À bout de souffle

Salut ! J'espère que ce texte assez expérimental vous aura plu !
L'idée de base m'est venue à une soirée où je me suis dit, en bonne naïve, "eh mais ça serait marrant que des gens péchotent et se rendent compte qu'ils connaissent pas le prénom de l'autre haha". Et puis je me suis rappelé que ça doit arriver assez régulièrement. M'enfin, l'idée est restée, et je me suis dit que ça serait intéressant d'écrire ça.

Je me suis donné pas mal de contraintes techniques, dont certaines me sont venues au fur et à mesure. D'abord, je voulais essayer d'être plus explicite que d'habitude ; le "tu veux dire "un cunni" ?" , c'était ma façon de faire un pacte avec les lecteur•ice•s et moi-même : je dirai les mots. L'idée était de voir comment avoir eu de l'expérience dans le domaine a pu changer ma façon d'écrire le sexe. Bon, il s'est avéré, en écrivant la scène à la fin que j'en avais vraiment pas trop envie, donc j'ai écourté et abordé les choses un peu différemment (une massive perte de libido s'étant déroulée en parallèle, ya peut-être un lien). Je pense à l'avenir rester dans une certaine mesure sur ma façon romantique de parler de tout ça, mais à voir.
Ensuite, je voulais ne pas utiliser le prénom de Laurène avant la toute fin. Bon, en soit j'ai déjà écrit des textes où les personnages ne sont pas nommés, donc rien de très neuf.
En autre contrainte habituelle, je voulais continuer à développer mes longues phrases, donc bah voilààà. J'espère qu'elles sont compréhensibles.
J'ai voulu essayer également d'écrire en inclusif et je pense que je vais continuer, à voir sous quelle forme.
Enfin, j'ai essayé autant que possible de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'ellipse dans le texte afin de donner ce côté "action continue", renforcé par les passages façon courant de conscience (d'où le titre, d'ailleurs, qui peut se traduire par "il était temps !" ou, littéralement, "c'est à propos du temps").

Les changements de police, que vous avez pu voir dans la partie "approche" sont un test sur la forme. Je doute de réutiliser ce procédé vu comme il est spécifique, mais c'était intéressant. C'est une continuation de ma tendance à ne pas indiquer le ton dans mes dialogues en essayant de l'expliciter dans la façon même dont sont tournés les phrases ou les réactions physiques des protagonistes.
L'inclusion d'une portée dans "le premier d'une longue série" est tout aussi expérimentale : d'un côté je la laisserai bien seule, sans les "poumpoum" qui sont pas très jolis, de l'autre tout le monde ne sait pas lire les partitions (d'ailleurs, les notes n'ont aucune importance, mais en tant que bassiste, j'ai tendance à vouloir les mettre graves par habitude et là ça collait avec le son des battements d'un cœur). Idem, je doute de réemployer cette idée ou celle de la description des actions par la signature temporelle car trop spécifiques. Et en plus j'aime po me répéter.

Deux noms de chapitres viennent d'œuvres : "I can... not have tea" de Scott Pilgrim VS the world et "the center of sex is breath" de Habibi.

Bon, assez radoté. Cette nouvelle était surtout un défi technique et je suis assez fière du résultat. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !

Si jamais vous voulez lire la nouvelle sans interruption, ben c'est juste après ces deux points :


It's about time

C'est une soirée ordinaire, avec beaucoup d'alcool, des miettes de chips au fond des paquets, un bol de houmous, un gros joint qui tourne sur le balcon, des danseur•euse•s qui tournent sur iels-mêmes et entre iels et puis le groupe qui discute dans la cuisine à côté du four à pizza et l'autre sur le canapé mais tout ça c'est des conneries, je me fiche des gens qui fument et de celleux qui se trémoussent, de la bouffe et de la boisson, de la contre-soirée et de la musique trop forte, je me fiche même de mon verre vide : il y a toi.

De taille moyenne, cheveux noirs un peu ondulés portés courts, tu portes une robe violette sans manche qui met en valeur tes bras légèrement musclés ainsi que tes jambes croisées et surtout, tu portes un sourire tellement grand, ouvert, sur le monde et les autres, honnête et décomplexé qu'il aimante autant qu'il effraie. Je suis sous le charme. Bon, bien sûr, je ne t'ai pas encore parlé, mais la soirée a encore de belles heures devant elle, hein ? J'ai encore amplement le temps de planifier et de me lancer.

« Salut, t'es belle. »
« Salut, chuis contente que tu sois là, parce que tu rayonnes tellement qu'il n'y a pas besoin de lumières. »
« Salut ! Tu me rappelles mon ex, sauf que tu es plus jolie et probablement moins chiante. »
« Bonsoir, tu es libre ce soir ? »
« J'aimerais trop qu'on soit le 31 décembre et que tu sois sous du gui, si tu vois ce que je veux dire ! »
« Tu baises ? »
« Excuse-moi, je peux te servir un verre de jus d'orange ? J'ai vu que ton verre était vide depuis un moment et tu dois avoir la gorge sèche à force de parler avec des personnes sans intérêt. »
« Oh excuse-moi : Je suis infiniment confuse ! Je suis si maladroite, je t'apporte une éponge tout de suite ! »
« Wah t'es tellement magnifique ! Oh déso, chuis bourrée. Bref, du coup, je peux me poser là ? »
« T'as pas un chargeur ? J'ai plus de jus, sauf dans ma culotte bwahaha ! »
« S'cuze-moi, tu sais où sont les toilettes ? Wow, t'es une sacrée minette, toi ! »
« J'vais à la cuisine choper un abricot, je te rapporte un truc à grailler ? »
« Salut, tu t'appelles comment ? »

