Chapitre 17

Erina franchit le seuil du bureau de son ancien amant. Il l’avait conviée pour lui annoncer une nouvelle, mais chacun savait que l’homme aux boucles argentées avait bien plus de choses à partager avec la jeune responsable de communication.

Il releva les yeux de son ordinateur dernier cri, un présent de son père pour son vingt-deuxième anniversaire, et un sourire effleura ses lèvres en apercevant la silhouette familière de la jeune femme.

Elle demeura impassible, ne jugeant pas nécessaire de lui offrir un sourire. Après tout, l’hypocrisie n’avait jamais fait partie de ses habitudes.

Le jeune responsable de communication l'invita d'un geste à pénétrer dans son bureau, plus fastueux que son propre appartement à bien des égards, puis se racla la gorge pour prendre la parole.

— Erina, je t’ai fait venir pour te communiquer une information.

Elle repoussa d’un geste une mèche rose échappée de son chignon et répliqua d’une voix sèche :

— Parle, je t’écoute.

— C’est monsieur King qui aurait dû te le dire en personne, mais il m’a chargé de le faire étant donné ses engagements ces derniers temps.

Erina soupira, l'agacement palpable. Elle détestait ces détours inutiles.

— Alors vas droit au but, j’ai du travail, je te signale.

— D’accord, d’accord, ne sois pas si pressée.

— Je le suis, car j’ai des priorités plus importantes que toi à régler.

Le coup portait. La rose en était consciente, mais il n’avait plus droit à sa bienveillance.

— Si tu insistes… Je voulais juste t’annoncer qu’à partir de septembre, tu seras promue cheffe de projet communication. En août, tu suivras deux semaines de stage intensif pour être pleinement opérationnelle.

À l’intérieur, Erina célébrait discrètement sa victoire. Sa détermination, son travail acharné, avaient enfin porté leurs fruits. Elle avait atteint son objectif. Elle espérait que ce poste serait aussi épanouissant que le précédent, mais elle ne doutait pas une seconde que son avenir dans la communication était prometteur. Elle se bâtirait un nom.

— Très bien, merci, répondit-elle en quittant le bureau.

— Erina, il y a encore quelque chose que je tiens à te dire.

Elle s’arrêta, un air d’agacement sur le visage. Elle n’avait pas une minute à perdre avec lui. Elle devait boucler ses dossiers avant ses vacances.

— Quoi encore ?

Un silence s’installa avant qu’il ne prenne la parole, ce qui déstabilisa Erina. Il n’était décidément pas à la hauteur de ses attentes.

— Je tiens à te remercier.

Erina haussait un sourcil, confuse.

— Pourquoi ? demanda-t-elle, un brin suspicieuse.

— Grâce à toi, je me rends compte que Mabel est la femme de ma vie. Merci.

— C’est rien, je t’en prie.

— Il me semble que ta journée touche à sa fin. Je te souhaite de bonnes vacances, et on se retrouve en septembre.

Erina, choquée de voir ce qui avait été son amant pendant une décennie se montrer aussi civilisé, pensa que parfois, les gens pouvaient réellement changer.

— Merci. Bonnes vacances à toi aussi.

Il acquiesça et retourna à son travail.

Erina regagna son bureau, où il ne lui restait que deux dossiers à finaliser avant de partir. Elle se concentrait, déterminée à clore cette journée rapidement. Quelques minutes plus tard, elle verrouillait son bureau, qui resterait fermé jusqu’à septembre. Un autre en prendrait la place, mais elle, elle s'installerait à l’étage supérieur, dans l’espace réservé aux chefs de projet et directeurs. Elle montait en grade. Sa carrière était lancée, et elle espérait que la suite serait à la hauteur de ses attentes.

Elle quitta les locaux et aperçut Nymphéa et Solaria. Elle se dirigea vers elles.

— Oh, regardez qui voilà ! s’exclama la blonde.

— Ne serait-ce pas la nouvelle cheffe de projet communication de "New Communication" ? demanda la rousse.

Erina rougit légèrement. Elle ignorait que ses amies étaient déjà au courant. Mais dans ce milieu, tout finit par se savoir.

— Eh bien oui, Erina Brizer devient la nouvelle cheffe de projet communication ! s’écria-t-elle, fièrement.

— On est trop fières de toi, bravo ! s’exclamèrent Nymphéa et Solaria en chœur.

Elle se sentait chanceuse de compter ces deux-là parmi ses amies. Elles étaient devenues importantes pour elle, et elle espérait qu’elles y resteraient.

— Merci. C’est les vacances, les filles !

— Oui, j’ai hâte de partir à Sea Side, répondit la rousse, toute excitée.

— Et moi, je suis impatiente d’aller à Sunflower, ajouta la blonde, avec un sourire brillant.

