Chapitre 60
Après avoir fait un arrêt à Mefghan pour y larguer ses passagers, le petit bateau de Sin avait repris la route pour contourner toute la partie est de Nyirdall, accostant au sud à la plage de Gardas, où il n'y avait pas de port. Le plus proche était près de la ville de Magdron, une péninsule au sud-est du pays. Mais Sin, tout autant que Narsa et Egrim, en avait marre de se périple sans fin. Ils s'étaient convenu d'abandonner le bateau dans le sable et marcher jusqu'à Wondor, qui n'était alors qu'à une demi-heure à pied.
Cette partie du voyage, Egrim et Sin l'avaient fait seuls, dans un long silence embarrassant. Narsa, à bout de force par manque d'habitude d'utiliser ses jambes, avait quitter ses compagnons pour voler jusqu'à la ville, rapidement suivis par Jean le dragon. Narsa n'avait qu'une hâte ; prendre une douche. Une hâte partagée par Egrim. Mais la maison du mage n'avait qu'une salle de bain, et il était convaincu que la fée allait s'y enfermer pendant des heures.
Sin et Egrim marchaient côte à côte, sur le chemin de terre qui reliait la plage à Wondor. La route était déserte. Leurs traces de pas dans la neige fraiche de ce matin semblaient être les premières depuis un petit moment. Évidemment, personne n'avait envie d'aller se baigner en plein mois de décembre. Seules des sirènes s'y seraient risquées, et aucune, ou très peu, habitait Wondor.
Ça faisait déjà dix minutes que le maître et l'élève marchaient en silence. Tous deux nerveux, avec le même sujet leur brulant les lèvres. Egrim en était conscient ; ce n'était qu'une question de temps avant que l'interrogatoire ne lui retombe dessus. Il avait craint cet instant depuis qu'il avait vu Sin débarquer à Thrasryall. Il l'avait repoussé autant qu'il avait pu, mais il le savait ; c'était pour bientôt. Est-ce que Sin allait attendre après d'être dans sa maison, lavé, nourrit et bien reposé ? Ou allait-il craquer ici, entre deux lieux, au milieu d'une route de terre enneigé, sans arbre alentour, ouvert à tous et pourtant vide de toute âme ?
Egrim frissonna. Il avait beau tourner et retourner la future scène dans sa tête, il ne savait pas comment ça allait se passer. Il regrettait de ne pas avoir le don de télépathie de Tys ; lui, peut-être, l'aurait vu venir avec un peu d'avance. Il aurait deviné la réaction de Sin et aurait su quoi dire pour éviter un maximum de dégât.
- Monsieur, dit Egrim, incapable de supporter le suspense un instant de plus. Je suis désolé.
- Je sais, répondit Sin d'un ton neutre.
- Est-ce que vous allez me renvoyer ?
Sin s'arrêta de marcher pour se tourner vers son élève. Il lança sur lui un regard interrogateur, auquel Egrim s'empressa de détourner la tête. Il serra les poings dans les poches de son manteau, se sentant trembler par l'angoisse et le froid.
- Je suis vraiment, sincèrement désolé, continua Egrim. Je sais que j'ai agis comme un con. Mais malgré toutes les questions que vous allez bientôt me bombarder, il y en a quelques-unes dont je serais incapable de vous répondre. Je ne peux pas... et je ne veux pas en parler ! dit-il avec plus de force. Mais... Je vous en prie, ne me renvoyez pas. Je n'ai nulle part ailleurs où aller. Tant pis si vous ne voulez plus m'apprendre la magie... je veux juste rester avec vous. S'il vous plait...
Egrim tourna le dos à Sin pour essuyer ses larmes. Son maître n'avait pas encore répondu, pas même assimiler sa demande, qu'Egrim était déjà entrain de s'imaginer seul au monde, maudissant son destin autant que son passé.
Une main se posa sur son épaule et Egrim frissonna, sentant la panique monter. Sin souffla un air chaud dans son cou en se penchant près de lui, pourtant, Egrim n'en ressentir qu'un froid mordant.
