— Et vous, alors ?

— Qu'est-ce que vous voulez savoir sur moi ? s'amusa JaeHyun.

— Autant que vous savez sur moi.

— Vous voulez savoir ce que font mes parents et mon frère ?

Hana hocha la tête, elle avait parlé de son entourage, c'était à lui maintenant.

— Ça va être assez rapide, ils ne sont plus là.

— Plus là ? Vous voulez dire, en Corée du Sud ? espéra Hana.

— J'aurais aimé. Mais ils sont décédés.

— Oh, je suis désolée. Je ne voulais pas... enfin...

Hana ne savait plus comment placer ses mots. Elle avait été tellement enjouée par leur discussion, c'était la première fois qu'ils parlaient d'eux. Elle avait tant voulu en savoir plus sur lui, sur sa famille... Et voilà le résultat, il devait parler de ses défunts parents et son frère disparu à tout jamais.

— Ne vous inquiétez pas, je me suis fait une raison. Ça fait dix ans maintenant, j'ai réussi à vivre avec.

Hana était touchée, il semblait prendre ce sujet avec tant de légèreté ou bien, elle était touchée de le voir sourire chaque jour en sachant qu'il était tout seul depuis des années.

— Vous aviez tout juste dix-huit ans... calcula Hana.

— Oui, je rentrais chez eux pour le week-end, j'avais commencé mes études supérieures. Ils ont tardé à rentrer. Un camion leur était rentré dedans. Il les a tous emportés.

Une boule se forma au creux de la gorge de Hana. Comment pouvait-il en parler si calmement ? Avec ce sourire serein sur son visage.

— Vous disiez la dernière fois qu'être artisan vous venait de votre père, se rappela Hana.

— Une maison comme la vôtre, dit-il en regardant les murs et le plafond de la longère, nous en avions eu deux. Moi et mon frère avons aidé notre père à les construire. La première a été détruite par les flammes. On était jeune, on faisait tout simplement ce qu'il nous disait, mais c'est rentré dans notre caboche, dit-il en montrant son crâne. J'ai appris, j'ai compris. J'espère avoir un jour toutes ses connaissances, c'était un monstre, il savait tout sur tout.

Hana décompressa, JaeHyun était tout à fait à l'aise avec le sujet. Il n'éprouvait aucun regret.

— Vous avez fait des études supérieures pour devenir artisan ?

— Ah, non. Mes études je les ai abandonnées. Sans eux, je ne pouvais plus me les payer. J'ai décidé de proposer mes services pour faire des petits bricolages par ci par là, pour gagner de l'argent. Ça a été long au début, mais maintenant ça fonctionne plutôt bien. Je ne vais pas me plaindre.

Hana se fit plus petite. "Je ne vais pas me plaindre". Tandis qu'elle, son père lui offrait un poste de responsable sur un plateau d'argent, elle était mécontente et désirait se rebeller auprès de lui. JaeHyun, lui, avait essayé de faire honneur à ses parents, il avait changé ses plans et vivait au jour le jour, avec tous les tracas qui lui était arrivé. Cet homme était si pétillant, Hana n'arrivait pas à imaginer qu'il ait traversé une épreuve si difficile.

— Vous me scotchez... avoua Hana.

— Vraiment ? Je suis content que mon employeuse soit admirative, se moqua-t-il.

— Ah, arrêtez avec ça, dit-elle, gênée. Je sais qu'au début j'étais fermée mais j'ai fait des efforts.

— Oui, maintenant je peux vous appeler Hana, plaisanta-t-il.

Hana lui asséna une pichenette sur le front. JaeHyun explosa de rire puis il lui demanda si elle avait encore faim. Elle secoua la tête. Il débarrassa les assiettes. En revenant dans la salle à manger, il la taquina à nouveau :

— Peut-être que pour la prochaine étape je pourrais vous appeler Nana...

— Alors ça, vous oubliez tout de suite.

— Oh vraiment ? Vous n'aimez pas ?

— Arrêtez, je connais ce visage. Vous voulez juste me mettre en rogne.

— Et ça fonctionne.

— Eh bah moi je vous appellerai Jae !

— Ok Nana !

— Non, JaeJae.

— Avec plaisir chef Nana.

— Alors ce sera Jae-ployé.

— Du moment que je peux vous appeler Nana, vous faites comme vous voulez.

— Si vous redites encore ce surnom je vous sors de chez moi.

— Ok. Je ne parle plus. Je vous souhaite une bonne nuit, à demain...

JaeHyun se dirigea dans le couloir, il ouvrit la porte de sa chambre, y entra, passa sa tête et lança un dernier "... Nana !" puis il ferma la seconde d'après.

Hana l'entendit rire de l'autre côté de la porte.

Puis, calme total.

