Chapitre 9
Aethra consulta sa montre et grogna. 16h58 et elle venait de quitter son cours, dans l'aile d'astronomie, à l'opposé du bureau de Dumbledore, dans la salle de Métamorphose. Elle ne serait jamais à l'heure au rendez-vous qu'il lui avait fixé. Si seulement la prof d'astronomie n'était pas aussi bavarde.
Elle se mit à courir dans les escaliers, bousculant quelques élèves au passage, qui montaient en sens inverse. Les Gryffondor ne lui disaient rien mais les Serpentard ne se gênaient pas pour lui asséner des remarques sur un ton sec et hautain.
— Tu vas où comme ça ? lui lança l'un d'eux avec froideur.
Aethra tourna la tête et vit qu'il s'agissait de Tom.
— Bah, en cours !
— Tu as le même emploi du temps que moi, aujourd'hui, contredit-il, et je sais que nous avons fini notre journée. Alors où vas-tu ?
Aethra ne lui répondit pas et continua son chemin. Dans son regard, elle lut une grande colère. Sa main s'était refermée sur sa baguette. Allait-il lui lancer un sort ? La jeune femme courut et Tom ne fit rien : il y avait trop de spectateurs autour de lui.
L'héritière de Gryffondor s'éclipsa et courut dans les couloirs, jusqu'à la salle de Métamorphose, à 17h08. Elle plia les genoux pour reprendre son souffle, vérifia que personne ne la suivait et entra dans la pièce. Dumbledore discutait avec un élève de Septième Année de Poufsouffle. Elle attendit patiemment qu'ils eurent terminé.
Cela ne prit que quelques minutes. En sortant, le garçon lui sourit et lui adressa un clin d'œil. Elle n'en prit pas garde et s'avança vers Dumbledore.
— Je suis là, professeur.
— Parfait, Aethra, sourit-il.
Il referma sa bouteille d'encre et posa sa plume sur son bureau.
— Personne ne t'a suivie ?
— Non.
— Personne ne sait que tu es ici ?
— Non.
Son deuxième « non » était moins assuré que le premier. Dumbledore le remarqua et se redressa, étonné.
— Tu ne sembles pas certaine.
— Tom m'a vue à la sortie du cours. Il se demande où je cours comme ça. J'espère qu'il ne m'a pas suivie.
— J'espère aussi, car c'est pour parler de lui que je tenais à te voir. Viens, on va à l'arrière de la pièce, dans mon bureau.
Aethra obéit. Dumbledore l'invita à s'asseoir sur un tabouret et lui proposa un thé, qu'elle accepta volontiers.
— J'ai besoin de toi, Aethra. Nous en avons déjà parlé, donc tu n'es pas étonnée par notre petite entrevue. Ceci dit, la dernière fois, je n'avais pas été au fond de ma pensée.
— Le fond de votre pensée, monsieur ?
— Je soupçonne Tom d'avoir des activités interdites dans l'enceinte de l'école. Et je le soupçonne de faire bien pire quand il n'est pas à Poudlard. J'ai eu vent de rumeurs, cet été. Pourtant, je n'ai pas l'œil sur lui, à cause de Grindelwald. Pour résumer, je le soupçonne d'être en train de s'intéresser de trop près à la magie noire. Tu en penses quoi, toi ? Je te livre là le point de vue d'un prof qui se méfie peut-être trop. Toi qui côtoie Tom Jedusor en tant que camarade et que Préfète, qu'en penses-tu ?
Elle but une gorgée de thé avant de répondre, en choisissant bien ses mots :
— Tom n'est pas le plus bavard de mes camarades. Il reste distant et est plutôt mystérieux. Je ne sais pas s'il étudie la magie noire, mais je sais qu'il est un sorcier très doué et très puissant. Et il deviendra de plus en plus puissant, à l'avenir. Je vais garder un œil sur lui.
— Oui, mais je ne te demande pas que cela.
Aethra leva un sourcil.
— Que voulez-vous ?
— Si jamais Tom sombre dans les ténèbres, essaye de tout faire pour le sauver. Je ne veux pas avoir à gérer deux mages noirs en même temps. Je te demande cela car je sais que tu es la seule à en être capable. Tu as quelque chose qui intéresse Tom Jedusor.
