Chapitre 16
Tout d'abord, Tom ne comprit pas ce qu'il lui arriva. Il estima qu'il fallait une bonne dose d'audace – ou de folie – pour oser tenter une chose pareille. Et apparemment, Aethra possédait les deux.
Puis, son corps réagit d'une manière qui l'étonna. Son cerveau semblait ne plus fonctionner. Il sentait des picotements parcourir sa peau et les battements de son cœur qui s'accéléraient. Son sang bouillait dans ses veines. En même temps, un cube de peur glacée se nichait dans son estomac, contracté par des sentiments qu'il ne comprenait pas. Des sentiments qui affluaient en lui telle la marée montante, à la vitesse d'un cheval au galop.
Sans même s'en rendre compte, obéissant à une irrésistible pulsion, Tom répondit à la pression exercée par Aethra sur ses lèvres. Quand il respirait, il sentait les effluves de son parfum suave et sucré, ce qui lui faisait tourner la tête. C'était la première fois qu'il éprouvait une chose pareille, et cela le décontenançait. Cela le rendrait ivre. Ce contact, loin d'être désagréable, il aurait souhaité le prolonger le plus longtemps possible.
Mais enfin, une part de lui-même se réveilla et il rompit le baiser dans un geste presque brutal. Il se releva promptement, le souffle court, les jambes pantelantes et le regard hagard.
— Que... ? Qu'as-tu... ? bredouilla-t-il.
Il tenta vainement d'ignorer les battements de son cœur, qui redoublèrent de force quand Aethra posa ses yeux verts sur lui. Il lut une chose en elle, dans l'intensité de son regard, qu'il n'avait jamais observé avant. Tom était parfaitement incapable de définir cette chose avec précision, mais il sentait qu'elle l'admirait sincèrement et profondément.
Tom se mordit la lèvre, perturbé. Que devait-il faire ? Lui lancer un sort pour qu'elle oublie ce qu'elle venait de faire ? Non, mauvaise idée car lui ne serait pas capable d'effacer cela de sa mémoire. Devait-il... la tuer ? Il connaissait la formule et se savait assez puissant pour y parvenir... mais il balaya cette hypothèse aussi vite qu'elle lui avait frôlé l'esprit.
Alors quoi ? Il ne pourrait rester planté là, debout, le regard vide...
— Tom..., souffla la douce voix d'Aethra. Tout va bien ?
— Ne... ne m'approche plus ! cracha-t-il d'une voix glaciale qu'il voulut méprisante.
Mais elle trembla trop pour être convaincante, il le savait. Et sa camarade de Gryffondor aussi.
Sur ce, Tom quitta les lieux à grandes enjambées, aussi rapidement que ses membres flageolants pouvaient le lui permettre. Il savait que c'était impoli de planter la jeune femme, mais il n'avait pas d'autre choix. Il devait fuir avant que son masque ne tombe.
Dès qu'Aethra fut hors de sa vue, l'héritier de Serpentard se mit à courir le plus vite possible. Il se dirigea directement vers son dortoir, où il ôta sa robe de sorcier et s'allongea sur son lit, encore troublé.
Tom fixa le plafond, l'esprit occupé par des pensées auxquelles il n'aurait jamais même songé. Tout ce à quoi il réfléchissait le ramena irrémédiablement vers Aethra. La descendante de Gryffondor hantait son esprit, comme un fantôme de Poudlard.
Quand Tom se passa la langue sur les lèvres, il sentit un drôle de parfum sucré. Il comprit que c'était là le goût du baiser d'Aethra et cela réveilla en lui des sensations inédites. Combien de temps avait duré leur échange ? Une minute ? Deux ? Dix ? Il avait été tellement vulnérable, pendant cela ! Il se rendit compte qu'il avait baissé sa garde. Tom considéra, à partir de cette conclusion qui lui tira un sourire, que ce moment ne devait plus se reproduire : il avait été vulnérable. Or, il s'était juré de ne jamais l'être.
Heureusement que personne ne les avait surpris. Cet événement aurait relancé de plus belle les rumeurs déjà bien présentes dans le château depuis quelques jours. Lui qui s'efforçait d'étouffer ce genre de ragot depuis qu'il était en Troisième Année, il refusait de voir les flammes se raviver.
Pourtant, Aethra avait raison sur un point : les histoires d'amour étaient légion, à Poudlard. Et depuis trois ans, il supportait tant bien que mal les colportages sur sa personne et sur son célibat. Plusieurs de ses camarades lui avaient déjà demandé s'il était attiré par telle ou telle fille. Il avait le choix, à Poudlard. Mais jamais aucune n'avait gagné son cœur. Et aucune ne le gagnerait jamais. Il se l'était promis. Il refusait de répéter les mêmes erreurs que sa mère.
