6. La librairie du Chat-qui-danse
Vu comme ça, la devanture ne payait pas de mine.
Rhéane dû vérifier plusieurs fois que l'adresse correspondait à celle marquée sur son petit papier avant de se décider à toquer prudemment. Et même encore là, elle avait des doutes. Sa tante avait dû griffonner l'adresse à la hâte avant de partir travailler, ce qui expliquait pourquoi Rhéane avait trouvé le post-it sur la table du petit-déjeuner, mais du coup, l'écriture était brouillonne et quasiment illisible. Elle avait beau être habitué aux pattes de mouches de sa mère, ce n'était pas pour autant qu'elle arrivait à déchiffrer celles de sa tante, et elle avait dû s'y reprendre à plusieurs fois avant que Google Maps ne reconnaisse enfin la destination.
Même avec ça, elle avait eut des difficultés à rejoindre ladite adresse. Sans compter le fait qu'elle n'était jamais venu ici et que le réseau marchait aléatoirement, la ville en elle-même portait incroyablement à confusion. Les maisons résidentielles modernes et bien entretenues où habitaient sa tante avaient laissé place à des rues remplies de boutique, puis tout avait semblé changer du tout au tout. Elle s'était retrouvée dans un quartier pavé, aux rues étroites, entouré de remparts en granit, qui n'avait rien à voir avec le reste de la ville. L'ambiance ici différait tellement de l'endroit d'où elle venait qu'elle dû retourner son téléphone dans tous les sens avant de conclure qu'elle ne s'était pas retrouvé malencontreusement dans le mauvais endroit à cause d'un bug quelconque.
L'angoisse de s'être trompée de route passée, elle put enfin apprécier la beauté et la singularité du lieu où elle se trouvait. Même si elle n'avait aucune envie d'apprécier cette ville, et que la foule de touristes qui stagnaient devant les devantures colorés l'exaspéraient, elle devait bien admettre qu'il y avait un certain... Charme dans cette partie de la ville. Malgré tout, elle ne pouvait trop s'y attarder, car Aiko avait bien préciser que ses futurs employeurs l'attendaient à 15h pile.
Mais maintenant, un autre problème l'attendait : était-elle devant la bonne porte ? Elle tenta de se rassurer en se répétant que c'était le seul endroit possible, étant donné que les autres maisons de la rue étaient déjà remplies de boutiques et que c'était la seule vitrine encore en construction, avec des cartons empilés et des papiers journaux collés aux vitres pour empêcher les gens de constater l'avancée de la décoration intérieure. En dépit de ce raisonnement, elle avait peur d'arriver chez des gens à l'improviste, qui ne manquerait pas de la regarder bizarrement. Heureusement, quelques secondes plus tard une femme d'un âge avancé au regard doux ouvrit la porte, confirmant que c'était bien le bon endroit.
-Oh hello, dear ! s'exclama-elle en laissant entrer la jeune fille. You must be Rhéane, right ? I've heard so much about you ! It's a pleasure to finally meet you ! I'm Elisabeth, Aiko must have told you about me. I hope you found the shop easily ? It's kinda narrowed out here, and everything look alike, we had trouble finding it the first time !
Elle prononçait "Rhéane" avec un accent français impeccable, ce qui ne laissait pas de doutes sur sa capacité à maîtriser impeccablement les deux langues. Son choix de l'anglais était probablement un test, étant donné que la tante et la mère de Rhéane avaient dû se vanter de son haut niveau. Elle voulait donc voir si la jeune fille était à la hauteur de sa réputation. Aussitôt cela réalisé, la panique envahit Rhéane, comme à chaque fois que quelqu'un l'idéalisait beaucoup trop et qu'elle ne se sentait pas à la hauteur de ce qu'on attendait d'elle. Tu vas les décevoir, tu vas les décevoir, forcément, tu ne seras jamais comme elles s'attendent à ce que tu sois ! Cette voix dans sa tête n'était même pas à blâmer, car il ne s'agissait que de ses propres peurs mises en mots, il ne s'agissait que d'elle-même. Elle était sa propre critique, sa propre ennemie, s'empêchant de réaliser ce qu'elle était capable de faire. Il fallait qu'elle se rassure, se dise de quoi elle était capable, et le prouver.