Et d'un coup, ça me saute aux yeux qu'elle me regarde avec curiosité – grand dieu, son regard est intense, à s'y perdre – parce que je la mate depuis cinq bonnes minutes. Oups. Plus qu'une solution. Go go go ! Avec un naturel à peine forcé, je me lève en souriant de mes trente-deux dents pour venir m'asseoir à côté d'elle. Silence à peine gêné entrecoupé du boum-boum de la musique. Je vérifie discrètement que je ne bave pas parce qu'elle est si proche de moi, gaaaah !

« Et du coup, tu t'appelles comment ? me demande-t-elle.
– Sarah.
– Et tes pronoms ?
– Elle, et toi ?
– Elle aussi.
– Okay ! »
Léger moment de flottement alors qu'on s'adapte à la présence de l'autre, que la timidité revient et qu'on se rend compte qu'on n'avait pas planifié plus loin que la question (enfin, en tout cas, c'est mon cas).

« Et du coup, tu fais quoi de beau dans la vie ? finit-elle par dire.
– Principalement rien. J'essaie d'être utile à la société, de sauver le monde, mais à la place je suis une chômeuse qui aimerait juste vivre de ses sculptures. Voilà voilà...
– Je comprends... »
Elle a une moue sincèrement désolée qui me brise le cœur. Alors que c'est de moi qu'on parle.
« Et toi ?
– J'finis des études de commerce. Merci les parents.
– Au moins tu les déçois pas, hoho ! Mais du coup, ton sourire sublime, c'est juste du marketing ? »
Silence. Elle éclate de rire et c'est comme si on me vaporisait de l'or sur le visage. Ça fait un bien fou.
« Non t'inquiète, c'est mon vrai sourire, cent pour cent naturel ni filtre ! Garanti ou remboursé !
– Je l'aime beaucoup.
– J'avais cru comprendre ! »

À nouveau le silence au milieu du brouhaha de la soirée, mais cette fois plus rempli : on s'est apprivoisées, la présence de l'autre n'est pas désagréable. Inconsciemment, je tape le rythme des musiques sur ma cuisse avec un doigt.
« Laisse-moi deviner, commencè-je, tu vis dans un appart' de... allez, quarante mètres carrés ? que tes parents te paient, évidemment. Ainsi que ta voiture. Je me trompe ?
– Haha non ! À part qu'il en fait que trente-cinq.
– « Que trente-cinq », répétè-je en roulant des yeux. Qu'est-ce qu'il faut pas entendre !
– Écoute, c'est déjà assez dur de me contenter de si peu d'espace, alors n'en rajoute pas !
– Tss !

« Et du coup, parle-moi un peu de tes sculptures. Qu'est-ce qui t'a donné envie ?
– En primaire, j'ai eu un atelier poterie, et ça m'a fasciné de pouvoir faire un objet à partir d'un bloc d'argile. C'était presque mystique : je peux créer quelque chose à partir d'un bout de matière inerte ! Bon, à l'époque, c'était un vase penché, mais voilà, tu vois l'idée. J'ai continué pas mal d'années. Au lycée, j'ai appris l'origami pour les mêmes raisons – et aussi parce que j'ai eu ma phase weeb. Tu as une feuille de papier toute plate et fine, tu fais quelques manips, et paf ! un oiseau. Génial. Et puis un jour, je me suis dit : eh, pourquoi pas la sculpture ? Ça semblait être une continuité, tu vois ? D'abord on prend la matière molle pour en faire ce qu'on veut, puis une matière plus exigeante comme le papier, et puis enfin la pierre, de laquelle tu dois extruder la sculpture. Beaucoup moins le droit à l'erreur. Et j'en suis là, actuellement.
– C'est cool ! Et tu fais quoi comme genre de trucs ?

« Mon délire en ce moment, c'est les pièces creuses. En gros, j'essaie de faire une sculpture qui a l'air massive, mais quand tu la soulèves, ben elle est grave légère. Un peu l'inverse de Jeff Koons, celui qui a fait la sculpture de chien en ballon. L'idée, même si elle est assez bateau, c'est de dire que les apparences sont trompeuses. Quand je maîtriserai bien le coup, j'aimerais bien faire une série de bustes pour parler des personnes trans, avec, sous la couche extérieure, un autre buste qui corresponde au genre auquel iels s'identifient.
– Je vois, c'est stylé ! Ça doit pas être facile, en tout cas !
– Non en effet, c'est même grave galère. Faut y aller tout doucement pour pas que la pierre se fissure ou se brise, ça prend des plombes et ya toujours le risque que d'un coup ça casse, et là c'est foutu, plus qu'à recommencer. Assez chiant.
– J'imagine !
– Mais bon, ça m'occupe pas mal. Même si ça se vend que dalle.
– Ma pauvre...

