Chapitre 2

Incroyable ! Il reste donc encore un peu d'amour sur cette Terre ! J'avais bien besoin de le lire pour y croire. J'ai bien fait. Mais ça veut dire que le destinataire de cette lettre ne la recevra jamais ! Alors qu'il y a tant d'espoir dans ces mots... peut-être a-t-il déjà rejoint sa bien-aimée ? ou bien attend-il de ses nouvelles ?

Tout aurait été plus simple si le bureau de poste n'avait pas été détruit par la dernière frappe de missiles. Maintenant nous sommes là, à fouiller dans les décombres pour identifier les cadavres alors que nous pourrions être ailleurs à empêcher que ça recommence. Mais bon, il faut bien que les familles sachent si leurs proches sont vivants ou non.
Le bâtiment, qui était le seul relai postal encore ouvert dans le coin, est éventré par le toit, qui s'est effondré sur les étages inférieurs ne laissant que des blocs de bétons, de la poussière et... du sang... dans les anciennes pièces. Les murs extérieurs sont même légèrement voûtés à cause du souffle de l'explosion.
J'entends du bruit, ça s'agite derrière les débris : mes camarades ont trouvé un corps, encore. Vu la violence des explosions, je doute que quelqu'un y ait survécu. Mais on a l'habitude maintenant, même si on peut toujours espérer...

Pendant ce temps, moi, je suis dans le hall d'entrée de la poste, la seule partie qui est encore à peu près reconnaissable. Accroupi au milieu des enveloppes et des papiers, même si la poussière, ayant tout recouvert, les camoufle dans le décor. Celle que je tiens dans ma main n'y fait pas exception. Pour lire l'adresse écrite sur l'enveloppe je souffle donc dessus, comme tout bon archéologue dans les films que l'on diffusait à la télévision avant la guerre. Mais nous ne sommes pas dans un film des temps passés et, comme je m'en doutais, ça ne fonctionne pas, ou du moins pas assez. Je termine de l'essuyer à la main : l'adresse est maintenant lisible. Elle indique un village près du No Man's Land.

J'avais choisi de lire celle-ci parmi toutes les autres et c'était, il me semble, un bon choix.
Ça ne me regarde pas mais une des dernières lueurs d'humanité est peut être en train de disparaître en même temps que cette lettre, je ne peux pas risquer cela ! J'ai tellement vu de malheur pour si peu de bonheur depuis le début de la guerre, ça me ferait le plus grand bien de le redécouvrir!
Il faudrait que je fasse quelque chose pour aider ces deux personnes ! Mais... sans oublier ma mission. Je peux le faire je le sais. Je le ferai !

J'avais entendu parlé d'une opération de l'armée aux abords du No Man's Land pour empêcher les unités de reconnaissances ennemies d'y passer et les bandits et les traîtres de s'y réfugier. Je n'ai qu'à mettre en place une opération conjointe et je livrerai la lettre au passage. Je règlerai les détails ce soir mais l'idée est là.

Il commence à se faire tard, le soleil entamme sa descente dans le ciel. C'est l'heure pour nous de rentrer, on y a déjà passé l'après-midi et d'autres reviendront sûrement plus tard.
Je me lève et appelle les gars : on embarque dans les Humvees. Ils sont exténués. En même temps, on a beaucoup travailler et les débris ne sont pas particulièrement légers. Une bonne nuit à la base nous fera le plus grand bien. Alors en route !

Quand j'y pense, c'est vraiment pas con de s'attaquer aux problèmes du No Man's Land car il laisse une porte ouverte aux ennemis. Vu la fréquence à laquelle on repère des unités de reconnaissances, ça ne m'étonnerait même pas qu'il y ait une base cachée quelque part dans ces ruines. "Unité de reconnaissances" c'est un nom qui fait penser à un groupe d'espion qui se dissimule au sein de la population pour établir une stratégie d'attaque de nos villes, mais la réalité est différente : ce sont des groupes de soldats d'élite armés jusqu'aux dents qui se balladent derrière nos lignes à bord de tout-terrains armés et blindés dans le but, à la base, de repérer les points faibles de nos défenses mais ils ne se retiennent pas d'attaquer régulièrement nos positions. C'est pour cela que nous luttons contre eux. Ça fait parti de nos quatre principales missions.

"Nous" c'est la milice dont je fais parti, l'armée est tellement dépassée par les événements qu'une milice s'est créée dès les premières années du conflits pour remplacer l'armée au coeur du pays afin qu'elles dispose de toute sa puissance sur le front. Comme je le disais, nos missions principales sont d'assurer la sécurité des citoyens, de sauver les victimes de bombardements, d'évacuer et identifier les cadavres et enfin de lutter contre l'ennemi (surtout repousser les unités de reconnaissances et abattre les avions ou hélicoptères). Grâce à notre implication dans cette lutte nous abattons régulièrement des aéronefs hostiles.

Moi je dirige un groupe de soldats et nous partons régulièrement en patrouille afin d'assurer la sécurité et de secourir d'éventuels survivants aux bombardements. C'est un travail répétitif mais très important. Avant la guerre je n'étais personne, j'étais jeune et je n'avais pas de travail alors que maintenant je sers pour mon pays, j'en suis fier et je suis prêt à mourir pour lui.