- Je ne t'abandonnerais pas, Egrim, allons. Tu crois sérieusement que je suis un sans-cœur, hein ?
Ma mère n'avait pas de cœur, eut-il envie de répondre. C'est tout ce que j'ai toujours connu.
- C'est vrai que j'ai des questions à te poser... non, en fait, je n'en ai plus qu'une. Tout le reste, je l'ai compris. Tu as libéré Leerian de sa prison chez les djinns, il t'a convaincu de l'aider à trouver un bateau pour quitter le pays, et des pirates t'ont kidnappé dans le processus. Oui, je t'en veux d'avoir libéré Leerian ; pas parce que c'est un criminel, en fait, moi-même, j'ai quelques amis qui on prit de drôle de décision au cours de leurs vies... mais bien parce qu'il était protégé par des djinns. Tu aurais dû te douter que le reste aller tourner aux cauchemars. Et ensuite de l'avoir aidé à grimper sur un bateau pirate. Des pirates, enfin ! Même ça, tu aurais pu deviner que c'était quand même un peu dangereux, non ?!
- Je me croyais capable de gérer des pirates, fit Egrim en rougissant sévèrement.
- Et les djinns aussi, tu t'en sentais capable ? C'est ma seule question, Egrim. Pourquoi es-tu entré dans la tour des djinns ? Qu'est-ce que tu comptais y faire ?
Egrim baissa la tête, sans répondre. Son regard filait de gauche à droite. Quel mensonge inventer ? Il en était pourtant conscient ; Sin n'avalerait aucun de ses bobards. Pas aujourd'hui.
Sin soupira face au silence de son élève, puis se pencha un peu plus pour se mettre à sa hauteur.
- Egrim, je ne vais pas te chasser de chez moi. Et je n'arrêterais pas de t'enseigner mes connaissances. Vois les conneries que tu fais, par ton ignorance ! Le moins que je puisse faire, c'est de t'apprendre à mieux te défendre. En plus...
Sin enfonça un doigt sur la poitrine d'Egrim, où aurait dû briller son badge de doté. Egrim rougit à nouveau, d'amusement cette fois.
- Je sais, j'ai oublié mon badge, fit-il dans un marmonnement contrit.
- Avec un badge, peut-être qu'ils y auraient pensé un peu plus, avant de t'agresser.
Egrim se rappelait bien la scène dans le bureau du capitaine des pirates. Son badge n'y aurait rien changé ; quand le pirate avait tenté de prendre la fuite en découvrant qu'il était un mage, c'était plutôt lui, Egrim, qui s'était attaqué à lui.
- Ce n'est pas particulièrement intimidant, un badge de téléporteur, dit-il enfin. Tout ce que ça dit, c'est que je peux m'enfuir plus vite.
Sin enfonça la main dans la poche de son pantalon et en ressorti le badge. Egrim fronça les sourcils et inclina légèrement la tête de côté, avant de le prendre et de le regarder de plus près, sous le sourire fier de son maître. Egrim reconnaissait le symbole qui y figurait ; c'était le sien, indiquant la téléportation, sous fond d'un gros « I », pour Institut. Pourtant, il n'était plus bleu comme il était censé l'être. Quelqu'un l'avait peinturé en rouge.
- Pourquoi il est...
Tout en parlant, Egrim releva la tête vers Sin. Son regard s'arrêta à sa poitrine, où brillait le badge du mage. Le sien aussi était rouge.
- Oh ! fit-il lentement.
Sin posa une main sur l'épaule de son élève et continua la marche, incitant Egrim à avancer, les yeux rivés sur le badge. Il le tournait et retournait dans tous les sens, éprouvant la même joie que le jour où Kurd, son professeur à l'Institut, le lui avait tendu pour la première fois.
- Alors, je suis officiellement un mage, maintenant ?
- Techniquement, tu l'as toujours été, dit Sin avec un petit sourire en coin. Avec ça, j'espère seulement que les ennuis y réfléchiront un peu plus avant de se frotter à toi. Mais garde tout de même en mémoire que tu es très loin de tout savoir.
Egrim hocha la tête, puis épingla le badge sur sa poitrine, au-dessus de son manteau.