« T'inquiète, je m'en sors grâce à papa et maman – et des cours particuliers.
– T'as fait les beaux-arts ?
– Ouep, c'était pas mal. On loue un atelier avec des potes de promo ; c'est là que je bosse.
– D'accord d'accord.
– Et de ton côté, les études ?
– Bof, pas grand-chose à dire. C'est cours chiant sur cours chiant, avec un stage chiant de temps en temps pour pimenter un peu. Mais bon, j'me plains pas trop, à la fin je trouverai un boulot chiant bien payé !
– Et tu pourras faire du mécénat ! m'exclamè-je en faisant des yeux de chat triste.
– Haha pourquoi pas ! »

Elle boit une gorgée d'alcool et je ne la quitte pas du regard. Soit elle se fiche que je la mate, soit elle ignore mon regard parce que je ne l'intéresse pas. Elle semble être tout à fait à l'aise avec son corps, le regard des autres et l'effet qu'elle me fait. Je ne sais pas si elle en joue, mais je sens monter en moi l'envie de toucher sa peau, de la sentir plus proche, plus disponible. Le silence tout relatif vu l'animation autour de nous s'éternise, mais je me sens bien. J'ai cette douce et vague mélancolie de la redescente d'alcool. Elle regarde les danseur•euse•s, son verre à la main, hochant un peu la tête sur les temps. J'ai envie d'embrasser son cou. C'est donc en toute âme et conscience que je lui propose de les rejoindre :

« Pourquoi pas ! »
Encore son sourire éclatant, et je ne peux m'empêcher de me redresser un peu, presque fière de mériter son attention. Je dois cependant avoue que mon plan est assez vil : profiter de ce temps où le corps s'exprime, où il est admis qu'on peut se toucher pour établir un contact physique avec elle. Nous nous levons pour aller sur la piste de danse improvisée.

Ça commence tranquille : je me coule dans le flot rythmique enondulant des bras, du cou, du tronc et du bassin comme un sirène ou une algueanimée par des courants invisibles, yeux mi-clos, totalement centrée surmoi-même et la musique ; pourtant je fais corps avec la masse autour demoi qui s'agite et gigote sur les temps ou pas du tout, comme une transecollective ou une créature métamorphe ont les membres ou appendices toujoursmutent, sorte de vivant condensé dans toute sa multiplicité désorganisée – maissi cohérente, et je suis grisée par la sensation d'unité, par l'accord entremes gestes et les sons qui m'habitent : ça fait boum et je me tends, sèche ;une pause et je me condense avant d'éclater ; un break et je casse manuque et mes coudes et mes genoux : j'ai l'impression d'être une note quise serait incarnée et qui valserait avec moi et dans moi quand mon regard sepose sur un sourire qui éteint tout et bouche mes oreilles – du sang y pulseencore à cent-cinquante battements par minute, pour remplacer le 4/4 régulierpar un 3/4 syncopé et mon cœur fait POUMpouuum soupir poumPOUUUM soupirpoumpouuum soupir poumpouuum soupir poumpouuum soupir en boucle, et elle me tend les mains alors que je remarque que je suis immobile etque ça bout en moi, pas loin d'imploser tant j'ai le tournis ou encore un peude force centrifuge, « t'es magnifique quand tu danses ; tu partagesavec moi ? » je réponds même pas et d'un pas de côté je retrouve lerythme : 2/2 chacune ; c'est plus calme et plus maladroitaussi : on se cherche, on cherche le rythme interne de l'autre, à s'yajuster, à se reprendre, empathie à fond et ses mains sont atrocement douces touten étant légèrement nervurées, ou alors plissées, comme des traces de lames depatin au milieu de la surface lisse d'un lac gelé et puis elle me faittournoyer avant de m'attirer contre elle. Silence. Et tout reprendre plusintensément encore, le regard viré dans les yeux de l'autre ; je crèved'envie d'accrocher ses lèvres avec les miennes, d'avoir leur empreinte sur mabouche et peut-être pouvoir moi aussi sourire avec un éclat presque douloureuxet comme si elle savait, son sourire s'agrandit et autour d'elle le mondes'assombrit, alors on joue à retarder autant qu'on peut l'évidence, et nosdoigts s'entremêlent et se nouent comme des racines, c'est un pas vers l'autreet deux pas sur le côté, un demi pas en arrière pour mieux se retrouver etreculer de deux et puis d'un coup trop proches l'une de l'autre pour s'écarteralors on ralentit, ne marque plus que les blanches, les rondes, s'embrasse.Soupir. On s'écarte à nouveau comme si ce qui est entre nous prend trop deplace, gonflant encore et encore entre le cercle de nos bras jusqu'à éclater etqu'on se serre fort, oubliant totalement le rythme, pour sentir que l'autre estbien là, que c'est bien toi et moi, qu'on s'est bien embrassées.

Et puis soudain trop chaud, trop de gens, revenir au réel, pouvoir se dire les choses de lèvres à oreilles et pas juste de lèvres à lèvres. Alors qu'on file sur le balcon, la pulpe de ses doigts semble aimantée aux miens. Des taches de lumière. Un horizon géométrique. Un peu de fumée blanche qui s'effiloche de ci, de là. Sa main chaude dans la mienne et ma peau fouettée par le froid.