Elle pris une grande inspiration et débita d'une traite :
-Yes I am, and the pleasure is shared ! I did have trouble finding the right street, but as you can see, I managed to get to it !
Elisabeth eut un sourire appréciateur et Rhéane sut qu'elle avait gagné. Elle sentit une petite pointe de fierté gonfler dans son coeur, comme à chaque fois qu'elle sentait que sa maîtrise de l'anglais impressionnait son interlocuteur. C'était la seule chose qu'elle appréciait un tant soi peu dans la personne qu'elle était, et se savoir douée de temps en temps remontait un peu sa confiance en elle. Comme pour confirmer que le test était passé avec succès, la femme repassa au français juste après :
-Nous sommes très contents de t'avoir ici, Rhéane. On espère que ça ne te dérange pas trop tes plans pour les vacances.
La jeune fille regretta immédiatement toutes les pensées méchantes qu'elle avait pu avoir pour les personnes qui étaient responsables de cette sortie forcée hors de sa zone de confort. Elisabeth était adorable et ne méritait pas toute la haine adressée par la jeune fille en pensée depuis l'annonce de sa soeur.
-Non, y'a pas... Il n'y a pas de soucis, vraiment, je suis très contente d'être là.
Elle tenta d'ajouter à cette affirmation un sourire qui apparut bien plus tordu qu'elle ne l'aurait souhaité. Mais Elisabeth ne parut pas s'en formaliser et se tourna pour écarter en grand ses bras et annoncer fièrement :
-Et voici ton lieu de travail !
Ce fut à cet instant que Rhéane prit réellement conscience du lieu dans lequel elle était. Jusque là, elle était resté sur l'idée que lui avait véhiculé l'extérieur de la boutique, mais en vérité, la vitrine ne faisait pas honneur à son intérieur. Quand elle leva les yeux, elle put enfin apprécier le spectacle à sa juste valeur.
La librairie était un mini-univers à elle toute seule, remplie de tellement de choses que Rhéane ne savait pas où poser les yeux. S'il avait fallu décrire le lieu, elle en aurait été bien incapable. Tout se mélangeait, formant un bazar hétéroclite et impromptu, si bien qu'il était impossible de ne s'arrêter que sur un élément du décor, car directement on était attiré par autre chose. Elle ne savait plus où donner de la tête, chaque objet qu'elle voyait semblait encore plus fascinant que le précédent, et elle était prise d'une gourmandise qu'elle n'avait jamais éprouvé, l'envie de tout voir, de tout connaître, de noter les moindres détails de l'endroit, mêlé à l'impression sourde que si elle ne se dépêchait pas, ce lieu magique disparaîtrait pour toujours.
Selon là où elle dirigeait son regard, elle se croyait tantôt plongé dans la tente d'une diseuse de bonne aventure ou bien dans la cale d'un bateau.
Aux murs se côtoyaient des attrapes-rêves multicolores et des filets de pêche parsemés de feuilles blanches sur lesquelles s'étiraient des lettres dorées. Elle se rendit compte au bout de son troisième tour de la pièce que les lettres formaient des mots et des phrases, et elle dû mettre fin à sa course effrénée contre elle-même pour prendre le temps de lire. Que la distance soit ton baiser : nourris-toi de ce qui t'écarte*, Il est possible que le livre soit le dernier refuge de l'homme libre**, Qui n'oserait renverser les colonnes du jour quand le rêve est violent ?***, et d'autres encore.
