Chapitre 1
J'attends que ça se termine. Je tends l'oreille en guettant sa venue : le SILENCE. Quand je suis sûre qu'aucune autre ne tombera, je sors. Je passe par la porte d'entrée qui ne ferme plus depuis qu'un des gonds a cédé sous son poids.
Arrivée dehors, je parcours la rue jusqu'au boulevard d'où les sirènes sont les plus nombreuses. Sur le chemin, je croise les gens qui constatent les dégâts et ramassent les poutres ou les briques qui se sont effondrées. Comme d'habitude, les pompiers sont débordés et courent de partout.
Au moment même où j'arrive au coin du boulevard, je rentre dans la foule des gens qui vont se ravitailler. Nous sommes tous serrés les uns aux autres. Tous UNIS nous ne faisons qu'un grand serpent qui avance calmement. Nous avons chacun nos espoirs, nos joies, nos PEINES. Mais tant que nous marchons ensembles, nous oublions tout et nous concentrons sur notre destination. Plus on approche de notre but, plus nos ventres se serrent et notre impatience grandit. J'aime ces moments de suspense et je me mets à rire bêtement.
Je me souviens des ravitaillements quand ça a commencé, tout le monde se plaignait des rations. Ça a vite changé. Nous sommes tous impatients de les recevoir et je regarde le visage des gens dans la foule, je vois des SOURIRES y apparaître malgré les épreuves que l'on traverse. Cela accentue d'autant plus ma joie. Dans cette foule, je me sens VIVANTE et je n'ai plus l'impression d'être la seule à subir ce calvaire.
Sur la route, les ambulances font des allers-retours, comme la semaine dernière, et celle d'avant, et la précédente...
Au bout de quelques minutes, nous apercevons enfin l'enseigne du magasin. Je réfléchis et me rends compte qu'il sera, chaque jour, de plus en plus long d'y parvenir.
Les premiers de la file commencent à entrer. Heureusement, je suis placée vers le début. J'ai donc le privilège d'avoir du choix. Rapidement, mon tour vient d'entrer dans la boutique et je parcours les rayons trop PEU remplis. Je trouve une ration mais, comme toujours, je continue quand même à chercher. Il pourrait rester autre chose. Alors que je parcours le magasin, je rencontre le gérant, mon ami.
"Est-ce que tu crois qu'il reste encore quelque chose d'intéressant ? Pour l'instant j'ai pris ma ration. Oui j'ai fait le tour mais je n'ai rien vu. Tu ne sais pas s'il y en a dans tes réserves ? Du poulet ? Oui ça serait super ! C'est vrai ? Oh merci ! Tu peux venir à la maison le manger avec moi si tu veux ! Ah... Pas grave... De toute façon, on se voit demain !"
Je sors du magasin après l'avoir salué, avec mon POULET et ma ration dans un sac. C'est mon sac troué mais mes provisions ne tombent pas car elles sont plus grandes que les trous. Je reprends le chemin en arrière. Je regarde la foule qui attend encore sa ration et je me dis que beaucoup d'entre eux arriveront trop tard et repartiront bredouilles. Les pompiers ont fini leur travail. Les débris ont été ramassés et seuls ceux qui partent chercher leur ration restent dans la rue.
Quand j'arrive devant chez moi, je remarque que la cabane à outils a été détruite. Cette fois, je ne la reconstruirai pas.
Je rentre dans la maison et je referme de mon mieux la porte. J'allume un feu dans la cheminée. Je mets le poulet à chauffer sur le feu dans une casserole qui servira à récupérer la graisse.
Puis j'ouvre la ration : il y a une petite bouteille d'eau, un croûton de pain, un morceau de sucre et une petite bouillie. Je mets la bouillie près du poulet mais elle cuit plus vite que le poulet. Je la retire rapidement du feu pendant que la pièce maîtresse du repas finit sa cuisson. Quand la bouillie a refroidi un peu je sors la casserole du feu pour que le poulet refroidisse pendant le début de mon repas. La bouillie est INFECTE mais composée de choses essentielles pour la SURVIE.
