Chapitre VI - Une arme puissante.

Je tournais la tête en direction de mon sac-à-dos, posé sur le sol à quelques mètres de moi. Je retirais ma couette et me levais lentement pour ne pas réveiller Anna que je prenais le temps de regarder au passage au cas où celle-ci se mettrait à bouger sous sa couverture. Je fixais de nouveau la cause de mon réveil comme si je possédais des yeux bioniques qui me permettaient de voir ce fameux cahier noir à travers le contenant. Je saisissais à présent le sac-à-dos et me rasseyais aussitôt sur mon duvet, ce dernier entre mes mains. Je prenais une grande respiration comme si j'avais, face à moi, une bombe à retardement posée sur mes genoux que j'avais pris la peine de croiser tels ceux du Bouddha. J'ouvrais délicatement la fermeture afin de ne pas faire trop de bruit mais voyant que cela était pire que mieux, je décidais de l'ouvrir d'un trait sec, ferme et rapide afin de ne pas extirper Anna des bras de Morphée. Je jetais un dernier coup d'œil à ma colocataire avant de me concentrer de nouveau sur l'objet en question. Je plongeais désormais ma main dans le sac qui s'apparentait à une bouche dentelée sous la lumière naturelle de la Lune qui passait à travers la fenêtre. Lorsque mes doigts entrèrent en contact avec le précieux sésame, je l'empoignais fermement et délicatement comme un trésor qu'on ne voudrait pas échapper et abîmer. Je le ramenais près de mon visage à l'aide de ma main droite et me débarrassais de la bouche en tissus à l'aide de mon autre main. Je tenais à présent mon cahier noir entre mes mains, les yeux fixés sur la première de couverture. Une multitude de pensées me traversaient l'esprit puis, je me décidais à l'ouvrir. 

Ils étaient là. Tous, là. Au fur et à mesure que je feuilletais les premières pages, je constatais avec étonnement mais également avec de la culpabilité que je ressentais pour la première fois de toute ma vie que les prénoms et noms de mes camarades ainsi que de ma formatrice, étaient tous écrits dans ce fichu bouquin. Et c'était moi, moi seul qui les avait écrits.

- Ce n'est pas vrai, bordel ! Qu'est-ce que j'ai fait ? Laissais-je échapper dans un murmure, mêlé à une respiration qui s'accélérait de plus en plus. Non... Avais-je la force de poursuivre en sentant mes larmes me monter aux yeux. 

Je relâchais le cahier qui tomba sur ma couette et portais mes mains sur le haut de ma tête, les doigts, posés sur mon front ainsi que mes tempes. Je penchais ma tête en avant et reposais mes coudes sur mes cuisses. Je me mettais à pleurer, la bouche ouverte, laissant échapper mon souffle saccadé tel un gosse en train de faire un caca nerveux dans un magasin pour que son père lui achète un paquet de chewing-gum à la menthe. 

A cet instant, Anna se mit à bouger dans son lit. Je m'arrêtais alors, le cœur battant, effrayé de l'avoir réveillée tout en regardant dans sa direction.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Marmonnait-elle.

- Anna... Chuchotais-je, les yeux encore remplis de larmes. Anna... J'ai... J'ai tué toute ma classe. Disais-je tout en pivotant ma tête lentement et en fermant les yeux, ce qui permettait à mes larmes de se frayer un chemin pour couler jusqu'à mon menton et faire le saut de l'ange sur mes cuisses, dénudées. Je les ai tous... Reprenais-je avant de me faire couper par les ronflements d'Anna.

J'ouvrais les yeux en fronçant les sourcils pour la regarder de nouveau. Cela avait stoppé net mes larmes.

- Anna ? Murmurais-je. Tu dors ? Continuais-je de nouveau. 

Mais je n'eus comme réponse que le bruit d'un ronflement encore plus fort suivit d'un son de bouche qui laissait à penser qu'elle venait d'avaler sa salive. Puis, elle reprit une respiration plus calme mais continuait toujours de dormir.

- Dites-moi que je rêve ! Pensais-je. C'est qu'elle n'en a vraiment rien à foutre ! Continuais-je de penser. Je suis en train de lui avouer qu'elle vit en ce moment même avec un meurtrier et elle, elle dort paisiblement. M'étonnais-je. Wouaw. Wouaw, wouaw, wouaw. Disais-je tout bas afin de ne pas réveiller le loir. Si elle savait qu'entre mes mains, je possédais son destin, je doute qu'elle dormirait sur ses deux oreilles. Pensais-je. Enfin bref. Poursuivais-je.

Je me levais et enfilais un jean par dessus mon boxer. Je préférais ne pas changer mon maillot, trempé de sueur même si cette dernière s'était atténuée. Je ramassais mon sac-à-dos toujours en évitant de faire du bruit. Je prenais mon cahier noir et le mis dedans. Je sortais du studio après avoir pris au passage, ma veste qui traînait sur la chaise de la piaule.

*

Il faisait froid mais la Lune était magnifique. Elle brillait de mille feux telle la dame blanche faisant du stop près de la chaussée, attendant qu'on la guide mais c'est elle qui me guidait. Grâce à sa lumière, je savais quelles rues et quels quartiers éviter. Forcément ceux dans la pénombre. 