Elle ne savait pas d'où provenaient ces citations, et elle n'avait pas le temps de s'y attarder. Il y avait tellement plus intéressant à côté ! Toute la librairie était entourée de planches de bois sombres légèrement courbées, donnant plus que jamais l'impression d'être à l'intérieur d'un bateau. Cela conférait une ambiance mystérieuse, mais aussi un curieux sentiment de calme et de poséitude, renforcé par la vue des gros poufs colorés disposés un peu partout et des lumières tamisées. Au plafond brillaient des étoiles phosphorescentes, agencé de telle manière que ce ne pouvait pas être une disposition hasardeuse, et que des constellations étaient sûrement représentées, même si Rhéane ne s'y connaissait pas assez pour distinguer lesquelles.
Et surtout, il y avait les livres. Contrairement aux rayonnements des grandes surfaces, que Rhéane était plus habituée à fréquenter, ici ils n'étaient pas restreint dans des étagères et semblaient s'immiscer partout. Il y en avait bien sûr certains qui étaient sagement rangés dans des bibliothèques, mais la plupart se trouvaient éparpillés dans la pièce. Chaque espace libre semblait être mis à profit pour en caser le plus possible. Pour se repérer, des pancartes indiquaient les genres, théâtre, poésie, philosophie, et la langue, français ou anglais. Sur certains d'entre eux, des petits écriteaux attachés avec des pinces à linge contenaient des avis, écrits par Klaus ou Elisabeth, sur les livres qu'ils avaient préférés.
Au fond de la pièce, sur la porte qui devait mener aux appartements au dessus, s'étirait une phrase, probablement une autre citation tirée d'un livre **** :
«And did you get what you wanted from life, even so ? I did.»
Rhéane resta quelques instant songeuses, relisant la phrase deux ou trois fois. Curieusement, elle se trouvait touchée par la question. Et est-ce que tu as obtenu ce que tu voulais dans ta vie, au final ? Moi oui. Avait-elle obtenu ce qu'elle voulait dans la vie ? Il y avait encore pas mal de choses dans son existence qui nécessitaient d'être améliorées, d'autres qu'elle n'avait même pas encore eu le temps d'expérimenter. Enfin quoi, elle n'avait même pas encore accompli la moitié de ses «objectifs de vie» !
Aussitôt que cette idée lui vint en tête, elle leva intérieurement les yeux au ciel, s'en voulant de s'attacher encore à quelque chose d'aussi puéril. Les «objectifs de vie», c'était un truc idiot qu'elle avait mis en place avec sa meilleure amie, quand elles étaient en quatrième et qu'elles avaient pour la première fois été séparées lors du partage des classes. Elles s'étaient jurées que même si elles ne se voyaient plus, elles ne devaient jamais cesser d'être amies, et cela jusqu'à la fin de leur vie. Et cette résolution était devenue la première d'une longue liste. Tour à tour, elles avaient marqué quelque chose qu'elles souhaitaient faire avant de mourir, avouant leurs désirs pour le futur.
Quatre ans plus tard, ces enfantillages ne semblaient plus du tout d'actualité au vu des envies actuelles de Rhéane, et elle avait cessé de considérer cette liste comme une référence. De plus, Angèle, sa meilleure amie de l'époque, était parti étudier dans un autre lycée et elles avaient fini par se perdre de vue. Malgré tout, Rhéane ne pouvait s'empêcher de repenser à ces «Objectifs» à chaque fois qu'elle se demandait si elle était heureuse dans sa vie, et à chaque fois, elle revoyait la passion dont son elle de quatrième était remplie. C'était une stupide nostalgie, mais pourtant... Pourtant parfois elle regrettait de ne pas avoir conservé cette envie d'avancer, cette envie d'avoir des rêves à réaliser.
Dans la vie, rien ne la motivait réellement. Elle était allé en licence d'anglais car c'était la seule matière qui l'intéressait, et c'était tout. Ils étaient depuis longtemps oubliés, ses voeux de collégienne naïve, qui souhaitait fonder un refuge pour les animaux errants, être polyglotte, trouver l'amour, garder ses amis et voyager dans le monde entier. Rhéane était juste devenue blasée au fil du temps, laissant les choses glisser sur elle, sans éprouver ni d'engouement ni de dégoût quelquonque.