Cette pensée assombrit son âme. Comment Merope Gaunt, Sang-Pur et descendante de Salazar Serpentard, avait-elle pu se laisser piéger par cette bêtise qu'était l'amour ? Et de surcroit, avec un méprisable Moldu qui ne l'aimait pas ! Tom grogna et tourna la bague de son grand-père, qui ornait son majeur gauche. Son imbécile de géniteur avait déjà payé pour ses crimes. Il n'était désormais plus de ce monde.
Aethra n'est pas une Moldue... Elle descend de Gryffondor..., chuchotait une voix abjecte dans les tréfonds de son esprit.
Tom la chassa rageusement et exhala un profond soupir. Il ferma les yeux et tenta de se calmer, de redevenir maître de lui-même. Il prit plusieurs inspirations avant de sentir finalement les battements de son cœur s'apaiser.
Ouf.
Cette vague de sensations inédites et étranges semblait passer.
Tom en fut grandement soulagé.
Machinalement, il frôla ses lèvres du bout des doigts. A présent qu'il avait repris le contrôle de sa personne, il se demanda comment un simple contact sur cet endroit du corps pouvait troubler autant. Lui qui adorait manipuler les gens, il pourrait aisément s'en servir pour parvenir à ses fins.
Non, décida-t-il, c'était risqué. Et si ses étranges sentiments venaient à se réveiller et pire, à s'intensifier ? Il ne pouvait se le permettre.
Et si...
Une idée malsaine germa dans son esprit.
Et si Aethra, qui avait parfaitement conscience et connaissance de l'effet que cela prodiguait, l'avait embrassé dans le seul but de le manipuler ?
Si son hypothèse se vérifiait, il devrait à tout prix l'éviter et l'évincer de son chemin, car elle serait trop dangereuse pour lui.
Mais en était-il seulement capable ?
Bien contre son gré, ses pensées se dirigèrent une nouvelle fois vers leur baiser, comme des relents qui revenaient le perturber. Tom devait admettre que c'était agréable. Même redevenu maître de lui, cette constatation restait nichée en lui.
Tom soupira : la nuit risquait d'être longue pour lui.
Chaque fois qu'il fermait les yeux pour se lancer dans une nouvelle tentative de trouver le sommeil, cela s'avéra impossible. Il était tellement troublé qu'il ne parvenait pas à penser à autre chose. Même quand il alluma sa lampe de chevet pour réviser une leçon ou lire de nouvelles choses sur des formes de maléfices anciens et pernicieux, Aethra ne s'ôtait pas de sa tête.
— Sors de mes pensées ! grogna-t-il finalement à voix haute.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? lui demanda une voix.
Tom loupa un battement et se retourna aussi vivement qu'un serpent qui s'apprête à mordre. Avery ne dormait pas. Il venait sûrement de se réveiller, car il ne l'avait pas entendu jusque-là.
— Rien... rien..., répondit-il en arborant un sourire aimable. Je révisais. Tâche de ne pas me déranger.
La dernière phrase fut prononcée comme un ordre, et Avery comprit ce qu'il lui restait à faire : dormir.
Finalement, Tom referma son livre d'un geste sec et retourna s'allonger. Il ferma les yeux et s'exerça à l'Occlumancie en vidant son esprit. Au départ, cela ne fonctionna pas, Aethra pénétrant ses pensées à chaque fois. Puis, il parvint à tenir deux minutes, puis trois, puis cinq. Jusqu'à dix.
Et il ne compta plus.
TomJedusor sombra enfin dans les bras de Morphée, satisfait d'échapper pourquelques heures à la Lionne de Gryffondor.
Ce chapitre est le premier que j'écris dans la peau de Tom Jedusor. C'était plutôt une chouette expérience, alors je pense qu'il y aura d'autres chapitres narrés du point de vue de Tom. C'est assez difficile d'essayer d'être le plus fidèle possible au caractère du personnage original tout en le confrontant à ce genre d'événement.
Mais bon, comme on ne sait presque rien des sept années de scolarité de Tom, on peut facilement imaginer qu'il a quand même connu quelques aventures (sans pour autant être amoureux). Et puis... quand on sait ce qu'il se passe dans l'Enfant Maudit, la théorie du mec qui fuit les femmes ne tient plus.
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