« Tu me plais. »
J'ouvre la bouche alors que monte en moi la joie des sentiments réciproques, mais la referme quand le doute point. « Tu me plais », ça veut dire quoi, précisément ? Attirance physique ? Romantique ? En tout cas, c'est pas de l'amour. Je ne sais pas non plus si je l'aime, à part dans le futur. Bon. L'espoir émerge de mon ventre, aussitôt enfoncé par la réalisation que « tu me plais », c'est aussi ce qu'on peut dire à un•e pote qui a une bonne idée. Dans mon ventre, le geyser est redevenu de la boue visqueuse. Confusion momentanée, j'en perds légèrement l'équilibre, me rattrape à la rambarde. Oui mais, si je lui plais... Incendie dans mon ventre. Elle n'a rien ajouté, cependant. Peut-être que c'est une façon de me mettre à distance. Fissures dans mon abdomen, j'ai presque des larmes aux yeux. Jusqu'à ce qu'en fait, que je me dis en remarquant au passage que je suis moins dégrisée que ce que je pensais, tu peux juste lui dire « moi aussi » et voir ce qu'il adviendra. Je m'exécute, la peur comme des coups de couteaux dans le bide.
Un sourire et tout s'efface. Sauf la joie de la sentir si proche de moi.

« On va chez toi ? demande-t-elle avec une légère rougeur aux joues absolument craquante.
Je m'apprête à acquiescer avec enthousiasme quand j'ai un flash : des boîtes de pizza jonchent le sol du salon comme des cadavres purulents couverts de fragments de garniture et de taches de sauce tomate brunâtre ; un tapis de fringues forme un étang avec mon matelas comme une île centrale lentement submergée par mes draps qui ne doivent plus sentir la douce brise marine de l'assouplissant depuis bien longtemps ; mon évier rempli de vaisselle sale parce que je n'utilise et ne lave qu'un seul bol et qu'une cuillère après avoir utilisé le reste.

Devant mon silence – et mes yeux exorbités par la perspective de montrer mon bordel – qu'elle prend pour de la peur, elle s'empresse d'ajouter :
« Non mais t'inquiète, si tu veux rester ici encore un moment, ou même qu'on en reste là, ya pas de soucis, hein ! Je voulais pas te brusquer, j'ai juste cru que... Je suis sincèrement désolée ! Ça... Ça va ?
– Oui oui ! C'est juste que... Bon, déjà, après une telle proposition, j'ai fait une apoplexie. Et puis, en bonne commerciale, je ne peux que saisir cette opportunité extraordinaire ! Cependant... disons que mon appart' est pas très... praticable.
– Oh ben si c'est que ça, on peut aller chez moi, si ça te va. »

Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que le stress monte, et mes mains tremblent d'excitation quand je lâche avec un grand naturel, avant d'avoir pu y réfléchir :
« J'viens de réaliser, on parlait bien d'aller boire un thé au calme, c'est ça ? »
Son sourire se fige alors que les engrenages de sa réflexion se mettent en marche et qu'elle se demande si je blague ou si je suis sérieuse, si elle doit expliciter ou entrer dans mon jeu. Je lève un sourcil et elle semble se décider.
« Si par « boire un thé » tu veux dire « faire un cunni », alors oui, c'était ce que je voulais dire. Mais un thé me va aussi. »

Je m'étouffe un instant avant d'éclater de mon plus beau rire de phoque. Ses yeux se plissent avec son sourire et je me penche, dans l'euphorie du moment, pour l'embrasser. Quand je m'écarte, elle me regarde droit dans les yeux.
« C'était trop court, j'en veux plus. »
Mon ventre fourmille d'étincelles.

La soirée est suffisamment entamée pour que nous n'ayons pas à subir un au revoir général qui aurait pu être gênant. Nous enfilons manteau et chaussures et filons donc à l'anglaise. Nos pas résonnent dans la cage d'escalier. Une fois dehors, je mets quelques secondes à me rappeler qu'il fait frisquet ; le contraste avec mon corps chaud bouillant me fait frissonner.
« On prend le métro, yen a pour un petit quart d'heure.
– Hâte d'arriver, j'ai froid.
– C'est en effet une raison de plus à ajouter à la liste. Mais t'inquiète, on boira un bon thé en arrivant, dit-elle en faisant un clin d'œil. En attendant, vu que je tiens pas à ce que tu deviennes un glaçon, je vais te prêter un peu de chaleur corporelle. »
Sur ce, elle passe un bras autour de ma taille et m'attire contre elle.
« Je fooonds !
– J'espère que ça inclut ton cœur de glace !
– Ça va sonner très fleur bleue, mais ce sont tes sourires qui ont liquéfié mon cœur tout à l'heure.
– J'espère quand même que mon sourire n'est pas l'unique responsable de ce que tu es tombée dans mes filets.
– Oh non ! Ya aussi ta personnalité, évidemment.
– C'est vrai que j'ai une belle personnalité.
– Ah ça oui, une belle grosse personnalité, dis-je en zyeutant sa poitrine.
– Si tu continues, je vais avoir la grosse tête.
– Oh non, tu risquerais d'avoir des soucis pour enlever tes vêtements !
– C'est vrai ! Je finirai par devoir prendre des douches habillée.
– Ou juste porter des chemises.
– Moins drôle.
– Par contre, si tu as les chevilles qui gonflent, tu auras une excuse pour ne pas porter les horribles bottes en caoutchouc jaune canari.
– Ahah ouais grave ! Complimente-moi plus alors ! »

Notre rire s'éteint doucement alors que nous arrivons à la station.
« Oh, on a de la chance, ya un métro bientôt !
– Mh, c'est décevant, affirmè-je.
– Comment ça ? T'as plus froid ?
– Oh si, si, mais ça fait moins de temps pour t'embrasser sauvagement.
– Oh ! »
D'une main sur sa taille, je l'approche tout contre moi et elle prend immédiatement mon visage entre ses mains (gelées, mais tant pis), et son souffle chaud a le temps de caresser ma bouche avant qu'elle n'y plante ses lèvres, incitée sans doute en partie par mon autre main, posée à l'arrière de sa tête, demandeuse. Ce baiser est long et doux, tout en intensité réprimée. Nous nous écartons un instant. Ses yeux brillent et elle me sourit. Je souris aussi.

