Chapitre 14

Aethra songea toute la nuit à la future décision de Dippet. Elle tourna dans sa tête toutes les possibilités qui s'offraient au directeur quant à son sort. La pire de toutes serait l'exclusion définitive de Poudlard. La jeune fille n'osa pas imaginer la réaction de ses parents. Et même si on lui ôtait son titre de Préfète, elle savait que Dumbledore écrirait une lettre à ses parents pour le leur dire. Et elle recevrait une Beuglante. Quelle humiliation !

L'héritière de Gryffondor s'endormit tard et son sommeil fut hanté par des visions plus ou moins sombres. Elle entendait un rire étrange dans un univers nappé de brume violâtre.

Au petit matin, ce furent les rayons du soleil qui la réveillèrent. Elle cilla, aveuglée, et s'arracha de ses couvertures. Elle n'avait pas cours le jeudi matin ; le dortoir était donc vide à son réveil. Aethra consulta sa montre et vit qu'il n'était pas loin de dix heures. C'était trop tard pour descendre prendre son petit-déjeuner dans la Grande Salle, servi jusqu'à neuf heures pendant la semaine. Cette mesure avait été prise pour empêcher les étudiants de dormir trop longtemps et de les pousser à se lever tôt pour réviser, même s'ils n'avaient pas cours. Cela ne marchait pas toujours ; certains prenaient de la nourriture en cachette, ou directement au dortoir, et d'autres dormaient le plus longtemps possible.

Lentement, Aethra se leva et commença à s'habiller. Elle s'approcha de son miroir, qui lui renvoya l'apparence d'une sorcière au visage pâle et fatigué, aux cheveux emmêlés. Elle enfila son uniforme : chemise blanche, jupe grise, collants, souliers noirs, cravate rouge et or et pour finir, un gilet gris sans manche, avec le col aux couleurs de Gryffondor. Puis elle coiffa ses cheveux en une tresse et tenta de faire disparaître ses cernes sous un trait de correcteur. Elle se maquilla légèrement les yeux, se parfuma et estima être enfin prête pour cette nouvelle journée.

Elle enfila sa robe de sorcière et descendit dans la Salle Commune. Heureusement, certains Gryffondor pensaient toujours à ramener de quoi boire et manger de la Grande Salle, ou directement des cuisines. Elle entreprit donc de se servir un verre de jus de fruits et de grignoter un toast rassis de la veille. Aethra était en train de s'essuyer la bouche quand le professeur Dumbledore entra dans la Salle Commune.

— Ah ! Miss Hallow ! Je vous cherchais. Le directeur souhaite s'entretenir avec vous. Tout de suite.

Aethra opina et tâcha de masquer sa crainte. Elle suivit Dumbledore dans le couloir, où elle croisa son amie Helena. La rousse lui adressa un sourire encourageant. L'histoire avait fait le tour de l'école, et en particulier chez les Serdaigle. Aethra supposa que le cousin de Charly avait essayé de monter sa maison contre elle. Mais à en voir l'attitude de Helena, il n'avait de toute évidence pas réussi avec elle.

Dippet l'attendait, assis derrière son bureau. Enveloppé dans une grande cape violette, il observait Aethra, debout devant lui, mains dans le dos. Les mains jointes sous le menton, il semblait soucieux.

— Racontez-moi ce qu'il s'est passé, Miss Hallow, dit-il simplement.

Aethra hésita puis lui narra toute l'histoire, dans les moindres détails. Elle commença par le harcèlement qu'elle subissait depuis que les étudiants de l'école croyaient qu'elle sortait avec un de ses camarades et termina par nommer le sortilège qu'elle avait effectivement lancé sur le Serdaigle. Une plume enchantée notait tout ce qu'elle disait sur un parchemin.

Finalement, Dippet soupira et conclut :

— J'ai effectivement entendu des bruits de couloir au sujet d'un potentiel « harcèlement », mais je ne savais pas qui était l'élève concerné. J'ai pu parler avec Mr Jedusor plus tôt ce matin, qui m'a livré sa version des faits. Je dois vous dire qu'il a été très en colère de savoir que vous avez provoqué une rumeur qui le concernait.

L'estomac d'Aethra se noua. Allait-elle subir le courroux de Tom ?

— Mais il a choisi de vous pardonner, continua le directeur. Ce garçon est la bonté et la gentillesse même ! Quelle âme généreuse ! Il m'a même apporté son témoignage de l'incident, qui concorde avec le vôtre. Selon lui, vous n'avez fait que vous défendre, car Mr Cott vous a insulté et vous a frappé en premier. Le confirmez-vous ?

Insulté, oui. Frappé, non. Quels mensonges Tom avait-il dit à Dippet ? Il s'était montré très convaincant – une fois de plus.

— Oui, Monsieur. Je confirme tout. Tom... a été témoin de la scène.

— Oh, vous l'appelez Tom ? demanda le directeur en esquissant un petit sourire.