Il était vraiment parti se coucher. Ils avaient fini cette discussion comme ça. Ils avaient à peine parler de lui, en fait... Juste quelques phrases. Finalement, il avait fui la conversation en rejoignant sa chambre, il était probablement affecté plus qu'il ne le montrait, Hana en était certaine. Mais elle se promit de ne plus en parler avec lui. Elle ne voulait plus le mettre dans une situation si délicate.

Malgré tout, Hana était, au fond d'elle, ravie de connaître un peu plus la vie et la personnalité de JaeHyun. Elle avait l'impression de pouvoir se rapprocher de lui après avoir cassé ce mur invisible. Après un mois, ils avaient enfin parlé de leur vie personnelle. L'un comme l'autre, leur vie n'était pas rose, et, l'un comme l'autre, ils trouvaient un certain réconfort à travailler dans cette vieille longère, au milieu de nulle part.

— Coucou Papa, tu vas bien ?

Hana avait attendu le retour de son père de pied ferme. Aujourd'hui elle avait voulu lui demander pour rénover la vieille longère. Elle s'était repassé différentes possibilités en tête. Aujourd'hui, elle se lançait enfin.

— J'ai eu une journée très chargée. Tu as mangé ?

— Oui. Je nous ai pris un petit gâteau.

— Ah oui ?

Son père avait observé Hana prendre des gâteaux de riz dans le frigo.

— Ça te donne envie ?

Son père avait acquiescé et s'était posé à table avec Hana. Ils avaient parlé de sa journée de boulot, Hana avait raconté ses cours, puis, elle glissa sa demande.

— Papa, ces derniers temps je pense beaucoup à notre maison de Jecheon. J'aimerais pouvoir y retourner.

— On en a déjà parlé Hana. Elle est trop vieille.

— Oui je sais, mais j'avais pensé à la rénover...

— La rénover ? Mais qui t'a mis cette idée en tête ?

— Il y a beaucoup d'émissions qui prouvent qu'il est possible de rénover une vieille maison.

— Hana, ce sont des émissions.

— Oui je sais, mais si on essayait ?

— Il y a bien plus important à faire. Tu pourras t'acheter une maison bien mieux, plus tard.

— Et on en fait quoi de cette maison ?

— On va la revendre. J'aurais dû le faire depuis longtemps. Je vais embaucher quelqu'un pour qu'il s'en occupe.

Hana avait froncé les sourcils, sa voix était devenue plus dure.

— Papa, c'était vraiment un coup de cœur cette maison quand j'étais petite. Ça me déchirerait que tu la vendes.

— On y va jamais, Hana,  avait-il insisté, irrité.

— Justement, je veux que ça change.

— Tu me fais ta crise de la vingtaine ?

— Ça coûte quoi de la rénover ?

 — De l'argent balancé par les fenêtres !

Hana avait sorti tous les arguments possibles et inimaginables : ça l'aurait à nouveau rapproché de ChanHyo, ça aurait exaucé son vœu de petite fille, elle aurait un endroit où partir en vacances sans payer de location, passer du bon temps avec ses amis, un lieu où se retrouver avec toute la famille... Rien n'y faisait, son père ne voulait rien savoir de plus.

— La conversation est finie. Je ne veux plus entendre parler de cette maison, avait-il ordonné.

— Et si je dirigeais une équipe d'artisan pour ma première expérience ?

Son père s'était soudainement arrêté alors qu'il sortait de la salle à manger.

— Ta première expérience sera dans mon entreprise, avait-il répondu.

— J'aimerais ne pas faire mes premières erreurs dans notre entreprise.

Son père avait marqué une pause.

— Tu veux aller ailleurs ?

Hana avait eu l'impression de lui envoyer une flèche en plein cœur.

— Non, je veux juste essayer d'être responsable ailleurs. Je veux m'entraîner pour savoir ce que c'est... Je veux venir chez toi confiante. Là, je ne le serai pas, directement après les études.

— Ça te rassurerait d'avoir cette première expérience ?

Hana avait hoché la tête.

Son père s'était rassit à table.

Elle avait obtenu son attention.

Ils avaient parlé plus d'une heure. Finalement l'idée de JinMin avait été vraiment bonne. Son père avait marché. Il avait eu l'impression que cela rassurerait Hana de pouvoir gérer une équipe d'artisans quelques semaines plutôt qu'une équipe dans son entreprise, elle ne voulait pas souiller son image dès le début.

Son père s'était mis à sourire.

— Qu'est-ce qu'il y a ? avait ricané Hana.

— Tu sais ce que tu veux. Tu as finalement réussi à me faire changer d'avis.

— Je commence à prendre de l'assurance, avait-elle dit en relevant haut son menton.

— Tu es bien la fille de ton père.

Finalement, la conversation s'était bien passée, le plan de JinMin avait marché. Son père lui avait promis de la laisser gérer une équipe d'artisans. Hana n'attendait plus qu'une chose : prévoir tout ce qu'elle allait faire dans cette maison.