Cette fois, c'est une collision. D'un coup, son regard s'enflamme et j'ai à peine le temps de sentir qu'elle va me dévorer – je prends une grande bouffée d'air – avant que nos lèvres ne se rejoignent et qu'une onde de choc d'excitation me traverse le corps comme un éclair. J'oublie tout, sauf les endroits où elle me touche. Mes mains se referment tandis que je me tends, emplie de plaisir.
         Elle me mordille la lèvre supérieure et je halète.
                 Sa langue tente une approche et je l'accueille avec joie.
                         Et enthousiasme.
                                 C'est un genre de rock que nos langues dansent.
                                         Elle interrompt notre baiser.
                                                 Manque.
                                                         J'ouvre les yeux.
Son visage ultra réel en face de moi. Si proche. Un air sérieux, concentré. Un regard de pur amour et désir.
C'est comme si ça se cassait en moi, se comprime tout en s'étendant vers elle.
Trop d'émotions, trop fortes.
Je secoue la tête, agite les lèvres.
Pose mes mains sur ses joues.
L'embrasse avec tout ce qui bout, explose, fond en moi.
J'ai putain d'envie de pleurer.
Je la serre fort, je veux qu'elle fasse partie de moi.
Comment dire l'amour, comment le montrer ?
Un baiser qui nous unit, peau contre peau, un peu de moi en elle, un peu d'elle en moi.
Je veux la griffer, sentir encore plus sa peau brûlante.
Elle le perçoit et me repousse gentiment avec un air rieur par-dessus son désir qui luit dans son regard.
« Attends qu'on soit rentrées ! »
Je secoue la tête plus énergiquement. La réalité revient, avec son vent froid.
« Désolée, c'était... Intense. J'ai un peu perdu pied.
– J'ai senti ça !
– Désolée.
– Le sois pas, c'était chouette. Hâte de reprendre ça après une bonne tasse de thé bien chaud !
– Attends, dis-je avec un air perplexe. Le thé, c'était pas une métaphore pour le sexe ?
– J'apprécierai que tu te sois réchauffé les mains avant.
– Oh, soit. »
Et le métro arrive.

Collées l'une contre l'autre, mon bras autour de ses épaules, nous patientons, légèrement bringuebalées. Un type dort, la bouche ouverte, un peu plus loin. Un groupe de jeunes, éméchés, parlent fort à l'autre bout de la rame. Pas de gens louches.
« Dis, tu fais souvent ça, ramener des gens chez toi ? demandè-je sans avoir réfléchi.
– Non.
– Ah... ?
– Par contre, des jolies femmes...
– T'es sérieuse ?
– Et toi, t'es jalouse ?
– Non, juste curieuse. Je suis chill avec ça. Tant que t'es heureuse...
– Je vois. Alors, d'après-toi ? demande-t-elle avec un sourire espiègle.
– Ça doit t'arriver. Tu fais ça au feeling, non ?
– Intéressant. Et toi du coup ?
– Eh mais t'as pas rép –
– Tut tut, ne gâche pas le mystère. Je veux que tu te dises que tu es une des rares élues. Ça fera du bien à ton égo.
– Grmpf.
– Et toi du coup ?
– Jamais.
– Vraiment ? »

Je lis la surprise dans son regard. Je réponds donc avec un ton très docte :
« Eh bien, comme dit précédemment, mon appartement n'est pas très montrable. Donc c'est systématiquement moi qui me déplace.
– Un point partout, fait-elle amusée. Mais avoue que c'est aussi pour faire moins de vaisselle.
– Je n'avouerais rien, pas même sous la torture.
– Ah ? demande-t-elle soudain très sérieuse. Ça me donne envie d'essayer.
– Peut-être que c'est mon kink.
– Peut-être que je comptais dessus.
– Peut-être que si tu continues, je vais à nouveau avoir envie de t'embrasser.
– Parce que tu n'avais plus envie ?
– Alors si. Mais pas assez pour que je ne puisse plus me contenir.
– Hm hm.
– Quoi ?
– Embrasse-moi. »
Je dépose un petit bisou sur ses lèvres. Elle me regarde avec un air interrogateur. Je réponds avec un regard de défi. Elle sourit, pleine d'assurance, et croise les bras.
...
Et merde. Elle a compris.

J'ai le temps de voir son sourire triomphant avant que nos lèvres ne se lient à nouveau pour un long baiser. Qu'elle rompt quasi immédiatement – avec un air de satisfaction – pour annoncer que c'est notre arrêt. La frustration me consume presque, j'ai envie de lui dire qu'on s'en fout, au pire on marchera et –
Et merde. Elle sait.
J'adore.