Aethra fronça les sourcils, étonnée.

— Bah... oui. C'est mon camarade.

— Il garde toujours ses distances, même avec ses camarades. Même avec ses propres camarades de Serpentard.

Il se racla la gorge et ajouta :

— Dites-moi, ma chère, est-ce vrai que vous êtes une lointaine descendante de notre illustre Godric Gryffondor ?

— Comment avez-vous eu cette information, Monsieur ?

— J'étais ami avec votre oncle Daniel, avant son décès. Il m'avait un jour dit que les Harrow étaient les derniers héritiers de Gryffondor.

— C'est vrai, Monsieur.

Le directeur mit fin au sortilège sur sa plume et prit la feuille, qu'il plia en deux. Il sortit sa baguette et tapota le papier en prononçant une formule qui dupliqua la feuille. Il reposa l'un des deux exemplaires sur son bureau et sortit une enveloppe pourpre de son bureau.

— Je pense que vous êtes l'une des dernières familles des Fondateurs à exister. Il me semble qu'il y a encore les Smith pour Poufsouffle, mais il ne reste qu'une seule branche, et ils ne sont pas nombreux.

— Oui, j'ai rencontré Ryan Smith. Il est en Deuxième Année.

— Ah, le frère cadet d'Hepzibah et de John ? Je ne savais pas qu'il y avait encore un enfant : John doit avoir vingt ans et sa sœur, plus de vingt-cinq.

Aethra sourit, ravie que la discussion prenne ce tournant. Visiblement, il avait déjà oublié l'incident.

Mais la jeune femme voulait connaître sa ou ses sanctions. Elle posa la question au directeur.

— Le professeur Dumbledore a déjà pris les sanctions nécessaires à votre égard. Je ne vois pas pourquoi j'en rajouterai. J'écrirai toutefois à vos parents, car je vais envoyer un hibou à ceux de Charly Cott.

Il se leva et lui serra chaleureusement la main.

— Bien, Miss Hallow. Je vous souhaite une bonne journée.

— Merci de votre clémence, Monsieur. Bonne journée à vous aussi.

Aethra quitta le bureau d'un pas rapide, sans donner l'impression qu'elle fuyait le directeur. Elle n'en croyait pas ses oreilles. Pourquoi s'était-il montré aussi gentil ? Elle avait quand même agressé un élève ! Certes, ce n'était pas la première fois qu'elle attaquait un de ses camarades – Tom pouvait en témoigner – mais c'était la première fois que cela se révélait aussi dangereux. Le Serdaigle aurait pu perdre la vie.

La jeune femme descendit quelques étages plus bas et retrouva la Grande Salle, occupée à cette heure par les élèves qui faisaient leurs devoirs. Hors des horaires des repas, cette salle était dédiée à l'étude. Et pendant ce temps, les élèves des différentes Maisons pouvaient se mélanger. Aethra vit qu'un groupe de Cinquième Année composé de Serdaigle, de Poufsouffle et de Gryffondor révisaient ensemble leurs BUSE. Plus loin, un trio de Serpentard faisait un devoir commun avec une fille de Poufsouffle. Et un autre Serpentard était installé à la table des Serdaigle avec deux camarades. Entre autres. Cependant, aucun Serpentard n'était assis à la table des Gryffondor, et inversement. D'ailleurs, aucun élève issu de ces deux Maisons ne travaillait ensemble. Aethra soupira, triste de ce constat. La rivalité millénaire entre Godric Gryffondor et Salazar Serpentard ne s'était pas apaisée. Elle avait même la sensation qu'elle se renforçait, depuis quelques mois. Quand elle était en Première Année, de rares étudiants rouge et vert se mélangeaient. Mais là, plus rien. Comme si quelqu'un donnait un discours qui visait à creuser le fossé et à intensifier l'animosité légendaire des lions et des serpents.

Seulement, qui avait le charisme et le talent d'orateur nécessaire pour... ?

Aethra, tu es bête ou quoi ? C'est forcément Tom ! pensa-t-elle.

La jeune femme soupira, las de n'avoir fait ce constat que maintenant.

Aethra s'assit à la table des Gryffondor, en face de son frère. Max était étonnamment plongé dans ses devoirs. Et il devait en avoir pas mal, vu la pile de livres qui s'étalait à côté de lui. La jeune femme sourit avec nostalgie en repensant à sa Troisième Année. Une année scolaire chargée, où chaque élève choisissait de nouvelles matières. Aethra savait que Max, pour ne pas décevoir leur mère – une érudite en matière de magie – avait dû choisir trois disciplines, et non deux comme il le souhaitait. Il avait donc opté pour les Soins aux Créatures Magiques, l'étude des Runes – qui ne le passionnait pas – et la Divination – cours pendant lesquels il s'ennuyait.

— L'an prochain, je lâche la Divination ! déclara-t-il en refermant son cahier d'un geste sec. C'est nul et ça ne sert à rien !

