Chapitre 23

— Non, lâche-moi vieille folle ! J'ai rien fait ! protestait l'enfant aux cheveux bruns.

Une dame d'un certain âge le tirait par le bras et l'entraînait dans des escaliers en bois qui craquaient à chaque pas. Des portes attenantes émergeaient des visages d'enfants aux expressions moqueuses, voire ravies. Tom les haïssait tous. Tous !

Il gigota comme un diable, mais la directrice de l'orphelinat le tenait trop bien. Cela ne servit qu'à le blesser. Il cessa tout mouvement quand il sentit les ongles de la vieille femme s'enfoncer dans sa peau. Il poussa un gémissement de douleur.

— Tu vas aller te calmer là ! Et privé de repas ce soir !

Tom fut jeté dans une pièce sombre et exigüe. Il se releva prestement et tenta d'empêcher la directrice de refermer sur lui la lourde porte de bois. En vain. Il se retrouva enfermé dans cet endroit lugubre.

Dans un premier temps, Tom fit les cent pas, énervé, les poings serrés. Les quelques objets éparpillés dans la pièce – principalement des poupées ou des jouets oubliés par les autres orphelins – volèrent et se brisèrent contre les murs. Puis, Tom se massa le bras et s'assit dans un coin, les genoux redressés contre son ventre. Il cala son menton dessus et enfouit sa rage au fond de son être. Des larmes salées dévalèrent ses joues. Chaque goûte qui toucha le sol ne faisait que renforcer sa colère.

Tom Jedusor s'extirpa enfin de son souvenir-cauchemar. Il ouvrit lentement les yeux et sentit un contact tiède dans sa paume. Il fronça les sourcils et constata que c'était une main. Il releva lentement le regard et tomba sur Aethra. Elle se tenait assise au bord de son lit et lisait un livre. Elle n'avait pas encore remarqué que Tom venait de se réveiller.

Tom la dévisagea sans bouger, savourant ces minutes de calme, qui contrastaient avec ses récentes réminiscences. La présence d'Aethra ne le gêna pas, au contraire. Il la trouvait rassurante, apaisante.

C'était sûrement cela qui lui plaisait chez elle.

En plus de sa puissance, de son intelligence et de sa particularité de descendre de Godric Gryffondor.

Tom remua la main.

Aethra cessa de lire et tourna la tête vers lui. Après une seconde, un sourire radieux étira ses lèvres.

— Contente de voir que tu es réveillé, dit-elle avec sincérité en posant son livre sur une table de chevet.

Tom se passa la langue sur les lèvres et murmura :

— Combien de temps... ai-je dormi ?

— Cinq heures. Il est quatre heures du matin. Tu avais la tête ensanglantée quand on t'a amené ici. J'ai vraiment eu peur pour toi, tu sais. Le sort de Grindelwald était puissant.

— Je me suis laissé avoir..., comprit Tom. J'étais... aveuglé par la colère.

— Oui, j'ai vu. Je suis désolée... Je sais que tu as vu Nolan...

— Ne me parle pas de lui.

— Je ne l'aime pas.

— Vraiment ? demanda Tom, un sourcil levé.

— Oui.

Un silence tendu s'installa entre eux. Aethra paraissait vraiment peinée. Tom l'observa plus en détails et constata qu'elle avait pleuré. Ses yeux rougis et gonflés la trahissaient. Peut-être... était-elle sincère ? Peut-être pouvait-il lui faire... confiance ?

— Tu gémissais dans ton sommeil, murmura Aethra. Que se passait-il ?

Tom relâcha sa main de celle de la jeune femme et croisa les bras. Il opta pour un air fâché et tourna la tête pour fixer un point imaginaire ailleurs.

— Tu peux tout me dire, Tom. Personne ne nous dérangera. Il n'y a que toi... et moi.

Lentement, Tom pivota le menton puis plongea ses yeux bruns dans les iris bleus d'Aethra.

— Tu peux avoir confiance en moi, Tom, ajouta Aethra.

Il soupira puis chuchota :

— Tu veux savoir pourquoi j'ai choisi de ne pas accorder ma confiance aux autres ?

— J'ai toute la nuit, répondit Aethra, je t'écoute. Prends ton temps.

Tom la gratifia d'un sourire reconnaissant puis se redressa sur son oreiller, pour s'asseoir dans son lit. Il chercha ses mots pendant quelques minutes puis se jeta à l'eau :

— Je pense que tu le sais déjà, mais j'ai été élevé dans un orphelinat. Un orphelinat moldu. Mon père a rejeté ma mère, il l'a abandonnée avant même ma naissance et a carrément refusé de reconnaître mon existence. C'est de là que me vient ma haine envers les Moldus. Mais pas seulement. Pendant mon enfance, il s'est avéré que ma magie s'est manifestée à plusieurs reprises et je ne la contrôlais pas toujours. Cela n'a pas échappé aux autres enfants. Ils se sont rapidement méfiés de moi. Ils m'ont rejeté. Ils n'ont pas hésité à me traiter de « monstre » ou de « démon ». Et à l'école, c'était pareil. Si ce n'était pire. J'étais la cible des moqueries, des insultes et des bagarres. Je me suis fait harceler pendant toute ma scolarité, avant Poudlard. Je me vengeais sur les autres enfants de l'orphelinat, en leur volant des objets ou en tuant leurs animaux de compagnie. La directrice a décidé de me placer en chambre seul, quand j'avais huit ans. Elle a aussi fortement déconseillé aux familles de m'adopter. Elle estimait que j'étais incontrôlable. Elle avait sûrement raison, après tout.