« Bon du coup, c'est pas super rangé chez moi non plus, mais on peut marcher sans regarder où on met les pieds.
– Gnagnagna. »
Elle sert ma main gentiment. Elle a bien compris que j'étais insatisfaite, elle donne le change en attendant le prochain coup.
« Les voisins sont sympa et surtout, les murs sont pas mal épais.
– En voilà une bonne nouvelle. »
Elle me jette un regard pour tâter le terrain. Sent que ça passera.
« Je mets tout de suite de l'eau à chauffer en arrivant ! Ça va nous faire du bien.
– Je préférerais, grommelè-je en forçant le ton boudeur, que tu me chauffes.
– Quoi ?
– Rien ! Je fatigue un peu. L'alcool descend.
– Oula, ça c'est pas bon pour moi ! Tu vas finir par te rendre compte que je suis chiante et moche !
– Oh ça non, ça devrait aller, réponds-je en matant à nouveau sa poitrine.
– Tu sais, commence-t-elle soudain avec sérieux réel, on est pas obligées de... faire tout ça. Si à un moment, tu le sens plus... Je te jetterai même pas dehors ! Par contre, pas sûre que tu dormes encore dans mon lit...
– C'est vrai qu'après réflexion, franchement, je peux passer mon tour pour le thé. »
Elle s'esclaffe et ouvre la porte d'entrée de son immeuble dans un tintement de clefs.

« Privée de lit deux place bien moelleux, donc.
– Et tu seras privée de ma présence chaleureuse. »
Je lui relance un regard de défi. Qu'elle esquive avec grâce :
« Maintenant que tu le dis, c'est vrai que dormir avec toi me fera économiser en frais de chauffage. Bon. Je t'accepte à nouveau dans mon lit. Mais au moindre début de ronflement ou de piquage de couverture, tu dégages ! »
Ça fait une manche de gagnée quand même, pfiou !

Mais à peine les portes de l'ascenseur se ferment-elles qu'elle s'accroche à mon visage et m'embrasse avec fougue. Plaquée contre la paroi, je me laisse faire. Je vois dans un miroir une infinité de nous deux s'embrassant avant de fermer les yeux et me dissous lentement sous ses mordillements et coups de langue. Les portes de l'ascenseur s'ouvrent et elle m'entraîne par la main.
« Tu étais fâchée tout à l'heure ? questionne-t-elle d'un coup devant sa porte.
– Non.
– Tant mieux »
Elle m'embrasse un instant puis insère la clef dans la serrure. D'un geste, elle se débarrasse de son manteau avant de s'asseoir sur une chaise de la cuisine pour enlever ses chaussures, je l'imite.

Sa cuisine est assez petite, mais bien rangée – la vaisselle de midi traîne, mais c'est tout. Pendant que je galère avec mes lacets, je l'entends ouvrir le robinet, puis poser un objet avant qu'un petit « clic » n'attire mon attention, suivi d'un léger chuintement. La bouilloire. Je me retourne aussi sec.
« Earl grey, ça te va ? demande-t-elle le nez dans un placard avant que je n'aie le temps d'exprimer mon ire.
– T'es sérieuse ? m'enquiers-je après un temps. »
Le « clic » de la bouilloire me répond alors que ses yeux rient.
« T'as raison, t'es bien assez chaude. »
Puis elle croise les bras et regarde ostensiblement mes chaussures. En toute hâte, je finis de me battre avec mes lacets et sors, triomphante, mes petons de leur écrin.

« C'est pas trop tôt.
– Pour une fois que tu dois attendre avant d'obtenir ce que tu veux. »
Elle lève les yeux au ciel avant de me sourire avec sympathie.
« Touché. Je t'ai assez faite attendre, je crois. »
Je hoche la tête avec empressement.
« J'espère juste que tu n'as pas les mains froides. »
Je souffle dessus avant de lever le pouce.
Elle secoue la tête, dubitative.
« Tu comptes continuer ton pantomime dans mon entrée ou plutôt dans ma chambre ? »
Je joue la réflexion pour la faire patienter encore un peu, et puis cède au brasier en moi.
« Dans ta chambre.
– Parfait. Juste, encore une fois, tu peux dire non à tout moment, à n'importe quoi.
– De tous petits vêtements. »

Elle se fige, la main sur la poignée de sa porte. Se tourne vers moi.
« Non mais c'est noté, vaut mieux t'embrasser que te laisser parler.
– Je n'attends que ça, mon plan machiavélique a fonctionné ! Attends, l'interrompè-je en levant un doigt alors qu'elle s'apprête à m'embrasser. Mon safe word, au cas où, c'est lemoi.
– Lemoi ?
– « Si tu veux que j'arrête, dis-le-moi ». Comme ça c'est facile de s'en souve – mumpf ! »
Ses lèvres coupent ma phrase. Ses lèvres rieuses contre mes lèvres assoiffées d'elle.

En ouvrant la porte, dans le court instant où nos bouches se séparent pour qu'on entre, elle me glisse « le mien c'est « pizza à l'ananas ». » Mon rire est stoppé net par sa bouche. La porte se ferme et dans la pénombre notre corps commence enfin à vivre, à prendre le dessus et à danser comme une ombre devant un feu.