- Avec ce petit cadeau, continua Sin, est-ce que tu es plus emprunt à me révéler pourquoi tu es entré dans la tour des djinns ?
- Non, répondit aussitôt Egrim en rougissant. Je suis désolé. Peut-être... peut-être un autre jour.
- Peu importe la raison, je ne cesserais pas de t'apprendre la magie, et encore moins de t'héberger chez moi.
Tu ne dirais pas la même chose, si tu découvrais que je suis à moitié djinns.
Encore une fois, Egrim se contenta de hocher la tête. Il enfonça les poings dans les poches de son manteau, puis leva les yeux devant lui. Au loin, il commençait à voir les premières maisons de la ville de Wondor. Il entendait un petit bourdonnement subtil, témoins de nombreuses conversations, une au-dessus de l'autre et se mélangeant en des mots indéchiffrables, près d'un kilomètre plus loin.
- Ah, la civilisation, dit Egrim à mi-voix. Est-ce qu'on va rester ici longtemps ? Où on va retourner à votre île pour continuer mon apprentissage ?
- Pour l'instant, on reste ici. Pour quelques semaines, peut-être plus. Je dois tenir la boutique, au moins un peu, avant que les citoyens de Wondor se mettent à me lancer des torches. Tu imagines ? À peine trois jours après avoir signalé mon arrivée, j'ai dû aller te sauver les fesses ! Ils vont définitivement me haïr, si je repars maintenant.
- Qu'est-ce que je vais faire, moi, alors ?
- Tu vas m'aider, évidemment. Toi aussi, tu as des excuses à faire aux gens de Wondor. À deux, nous serons plus efficaces.
Egrim s'arrêta à nouveau de marcher pour dévisager son maître.
- Vous voulez dire que vous allez me faire travailler dans votre boutique ?
- Bien sûr.
Egrim fit la moue. Sin s'arrêta à son tour pour se retourner vers Egrim, pouffant de rire.
- Qu'est-ce que tu t'imagines, Egrim ? Que je t'instruise comme un apprenti, et que je n'en profite pas en cours de route ? En devenant mon élève, tu t'es engagé à reprendre le métier, j'espère que tu en es conscient !
- Euh... oui, marmonna Egrim.
En réalité, Egrim n'y avait jamais pensé. Peut-être Sin en avait-il déjà fait allusion, mais il croyait qu'après sa formation terminée, il serait libre d'en faire ce qu'il voulait. Pas qu'il serait coincé à travailler avec lui dans sa petite boutique ridicule !
- Egrim ? insista Sin, prenant un ton sérieux.
- J'ai dit oui, fit Egrim avec plus de force.
Sin soupira, puis continua son chemin. Egrim se précipita derrière lui avec un temps de retard.
- Chaque ville et village de Nyirdall devrait avoir son mage, au service des habitants, dit Sin alors qu'Egrim ne l'écoutait qu'à moitié. Malheureusement, nous ne sommes pas assez nombreux pour ça. Il y a moi à Wondor, Drilla à Thooth et Nearo à Winglon... Bregfig, de Shaginthon, a déjà presque quatre-cents ans ; d'après moi, il n'en a plus pour longtemps. Quand ta formation sera terminée, ce sera peut-être lui que tu remplaceras.
- Je ne suis jamais allé à Shaginthon... je ne suis même pas sûr de pouvoir le situer sur une carte.
- C'est à l'ouest du pays. Une ville assez tranquille, qui ressemble un peu à Wondor. Sauf la nuit. Il y a beaucoup de lutins, là-bas, et ce ne sont pas les activités nocturnes qui y manquent. J'ai pris la pire cuite de ma vie, à Shaginthon...
Egrim ne répondit rien, ennuyé de cette conversation. Même si, en un sens, il était soulagé que son maître n'insiste pas plus sur son petit secret. À ce rythme, il serait facile à garder. Et au bout d'un certain temps, Sin finirait bien par oublier s'être interrogé sur cette partie de son aventure.
