagne chercher un médic ?
– Je ne bougerai de cette place, sifflé-je, que morte ou à la fin du concert ! »
Elle éclate de rire et déjà la douleur s'atténue.
« Non franchement, ça va ? Je t'ai pas trop fait mal ?
– Ça ira, ça ira »
Et le concert reprend et j'oublie instantanément mes soucis.
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