La puissance de son baiser est comme un coup de poing : l'air dans mes poumons est expulsé par mon nez alors que je gémis et que tout tourne en moi, qu'elle m'enveloppe de ses mains, de son souffle, de ses yeux brillants – froufrou de ma chemise qui passe au-dessus de ma tête – et surtout de ses lèvres douces, puis humides avant que sa langue ne me caresse (c'est une rivière qui sinue de ma mâchoire à ma carotide, sur mon cou, ma clavicule, esquive la colline de mon sein pour monter et descendre sur mes côtes et s'enrouler autour de mon nombril), et ses dents soudain me mordillent le sein à travers la dentelle : je ne suis plus qu'une respiration hachée par mes gémissements tantôt aiguës comme des pics acérés, à la limite des sons pendant une de mes crises d'angoisse, tantôt graves et qui s'approchent d'un râle, car je meurs sous ses doigts semblables à des griffes et sa bouche pleine de dents acérées qui me déchiquètent pour mieux approcher le centre de mon corps et provoquer une agonie de plaisir – mon soutien-gorge disparaît dans un instant perdu au creux d'un présent qui m'absorbe et m'étire dans tous les sens – et mes yeux la perdent alors qu'eux-mêmes se perdent dans la confusion de mes sens au paroxysme alors que ma peau frémit et se tord et pulse et me hurle dessus – ah ! – et tout à coup la sensation de flotter alors que je chois sur le matelas, ahane, profite du répit pour reprendre mon souffle (ma peau pétille encore) et peux soudain admirer sa robe qui glisse le long de son corps comme une vague qui se retire de la plage : sa poitrine se soulève un peu vite avec un mouvement quasi hypnotique – elle ne bouge pas pendant quelques secondes – puis elle se baisse pour ôter sa culotte et à nouveau m'observer, moi qui suis affalée sur son lit, encore tremblante, et son regard me prend, m'emporte, et déjà est une extension de ses mains : elle le suit donc en se mettant à quatre pattes au bout du lit et remonte avec une grâce qui tient autant du félin que d'un serpent qui ondulerait autour de mon corps, jusqu'à ce que sa tête soit presque au niveau de la mienne (je brûle qu'elle m'embrasse et me touche), se penche et susurre : « chérie, ça va pas du tout : tu es pas à poil » alors je glousse et lui rétorque « fais-toi plaisir ! » « je note l'ironie » répond-elle en souriant, puis elle se place sur à côté de moi, à mi-cuisses, pour enlever mon pantalon : je lève mes hanches, puis les genoux, et enfin les chevilles : elle jette mes derniers vêtements dans un coin de néant et je frissonne, de chaud et de froid mêlés (ou de vulnérabilité consentie) ; elle prend son temps et c'est une torture de sensations qui me submergent alors qu'elle remonte ma jambe en petits baisers et doigt glissant avec légèreté : je me tortille, serre les dents, projette un cri de plaisir incontenable, me cramponne de toutes mes forces au matelas d'une main et forme une boule de drap pour l'autre et ne peux m'empêcher de serrer les cuisses d'excitation impatiente lorsqu'elle – après un instant de suspense préparé par son souffle chaud – dépose un bisou avec une délicatesse qui le rend presque imperceptible et pourtant insoutenable sur mon pubis et continue sa remontée avec cette promesse faite à bout de souffle et du bout des lèvres, jusqu'à atteindre mes seins : à nouveau ses dents, un ongle qui forme un trait délicieusement douloureux, et sa langue qui asticote un téton ; respiration rauque alors que son matelas devient un lit de braise dont la morsure se répand dans tout mon corps ; j'ai oublié le temps et ses lèvres se posent sur les miennes et sa paume sur un sein : je déglutis quand elle rompt le contact et que ses yeux m'englobent de désir, « t'es sensible, on dirait » dit-elle de sa voix onctueuse et chaude, caresse auditive, « un chouïa » « ça me plaît » et je me prépare à l'impact alors qu'elle replonge vers mon corps déjà sur-stimulé, comme on se prépare à la chute après la rampe de montée d'une montagne de russe : les secondes qui suivent sont un supplice délicat qui fait fondre mon esprit, le dilue et le répand dans chaque recoin de mon corps : à chaque coup de langue, caresse, mordillement, il se soulève et je deviens la partie du corps effleurée, léchée, mordue jusqu'à ce qu'une autre soit sollicitée : cou, poitrine, ventre, cuisse, genou : jamais je n'ai été autant mon corps ; et puis d'un coup ça monte, monte, monte de l'aine alors que j'oublie comment respirer, m'étouffe dans mes gémissements, me tord et toujours la sensation s'intensifie, encore et encore et encore et encore et encore jusqu'à l'angoisse et « stop, stop ! » ; je reprends mon souffle devant ses yeux inquiets alors que s'efface doucement la sensation excessive « c'était trop, trop intense, j'ai eu peur de... je sais pas, d'être submergée », elle hoche la tête et vient me prendre dans ses bras – son odeur de menthe poivrée m'enveloppe, « ça ira, t'inquiète » « t'es sûre ? » « oui, vraiment, laisse-moi quelques secondes pour récupérer » « désolée, c'est juste très fun de te toucher » « merci, j'aime bien ce que tu me fais » sourire ; le câlin dure un peu et j'aime sentir sa peau fraîche contre la mienne – ainsi que ses seins sur ma poitrine – et ses lèvres sur les miennes ; je finis par sentir sa paume glisser le long de mes côtes, de mon flanc, de mes hanches, pour s'arrêter sur ma cuisse et y faire des petits cercles : « t'es sérieuse ? demandè-je amusée et un peu excitée pour la énième fois cette soirée » « très, répond-elle avec un regard irradiant de désir pour moi et aussi d'espièglerie, tu penses vraiment qu'après ça, je vais pas voir ce que d'autres caresses provoquent comme réactions ? » je déglutis « t'es cruelle » « oui, des contestations ? » auquel je réponds par un silence éloquent, qu'elle interprète parfaitement en faisant glisser sa main jusqu'à couvrir ma vulve de sa paume ; un regard m'interroge et je hoche la tête – un peu trop vigoureusement et elle sourit, descend un peu sa main et ses doigts frottent légèrement mon clitoris, mes lèvres et l'entrée de mon vagin, un contact juste assez appuyé pour être agréable, qui lance des étincelles vers le reste de mon corps, mais tout en étant frustrant et un gémissement de ma part en exige plus : « bah alors, on réclame ? demande-t-elle avec un sourire machiavélique » et, alors que je m'apprête à répondre, elle passe un doigt sur mon clitoris et provoque un genre de miaulement aiguë qui coupe ma réplique et prive le monde d'un fin mot qui – ses cheveux chatouillent mes cuisses, elle les écarte derrière ses oreilles d'un geste – et elle embrasse mon clitoris, suscite un soupir de soulagement mêlé de satisfaction et de délice ; mon entrejambe semble alors gonfler, prenant le pas sur le reste de mon corps alors que monte le plaisir, qui embrume ma tête, jusqu'à ce que mon corps ne m'appartienne plus et agisse de lui-même : gémissements, cris et soupirs, mais aussi instants de tension alors qu'un doigt vient titiller la paroi de mon vagin, accalmie où ses muscles enfin s'apaisent pour mieux se contracter alors qu'elle reprend ses caresses humides et aspirations et qu'à nouveau la stimulation fait s'envoler mon plaisir en une spirale ascendante qui m'élève dans des nuées iridescentes jusqu'à ce que j'approche du soleil et qu'il m'inonde de sa lumière et me brûle jusqu'à exploser en une myriade d'étincelles « ha ! – » et mon cri se bloque dans ma gorge alors que je réalise que – mais les vagues me reprennent et je m'enroule en elles, jusqu'à émerger en riant, le cerveau en feu, ouvre les yeux, ris, et ça me revient et mes joues s'enflamment elles aussi : alors qu'elle se penche vers moi pour m'embrasser, je la stoppe :
« Euh, excuse-moi, c'est super gênant, mais...
– Oui ? Si c'est à propos des draps, t'inquiète.
– Non, c'est pas ça, c'est juste que... Euh... Je connais pas ton prénom. »
Elle se fige.
Et éclate de rire.

