Chapitre 11

Durant un long moment qui sembla s’étirer à l’infini, la rose peina à soutenir le regard du bleu, dont les prunelles dorées luisaient d’un éclat incessant.

Pourtant, elle rompit le silence, se souvenant qu’elle n’était pas là pour se perdre dans un jeu de regards.

— Salut.

Salut ? Était-ce donc tout ce qu’elle avait trouvé à dire ? Un flot de reproches silencieux l’assaillit, tandis qu’elle attendait la réponse de celui qui faisait battre son cœur à un rythme effréné.

Il était étrange de réaliser que, pour la première fois, la jeune femme aux yeux couleur de champagne ressentait une telle affection pour l’un de ses amis.

Le jeune homme détacha, presque à contrecœur, ses iris d’or de la vision qui lui faisait vibrer l’âme, pour les poser à nouveau sur elle et répondre :

— Salut, Eri'. Comment tu vas ?

Il comprenait qu’elle ait peur, qu’elle hésite après les blessures laissées par son ancien amant. Lui aussi, il devait lui montrer qu’il n’était pas Lost. Qu’il était celui qu’elle attendait.

S’il lui restait une once d’espoir, il la comblerait de bonheur, il en était persuadé.

Un sourire effleura les lèvres pleines de la rose. Il ne semblait pas lui en vouloir, et cela la réconforta. Ce qu’elle s’apprêtait à lui dire allait, elle l’espérait, changer leurs vies.

— Oui, et toi ?

— Oui. Qu’est-ce qui t’amène ? fit le bleu, la curiosité pétillant dans son regard.

Le cœur de la jeune femme bondit sous sa cage thoracique et sa gorge se noua ; l’angoisse s’insinua en elle. Elle inspira profondément, expira, et prit son courage à deux mains.

— Je dois te parler. À propos de ce qui s’est passé la semaine dernière.

Le bleu déglutit, une vague d’émotion le submergeant. L’instant qu’il avait tant attendu, une semaine durant — sept jours, cent soixante-huit heures, dix mille quatre-vingt minutes et six cent quatre mille huit cents secondes — se dressait enfin devant lui.

Erina planta ses yeux lumineux, chargés d’une lueur qu’il connaissait par cœur, dans les siens, guettant sa réaction.

— Oh, oui. Entre, je t’en prie.

Blaze s’écarta pour laisser passer l’élue de son cœur, puis la suivit jusqu’au salon. Une fois à l’intérieur, ils s’installèrent face à face.

Ce fut le jeune commercial qui rompit le silence cette fois-ci.

— Qu’est-ce que tu veux me dire ?

La jeune femme détourna un instant le regard vers le jardin, avant de le ramener sur lui.

— J’ai beaucoup réfléchi à propos de nous.

Le jeune homme aux prunelles dorées crut à peine ce qu’il entendait. Avait-elle vraiment prononcé ce mot, ce “nous” qui les liait ? Un sourire radieux éclaira son visage, tandis que la flamme familière renaissait dans ses yeux.

— Je t'écoute.

La jeune femme aux prunelles couleur champagne inspira profondément pour puiser le courage qui lui manquait, puis relâcha doucement son souffle.

— Jamais je n’aurais cru éprouver un jour des sentiments pour toi. Même lorsque Sasha et Sun me le répétaient sans relâche, je refusais de les écouter. Mais aujourd’hui, je le sais, et je veux nous donner une chance. Après tout, mieux vaut tard que jamais !

Le jeune homme sentit son cœur vaciller, emporté par l’émotion. Il vivait le moment qu’il avait secrètement rêvé depuis leurs années de lycée : le jour où sa relation avec la rose franchirait enfin la frontière de l’amitié. Et ce jour était arrivé, ici et maintenant, où leur lien s'apprêtait à prendre un tournant inespéré, celui de l’amour.

