Chapitre 18

Non, mais il joue à quoi, ce Poufsouffle ? pensa âprement Tom.

Il venait de le surprendre en pleine discussion avec Aethra, à l'autre bout de la salle. Il le trouvait très proche d'elle. Sa main était posée sur la sienne et ils se murmuraient encore des choses qu'il ne put entendre. Des choses qui finirent par faire sourire Aethra.

Inconsciemment, sa propre main se serra. Une vague de colère assombrit son âme. S'il n'était pas surveillé par Dumbledore, il se serait bien levé pour aller lui dire le fond de sa pensée, à cet imbécile de Poufsouffle.

— Tom, tu es avec nous ? demanda son camarade de Serdaigle.

Il se reprit aussitôt :

— Oui, je t'écoute Aaron.

Tom se secoua : que se passait-il donc ? Rien ne tournait rond chez lui ! Voilà qu'il se faisait du souci pour Aethra ! Voilà qu'il épiait Nolan Bates et guettait les réactions de la jeune femme ! Pourquoi agissait-il ainsi ?

Il se fichait royalement de ce que pouvait bien devenir Aethra !

Depuis le début du cours, dès l'instant où il s'était retrouvé dans la même pièce qu'elle, il avait pris soin de l'ignorer avec superbe. Cependant, il avait bien remarqué que son attitude troublait la jeune femme. Elle n'avait même pas répondu à la question de Dumbledore sur les Animagi, alors qu'il savait qu'elle connaissait la réponse. Le regard qu'ils avaient échangé ensuite lui en disait long, également. Il sentait qu'elle était triste. Elle devait probablement se sentir rejetée.

Et cela devait continuer. Cela devait en être ainsi.

Tom décida de ne plus se laisser perturber par Aethra et détourna le regard avant de déplacer sa chaise pour lui tourner ostensiblement le dos.

Il se remit au travail au sein de son groupe.

Lorsque les cloches sonnèrent la fin de l'heure, il entendit la voix d'Helena – la Serdaigle – s'élever dans la salle :

— Aethra, ça va ?

Elle semblait vraiment inquiète. Tom s'efforça de ne pas regarder et continua de ranger ses affaires. Mais comme tous ses camarades fixaient désormais la Gryffondor, il dut lui aussi se prêter au jeu, pour ne pas paraître suspect. Il vit qu'Aethra avait le teint très pâle et qu'elle semblait proche de l'évanouissement – enfin, à ce qu'il en savait.

— Conduisez-la à l'infirmerie, Miss Rowin, la pria Dumbledore.

Celle-ci opina et aida Aethra à quitter la salle. Tom la suivit du regard, en tâchant de demeurer impassible. Dès qu'elle eût disparu, il entendit les rires goguenards de ses camarades de Serpentard.

— Ah, celle-là ! railla une fille. Faut toujours qu'elle se fasse remarquer !

— Pas très vaillante, la lionne, aujourd'hui, ajouta un autre.

Tom les entendait, sans réagir.

C'est de ta faute si Aethra est dans cet état, lui susurra une voix au fond de sa conscience. C'est de ta faute et tu le sais.

Oui, il le savait. Et il s'en fichait. Elle allait s'en remettre.

— Tout va bien, Mr Jedusor ? demanda alors une voix.

Tom leva la tête : Dumbledore s'était rapproché et il constata qu'il était le dernier élève présent dans la pièce. Il lui adressa un sourire aimable et quitta les lieux pour rejoindre les autres Serpentard. Ceux-ci parlaient encore de sa camarade de Gryffondor.

— Si seulement elle pouvait ne pas être bien avant notre match de Quidditch, lâcha un garçon. Cela serait un magnifique cadeau !

Amelia Crane tourna la tête et sourit à Tom, qui arrivait à leur hauteur.

— Bon, avoue : qu'as-tu fait à cette garce de Gryffondor pour qu'elle se retrouve dans cet état ? On sait tous qu'il y a quelque chose en...

— Tu as tort. Il n'y a rien entre elle et moi. Et il n'y aura jamais rien.

Sa voix, trop sèche et cassante, ne le rassura pas.

Elle eut au moins le mérite de faire taire la Préfète. Mais pas Xavier.

— Je suis sûr d'une chose : tu lui plais, mec ! Ce serait dommage de ne pas sauter sur l'occasion, si tu vois ce que je veux dire.