« Toi, c'est Sarah, je crois ? demande-t-elle après s'être calmée.
– Oui en plus ! Olala, la honte !
– T'inquiète, c'est pas important. On a très bien pu s'en passer jusque-là !
– Mais quand même... C'est pas comme si on avait trop bu et tout !
– Tut tut, j'ai dit que c'était pas grave. Du coup, enchantier, je m'appelle-teuse. »
Il me faut une seconde pour réaliser.
« Aaah ! m'exclamè-je en me cachant sous les draps. »
Elle vient se blottir contre moi et soulève le tissu fin.
« Moi aussi je peux faire des blagues nulles. Et c'est Laurène, indique-t-elle avec un sourire doux. »
Puis elle m'embrasse délicatement.

Nous restons dans les bras l'une de l'autre encore quelques instants, Laurène me faisant des papouilles, tandis que je suis blottie contre elle. Elle finit cependant par frissonner.
« J'vais allumer le radiateur, m'informe-t-elle en se redressant. »
Je la retiens par le bras.
« Attends, tu veux pas plutôt que je te... réchauffe ? Après tout, c'est pour ça que tu as accepté que j'occupe ton lit.
– Oh je dis pas non ! »

Le brasier dans mon bas-ventre reprend à ces mots, et je tire Laurène contre moi pour l'embrasser avec force, appuie un peu pour qu'elle s'allonge et, lorsque nous cessons notre baiser, je suis au-dessus d'elle. Les lèvres de Laurène forment un sourire amusé alors qu'elle plonge son regard dans le mien et voit à quel point il est rempli de désir pour elle.
« Eh bah dis donc, on top ?
– Eh ouais ! »
Elle secoue la tête et son sourire s'étend à ses yeux.

En un instant, tout bascule : Laurène attrape mon visage entre ses mains et l'amène jusqu'au sien et je fonds dans le baiser. Alors qu'elle me relâche – j'ai le souffle court, elle me lance un regard malicieux.
« J'ai pas trop cette impression... »
En reprenant ma respiration, après avoir déglutis et repris mes esprits, je lance :
« Non mais c'est ta faute aussi : tu embrasses très bien et hi ! »
Elle vient de me caresser le dos et, immédiatement, mes sens explosent sous ses doigts, je me tends, frémissante sous son toucher.
« Je vois, je vois, dit Laurène d'un air satisfait.
– Tu tricheuuuh !
– Voui, mais t'aimes ça.
– ... Oui...
– Bon, allez, je te laisse faire !
– Euh, merci ? »
Son sourire seul me répond et il me fait chavirer le cœur.

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