Egrim s'arrêta à nouveau de marcher. Devant lui, la route descendait légèrement, menant tout droit à Wondor. Sans qu'il ne s'en rende compte, les maisons s'étaient rapidement multipliées, et déjà, les premières boutiques étaient en vue. Il y avait de plus en plus de gens autour d'eux, beaucoup d'elfes et de trolls. En levant les yeux, Egrim remarqua aussi une quantité impressionnante de fées, qui semblaient jouer à chat en plein ciel. Un tas d'étincelle de fée bleu lui tomba soudain dans les cheveux, puis disparurent d'elles-mêmes au bout de quelques secondes.
- Beurk, ça picote, grommela Egrim en secouant la tête.
Sin rigola de son malheur, mais s'interrompit rapidement ; les conversations s'étaient arrêtées autour d'eux. Tous les passants dans la rue les avaient remarqués, et tous avaient les yeux braqués sur Sin, comme si le messie était de retour en ville.
- C'est Sindruid ! Il est revenu ! s'exclama une voix dans la foule.
- Ah, merde, fit Sin dans sa barbe.
Egrim lui lança un regard de côté. Il pensa à s'éclipser subtilement, mais déjà, les gens s'étaient regroupés autour d'eux. Egrim remarqua rapidement que, si plusieurs semblaient heureux du retour du mage, un certain nombre était franchement embêté.
- Pourquoi étiez-vous parti ? fit un nain en première ligne, les poings sur les hanches et une grosse pipe coincée dans les dents. Vous étiez censé soigner ma vache Daisy ! Je vous avais même déjà payé !
- Ce sera fait, dit Sin d'un ton qui trahissait son ennui. Aujourd'hui.
- Et moi, alors ?! répliqua un vieil homme en s'appuyant sur sa canne. Vous deviez m'aider à réparer mon puits !
- Ce sera fait aussi...
- Pourquoi étiez-vous parti ?! répéta un autre.
Sin lâcha un bref soupire, puis baissa la tête pour croiser le regard d'Egrim. Celui-ci détourna les yeux, embarrassé. Il eut envie de se téléporter pour échapper à la scène, mais Sin sembla deviner ses intentions ; il le prit solidement par le bras et le ramena contre lui, de sorte qu'il soit devant le mage. Puis, souriant pour la première fois, Sin déclara avec force :
- C'est sa faute ! Blâmez-le, c'est lui le con.
Egrim rougit sévèrement alors que les habitants le dévisageaient avec des moues dégoutées.
- Eh ! s'exclama Egrim, tirant en s'efforçant d'échapper à la poigne de son maître. Espèce de traître !
Cette fois, Sin éclata de rire pour de bon, manifestement satisfait d'humilier son élève.
- Vous pouvez compter sur l'aide d'Egrim pour vos petits problèmes. Pour son service, ce sera beaucoup moins cher. Il faut bien commencer quelque part...
Les regards des gens dans la foule évoluèrent, étudiant Egrim comme un morceau de viande, l'air de juger de ses capacités rien que par son look complètement délabré de celui qui rentrait tout juste de deux semaines à survivre à la dure dans un pays étranger.
À la moue que nombre d'entre eux affichaient, aucun ne semblait placer de grand espoir en sa personne.
Sin se pencha à l'oreille d'Egrim et murmura, de sorte que personne d'autre ne l'entende :
- Je sais, c'était un coup bas. Tu veux que je te traite avec un peu plus de respect ?
- Oui, grommela Egrim.
- Tu crois vraiment que tu le mérites ?
- Oui !
- Alors, dis-moi la vérité.
Egrim ne répondit rien, gardant le silence tout en se débattant pour échapper à la poigne de son maître.
- Tu sais ce qu'il te reste à faire.
Sin lâcha le bras d'Egrim et le poussa légèrement en avant, dans la foule. Le nain et le vieil homme, en première ligne, le rattrapèrent avant qu'il ne s'effondre.
- Egrim va s'occuper de prendre toutes vos demandes et de les classer des plus urgentes aux moins urgentes, et si vous préférez être servi pas lui ou moi. Sachez que, avec lui, ce sera une seule pièce d'or ! Il est doué pour soigner la plupart des blessures, il se débrouille en télékinésie, et c'est un téléporteur accompli. On commencera le travail dès qu'il aura fini de tout noter. Iartrest !
