La Lettre
Mon amour,
Que dit-on à l'aube d'un nouveau voyage comme celui-ci ?
Comment faire tenir cette infinité de sentiments dans un dé à coudre que représente une lettre ?
Tu me connais, les défis je ne les fuis pas, je les confronte, je les cerne, je les comprends, je les surmonte.
Sinon, comment aurais-je pu conquérir un cœur comme le tien ?
D'ailleurs, y suis-je jamais parvenu ?
Le voile de mystères qui t'entoure a toujours été aussi fascinant que déroutant pour moi, tu t'en es toujours drapé comme une défense contre le monde extérieur, auquel je me soustrayais, parfois, auquel j'appartenais. Parfois.
Mais je ne t'écris pas pour te raconter qui tu es pour ce monde, je t'écris pour te raconter qui tu es, qui tu étais, et qui tu resteras.
Dans mon monde à moi.
Je ne reviendrai pas, je ne l'espère pas. Car si je reviens, ce sera couturé de cicatrices, hanté par des fantômes de morts qui me sont inconnus, torturé par des nuits de cauchemars, incapable de faire autre chose que me nourrir de ta lumière. Et crois-moi, il est des gouffres de ténèbres que nulle lumière, pas même la tienne, ne saurait apaiser.
Mais ô combien j'aurais aimé revenir me blottir contre toi, dans la chaleur de ton rire, dans le rire de ta peau, te perdre dans mes bras, me perdre dans ta voix.
Mon corps cherche le tien, quand il est seul et quand il ne l'est pas. Mon âme cherche la tienne, dans chaque signe que m'envoie le ciel qui nous a abandonnés depuis longtemps. Je te vois dans le vent soufflé par les grenades, je t'entends dans la mélodie du monde distordu par les bombes.
Tu me gardes en vie, le souvenir de toi me garde en vie. L'idée de toi me garde en vie.
Je veux que tu saches que bientôt, je ne serai plus là, mais je veillerai sur toi, comme tu l'as fait pour moi, immatériel et partout à la fois, comme un ange brisé qui n'a pas déposé les armes.
Je ne t'offrirai jamais cet avenir que tu mérites, je ne pourrai pas t'enlacer au petit matin devant une tasse de café fumant, baignés par les premiers rayons timides du soleil dans une cuisine calme qui serait la nôtre, un chien dormant sous tes jambes parfaites. Je ne pourrai pas te regarder faire à manger en oubliant la moitié des ingrédients. Je ne me moquerai pas de toi, retournant à la boutique parce que tu auras oublié ta liste de courses, liste que tu auras elle-même oubliée sur le coin de ton bureau en désordre. Je ne t'entendrai pas chanter dans la salle de bain avant que tu ne cries parce que l'eau chaude se sera coupée. Je ne viendrai pas t'emballer dans une serviette pour te réchauffer avant de te monter dans notre chambre pour me nourrir de toi, dans des draps sentant l'été, comme toi.
Je ne construirai pas avec toi.
Je ne vieillirai pas avec toi.
Mais je ne cesserai jamais de t'aimer, pour m'avoir laissé entrevoir toutes ces choses que nous aurions pu faire, pour cet avenir rêvé que j'ai chéri comme un enfant.
Et parce que je t'aime, de cette force qui traverse le temps, j'espère qu'un jour tu rencontreras quelqu'un pour te faire couler ce café noir, pour sortir ce chien, pour manger ce gâteau sans beurre, pour te ramener cette liste, pour réparer le chauffe-eau.
Je me réserve seulement le droit de t'aimer une dernière fois, ici et maintenant.
Pour toujours.
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