Chapitre 19
Les jours passèrent et se succédèrent, semblables aux autres. Peu à peu, la souffrance intérieure d'Aethra s'atténua. Elle s'appliquait en cours pour ne pas laisser ses pensées vagabonder et passait le plus clair de son temps avec ses amis, ou son frère. Les soirs où elle n'était pas de ronde, elle fréquentait le Club des Héritiers avec les autres descendants. Heureusement, ses camarades semblaient avoir abandonné l'idée d'intégrer un héritier de Serpentard à leur bande. Les soirs de garde, elle veillait à ne pas fréquenter la même zone que Tom et appréciait de plus en plus la présence de Nolan. Le Préfet état agréable, vif et avait de la conversation. Les nuits passaient vites et elle regretta bientôt d'avoir ouvert autant son cœur à Tom, qui ne le méritait peut-être pas.
Pourtant, malgré sa tristesse qui se dissipait, elle ne pouvait s'empêcher de constater qu'elle ne disparaissait pas totalement. Parfois, des réminiscences de leur baiser revenaient la hanter, souvent dans ses rêves. Tom lui avait demandé de le convaincre. Elle avait essayé. Elle y avait peut-être été un peu trop fort.
D'un côté, s'éloigner de Tom la rassurait : elle respectait ainsi la promesse faite à son frère. Mais d'un autre côté, elle ressentait, malgré ses efforts pour oublier, un manque. Un vide atroce dans sa poitrine.
Peu avant Halloween, le professeur Dumbledore la convoqua de nouveau dans son bureau, à 17h après son dernier cours.
Aethra attendit que les élèves sortent de la salle de classe avant d'y pénétrer à son tour.
Une fois dans l'embrasure de la porte, elle se figea.
Tom était là, en pleine discussion avec Dumbledore.
— Vous voulez déjà me rendre votre devoir, Mr Jedusor ? s'étonna le professeur. Je suis impressionné mais... si je vous ai donné deux semaines pour le faire, c'est qu'il y a une raison.
— Je suis sûr de moi, Monsieur.
— Bien. Dans ce cas, je le prends. Je suis ravi de constater que vous êtes revenu au meilleur de votre forme, Mr Jedusor.
— Comment cela, Monsieur ? demanda Tom.
Aethra sentit une légère anxiété poindre dans le ton de sa voix.
— Et bien, il y a quelques semaines, je trouvais que vous étiez... perturbé par quelque événement dont j'ignore la cause.
Il y a quelques semaines, pensa Aethra.
Cela correspondait au moment où ils avaient échangé leur baiser.
— Je n'ai jamais été perturbé, Monsieur, répondit Tom d'une voix rapide qui le trahissait. Vous faites erreur.
— Si vous le dites, jeune homme, sourit Dumbledore. Bien, je vais devoir vous laisser : je vois que la prochaine élève que je dois voir est arrivée.
Tom pivota et planta son regard sombre sur Aethra. Pendant un instant, la jeune femme crut voir un soupçon de doute en lui. Un éclat étrange passa dans ses pupilles, comme un mélange de plusieurs sentiments.
Il s'empara de son sac et traversa la salle en veillant à ne pas regarder sa camarade de Gryffondor.
— Je sens une étrange tension entre vous deux, lâcha Dumbledore.
Aethra soupira :
— Je croyais qu'il était mon ami.
— Ton ami ? Ou plus que ça ?
— Décidément, on ne peut rien vous cacher, professeur.
Dumbledore sourit et fourra ses mains dans les poches de son pantalon.
— Choisis tes amis avec soin, Aethra. Tu es trop précieuse pour la suite de mon plan.
— Votre plan ?
— Grindelwald. Je pense qu'il est en contact avec des élèves de l'école.
— Qui ?
— Ne me dis pas que tu n'as pas d'idée.
— Je mise dix Gallions sur Tom Jedusor.
— Je le pense aussi, approuva Dumbledore. Dis-moi, qu'as-tu prévu de faire pendant tes prochaines vacances ?
— Rien de spécial, pourquoi ?
— Je pense qu'il est temps que je te présente à un ancien élève à moi. Un élève qui est devenu un ami proche. Norbert Dragonneau. Il a déjà affronté Grindelwald à New-York.
Aethra hocha la tête. Dumbledore se cala contre son bureau et dévisagea la jeune femme :
— J'ai entendu dire que depuis quelques temps, tu n'effectues plus tes rondes avec Tom, mais avec Nolan Bates. Matthew m'a dit que c'était Tom qui lui avait demandé de changer. Tu sais pourquoi ?
— Oui.
— Souhaites-tu m'en parler ?
Aethra ne voulait pas mêler Dumbledore à ses histoires de cœur. Mais là, pour une fois, elle sentait qu'elle avait besoin de vider son sac. Aethra s'assit, se passa une main dans les cheveux et se jeta à l'eau. Elle raconta tout, sans mensonge, sans filtre. Tout. Jusqu'à leur baiser.