— Tu as raison, c’est une ville magnifique ! répondit Erina avec enthousiasme.

Au loin, une voiture bleue s’approcha. Erina reconnut immédiatement son frère Dayson au volant, et son autre frère Connor assis à côté.

Comme chaque premier juillet depuis quelques années, la famille Brizer organisait un dîner familial avant les départs en vacances. Erina appréhendait ce moment. Cela faisait six mois qu’elle n’avait pas vu ses parents, et depuis la disparition de sa jumelle, les relations avec eux s’étaient dégradées.

Cependant, elle était heureuse de retrouver ses frères et impatiente de retrouver sa nièce Joubia, la fille de Lounéa.

— Les filles, je dois partir. Bonnes vacances !

— Bonnes vacances, Erina ! On se revoit avant la rentrée ! s’exclamèrent ses amies.

— Oui, ne vous inquiétez pas ! répondit-elle en se dirigeant vers la voiture.

À l’intérieur, elle salua ses frères.

— Salut vous ! Comment ça va ?

Dayson se tourna et lui sourit chaleureusement.

— Salut toi. Ça va très bien, et toi ?

— Très bien. Et toi ? répondit Connor d’un ton impassible, comme à son habitude.

— Je vais super bien ! À partir de septembre, je serai cheffe de projet communication ! s’écria-t-elle, toute excitée.

— Félicitations à toi ! lui dirent ses frères.

— Merci. Allez, Dayson, démarre. Pas question que nos parents nous fassent une scène à cause de notre retard.

Il démarra sans hésiter et prit la direction du quartier ouest d’East Land, leur ancien quartier.

En arrivant devant la maison qui avait été leur foyer pendant dix-huit ans, Erina fut submergée par une foule de souvenirs. Pas uniquement les bons, mais aussi les plus douloureux. Elle repoussa ces pensées et se plaça entre ses frères, attendant que l’un d’eux frappe à la porte.

Ce fut Connor qui s’en chargea après quelques minutes d’hésitation.

Erina l’observa en silence. Son frère était toujours aussi réservé. Sa chevelure rose pâle en bataille, ses yeux gris brillants, son visage toujours aussi fermé.

Lorsque Lunaris, leur mère, ouvrit la porte, Connor esquissa un léger sourire, tout comme Dayson et Erina.

— Mes enfants ! Je suis si heureuse de vous voir, entrez !

Lunaris Brizer-Ginger, d’une cinquantaine d’années, arborait toujours sa beauté intacte. Sa longue chevelure rose et grise était tressée, et ses yeux d’améthyste brillaient d’une tendresse infinie. Sa robe babydoll lui allait à ravir.

Connor entra le premier, suivi de Dayson, et Erina prit la dernière place.

Dans le salon, plusieurs membres de la famille étaient déjà présents. Les iris dorés d’Erina se posèrent d’abord sur un homme aux cheveux roux grisonnants, puis sur les jumelles Lounéa et Nostra. Elles étaient les seules à avoir hérité de la chevelure rousse de leur père et des yeux violets de leur mère. Entre elles se trouvait Joubia, la fille de Lounéa.

Erina et ses frères s’installèrent sur le canapé, face à leur père, le chef de famille.

Le silence pesait sur la jeune femme au chignon rose. Puis, sa mère brisa la glace.

— Je suis ravie de vous voir aujourd'hui. J’espère que ce repas se déroulera mieux que le précédent. Allez, prenez place, je vais chercher l’entrée.

Personne ne répondit, mais chacun s’installa en silence.

Lorsque les tartares de crevettes furent servis, le père de famille se racla la gorge et prit la parole.

— Je suis heureux de vous avoir ici. Bon appétit à tous.

— Bon appétit, répondirent les autres membres de la famille.

La famille commença à savourer le tartare de crevettes préparé par Lunaris. N'appréciant guère le silence qui s'était installé, celle-ci brisa l'atmosphère en lançant une question.

— Alors, que s'est-il passé pour vous ces six derniers mois ?

Ainsi, chacun des membres de la famille fit part de ses occupations et expériences depuis le mois de décembre.

La soirée se déroula étonnamment bien pour la jeune femme au chignon rose. Elle demeura surprise de la bienveillance plus marquée de ses parents, qui lui parlaient d’une manière bien plus agréable que d’ordinaire. Peut-être que Dayson leur avait parlé, mais Erina n’y prêta guère attention. Ce qui importait, c'était qu'elle avait, en partie, retrouvé ses parents, et cela suffisait à la rendre heureuse.

Quelques heures plus tard, la jeune femme s'endormit, le cœur léger, impatiente de vivre ce qui s'annonçait comme les vacances les plus inoubliables de sa jeune existence.

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