Je regarde par la fenêtre du Humvee depuis tout à l'heure et je trouve le coucher de soleil vraiment magnifique. Le soleil forme un rond orangé bien distinct et colore le ciel de lignes jaunes, oranges et rouges; les plus foncées étant les plus bas dans le ciel. Mise à part ce joli spectacle tout est sombre, la nuit a déjà pris ses marques dans la campagne. On distingue à peine les silhouettes des arbres disséminés ici et là dans la plaine.

Je m'aperçois que mon voisin me parle depuis un certain moment. C'est mon meilleur ami, il s'assoie toujours à côté de moi pendant les trajets pour discuter, même si ce soir mes pensées étaient ailleurs. J'en profite pour lui parler de la lettre et lui expliquer mon plan pour la remettre à son propriétaire. Il est content pour moi, il dit qu'on doit tous trouver un objectif pour ne pas devenir fou durant cette guerre, et je viens de trouver le mien. Il me promet de m'aider à la livrer.

Je reconnais le décor, la vieille ferme abandonnée avec son vieux tracteur rouillé et inutilisable : ça veut dire qu'on approche de la base ! Nous allons enfin pouvoir nous reposer !
Les cahots de la route s'accentuent, comme à chaque fois, puis le convoi s'arrête. Un homme s'approche de mon véhicule et j'ouvre la fenêtre pour qu'il me reconnaisse.

"C'est bon !" crie-t-il en faisant de grand geste en direction de l'entrée du camp. Les portes s'ouvrent et le convoi redémarre, laissant l'homme sur le côté de la route. Nous entrons dans le camp, un véhicule après l'autre avant de se disperser pour en descendre. A peine sortis, les gars posent leur arme contre le mur et se détendent. Ils s'étirent, plaisantent, sortent des jeux de cartes, tantôt attablés tantôt sur un transat : la pression de l'extérieur retombe.

Il n'y a pas à être inquiet de quoi que ce soit ici.

J'entends qu'on m'appelle au loin mais je n'en suis pas sûr. En me concentrant ça me paraît plus claire : c'est Chris', un de nos guetteurs, il doit être dans la tour... je me retourne vers cette dernière. Puisqu'il me fait de larges signes, je me rapproche en trottinant et en répondant à ses signes, laissant derrière moi mon ami et mes autres camarades. Je dois forcer sur mes yeux pour l'apercevoir car la nuit est tombée encore un peu plus. Pour m'aider je positionne mes mains comme des jumelles, sans savoir si ça sert réellement à quelque chose.

Ça y est ! Je vois sa petite main qui me fait coucou ! Je distingue même son sourire en plissant plus les yeux, il a toujours été joyeux, même dans les moments tristes. Le vombrissement augmente et commence à me gêner un peu, je n'aime pas ce genre de bruits car il me rappelle trop de mauvais souvenir. Chris' me fait signe de me dépêcher mais bon je ne peux pas mieux faire...

Une missile surgit alors des nuages et s'écrase sur le pilier de la tour de guet. Ce dernier explose en mille morceaux et le poste de Chris' s'effondre sur la cantine. J'arrête immédiatement ma course. Peut-être qu'il a survécu? Putains de salauds ! C'est pas possible ! Ça siffle ! Il y a des bruits de sifflets dans l'air! Ça c'est pas... une explosion à lieu dans la cantine.
Des morceaux de métal en feu retombe un peu partout dans le camp.

Une autre bombe explose juste à côté de la première.

Tout le monde crie, tout le monde coure et s'agite.

Des Humvees explosent derrière moi, la porte du camp et le dortoir. Tout part en fumée.

Je me retourne et voit les flammes, la destructions, la mort et l'horreur.
La salle de repos éclate, ça pète partout dans la cour : c'est Guernica !
Certains montent dans les Humvees restants pour s'enfuir; il sont détruits sur le champs.

Les débris et les flammes tombent du ciel et les cris retentissent autant que les bombes qui pleuvent sur notre base. J'étais tellement choqué que je n'ai pas bougé depuis tout à l'heure. Je me met à courir pour trouver un abri. Je ne suis pas le seul. Mais je ne vois plus que des braises qui jaillissent de partout.

Le sifflement des bombes qui tombent et leur détonation me fait affreusement mal à la tête.

Quelle horreur ! Imaginez-vous assis sur une montagne surplombant un joli petit village mais qu'en une seconde il soit écrasé par un pied géant et s'enflamme du même coup ! C'est à ça que j'assiste ! Sauf que moi je suis au milieu du village...

J'ai la tête qui tourne, je ralentis le pas.

Une déflagration me propulse en avant en me brûlant le dos dans une intense douleur et je m'éclate contre le sol quelques mètres plus loin. Je n'arrive plus à bouger. Je vois flou et tous les bruits ambiants sont remplacés par un simple sifflement perçant dans ma tête. Je sens de petits projectiles me tomber dessus.
J'ai la sensation d'être écrasé contre le sol par un éléphant, m'empêchant même de respirer. La terre et la poussière entrent dans ma bouche, profitant de la détresse.
Ça ne sert à rien de lutter, je ne peux vraiment plus rien faire.
Petit à petit, je commence à ne plus sentir ces débris et ces cendres qui me tombent dessus.
Je ne vois plus rien. Je ne sens plus rien.
Est-ce que le bombardement est fini ? Est-ce que les autres ont survécu?

Nous n'avions même pas eu le temps de nous reposer...

Je crois que je...

J'essaie de réfléchir à ce qui s'est passé mais je n'y arrive plus. Je ne peux plus rien faire.
Mon cerveau s'éteint...

C'est le néant...

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