Il lui adressa un clin d'œil qui eut pour effet de provoquer une bouffée de rires dans le groupe. Sauf pour Tom. Il ne trouvait pas cela drôle. Pas du tout. Il n'avait jamais vraiment apprécié Xavier mais, comme il venait d'une puissante famille de sorciers, il le tolérait dans son cercle quand il venait s'y inviter. Manie qu'il avait depuis leur première année d'école. Et le fréquenter de temps en temps permettait à Tom d'échapper aux ragots sur son statut de célibataire. Xavier était son parfait opposé, tant dans son apparence physique que dans ses relations avec la gente féminine de Poudlard. Quand il était avec lui, les filles posaient leurs yeux émerveillés sur sa toison blanche aux reflets argentés. Tom trouvait idiot le comportement de ces filles. Il ne les comprenait pas. Quand il les voyait agir ainsi, il ne pouvait s'empêcher de penser que sa mère avait dû faire la même chose en présence de son idiot de père. Et cette pensée le répugnait.

Tom prétexta avoir un livre à rendre à la bibliothèque pour échapper aux commentaires de Xavier sur Aethra. Il ne pouvait plus entendre son nom.

Dans le couloir du Troisième Etage, il croisa un groupe mêlant des élèves de Poufsouffle et de Serdaigle. Parmi eux se trouvait Nolan Bates, le Préfet des jaune et noir. Celui-ci leva les yeux vers lui en le voyant passer. Les deux sorciers échangèrent un regard appuyé, presque de défi. Tom revit le moment du cours où Nolan avait posé sa main sur celle d'Aethra. Au fond de lui, il sentit une vague de colère agiter son âme. Il ne comprit pas.

Tom fit un tour du château pour retourna à la Salle Commune. Il n'en ressortit qu'au moment du repas, où il veillait à se mettre dos à la table des Gryffondor et à ne jamais rester seul. Le lendemain, il ne croisa pas Aethra, ce qui le soulagea. Cet éloignement lui était plus que bénéfique.

Le dimanche, cependant, alors qu'il remontait la cour carrée située à l'arrière du château, il la vit, assise sur un banc près d'une statue d'un aigle, le regard hagard. Elle fixait un point devant elle.

Tout d'abord, Tom s'arrêta et la contempla. Le vent frais de l'automne soulevait ses cheveux bruns qui contrastaient avec la pâleur de sa peau.

Ce qu'elle est belle, songea cette petite voix dans l'esprit de l'héritier.

Il se ressaisit aussitôt, horrifié par ce qu'il venait de penser. Cette étrange petite voix s'incrustait en lui de plus en plus souvent, depuis le baiser qu'ils avaient échangé. Cette étrange petite voix qui l'agaçait. Il était Tom Jedusor, réputé pour ne pas avoir de sentiment, pour ne pas avoir de cœur. Il devait tenir ce rôle à tout prix.

Tom exhala un profond soupir. Il faisait froid et il pleuvait légèrement. Pourtant, Aethra demeurait là, immobile et impassible. Comme les statues qui l'entouraient.

Un atroce dilemme déchirait le Préfet de Serpentard. Il savait qu'il devait passer son chemin et rentrer au château. Mais au fond de lui, quelque chose quelque part lui intimait d'aller voir Aethra, d'aller lui parler pour savoir si elle allait bien. Il savait aussi que jamais il n'aurait eu ce genre de pensée pour une autre élève de l'école.

Aethra était... particulière.

Aethra était... différente.

Tom avait besoin de s'entourer de sorciers et de sorcières puissants. Pour son intérêt personnel, il ne pouvait prendre le risque de la perdre.

Sa décision était prise.

Tom fit un pas en avant.

Mais il se figea en voyant arriver Nolan Bates. Le Préfet de Poufsouffle s'approcha d'Aethra et s'assit à côté d'elle. Tom se cacha derrière une arcade de pierres et les épia. Par un coup de chance, le vent lui porta leur conversation. Le Serpentard l'écouta avec attention.

— Tout va bien, Aethra ? demanda Nolan.

Elle haussa les épaules.

— Tu ne manges presque plus, souffla le Poufsouffle. Tu m'inquiètes. Je ne reconnais plus la jeune femme pétillante et fougueuse que tu étais. Que s'est-il passé ?

— Je... je préfère ne rien dire.

— Serait-ce... à cause de Tom Jedusor ?

Depuis sa cachette, Tom sentit son estomac se nouer. Son souffle s'accéléra et il attendit la réponse d'Aethra avec appréhension.

— Oui.