— Qu'est-ce donc ?
— Tu es la seule élève de l'école capable de rivaliser avec lui. Tu es, tout comme lui, une descendante de l'un des fondateurs de l'école. Je pense qu'il te considère comme son égale. Mais je pense aussi qu'il fera tout pour que tu te plies à sa volonté. Tu serais une arme redoutable, à son service. Il doit avoir de grands projets pour toi.
— Vous voulez que je me joigne à lui pour le surveiller ?
— Essaye de gagner sa confiance.
— C'est un jeu dangereux, professeur ! s'horrifia Aethra. Si jamais il se servait de moi en me jetant un sort ! Ou s'il...
— Il n'agira pas ainsi.
Aethra demeura muette devant tant d'assurance de sa part. Elle n'en était pas convaincue à cent pour cent. Elle but sa tasse et la déposa sur la table. Puis elle leva la tête.
— Mais, monsieur, et si jamais... je n'étais pas assez puissante pour résister à ses pouvoirs ? demanda la jeune femme d'une voix tremblante.
Dumbledore lui sourit et posa sa main sur son épaule.
— Tu es assez forte pour lui résister. Et avec un peu de chance, c'est lui qui ne te résistera pas.
Il se rassit, toujours souriant.
— Tu veux toujours devenir Auror ?
— Oui, monsieur.
— Ce sera une belle victoire, je pense. Tu le mérites.
— Si vous le dites...
Elle se leva.
— Aller, va te reposer : tu fais ta première garde demain soir avec Tom. Il faut que tu sois en forme.
— Oui... Avec Tom...
Aethra marqua un silence avant de demander :
— Me mettre en binôme avec lui... c'est une idée à vous ?
Pour toute réponse, le sorcier lui décocha un petit sourire qui en disait long. La jeune femme exhala un profond soupir, mi-amusée, mi-dépitée, lui souhaita une bonne soirée et quitta la salle de classe.
La descendante de Gryffondor se dirigea vers la Grande Salle pour aller étudier en attendant le repas du soir. Il n'était que 17h30, elle avait donc une bonne heure devant elle pour réviser la leçon apprise lors du premier cours de potions, le matin même.
Lorsqu'elle y arriva, Matilda discutait avec Helena, de Serdaigle. La présence d'une élève d'une autre Maison à la table des rouge et or ne choquait personne : les étudiants pouvaient se mélanger comme ils le désiraient, en-dehors de certains horaires. D'ailleurs, Aethra nota qu'un Poufsouffle était attablé chez les Serdaigle, et que deux Gryffondor jouaient aux échecs avec des Poufsouffle à leur table. Les seuls qui ne se mélangeaient pas – ou très rarement – avec les autres étaient les Serpentard. Un seul Poufsouffle avait, ce jour-là, osé braver le « danger » en s'asseyant avec un camarade à la table la plus à droite.
Aethra s'assit à côté de Matilda et sortit du parchemin vierge, sa plume, son encrier et son cahier de potions, ainsi que son livre.
— Tu bosses déjà ? s'étonna Matilda, qui papotait avec Helena.
— Oui. Je compte bien devenir l'Auror la plus puissante du Ministère.
Elle releva la tête et leur sourit :
— Et ce n'est pas en échangeant les derniers ragots que je vais y parvenir.
Helena gloussa :
— Certains ragots devraient t'intéresser, pourtant.
— Ah oui ? demanda Aethra en ouvrant sa bouteille d'encre.
— Ils parlent de Tom. Et de toi...
La jeune femme soupira et leva les yeux au ciel. Les commérages sur elle et son camarade de Serpentard l'agaçaient. Les filles ressassaient toujours la même chose. Etonnant qu'elles ne s'en soient pas lassées au bout de six ans.
— Vous êtes quand même arrivés ensemble, le soir de la rentrée. Et...
— On venait de se faire agresser par des sorciers, la coupa Aethra. Je ne vois pas ce qu'il y a de plus à dire. Il n'y a rien de romantique là-dedans. Pas de quoi en faire des potins...
— Je suis aussi de cet avis, Aethra.
Les filles relevèrent lentement la tête : Tom se tenait juste derrière la descendante de Gryffondor, mains dans le dos, un petit sourire aux lèvres.