Le moment tant attendu arrive où je commence à découper la volaille. L'odeur monte dans mes narines et je ferme les yeux pour mieux profiter de ce moment où les souvenirs de mon ancienne vie reviennent.
Je me souviens de nos pique-niques au parc l'été, on dressait un drap blanc et nous mangions poulet rôti et chips en plein soleil, quand on s'en allait je râlais car l'herbe tâchait le drap.
C'est donc chargée d'émotions que je prends une cuisse. J'en enlève la peau et la mets dans ma bouche. Ça a toujours été ma partie préférée. Je la mâche lentement et son jus coule sur ma langue. Ce GOÛT exquis que j'avais oublié me remonte à l'esprit et me comble de bonheur. Cette texture qui croustille sous mes dents me donne une envie irrésistible d'en reprendre. Je revois ton RIRE quand je me mettais du jus partout en mangeant la peau. Je saisis la cuisse par l'os et je donne un grand coup de dents dans la chair. De la VIANDE ! Même blanche cela me fait énormément de bien au moral.
Le jus joue avec mes papilles avant de descendre dans ma gorge et de réchauffer tout mon corps. La viande est tendre et goutue : PARFAITE. Même si, avant, je l'aurais trouvé fade, là, elle embellit ma semaine. Je savoure ce poulet comme il se doit. Je finis de dévorer la cuisse dans le plaisir le plus total. Je jette l'os, entièrement dépouillé de sa chair, à la poubelle puis je verse un peu de graisse récoltée dans un verre. Ça n'est pas très diététique mais dans ce monde on ne peut pas louper une occasion de reprendre un peu de poids. Cela conclue mon FESTIN.
Je laisse le reste dans la casserole avec le couvercle et je la place dans les braises. Je mangerai ce poulet tout au long de la semaine, je ne peux pas savoir quand j'en obtiendrai pour la prochaine fois. Afin de profiter au maximum de ma digestion, je descends à la cave et m'allonge dans le duvet que j'y ai installé quand ça a commencé. Naturellement, le sommeil ne se fait pas attendre, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas dormi.
Le CALME retrouvé et cette installation confortable, autant que possible, me permettent de, pour une fois, bien dormir. Tout en partant dans les bras de Morphée, j'espére que ça ne recommence pas. Peu à peu, je sens mes bras disparaître puis mes jambes. Ma respiration s'atténue avant de devenir automatique. Avant de m'endormir, j'esquisse un sourire face au bonheur de pouvoir enfin me reposer.
Mon sommeil est calme et AGRÉABLE. Je fais même un RÊVE, c'est la deuxième chose MAGIQUE de la journée. Je rêve que je marche dans la rue avec toi et qu'on regarde les vitrines des magasins en admirant tous les somptueux objets présentés ou la nourriture bien organisée pour nous donner envie et qu'en arrivant au marchand de glaces, on en achète une et qu'on la mange au parc. Ça n'est qu'un rêve mais ça me fait quand même énormément de bien. Je souris pendant mon sommeil, ça te ferait rire.
Le réveil est tout aussi DOUX que le sommeil. Ainsi, j'ai un peu rattrapé les heures de sommeil qu'il me manque et j'ai aussi fini de digérer ce fabuleux repas. Après cette sieste nécessaire, je vais poster cette lettre pour que tu la reçoives dans une semaine. Et après, comme à mon habitude, je vais voir si les voisins vont bien et je passe l'après-midi avec eux.
Enfin... J'écris cette journée sur cette feuille depuis tout à l'heure mais pour que je puisse espérer qu'elle se réalise ainsi, il faudrait déjà que les bombardements cessent et que j'y SURVIVE... Si tu lis ces mots, c'est que j'ai réussi à m'en sortir mais je pourrais encore succomber pendant la semaine que mettra ce papier pour te parvenir.
J'espère que tu pourras me rejoindre au plus vite, pour qu'on affronte ces épreuves à deux... Malheureusement pour toi, j'aurai déjà fini le poulet !
Avec Amour et Espoir, ta tendre épouse.
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