A son grand étonnement, Dumbledore ne parut pas étonné. Il sourit et s'installa en face d'elle.
— Depuis que vous êtes arrivés tous les deux en Première Année, j'étais persuadé qu'un lien fort se tisserait entre vous. Vous êtes les élèves de Poudlard les plus talentueux depuis des années. Tom allait sûrement s'intéresser à toi. Soit par jalousie, soit pour essayer de te rallier à lui. Et visiblement, la deuxième hypothèse est la bonne, d'après ce que tu me dis. Toutefois, essayer de réveiller ses sentiments est un jeu dangereux, Aethra.
— Pourquoi ?
— Tom a été élevé sans connaître l'amour. Il est né et a grandi dans un orphelinat moldu. C'est moi qui suis allé le chercher pour lui annoncer qu'il était un sorcier. Il possédait déjà de grands pouvoirs, pour un enfant de onze ans. Et il aimait dominer les autres. Il était solitaire et indépendant.
— Comment peut-on grandir sans connaître l'amour ?
— Cela, ma chère, je l'ignore encore. Je pense que son père a dû abandonner sa mère, d'après ce que la directrice de l'orphelinat m'a dit.
— Donc, vous pensez qu'à cause de cela, Tom ne peut pas comprendre l'amour ?
— Ou alors, il refuse de le comprendre. Il a sûrement peur de vivre ce que sa mère a vécu. Un abandon. Un manque. Il en a une telle peur qu'il l'a enfoui loin en lui. Il porte un masque en permanence. Il joue un rôle. Il s'est créé une muraille autour de son cœur de glace. Il faudra être vraiment unique à ses yeux pour briser cette muraille et faire fondre son cœur.
— Je pense que je le suis..., murmura Aethra pour elle-même.
— Je l'espère pour toi. Sois prudente, si tu tentes quoi que ce soit avec Tom. Il ne se laissera pas faire. Il refusera de se laisser dominer.
— Vous ne me l'interdisez pas. Pourquoi ?
— Tu es peut-être la seule personne de l'école à pouvoir agir sur lui avant qu'il ne soit trop tard.
Aethra soupira :
— Depuis notre baiser, il m'évite.
— Oui, j'ai remarqué. Mais il m'avait l'air troublé. Je pense que ton baiser l'a affecté au-delà ce qu'il croit lui-même.
— Vous croyez ? Il ne m'en parle pas...
— Parce qu'il souhaite garder le contrôle sur lui-même. Je pense qu'il a vraiment peur de l'amour car ce sentiment lui ferait perdre le contrôle. Et puis, Tom a aussi sa fierté personnelle. Il ne se confiera pas facilement.
Dumbledore tapota le bras d'Aethra, qui lui sourit et se releva. Elle lui souhaita une bonne soirée et quitta la salle de classe.
Aethra marcha d'un bon pas jusqu'à sa nouvelle destination : la Salle sur Demande, pour rejoindre le Club des Héritiers.
En chemin, elle eut l'impression que quelqu'un la suivait dans l'ombre. Elle se retourna plusieurs fois, mais ne vit rien. Elle fronça les sourcils, bien décidée à tirer cela au clair. C'était peut-être uniquement un fantôme, mais elle souhaitait en avoir le cœur net.
Elle se plaqua contre un mur, sortit sa baguette et attendit. Dissimulée derrière une colonne, elle entendit rapidement des bruits de pas.
Vite, elle appliqua sur sa personne un sort de Désillusion, la faisant disparaître instantanément. Ou plutôt, lui faisant prendre l'apparence du mur situé derrière elle.
Aethra retint son en voyant Tom Jedusor apparaître dans le couloir. Il fit quelques pas et se figea, avant de faire un tour sur lui-même. Cette attitude confirma à Aethra qu'il la suivait bel et bien. Elle brûla d'envie de lever son sortilège pour aller lui poser quelques questions. Mais comment réagirait-il en comprenant qu'elle l'avait repéré ?
Tom, pensif, continua sa route. Aethra décida de lui emboîter le pas, en faisant le moins de bruit possible. Elle avait beau être relativement invisible, si ses chaussures crissaient ou grinçaient sur le sol, Tom l'entendrait.
Deux étages plus bas, les rires joyeux d'élèves se firent entendre. Tom se dirigea vers eux – sans doute pour vérifier, en tant que Préfet, qu'ils ne faisaient pas de bêtises.
Aethra se retint de lâcher un cri en voyant que les élèves qui chahutaient dans le couloir en mangeant des Chocogrenouilles et autres sucreries étaient son frère et ses amis. Ryan Smith était également parmi eux, avec un camarade de Poufsouffle.
En voyant Tom Jedusor se planter devant eux, les trois Gryffondor et les deux Poufsouffle s'immobilisèrent. Aethra marcha d'un pas lent et se posta contre le mur, de sorte à voir à la fois la bande de son frère et Tom.