Quand elle avait vu l'année passée ses amis batailler pour entrer dans l'université de leur choix, elle s'était sentie à part. Ça lui importait peu. Elle n'avait de but pour lequel elle saurait souhaité tout donner. Quelque part, ça lui manquait, mais que pouvait-elle y faire ? Elle était comme ça, c'était tout.
Elisabeth se racla soudain la gorge, la tirant de ses pensées. Rhéane revint brusquement à elle, se rappelant soudain où elle était. Elle avait dû rester un petit moment bloqué devant la citation. Se reprenant, elle cligna des yeux et adressa un sourire à la propriétaire :
-Waouh... C'est... Magnifique.
Elisabeth se rengorgea, fière comme un pou. Cette librairie, c'était son rêve, l'oeuvre de sa vie. Elle n'avait pas cru pouvoir le réaliser avant d'être à la retraite, mais c'était chose faite, et elle possédait enfin la boutique de ses rêves dans sa ville préférée au monde. Chaque fois qu'elle la regardait, elle revoyait les dizaines d'années à travailler dans une entreprise de thé, à économiser jour après jour, les séjours en France toujours plus long, les discussions avec son mari, jusqu'à ce qu'ils finissent par tout plaquer et s'installer définitivement ici avec la volonté d'accomplir ce qu'ils avaient toujours voulu. Même si le rêve d'être librairie était d'abord le sien, son mari avait toujours été partant pour l'accompagner et la soutenir.
Quand Elisabeth avait rencontré Klaus pour la première fois, elle avait tout de suite aimé sa singularité, cette petite touche décalé qu'il avait. C'était lors d'une soirée avec des amis qu'ils avaient en commun où ils s'étaient trouvés, les seuls célibataires dans un univers de couple. Ils en avaient plaisanté, et Elisabeth, qui vivait comme dans un roman de Jane Austen, avait joué le rôle de la pétillante fille à marier tandis que
Klaus s'était pris au jeu et s'était targué de la rendre amoureuse en lui faisant un clin d'oeil. Puis ils avaient parlé toute la soirée, et c'était la première fois qu'elle se sentait comprise, qu'elle s'amusait, et ce sentiment prévalait de tout. Il était drôle, fantasque, cultivé, pas ennuyant pour deux sous. Elle avait fait semblant de résister, mais elle avait été conquise d'emblée.
Elle avait pris des jours avant de se décider à lui envoyer une lettre. Quand il lui avait enfin répondu, elle avait senti son coeur battre si fort qu'elle s'était enfin autoriser à s'avouer qu'elle l'aimait. Plus tard, il lui avait confié avoir été sûr que c'était la femme de sa vie en la voyant entrer dans la pièce à cette fameuse soirée, et elle se rendit compte qu'elle n'en avait jamais douté non plus. Elle avait trouvé la personne qu'elle voulait à ses côtés jusqu'à la fin.
Trente-sept ans plus tard, la passion semblait ne jamais s'être éteinte. Il y avait eu des moments d'accalmies, des moments de tempête, mais coûte que coûte, leur bateau avait continué d'avancer dans la bonne direction, celle vers laquelle tout deux souhaitait aller. Et quand elle regardait leur librairie, Elisabeth revoyait leur vie, tous les moments qui les avaient conduit jusqu'à maintenant, et elle se sentait fière. Les clients n'auraient aucun moyen de le savoir, mais cette boutique aux multiples objets ne contenait que des références à des choses qui avaient particulièrement compté dans leurs vies.
