Aethra demeura muette, digérant la question que venait de lui poser son camarade. Des dizaines de questions se bousculaient dans sa tête, sans aucune réponse. Pour quelle raison Tom lui demandait-il cela ?

La jeune femme le regarda s'approcher d'elle, l'air menaçant. Il ne plaisantait pas. Si elle ne lui fournissait pas une réponse satisfaisante, elle savait qu'il n'hésiterait pas à lui jeter un sort.

Tremblante, elle répondit dans un souffle :

— Je ne suis pas ton ennemie, Tom.

Un sourire fendit les lèvres de l'héritier de Serpentard. Il abaissa sa baguette et contempla le livre qu'il tenait en main.

— Toi et moi, nous pouvons accomplir de grandes choses. Cependant, si tu souhaites être mon alliée, il y a des secrets que tu ne devras partager avec personne.

— Comme quoi ?

— Ce livre contient des sorts de magie noire que même Dumbledore ne pourrait neutraliser. Des sorts d'une magie très ancienne, oubliée depuis des siècles par les sorciers eux-mêmes. Une magie bien plus vieille que Poudlard. Une magie... difficile à canaliser.

— C'est peut-être pour cela qu'elle a été oubliée, Tom.

Une lueur de défi passa dans son regard.

— Je veux être le premier sorcier à retrouver ces pouvoirs anciens. Mais pour cela, j'aurais besoin de l'aide de quelqu'un de très puissant. Quelqu'un comme l'héritière de la lignée Gryffondor, par exemple.

Aethra l'observa, songeuse. Ce n'était pas dans ses habitudes de demander de l'aide. Tom était un solitaire qui préférait agir seul. Cependant, Aethra devait admettre qu'elle se sentait flattée d'être considérée par Tom comme une sorcière puissante. Il estimait rarement ses camarades. Il se positionnait comme un chef et se contentait de donner des ordres. Elle le voyait bien, avec sa bande de Serpentard. Elle était donc heureuse de comprendre que Tom la voyait comme plus qu'un simple sbire.

— Quand partiras-tu à la recherche de cette ancienne magie ? demanda Aethra.

— Dès les vacances de Noël. Je n'ai pas de temps à perdre.

— Tom, il y a un problème : nous sommes mineurs. Nous sommes encore marqués par la Trace. Si jamais nous devons nous défendre ou...

— Je n'ai jamais dit que je t'emmènerai avec moi dès le premier voyage. J'ai d'abord besoin de vérifier deux choses : la véracité des propos tenus par ce livre et ta loyauté.

Aethra fronça les sourcils.

— Ma... ma loyauté ? répéta-t-elle.

— Je t'ai dit qu'il y avait des secrets à ne pas partager. Je verrai bien si tu arrives à tenir ta langue. Sache que si tu en parles à Dumbledore – ou à une autre personne – je le saurai.

Tandis qu'ils se jaugèrent du regard, un loup hurla quelque part dans les profondeurs de la forêt. Tom balaya les ténèbres de la sylve d'un regard, armé de sa baguette, et déclara :

— Il est temps de retourner au château.

Aethra opina et suivit son camarade. Plein de questions se bousculaient dans sa tête : comment Tom avait-il eu ce livre ? Comment savait-il qu'il se trouverait là ? Qui le lui avait dit ? Elle se retint difficilement de poser ces questions qui lui brûlaient les lèvres et se contenta de marcher dans le sillage du Serpentard.

Le reste de la nuit se passa sans encombre. Aethra et Tom ne s'adressèrent plus la parole. Ce silence pesant eut deux effets contraires sur la jeune femme : dans un premier temps, il la rassura ; mais ensuite, il la plongea dans une profonde angoisse. Elle tâcha de masquer cela à Tom, même si sa voix tremblante au moment de lui souhaiter un bon repos dut la trahir.

Dès que Tom fut hors de sa vue, elle se précipita aux dortoirs de Gryffondor et s'écroula sur son lit. Elle versa sur les draps blancs des larmes salées, emplies d'amertume. Tout son corps tremblait. Elle ne comprenait pas cette réaction.

En fait, si, elle la comprenait. Mais elle ne l'admettait pas. Son déni était si fort qu'il lui bloquait l'accès à la raison.

Ce qu'Aethra comprit quelques heures plus tard, alors que ses camarades se réveillaient, c'était que les rumeurs sur Tom étaient vraies : il s'intéressait véritablement à la magie noire. Et il était en train de changer. En train de basculer vers les ténèbres.

Si ce n'était pas déjà fait.