Dans un élan soudain, il se leva, presque précipitamment. Elle fit de même, devinant sans doute ses intentions. Ils se retrouvèrent au centre du salon, à quelques pas l’un de l’autre, l’air chargé d’une tension palpable. Chaque centimètre gagné amplifiait les battements de leurs cœurs, un écho commun qui résonnait dans l’atmosphère pesante.

Le silence qui les entourait intensifiait cette fièvre douce-amère. Seuls leurs souffles entrelacés brisaient la quiétude, témoins de leur désir partagé.

Leurs regards se croisèrent, brûlants, captifs l’un de l’autre. Les prunelles de Prima étincelaient d’émotions qu’elle ne dissimulait plus. Lyas, quant à lui, sentait ses mains devenir moites, ses pensées en désordre. Ils étaient si proches à présent que les effluves mentholées de son parfum flottaient jusqu’à elle, tandis que la fragrance douce et vanillée de la jeune femme éveillait en lui des souvenirs lointains et tendres, une empreinte olfactive gravée dans son cœur depuis des années.

Erina nota un détail qu’elle n’avait jamais remarqué auparavant : une cicatrice, fine et en forme de croissant, au-dessus du sourcil gauche du bleu. Elle n’avait jamais pris le temps de l’observer d’aussi près, découvrant ses traits affûtés et ses boucles rebelles. L’envie irrésistible de glisser ses doigts dans ses mèches la traversa, mais elle résista, consciente de l’intensité du moment.

Blaze, de son côté, remarqua l’expression inquisitrice de la jeune femme, sa tête légèrement inclinée, une main posée sur sa hanche, ses yeux plissés comme pour percer un mystère. Qu’analysait-elle ainsi ? La réponse appartenait à Prima seule.

Dans un mouvement imperceptible, elle se rapprocha encore de lui, jusqu’à ce que leurs respirations s’accordent et se fondent l’une dans l’autre. Le bleu effleura une mèche échappée de la queue de cheval de la rose et la replaça derrière son oreille avec une tendresse infinie. Elle ne baissa pas les yeux, soutenant son regard comme un défi muet.

Les yeux de Blaze se posèrent sur les lèvres de la jeune femme, pleines et tentatrices, suspendues à un souffle de lui. Puis, le monde s’effaça autour d’eux. La musique lointaine, jouée par des musiciens de rue, devint un murmure étouffé. C’était comme si la ville elle-même retenait son souffle, attendant de voir s'ils franchiraient enfin la dernière barrière qui les séparait.

Tout ce qui importait désormais, c’était eux. Le bleu s’approcha lentement, réduisant l’espace entre son visage et les lèvres de la rose. Celle-ci, comprenant les intentions du jeune homme qu’elle ne percevait plus seulement comme un ami, posa une main tremblante sur son épaule. Elle attendait avec une impatience fébrile qu’il scelle cet instant en effleurant ses lèvres. Fermant ses prunelles dorées, elle se laissa envahir par l’anticipation.

Puis, soudain, Erina sentit la douceur des lèvres de Blaze, aussi soyeuses que la peau d’une pêche, se poser sur les siennes. Elle ouvrit lentement les yeux et passa ses bras autour du cou de celui dont la bouche avait un goût sucré, éveillant à nouveau ce tourbillon familier dans son estomac.

Leurs bouches entamèrent alors une danse langoureuse, en harmonie, et le temps sembla s'étirer pendant de longues minutes. La rose dénoua les boucles bleues du jeune homme, tandis que lui glissait ses doigts dans sa crinière ondulée, savourant ce contact. Lorsqu’ils s’écartèrent, haletants, leurs regards se croisèrent, brillants d’un éclat complice, et leurs cœurs battaient à l’unisson, affolés.

Le silence qui suivit ce baiser paraissait sacré. Aucun d’eux n’osait le rompre, comme si un seul mot risquait de dissiper la magie de l’instant. Mais au bout de quelques minutes, Lyas prit une inspiration et parla enfin.