— Je ne peux pas dire le contraire, admit Aethra en sortant ses affaires.

Elle avait elle-même abandonné la Divination, mais en cours de sa Troisième Année. Cette histoire avait beaucoup offusqué Dumbledore, mais il avait fini par céder. Cependant, Aethra avait gardé l'Arithmancie et les Soins aux Créatures Magiques. Les deux matières qui lui paraissaient les plus pertinentes pour devenir Auror.

Tandis qu'Aethra trempait sa plume dans l'encrier pour commencer un devoir de Défense contre les Forces du Mal, un petit Poufsouffle aux cheveux noirs s'approcha d'elle. Il avait trois livres serrés dans ses bras et marchait d'un pas hésitant.

Aethra leva la tête et sourit en reconnaissant Ryan Smith.

— Ah, salut ! Tu vas bien ?

— Mieux qu'hier soir, avoua-t-il.

— Tu veux t'assoir avec nous ? lui proposa-t-elle.

Il opina frénétiquement de la tête, avec un sourire. Puis il enjamba le banc et s'installa à droite de l'héritière de Gryffondor. Max releva le menton et adressa un salut de la main à Ryan.

— Max, je te présente Ryan Smith.

— Enchanté, mec ! Tu es en Première Année ?

— Deuxième. Et toi ?

— Troisième.

Max posa les avant-bras sur la table et désigna ses livres.

— Pas trop dur, la Deuxième Année ?

— Moins que la Troisième, d'après mon frère.

— C'est pas faux, sourit Max.

Aethra esquissa un sourire, ravie de les voir bien s'entendre. Max se proposa de lui-même pour aider Ryan à finir son devoir de Botanique. Puis, les deux garçons se lancèrent dans une partie d'échecs version sorcier.

— Alors, à ce qu'il paraît, déclara Ryan après avoir pris un fou à Max, tu es un descendant de Godric Gryffondor ?

Max fronça les sourcils et dévisagea un instant sa sœur, qui avait un air malicieux aux coins des lèvres tandis qu'elle rédigeait un paragraphe sur les Inferi. Il leva les yeux au ciel et approuva.

— Cool ! s'exclama Ryan. Moi, je descends de Helga Poufsouffle. Dis... j'y pense depuis un moment, mais comme je croyais être seul, je n'osais pas en parler... Et si on se créait un truc spécial, entre héritiers ? Nous sommes trois...

— Un truc spécial ? demanda Max en arquant un sourcil. Genre quoi ?

Ryan haussa les épaules.

— Un club secret ? proposa Aethra entre deux mots. Où on s'entraiderai et on s'entraînerai ?

Les deux garçons se regardèrent et furent aussitôt enchantés par l'idée.

— Le Club des Héritiers ! s'exclama Max, enjoué.

— Ouais, super nom ! approuva Ryan.

— Parlez moins forts, les garçons, leur recommanda Aethra, et ne vous emballez pas trop vite...

— C'est toi qui lâche des idées folles ! rouspéta Max.

— Il y a quatre Maisons à Poudlard. Or, à nous trois, nous ne représentons que deux de ces quatre Maisons. Il nous faudrait des héritiers de Serdaigle et de Serpentard, pour que ce projet voie le jour.

— Oh non, pas Serpentard, grogna Max.

— Serdaigle, il y a deux jumelles qui...

— Les jumelles vont toujours par deux, rigola Max.

— Il y a des héritiers à Serdaigle ? s'intéressa Aethra. Tu les connais ?

— Elles sont là-bas. Les filles aux cheveux noirs.

Aethra tourna la tête et vit deux filles qui rigolaient ensemble en essayant de jeter un sort sur un verre à pied. Elles semblaient complices. Les cheveux d'un noir de jais, la peau basanée et les yeux marron, elles se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. L'une avait les cheveux attachés en une queue de cheval et l'autre les laissait libres.

— Comment elles s'appellent ? demanda Aethra à Ryan.

— Mary et Cindy Claw. Elles sont en Cinquième Année.

— Tu es sûr qu'elles descendent de Rowena Serdaigle ? questionna Max.

— Oui. Elles en parlaient une ou deux fois avec leurs amies. Et je les ai souvent vues porter des bagues dont la forme évoque un aigle. Je suis sûr de moi : elles sont des héritières, comme nous.

Aethra déchira un morceau de parchemin et rédigea un mot rapide. Puis elle se leva, plia le papier et remonta la rangée de table jusqu'à parvenir à la hauteur des jumelles. Là, elle le déposa dans l'un de leur plumier et continua son chemin en sens inverse.

Au moment où elle retournait s'asseoir, quelqu'un se saisit de son bras. Elle tourna la tête et tomba sur Tom.

— Il faut qu'on parle, dit-il. Maintenant.

Le ton était sec et ne souffrait d'aucune réplique. 

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