— Pourquoi n'êtes-vous pas dans les salles d'étude ? demanda Tom aux élèves de Deuxième et Troisième Année qui lui faisaient face. Ce n'est pas l'heure de jouer. Je devrais peut-être ôter des points à vos maisons afin de vous le rappeler.
— T'es pas le Préfet de Gryffondor, il me semble ! cracha un blond.
— Rappelle-moi ton nom, déjà ? demanda froidement Tom.
— Tim Blake. Je suis le frère de Tom Blake, il est en Septième Année et il peut te...
— Quelle originalité dans les prénoms, railla Tom.
Cette phrase eut pour effet de faire rire Max.
— Tu vas me le payer, sale Serpentard ! rugit Tim.
Il esquissa un geste pour sortir sa baguette, mais Tom fut plus rapide.
En une fraction de seconde, la baguette de Tim vola et tomba à terre, quelques mètres plus loin.
— Ouah, il est rapide ! s'exclama Ryan, mi fasciné, mi effrayé. Je... n'ai rien vu venir !
— Des années d'entraînement, lui dit Jedusor.
Puis, il se plaça devant Tim.
— Pour commencer, je pense que je vais te mettre une retenue. Ensuite, pour les points à ôter à Gryffondor, j'écrirai un mot à ton directeur.
— Et s'il s'excuse ? proposa Ryan d'une petite voix.
— Hors de question ! râla Tim.
Max l'attrapa par le bras.
— N'aggrave pas ton cas, mon pote ! Excuse-toi et partons d'ici !
— Tiens, tiens, susurra Tom, le descendant de Godric Gryffondor a-t-il avalé une pilule de sagesse ? Ou alors, aurait-il peur de moi ?
En voyant la lueur de défi qui traversa le regard de Max, Aethra fut soudainement inquiète pour son frère.
— Prouve-moi la supériorité du lion sur le serpent, gamin. Je t'attends. Viens. Et comme je suis bon joueur, je te laisse m'attaquer en premier.
Aethra en avait assez entendu. Elle marcha jusqu'à se placer dans le dos de Tom, annula son sort de Désillusion et pointa sa baguette sur sa nuque.
— Arrête ! cria-t-elle.
— Aethra..., souffla le Serpentard. Je me demandais quand tu daignerais enfin sortir de ta cachette. Je savais que tu me suivais.
— Parce que tu me suivais, toi, répliqua Aethra. Laisse mon frère et ses amis tranquille ! Pourquoi tu fais ça ?
Tom pivota pour lui faire face. Détendu, un sourire féroce aux lèvres, il ne semblait nullement dérangé ni impressionné par la baguette pointée à un mètre de son visage.
— Allez-vous en, les mômes, ordonna sèchement Tom.
Les amis de Max ne se firent pas prier. Ryan et l'héritier de Gryffondor, en revanche, traînèrent un peu les pieds. Mais sur un signe de tête d'Aethra, ils finirent par quitter les lieux.
— Pourquoi je fais ça ? Parce que j'ai une réputation à tenir, figures-toi.
Il fit un pas en avant. Dans ses yeux dansaient des flammes étranges, à la limite de la colère et de la folie. Aethra fronça les sourcils.
— Une réputation qui s'est un peu morcelée, ces derniers temps. Et tu sais quoi ? C'est à cause de toi. Donc je cherche à redorer mon image. Il est temps que je redevienne le Tom Jedusor froid, calculateur, rusé et ambitieux. J'ai vu clair dans ton petit jeu et je peux t'affirmer une chose, Aethra : cela n'a pas marché. Tu ne m'as pas eu et tu ne m'auras pas. Je t'ai dit d'essayer : je peux t'affirmer que tu as échoué.
— Pourtant, tu me surveilles. Je le sais, Tom. Ne le nie pas.
— Tu as raison. Je te surveille. Je te surveille non pas parce que je me préoccupe de toi mais parce que tu es quelqu'un qu'il faut surveiller. Si je ne peux pas te contrôler, je dois garder un œil sur toi afin de vérifier que tu ne me nuiras pas à l'avenir.
— Pourquoi est-ce que je ferai cela ? Je croyais que nous étions...
— Amis ? termina Tom avec un sourire cruel. Non, Aethra. Tu ne l'as jamais été. Je n'ai pas d'amis et je n'en ai pas besoin. Maintenant, soit tu es avec moi, soit tu es contre moi. Mais je peux t'assurer que nous ne serons jamais amis. Jamais !
Il avait prononcé ce dernier mot plus fort. Sa voix résonna dans les couloirs du château. Durant sa tirade, il s'était lentement approché d'Aethra, qui avait abaissé sa baguette. La jeune femme n'en croyait pas ses oreilles. Comment pouvait-il dire des choses pareilles ?
De nouvelles larmes lui montèrent aux yeux et son estomac se noua.
Les sentiments douloureux qui l'avaient hanté quelques semaines plus tôt revenaient en elle.
D'une voix tremblante, presque suppliante, elle demanda :
— Tom, tu penses vraiment tout ce que tu me dis ?
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