Ainsi, la figurine représentant un couple de danseurs, perchée sur la plus haute étagère, symbolisait leur rencontre, à cette soirée, depuis laquelle ils n'avaient pas passé un jour sans penser à l'autre. Les affiches de films disposées un peu partout étaient pour tous ceux qu'ils avaient vu ensemble au cinéma. La boule à neige de Santorin, perdue entre deux romans d'Emilie Brontë, évoquait le séjour en Grèce de leur lune de miel.
Tout ça, c'était l'initiative de Klaus. Il aimait cette idée de semer des petits indices, des témoins discrets de leur passé, qu'eux seuls pouvaient comprendre, dans un endroit dans lequel se succéderait les personnes. Cela l'amusait d'imaginer des inconnus déambuler entre ces rayons, s'extasier devant la décoration, en étant inconscients de ce que représentait tout ce qu'ils voyaient. Elisabeth, toujours à l'affût d'une idée amusante, avait sauté sur l'occasion.
Ils avaient eu des après-midis entiers de joie en fouillant dans leurs boîtes à souvenirs, à trier les photos, à sélectionner les objets qu'ils disposeraient dans leur future boutique, à se remémorer les bons temps. Ça les avait mené à mesurer le temps passé. Ils avaient vécu plus de la moitié de l'espérance de vie humaine. Ils savaient qu'ils entraient dans une partie de la vie différente, avec des besoins différents, mais ils y entraient ensemble. Ça leur suffisait.
-Heureusement que tu l'aimes, ça aurait été difficile d'y travailler autrement ! déclara soudain une voix sortit de nulle part.
Rhéane sursauta. Elle n'avait pas vu l'homme caché derrière les rayonnages de la librairie, un livre à la main. Il avait des cheveux noirs striés de blanc attachés en chignon et portait un sweat-gilet bleu sur un tee-shirt gris.
Comme sa femme, Klaus Hillingdon avait les yeux pétillants, d'un bleu doux comme une mer calme. Le reste de son visage n'était que gentillesse et bienveillance. Rhéane n'aurait pas su dire ce qui en particulier transportait une telle indulgence. C'était un tout, une impression générale de bonté qui transparaissait de partout, que ce soit par ses sourcils levés ou les petites rides sous ses yeux quand il souriait en coin, de la façon la plus adorable de sourire qui pouvait exister.
Quand il regarda Elisabeth, il y avait tellement d'amour dans ses yeux que Rhéane eut l'impression d'être en trop. Elle sentit une boule se former dans sa gorge et les larmes lui monter aux yeux. C'était tellement puissant, et ça ne lui était même pas destiné. Elle ne pouvait imaginer ce que représentait Elisabeth pour lui.
Sans même le remarquer, elle recula, comme si l'amour de Klaus était une décharge si puissante qu'elle ne pouvait s'en approcher sans se blesser. Elle les regarda s'embrasser comme s'ils le faisaient pour la première fois et se retint pour ne pas éclater en sanglots. Elle ignorait si c'était les hormones, la réalisation qu'elle ne savait pas quoi faire de sa vie ou tout simplement une manière de réagir à quelque chose d'aussi fort, mais elle se sentait sur le point de finir en larmes et eut toute les peines du monde à ne pas laisser la moindre goutte traverser la barrière de ses yeux.
Quand ils se retournèrent vers elle, semblant se rappeler de sa présence, elle devait avoir les yeux rouges. Mais qu'ils le virent ou pas, ni l'un ni l'autre n'en fit la remarque, et ils se prirent par la main avant que Klaus ne prenne la parole :
-Si ça ne te dérange pas, tu pourras commencer dès demain. J'ai le contrat de travail sur le bureau, tu peux le signer, ta tante nous a déjà fourni certaines informations.
-Merci, apprécia Rhéane en s'approchant du bureau. Mais du coup euh... Ça consiste en quoi exactement ?
Klaus se frappa le front.