— Dis donc, toi, on t'a jamais appris à ne pas espionner les conversations d'autrui ? grogna sèchement Matilda.
— Je n'ai pas le souvenir de t'avoir adressé la parole, à toi, répliqua froidement Tom.
Matilda le dévisagea avec fermeté. Ni elle, ni Helena ne bougèrent. Tom perdit son sourire et précisa :
— Je veux parler à Miss Parfaite. Pas à vous deux. Laissez-nous tranquille et allez répéter vos commérages idiots plus loin.
— Aethra..., murmura Helena.
— On se voit plus tard, dit-elle simplement.
Ses deux amies fermèrent leurs livres, les rangèrent dans leur sac et se levèrent, en jetant à Tom un œil mauvais. Ce dernier s'installa à droite de la jeune femme, qui ne broncha pas.
— Tu pourrais être un peu plus gentils, de temps en temps, ça ne te tuera pas, Tom.
— Avec elles ? Certainement pas !
— T'es le genre de personne que soit on adore, soit on déteste. On te l'a jamais dit ?
— Non. Par contre, savoir dans quel camp tu te situes par rapport à ce que tu viens de me dire, ça m'intéresse.
Aethra soupira et tenta de dissimuler son large sourire.
— Pourquoi es-tu là ?
— Je vais être franc, dit-il en la regardant dans les yeux, je pense que tu me caches des choses.
— Je vais être franche, répliqua-t-elle sur le même ton, tu n'es pas un ami spécialement proche, tu n'es pas de ma famille, alors pourquoi serais-je obligée de tout te révéler ?
Tom demeura de marbre, mouché par sa réponse. Il serra les poings et la colère passa brièvement dans ses yeux. Aethra crut y discerner, pendant un bref instant, un éclat rougeâtre. L'atmosphère était tendue. La jeune fille eut du mal à respirer. Puis, Tom se détendit et sourit.
— Si ce n'était pas toi qui venais de me parler ainsi, je te jure que tu aurais passé un mauvais quart d'heure.
Aethra leva un sourcil, faussement impressionnée.
— Qu'ai-je de si spécial, pour que tu m'épargnes tes remontrances ?
— Tu es comme moi : tu descends de l'un des Fondateurs de cette école. L'un des quatre plus puissants sorciers du Moyen-Âge.
— Tu oublies que Godric Gryffondor et Salazar Serpentard se sont battus en duel. Ils étaient ennemis.
— Avant, ils étaient amis. Ce que nous aussi, nous pouvons devenir...
Il lui tendit sa main. Aethra l'observa un instant avant de replonger dans son regard. Elle lui sourit.
— Où veux-tu en venir ? Pas de ruse ni d'entourloupe avec moi, Tom. Je ne suis pas aussi stupide que tes « amis » de Serpentard. Des « amis » qui t'obéissent d'un claquement de doigt. Comme des toutous, en fait.
Tom joua l'étonné. D'un ton sincère, il répondit :
— Je te propose de faire la paix, tout simplement. Je sais que nous avons traversé quelques turbulences, toi et moi. Mais il n'est pas encore trop tard pour réparer cela, tu ne crois pas ? Après, si tu estimes, toi la brillante descendante de l'arrogant Godric Gryffondor, que tu n'as pas besoin d'un ami de Serpentard, c'est ton choix.
Aethra observa les alentours pour voir ce que faisaient les autres élèves. Même si la plupart travaillait, elle savait que certains les épiaient d'un œil discret. Alors elle s'approcha de Tom et murmura :
— Cela ne me déplairait pas, de te compter parmi mes amis. Mais si les autres élèves nous voient nous rapprocher, ils vont encore jaser. Et j'en ai marre de ces rumeurs qui courent sur nous.
— Que peut bien te faire l'opinion du commun des Mortels ? Ce ne sont que des sorciers de seconde zone. Nous valons bien plus que cela. Et si les autres te nuisent, tu auras un ami pour s'occuper d'eux.
Aethra jeta un œil vers l'entrée de la Grande Salle. Dumbledore, une pile de livres sous le bras, venait d'entrer. La jeune femme réfléchit un instant et sourit à Tom. Elle décida de lui serrer la main.
— D'accord, ça me va. Il me tarde de patrouiller aux côtés d'un ami.
— Moi aussi, sourit Tom.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top