Aethra buvait ses paroles en opinant sombrement de la tête. Pour la première fois, Tom se confiait à quelqu'un. Il n'avait jamais évoqué avec qui que ce soit son passé douloureux. Il avait peur d'être jugé. Mais il sentait qu'il pouvait parler sans filtre avec Aethra. Elle était réputée pour son empathie. Tom avait hésité au début, puis les mots avaient coulé tout seuls. Il se libérait d'un lourd fardeau.

— Et à Poudlard ? demanda Aethra. As-tu été bien intégré ? Quand nous étions en classe, je voyais en toi un élève solitaire et attentif, calme. Mais je ne sais pas ce qu'il se passait en-dehors des cours.

Tom réprima une grimace. Puis il avoua :

— J'ai commis l'erreur de dire où j'avais été élevé. Mes autres camarades de Serpentard venaient tous de familles de sorciers.

— Ils ont dû se moquer de toi.

— Oui. J'ai été rejeté par les autres. Ils estimaient que je n'avais pas ma place à Serpentard. Cela a duré pendant les deux premières années. Ils ont changé d'avis quand ils m'ont entendu parler en Fourchelang. Ils ont alors pensé que je pouvais descendre de Salazar Serpentard. J'ai donc fait mes petites recherches du côté de mon père, car je croyais que lui avait été un sorcier. Mais je me trompais. Et l'an dernier, j'ai découvert l'identité de ma mère : Merope Gaunt, une descendante de Serpentard. J'ai retrouvé mon oncle Morfin et je lui ai repris la bague que je porte au doigt. Je lui ai également fait payer de m'avoir renié, comme un sale bâtard que j'étais.

Ses mots étaient durs, mais ils exprimaient vraiment ce qu'il ressentait. Il tut cependant le fait qu'il avait assassiné son père, Tom Jedusor Sénior, ainsi que ses grands-parents paternels et avait fait accuser son oncle Morfin de ces meurtres. Il ne savait pas comment réagirait Aethra si elle découvrait cette sombre vérité.

Tom n'osa pas regarder Aethra tout de suite. Mais comme elle se taisait, il finit par lever les yeux vers elle. Il découvrit un visage peiné, triste, et des yeux brillants de larmes.

— Je ne pensais pas que tu avais un passé aussi douloureux, murmura-t-elle d'une voix tremblante. Tu m'as bouleversée. Je... je suis vraiment navrée pour toi, Tom. Tu as été détesté et isolé toute ta vie. Je comprends mieux pourquoi tu as érigé une telle forteresse autour de ton cœur : tu ne veux plus souffrir.

Tom opina sombrement. Il se sentait soulagé qu'elle ait compris le message. Cela allait-elle la décourager ?

— Je comprendrai que tu ne veuilles pas t'occuper de moi, Aethra. Je suis probablement un cas désespéré...

Mais la jeune femme posa sa main sur la sienne. Elle lui adressa un sourire qui se fraya un chemin jusqu'à son cœur. Tom le sentit battre plus vite.

— Je suis contente que tu aies trouvé le courage de partager cela avec moi, même si c'est dur.

— Je ne pensais pas avoir ce courage, avoua Tom.

Aethra lui sourit. Les battements du cœur du Serpentard accélérèrent.

Décidément, elle avait un sacré effet sur lui.

— Tu as fait un grand pas vers la confiance que je peux t'accorder, dit Aethra. Bravo.

— Sommes-nous... amis ? demanda Tom.

— Non.

Tom fronça les sourcils et son cœur rata un battement.

— Non, nous ne sommes pas amis, Tom. Car je pense que ni toi ni moi n'avons envie d'être amis. Nous voulons... autre chose, tu ne crois pas ?

— Quoi donc ? Je croyais que tu me faisais confiance...

— C'est une relation qui se base elle aussi sur la confiance, sourit Aethra. Et je sais que tu comprends où je veux en venir. Tu le sais au fond de toi.

Oui, Tom le savait. Il esquissa un sourire timide. Allait-il céder à la tentation qui l'habitait depuis des semaines ? Son corps entier en tremblait et son cœur battait fort. Il avait l'estomac noué et les mains moites.

— Je ne pourrai changer en public, dit-il. Pas du jour au lendemain. Les autres se sont habitués au masque froid que je porte.

— Je l'ai bien compris, Tom. Je ne te demanderai pas l'impossible. Nous n'avons qu'à agir comme d'habitude quand nous sommes en présence des autres élèves ou des enseignants. Cela te convient ?