Je continuais de marcher puis, ne sachant pas réellement ce que je faisais dehors à une heure si tardive, je m'arrêtais net. Je levais la tête vers le ciel que je commençais à admirer. Lui aussi était sublime. Des milliards d'étoiles le recouvraient. 

- L'Univers est splendide. Remarquais-je à haute voix. Mais... Je ne le verrai plus. Réalisais-je en pensant que j'allais finir derrière les barreaux lorsque l'on découvrirait que le coupable de cette tuerie n'était autre que moi.

A cet instant, une goutte de pluie vint caresser mon visage. Aussi froide que la température extérieure mais tellement agréable. Puis, c'était une avalanche de gouttes qui venait de s'abattre sur mon être comme si la Lune s'était mise à pleurer. 

Cela me rappelait la nuit où il avait plu. Tellement plu que j'avais eu l'impression d'être passé dans une machine à laver. Cette nuit. Cette fameuse nuit où l'on m'avait envoyé ce cahier. Ce maudit cahier noir. 

- Quand j'y pense, jamais je n'aurai tué tous ces gens si je n'avais pas eu ce cahier noir. Et, jamais je n'aurai eu ce cahier noir si je ne l'avais pas demandé. Et, jamais je ne l'aurai demandé si je ne m'étais pas retrouvé dehors, seul. Et, jamais je ne me serai trouvé seul dans la rue si... Ce fumier ne m'avait pas jeté de chez lui ! M'étonnais-je d'avoir lâché cette dernière phrase tout haut. 

Mon cœur commençait à battre et je sentais l'adrénaline emplir l'entièreté de mon corps. Mon regard devenait noir. Je me mettais à ricaner comme un sadique sociopathe.

- Ce fumier. Héhéhé. Riais-je. Alalah... Ce fumier. Héhéhé. Continuais-je de délirer de plus belle. Alors comme ça, on a voulu me mettre à la porte, hein ? Questionnais-je dans le vide. On a préféré opter pour le cul que pour l'amitié. Ajoutais-je. Et bien, c'était un mauvais choix ! Hihihi. Ricanais-je avec une voix de gamin. La roue tourne, camarade. La roue tourne. Disais-je tout en tournant sur moi-même comme si je venais de chanter cette dernière phrase, la tête levée vers le ciel, appréciant le contact de la pluie sur mes paupières fermées, tout en ouvrant la bouche pour laisser entrer quelques gouttes. 

Soudain, je m'arrêtais net. Je rabaissais ma tête et fixais un point invisible face à moi dans la pénombre. 

- Et bien, on va vite découvrir si ce fameux cahier tue des gens. Qu'est-ce que tu en penses, mon ami ? Questionnais-je une fois de plus dans le vide comme si je m'adressais à mon ex-ami qui pouvait m'entendre.

Je prenais la route en direction de sa maison.

*

J'étais à présent sur le toit de la maison de ce pédéraste. J'y étais parvenu en escaladant l'arbre qui se trouvait face à la fenêtre de l'étage qui donnait justement sur sa chambre. L'intérieur de cette dernière était éclairé et le rideau transparent me permettait de voir tout ce qu'il se passait. 

- Encore ! Oui... Encore ! Ordonnait la femme à son ami qui lui obéissait tel un chien en chaleur.

- Mais c'est qu'il est en train de baiser, cet enfoiré ! Grognais-je en me retenant au bord de la fenêtre, les pieds dans la gouttière de façon à bien me positionner pour ne pas valser par dessus bord. 

La pluie s'était arrêtée avant que je n'arrive devant chez lui mais le toit était toujours aussi glissant.

- Je n'en reviens pas. Il ne s'inquiète même pas de savoir ce que je suis devenu. Remarquais-je. Et si j'étais encore dehors ? Si je n'avais pas été recueilli par Anna, hein ? Pensais-je. Tu mérites de crever sale bâtard ! M'énervais-je tout en prenant mon sac-à-dos. 

Je sortais le cahier noir. J'avais l'impression de tenir une arme entre les mains. Et je venais de m'en rendre compte qu'à l'instant. Je me sentais à présent, extrêmement puissant.

- Encore ! Continue... Je t'en prie ! Oui ! Continuait de commander la jeune femme.

- Mais c'est qu'elle en veut la salope ! Tu en veux ? Je vais te faire jouir, moi ! M'excitais-je tout en ouvrant mon cahier et en écrivant à l'intérieur de celui-ci, en essayant de garder mon équilibre afin de ne pas tomber.

Je le refermais et contemplais à présent le spectacle, un grand sourire sadique aux lèvres. La pétasse continuait de se trémousser sur ce qui n'était désormais plus qu'un cadavre jusqu'au moment où elle remarqua que le corps sur lequel elle gesticulait, était à présent inerte. 

Je redescendais du toit tel un chat qui retombe sur ses pattes sans bruit. Mon rire étouffé se mélangeait aux cris de la nécrophile à l'étage qui était bien trop occupée à tourner autour du corps sans vie de son mec qu'à me remarquer.

- C'est que tu tiens tes promesses ! Disais-je avant de déposer un baiser sur mon cahier noir que je tenais précieusement entre mes mains.

Je m'éloignais de la baraque, amusé avec une démarche de bad boy sûr de lui comme si je venais de commettre un acte héroïque.

[1689 mots].

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