Son ami allait-il devenir un Mage Noir, comme Grindelwald ? En cette heure sombre, elle le redoutait.

Aethra se leva une heure après les autres, l'esprit embrouillé, confus, et le corps lent et maladroit. Elle aurait aimé rester couchée toute la journée, mais c'était impossible. Elle avait son premier cours à dix heures, ce matin-là. Elle tenta d'organiser sa tignasse brune et opta finalement pour une tresse serrée. Puis elle enfila une autre tenue de Gryffondor et se rendit à la Grande Salle d'un pas traînant.

A peine fut-elle installée face à un bol de lait fumant que son amie Matilda Barrow vint se coller contre elle en gloussant.

— Je viens aux nouvelles ! Comment s'est passée ta première nuit avec Tom Jedusor ? Vous vous êtes embrassés ?

— Non. Il n'est guère romantique...

— Oh, ça viendra ! Je ne perds pas espoir !

Aethra, elle, ne savait pas si elle en avait encore, de l'espoir. Son esprit était trop fatigué. Il réclamait un lit moelleux et des heures de sommeil.

Machinalement, elle se servit des toasts qu'elle tartina de confiture. Elle but un thé bien chaud, réputé revigorant, pour tenir sa journée. Elle avait tout d'abord deux heures de Potions, puis Histoire de la Magie et Arithmancie après la pause du midi. Elle partagerait le cours du matin avec les élèves de Serpentard. Elle ne savait pas si cela la réjouissant, d'autant plus que Matilda faisait également partie du cours, ayant réussie sa BUSE l'an passé.

Après le petit-déjeuner, quand les cloches sonnèrent dix heures, Aethra et son amie se rendirent aux cachots, où les attendaient déjà les élèves de la maison Serpentard. Ils n'étaient que sept. Cela changeait de l'an dernier, où une trentaine d'élèves s'entassaient dans la pièce enténébrée à l'atmosphère parfois étouffante. Cette année, ils n'étaient que quinze, si on ajoutait à cela les huit Gryffondor.

Tom, plongé dans un livre, n'accorda aucune attention à ses camarades de la maison rouge et or.

Aethra et Matilda, comme à leur habitude, se placèrent au fond de la salle et ouvrirent leurs sacs. Le professeur Slughorn salua chaleureusement Tom, Aethra et trois autres élèves qu'il chérissait, avant de s'installer à son bureau pour exposer le thème du cours.

Dès qu'ils furent laissés en autonomie pour concocter leur potion, Matilda ne put s'empêcher de bavarder :

— Bon, quand vas-tu déclarer ta flamme à Tom ?

— Jamais.

— Je suis sûre que vous deviendrez deux grands Aurors ! Ce serait génial que vous ayez des enfants : imagine un peu, les héritiers des maisons Gryffondor et Serpentard, unis !

— Je t'avoue que j'ai du mal à me le figurer...

Matilda fut stoppée dans son entrain. Elle jeta un œil vers Tom, pour s'assurer qu'il ne les écoutait pas, et se pencha vers Aethra pour chuchoter :

— Dis-moi, je ne t'ai jamais vu réagir ainsi quand je parle de Tom. Tu es sûre que ça va ? Il s'est passé un truc, cette nuit ?

L'estomac d'Aethra se noua. Ses mains se mirent à trembloter. Elle réagit avant que son amie ne puisse s'en rendre compte. Puis, elle releva la tête et afficha son sourire le plus aimable et serein :

— Oh, rien du tout, c'était très calme. Juste...

Veillant à se faire voir par Tom – qui venait de regarder vers elles – elle glissa quelque chose à l'oreille de Matilda. Cette dernière pouffa si fort de rire que Slughorn dut la réprimander.

Aethra attendit la fin du cours pour avoir enfin la réaction du Préfet de Serpentard. Il passa derrière elle et, se saisissant de son bras, lui demanda froidement :

— Qu'as-tu dit à ton amie ? Tu sais que si tu parles, je...

— Détends-toi... Je lui ai simplement dit que tu embrassais très mal.

— Quoi ?! Mais... On... Tu... tu as osé !

Voir Tom Jedusor aussi déconfit arracha à Aethra son premier vrai rire de la journée. Finalement, vu comme cela, il n'était plus très crédible, le Mage Noir en puissance...

C'était un mensonge. Mais un mensonge qui, partant de Matilda, allait faire le tour du château. Aethra avait hâte de voir la réaction de Tom, qui allait probablement tout faire pour démentir. Comment allait-il se tirer de ce mauvais pas ?