— Oui.

Tom et Aethra échangèrent un sourire sincère et complice. Leur premier véritable sourire, sans sous-entendu ni coup bas.

Lentement, leurs sourires disparurent de leur visage.

Puis, ils se rapprochèrent l'un de l'autre.

Tom ferma les yeux et savoura le parfum suave que dégageait la jeune femme. Il entrouvrit les lèvres et sentit sa bouche effleurer celle d'Aethra.

Puis se séparer de quelques centimètres.

Pour venir se retrouver et s'unir dans un baiser à la fois tendre et ferme. Tom se laissa emporter par le flot d'émotions qui le submergea. Il avait l'impression que la douleur de son enfance s'envolait ; que les brimades de ses camarades s'effaçaient. Il posa sa main gauche sur la joue d'Aethra et répondit à son baiser, moulant parfaitement ses lèvres aux siennes.

Tom fut incapable de donner avec précision le temps qui s'écoula.

Il profitait de la paix intérieure qui l'habitait. Il savourait les sensations nouvelles, vibrantes et enivrantes qui envahissaient son corps tout entier.

Enfin, presque à contre cœur, leurs lèvres se séparèrent.

Tom, avant de rouvrir les yeux, entendit le rire cristallin d'Aethra.

Il la fixa et vit qu'elle affichait un large sourire. Cela rassura et ravit le cœur troublé de Tom.

— C'était... waouh ! murmura-t-elle. Bien meilleur que la dernière fois.

— C'est parce que là, je savais ce que je voulais.

— Tant mieux...

Aethra s'approcha et lui vola un autre baiser. Tom en savoura la sensation. Il dura moins longtemps que le précédent.

— Donc, tu es d'accord pour faire ça : nous restons nous-mêmes quand nous sommes en public ? demanda-t-il.

— Oui.

— Notre relation sera une relation secrète.

— Oui.

Tom fronça les sourcils : il sentait bien, dans le ton de sa voix, que cela semblait lui convenir qu'à moitié.

— Tout va bien ?

— Je me disais... que cela pourrait nous détruire.

— Je ne comprends pas.

— Entretenir ce genre de relation, je ne sais pas si c'est sain, tu vois. Mais pour te faire plaisir – et parce que j'en ai envie aussi – je suis prête à tenter.

Elle lui adressa ensuite un sourire qui suffit à satisfaire Tom. Aethra se releva et rejetta ses cheveux bruns en arrière.

— Je vais te laisser : tu as besoin de repos. Le sort de Grindelwald était puissant.

Tom cilla : Grindelwald ! Il l'avait complètement oublié !

— Que s'est-il passé ? demanda-t-il.

— Dumbledore l'a repoussé. Puis il t'a conduit ici.

— Et c'est tout ? s'étonna Tom. Aethra, Grindelwald est rusé ! Il a forcément un plan en tête ! Il...

— Je sais, le coupa-t-elle. On reparlera de ça plus tard : tu dois dormir.

Son ton était autoritaire. Tom se figea, incapable de dire s'il appréciait recevoir des ordres d'Aethra ou non. Une partie de lui s'assombrit : jamais on ne lui avait dicté sa conduite. Mais il brida rapidement sa colère en voyant le sourire que lui servait Aethra. Il se dit qu'elle agissait ainsi pour son bien. Elle se souciait de lui.

— Quand tu seras sur pieds, ajouta Aethra, je te présenterai aux autres membres du Club des Héritiers. Il est grand temps que tu te joignes à nous. La présence d'un descendant de Serpentard est un cruel manque. Nous avons la sensation de ne pas être au complet.

Tom sourit.

— Tu es bien trop sage et intelligente pour être une vraie Gryffondor, tu sais ? lui dit-il.

— Disons que je ne suis pas aussi fougueuse que mes frères.

— Tu l'es déjà pas mal : tu as un cœur de Lionne.

Aethra rougit, sûrement flattée. Puis elle lui souhaita une bonne nuit et le quitta. Tom la regarda marcher avec grâce jusqu'à ce qu'elle disparaisse dans l'angle du couloir.

Puis, il exhala un profond soupir et se prit la tête entre les mains. Un vent de panique souffla en lui. A quoi jouait-il ? Il ne pouvait pas céder à Aethra ! Il ne devait pas ! C'était dangereux !

Comment pouvait-il prendre le risque de lui ouvrir son cœur ?

Cette phrase n'avait pas de sens, aux yeux du Tom Jedusor froid, ambitieux et calculateur que tout le monde connaissait. Mais ce Tom Jedusor ne dominait pas, ce soir-là.

Non.

La petite voix qui réveillait ses sentiments avait, ce soir-là, réussit à prendre le pas sur ses sombres desseins et son caractère froid. 

Voilà le chapitre que vous attendiez sûrement tous et toutes avec impatience, je suppose :) 

Mais attention, n'oubliez pas qu'il s'agit de Tom Jedusor... il ne faut pas crier victoire trop vite. 

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