Tom accusa le coup. Il comprit que sa technique d'ignorance faisait son petit effet. Il s'en doutait déjà, mais maintenant il en avait la confirmation.

Et cela, étonnamment, ne le réjouissait pas.

— Que t'a-t-il fait ?

— Je...

Aethra leva les yeux et les plongea dans ceux de son camarade. Même de loin, Tom y lut une profonde détresse. Savoir qu'il en était responsable lui brisa... le cœur ? Non, impossible. Il savait qu'il n'en avait pas.

Tom serra le poing, furieux contre lui-même.

— Pendant une ronde... Il s'est passé quelque chose entre nous et... et depuis...

Ses lèvres se serrèrent. Tom devina qu'elle pleurait.

Cela lui causa un autre choc : il n'avait jamais vu pleurer Aethra. Aethra, la Lionne de Gryffondor, ne pleurait jamais. Elle était toujours forte et fière, comme le voulaient ses origines. Toujours. Là, elle était méconnaissable.

Là, elle était faible.

Oui, faible.

A cause de l'amour. Car Tom savait qu'elle était amoureuse de lui.

— Depuis, plus rien ? devina Nolan. Aethra, comment te dire ça... ?

Il se passa une main dans les cheveux et continua :

— Je sais que beaucoup de filles de l'école sont amoureuses de Tom Elvis Jedusor. Mais tu n'es pas comme toutes ces filles. Toi tu es plus intelligente. Tu n'as pas pu tomber amoureuse de lui uniquement à cause de son physique avantageux. Alors, j'aimerais bien comprendre... Qu'est-ce qui te plait tant chez lui ? Son intelligence ?

Devant le mutisme d'Aethra, Nolan ajouta :

— Tu ne vois pas la même personne que moi. Il joue un rôle. Il porte un masque en permanence. En réalité, il est froid et manipulateur. Il n'a pas de sentiment, n'éprouve aucun remords et il ne comprend pas l'amour.

Tom se crispa : comment ce crétin de Poufsouffle savait-il tout cela ?

— Comment sais-tu cela ?

Tom esquissa un sourire : Aethra pensait comme lui.

— Je l'ai vu à l'œuvre, une ou deux fois. Quand il sait qu'il est seul, il se dévoile au grand jour. Aethra, je te jure qu'il est dangereux. Promets-moi de t'éloigner de lui. Ne lui parle plus, ne travaille même plus avec lui.

Tom ne savait pas s'il devait jubiler de constater que ce Poufsouffle avait peur de lui ou s'il devait se mettre en colère qu'il dévoile tout cela à Aethra. Il était en train de monter la jeune femme contre lui.

— Aethra, promets-moi de t'éloigner de lui, répéta Nolan. Je serai là pour toi, je veillerai sur toi. Tu as besoin d'un véritable ami, pas d'un manipulateur sournois comme Tom.

Tom vit avec horreur Aethra opiner pour accepter. Nolan sourit et déposa un baiser sur son front. Puis, les deux sorciers se levèrent, main dans la main, et quittèrent la cour.

Tom fulminait. Une rage comme jamais il n'en avait connu monta rapidement en lui. Une rage différente de celle qu'il avait ressentie en apprenant que son père était un Moldu. Non. Cette rage qui flambait en lui était différente. Il ne parvint pas à poser un nom dessus et cette ignorance le frustra davantage. Il n'eut qu'une envie : rattraper Aethra et Nolan pour faire le plus de mal possible à Nolan.

Dans un cri de colère, Tom frappa du poing le mur face à lui. La douleur pulsa dans tout son membre et il grimaça. Des larmes amères, de dépit, de rage et de géhenne montèrent en lui et brouillèrent sa vue.

Des larmes !

Tom dressa sa main valide vers ses yeux et se saisit de l'une d'elles. Il la regarda avant de la laisser s'écraser sur le sol.

Plus jamais !

Plus jamais il ne pleurerait ! C'était la première et la dernière fois !

Aethra avait donc choisi d'écouter cet idiot de Poufsouffle ? Soit ! Bien lui en fasse ! Il l'ignorerait chaque jour à partir de maintenant !

Sa décision prise, Tom remonta la cour pour aller au chaud dans la Salle Commune des Serpentard, l'esprit encore troublé par la colère.

Et la déception. 

Voilà, encore un chapitre du point de vue de Tom. Je vous avais dit qu'il y en aurait d'autres ^^

Et Nolan joue parfaitement son rôle aussi xD 

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