Chapitre 24

Dimanche. Dix-huit heures.

La rose se tenait, plantée devant son dressing, les mains posées sur ses hanches. Dans moins d'une heure, elle devait se rendre chez ses parents pour un repas familial, organisé en l'honneur du retour de Sunshine.

Erina devait impérativement trouver la tenue idéale pour ce dîner. « Quitte à arriver en retard, je dois absolument trouver la bonne tenue ! » se dit-elle.

Quelques minutes plus tard, son dressing était un véritable chaos, mais elle avait enfin trouvé la robe parfaite. Elle enfila une robe blanche et des escarpins assortis, d'une blancheur éclatante.

Il ne lui restait qu'une demi-heure avant de quitter son appartement pour chez ses parents. Elle en profita pour appeler sa meilleure amie, Sasha.

La jeune femme aux cheveux roses composa le numéro de son amie. Quelques instants plus tard, la voix chantante de la jeune femme à la chevelure noire comme l'ébène résonna au bout du fil.

— Allô ?

— Salut, Sasha.

— Ça va, la plus belle ?

Erina leva les yeux au ciel à l'entente de ce surnom, un sobriquet qu'elle portait depuis une quinzaine d'années.

— Oui, et toi ?

— Très bien. Qu'est-ce que tu fais ce soir ?

— J'ai un repas de famille et toi ?

— Je passe la soirée avec Zirco.

— Oh, cool.

— Comment ça va avec Blaze ? demanda Sasha.

À la simple mention du bleu, des papillons s'agitèrent dans le ventre de la rose. Les battements de son cœur s'accélérèrent, et un sourire doux, presque niais, se dessina sur son visage hâlé. Tous les signes étaient là : la jeune femme aux iris dorés était éperdument amoureuse.

— Ça va très bien. Dans une semaine, on part à Storm Land pour fêter son anniversaire.

— C'est trop cool ! Tu me raconteras !

— Bah oui, bien sûr. Je dois te laisser, je t'appelle demain.

— D'accord, à demain !

Erina raccrocha et quitta sa chambre pour se rendre dans son salon. Là, elle s'empara de son sac à main en cuir blanc, celui que Dayson lui avait offert pour ses vingt ans.

Lorsque la rose fut prête, elle quitta son appartement et se rendit chez ses parents.

Arrivée devant la porte d'entrée, un souvenir lui traversa l'esprit : elle devait annoncer la concrétisation de son projet à sa famille. Un message de son grand frère la tira de ses pensées.

« T'es où ? Il ne manque plus que toi ! »

Elle ne répondit pas et sonna.

Une jeune femme aux cheveux aussi roses que les siens lui ouvrit la porte. Sunshine sourit en la voyant et prit la parole.

— Salut !

— Salut !

— Entres vite, il ne manquait plus que toi ! s'exclama la sœur de la rose.

Erina ne répondit pas et pénétra dans la maison dans laquelle elle avait vécu dix-huit ans.

Le lustre au plafond, le porte-manteau en bois, le carrelage blanc recouvert d'un tapis couleur crème, l'odeur enivrante des épices flottant dans l'air… Elle eut l'impression de revenir dix ans en arrière, lorsqu'elle était une adolescente insouciante et heureuse. Avant que sa meilleure amie ne disparût.

« Ah, nostalgie quand tu nous tiens... »

Une voix d'enfant la ramena à la réalité.

— Tata Erina, tu viens ?

Elle baissa la tête et croisa les iris verts de sa nièce, Joubia.

Elle lui sourit avant de lui répondre.

— Oui, donne-moi la main.

La petite fille aux cheveux noirs comme la nuit sourit de toutes ses dents et prit la main de sa tante, l'emmenant au salon. Erina avait toujours aimé les enfants. Adolescente, elle gardait ses cousins quand leurs parents sortaient.

Arrivées dans le salon, la petite fille annonça joyeusement :

— Tata Erina est arrivée !

Cinq regards se tournèrent vers elles. La rose brisa le silence.

— Salut tout le monde !

— Salut Erina, répondirent en chœur les cinq membres de sa famille.

— Installe-toi avant que le repas ne soit prêt, lui ordonna son père.