-Bien sûr, bien sûr, pardon, j'aurais dû commencer par ça. Je n'ai aucune manières ! Ne t'inquiète pas, la semaine prochaine, on sera avec toi, comme c'est le lancement. En gros, tu tiendras la caisse, tu aideras les clients à choisir, puis tu vendras. Pas de cartons à déballer ni rien, on s'en est occupé, juste tenir la boutique pendant qu'on gère les formalités qui nous restent en Angleterre.
Rhéane se retourna, le stylo à la main.
-Vous voulez dire que vous repartez en Angleterre ?
-Dans une semaine, oui. Ils ont des formalités administratives plutôt... Contraignantes là-bas. Mais ne t'en fais pas, s'empressa-il d'ajouter devant l'air paniqué de Rhéane, on va te former, tout va bien se passer. Ta tante nous a dit beaucoup de bien de toi, tu vas y arriver, on en est sûr.
Et bizarrement, pour la première fois, Rhéane le crut. Elle ne savait pas si c'était Klaus, l'honnêteté visible dans son être, ou simplement l'approbation d'une personne qui l'avait à peine vu mais qui avait déjà compris qu'elle avait besoin d'être rassurée, mais elle hocha la tête et pas une seule pensée rabaissante ne vint la déranger. Et honnêtement ? C'était une sensation très agréable.
-Bien, je crois que c'est tout est en règle, s'exclama Elisabeth une fois le contrat signé. Tu reviens demain pour l'apprentissage ? On ne doute pas de tes capacités, mais tenir une librairie, ce n'est pas comme vendre des fruits sur le marché !
Rhéane sourit et hocha la tête. Elle appréciait déjà ses patrons. C'était un bon point, non ?
-Merci encore pour tout, dit-elle en refermant la porte derrière elle, non sans leur avoir adressé un petit signe de la main.
Une fois dehors, elle souffla un bon coup, comme pour se débarrasser de toute la tension qu'elle avait accumulé jusque ici. Curieusement, après être passée par autant d'émotions différentes, et après que ce rendez-vous se soit si bien passé, elle se sentait... Vidée. Comme si elle était un ballon qu'on avait trop gonflé, et qu'elle venait enfin d'exploser. Comme si on avait effacé son angoisse pour la remettre à zéro. Oh, elle savait que ce n'était qu'une période d'accalmie, et qu'elle reviendrait à ses problèmes tôt ou tard, mais en attendant, elle se sentait juste bien.
Ce qui la conduit à faire un tour sur Facebook, pour chercher le profil de son ancienne amie Angèle, celle avec qui elle avait fait cette bucket list au collège. Elles ne s'étaient pas parlés depuis plus de trois ans, mais elles étaient encore amies sur les réseaux sociaux, ce qui permettait à Rhéane d'entr'apercevoir des bribes de sa vie entre deux articles de pages anglophones qu'elle suivait, sa seule véritable motivation à être sur le réseau social.
La connexion étant relativement bonne, elle trouva bien vite le profil recherché. Son doigt hésita au dessus de l'icône "message", puis elle se décida à cliquer dessus.
À : Angèle Vl
Hey!
Je sais que ça fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vues, et je trouve ça dommage, alors je me suis dit que ça pourrait être sympa de se reparler, si ça te dit.
Ça va ?
Elle réfléchit encore quelques secondes, puis ajouta un smiley souriant pour faire bonne mesure et cliqua sur envoyer avant d'avoir le temps de regretter.
***
Hey! N'hésitez pas à laisser une étoile ou un commentaire si vous avez aimé, ça me ferait très plaisir !
*tiré de Secours qu'appellent les chiens, Jacques Vandenschrick
**Citation de André Suarès
***tiré de Les douzes louanges, Jean-Pierre Siméon
****tiré de Late fragment, Raymond Carver
La musique du média s'appelle Hopeless Wanderer de Mumford and sons, c'est une de mes musiques préférés et le thème de Klaus et Elisabeth (vous pouvez l'écouter à partir du passage où Klaus apparait, les sentiments de Rhéane s'accordent très bien avec la musique)
🌟 à bientôt pour la suite!
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