— Que signifie ce baiser ?

Prima, consciente de ce qu’il souhaitait entendre, observa le jeune homme avec une tendresse nouvelle. Le bleu attendait la confirmation, le mot qui consacrerait leur union. Elle, encore émerveillée, se préparait à s’habituer à l’idée de former un couple avec l’un de ses plus proches amis, espérant que cette fois, tout serait différent.

Prenant sa main dans la sienne, elle soutint son regard avant de répondre d’une voix douce.

— Ce baiser signifie qu’à partir de maintenant, nous sommes un couple.

Un sourire étira inconsciemment les lèvres de Lyas, illuminant son visage. Il n’en croyait pas ses oreilles. Enfin, il était en couple avec la femme qu’il aimait plus que tout au monde. Était-ce un rêve ? Il se pinça discrètement pour s’en assurer, mais la réalité le caressa avec une chaleur exaltante.

Qui aurait pu l’imaginer ? Deux anciens meilleurs amis, aujourd’hui amoureux. Blaze, bouleversé, la serra dans ses bras.

— Erina-Prima Brizer, je vous promets de tout faire pour vous rendre heureuse, murmura-t-il, la voix pleine d’émotion.

La rose se lova dans ses bras puissants, respirant l’effluve mentholée de son parfum, et oublia un instant de répondre. Lorsqu’elle recula légèrement, elle leva les yeux vers lui, un sourire léger aux lèvres.

— Je l’espère. Blaze Lyas Dallas, je vous promets aussi de tout faire pour vous rendre heureux.

Le jeune homme, grisé par ses mots, se sentait planer. Jamais il n’aurait cru qu’elle le comblerait à ce point.

« Quand on aime, tout devient lumière », pensa-t-il, le regard glissant vers la baie vitrée où l’obscurité améthyste de la nuit enveloppait le jardin aux mille plantes. Il ignorait depuis combien de temps sa bien-aimée était là, mais cela n’avait plus d’importance. Seul l’instant présent comptait.

Erina remarqua elle aussi la tombée de la nuit. Le sommeil l’appelait, car demain, elle avait décidé de travailler sur son projet. Même si elle aurait souhaité prolonger cette soirée, elle savait que chaque instant parfait devait avoir une fin.

Blaze, notant son regard distrait, se racla la gorge pour attirer son attention. Elle reporta ses prunelles dorées vers lui, attentive.

— Il est tard. Veux-tu que je te raccompagne ?

— C’est très aimable, mais je rentrerai seule. La brise du soir me fera du bien.

— Comme tu veux, princesse.

Le surnom fit rosir ses joues, et elle se sentit projetée dix ans en arrière, à ses premiers émois. Mais elle repoussa ces souvenirs et fixa son regard sur lui.

— Eh bien, je vais y aller, dit-elle simplement.

— D’accord. Appelle-moi quand tu seras arrivée ?

Elle sourit. Il voulait déjà prouver sa sollicitude, et cela commençait à toucher son cœur.

— Oui, bien sûr.

Ils se dirigèrent ensemble vers la porte, et là, un instant suspendu s’installa entre eux. Blaze le rompit.

— Bon, rentre bien. J’ai été heureux de te voir.

— Merci. Moi aussi, répondit-elle, les yeux étincelants.

Elle s’approcha, se haussa sur la pointe des pieds et déposa un baiser léger sur ses lèvres.

— Bonne nuit, murmura-t-elle.

Il lui rendit son sourire éclatant.

— Bonne nuit.

Ils échangèrent un dernier regard empli d’émotion avant qu’elle ne franchisse la porte.

Allongée plus tard sur son lit, Erina souriait en repensant à la soirée. Elle ne regrettait rien. Avec Blaze, elle se découvrait, ressentait des émotions nouvelles, se sentait entière et sereine.

Elle espérait, au fond de son cœur, qu’il serait celui qui la ferait voir la vie en rose, loin des ombres du passé.


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