Elle hocha la tête et s'assit sur un canapé de soie, entre Dayson et Sunshine.

Sunshine lança une conversation pour briser la glace.

— Vous avez des projets pour la fin des vacances ?

— Je vais à Surf Town avec mes amis, répondit Connor.

— Je passe deux semaines à Bios, chez la famille de Kayloss, annonça Lounéa.

— Je vais à Lunaris avec Aspen, rétorqua Dayson.

— Avec votre mère, nous irons à Blossom Garden, dit le chef de famille.

— Moi, je reste ici pour la fin de ma grossesse, annonça Nostra.

— Je passe deux semaines à Storm Land avec Blaze, ajouta la rose.

— Et toi ? demanda Joubia en se tournant vers Sunshine.

— Je vais passer le reste de l'été à rattraper mon retard avant le retour à l'école.

— Je suis contente que vous ayez tous quelque chose à faire. Mais maintenant, j'aimerais que vous preniez place dans la salle à manger, le dîner est prêt, intervint la mère de famille en s'engouffrant dans la pièce à manger.

La famille suivit. Quelques instants plus tard, chacun était assis autour de la table, prête à savourer un festin qui enivrait les sens.

Erina n'avait qu'une envie : se remplir la panse. Sa mère était une cuisinière hors pair, et à chaque dîner familial, ses papilles s'émerveillaient.

Son regard se posa sur Lunaris, sa mère, qui avait toujours ce sourire bienveillant et cette douceur infinie. La chevelure rose et grise de la mère tombait en cascade sur ses épaules, ses yeux améthystes brillaient de tendresse, et Erina éprouva un immense sentiment de gratitude. Elle savait qu'elle pouvait toujours compter sur elle. Elle savait aussi que sa mère serait prête à tout pour son bonheur.

Lorsque la rose eut terminé l'entrée et le plat principal, elle s'éclaircit la gorge. Il était temps pour elle de partager la vérité, de dévoiler son rêve devenu réalité.

Le rythme de ses palpitations s'intensifia, son cœur battait à tout rompre. La jeune femme prit une grande inspiration, avant de se lancer.

— J'ai quelque chose à vous annoncer.

Six paires d'yeux se tournèrent vers elle, sauf ceux de Joubia, plongée dans son fraisier.

— Vas-y, accouche, la pressa Sunshine, curieuse de découvrir ce que sa meilleure amie avait à leur dire.

— Bon, il y a quelques années, avec Sunshine, nous avons eu l'idée d'écrire un roman, juste après avoir vu le film « Love under the sun's rays ». Mais après la disparition de Sun, j'ai continué d'écrire ce roman seule. Pendant dix ans, j'ai écrit, réécrit, corrigé. Il y a deux mois, j'ai envoyé « Sunshine's Lovers » à neuf maisons d'édition de Bloom City et East Land.

Erina fit une pause, le suspense grandissant. Elle tourna son regard vers Blaze, ses iris dorés embuées de larmes. Ce roman lui tenait tant à cœur, et le prénom de Sunshine marquait l'essence même de son histoire.

Elle prit une nouvelle inspiration et acheva son récit.

— J'ai reçu les réponses il y a un mois. Deux réponses positives, sept négatives. Et il y a une semaine, j'ai signé un contrat avec « Kingdom of books ». Dans trois jours, il y aura une dédicace pour le lancement de mon livre.

Les yeux de chaque membre de sa famille brillaient de fierté. La rose attendait, le cœur battant, un signe de leur approbation.

Son petit frère passa une main dans ses cheveux en bataille avant de s'exclamer.

— J'ai hâte d'acheter ton livre ! Je suis trop fier de toi !

— Je serai ravi de le lire, ajouta Connor, plus enthousiaste qu'à l'ordinaire.

— Nous aussi ! s'exclamèrent les jumelles à la crinière orange.

— Moi, je serai la première à acheter ton livre ! s'écria Sunshine, les yeux brillants de fierté.

— Et nous, nous sommes fiers de la jeune femme que tu es devenue, conclut la mère de famille.

Lilian Brizer acquiesça d'un simple geste de la tête. Ce geste, si discret, réchauffa le cœur de la rose. Elle avait atteint son objectif. Sa famille était fière d'elle.

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