Sin disparût aussitôt, comme s'il n'avait jamais été là. Egrim en demeura bouche bée, étonné de son culot. Il savait son maître capable de toute sorte de coups foireux, mais alors l'abandonner au milieu d'une foule en délire... !
- Je veux que tu soignes ma vache Daisy ! s'exclama le nain.
- Et que tu répares mon puits ! ajouta le vieux. Tu sais réparer un puits ?
- Euh... bredouilla lentement Egrim. Je n'ai jamais essayé.
- Moi, j'ai besoin d'aide avec mes légumes ! fit une elfe en jouant des coudes pour s'approcher d'Egrim. Un mur de ma serre s'est fissuré et le vent froid est entré ! Mes légumes sont en train de mourir !
D'autres se mirent à parler en même temps, tous en s'efforçant de parler plus fort que les autres pour se faire entendre. Rapidement, Egrim se retrouva coincé au milieu de la foule criant pour ses services, le bousculant pour attirer son attention, des mains s'agrippant à ses vêtements et le tirant en tous sens.
Egrim serra les poings et prit une grande inspiration. Il n'avait qu'une envie ; se téléporter loin de cette scène absurde. Mais clairement, c'était une punition de Sin, et s'il n'allait pas jusqu'au bout de la chose, les conséquences seront pire encore.
Je vais tuer quelqu'un s'ils n'arrêtent pas tout de suite de crier dans mes oreilles.
- LA FERME !
Le silence se fit aussitôt, tous étonné d'un hurlement aussi strident provenant d'un corps aussi petit. Egrim lança un regard menaçant à la ronde, avant de reprendre, avec tout semblant d'autorité qu'il était capable :
- Que quelqu'un m'apporte du papier et un crayon. Et mettez-vous en rang ! Le prochain qui parle avant son tour, je lui enfonce mon pied dans le cul.
Tous s'échangèrent des coups d'œil, l'air de se demander s'ils devaient obéir ou non. Puis, lentement, ils se mirent en rang devant Egrim, qui les surveillait avec les poings sur les hanches et l'impression de ne pas être du tout à sa place.
Un lutin minuscule se découpa du groupe pour lui tendre un parchemin à l'ancienne, une plume d'oie et un pot d'entre. Egrim fit la moue, mais accepta le matériel. J'aurais préféré une tablette. Ç'aurait fait plus professionnel.
Egrim lança un regard derrière lui, maintenant que sa vue n'était plus obstruée par une foule en délire. Au loin, il remarqua la terrasse d'un café, quelques petites tables rondes dehors malgré la température hivernale. Il leva la main vers l'une d'elles.
- Vierti !
La table s'élança vers lui, ses pattes de bois crissant contre le sol de brique, et s'arrêta tout juste à ses pieds, avant de basculer lentement. Egrim l'a rattrapa et y posa son matériel, ouvrit le pot d'encre, trempa la plume, puis leva les yeux sur le nain, qui s'était débrouillé à grand coup de coude pour mériter la première place dans le rang.
- Ton nom.
- Karruk. Je veux...
- Soigner ta vache Daisy, je sais.
Egrim gribouilla rapidement les informations.
- Par qui. Sin ou moi ?
- Toi. Tu vaux moins cher.
Egrim braqua un regard meurtrier sur le nain avec une furieuse envie de l'envoyer se faire foutre avec sa vache. Il grimaça, contenant l'insulte qui lui brulait les lèvres.
- Très bien. SUIVANT !
Le nain sursauta violement, dévisageant Egrim en retour comme s'il avait affaire à un fou, puis céda la place au vieil homme.
Egrim leva la tête, s'efforçant de voir où se terminait la file de gens prêts à payer pour toute sorte de tours de magie. Il sentit le désespoir l'accabler en remarquant qu'ils étaient plus d'une trentaine, et que les simples passants dans la rue allaient se mettre à la fin, l'allongeant toujours un peu plus.
Je suis sûr que Sin m'espionne et qu'il se fout complètement de moi. Mais je ne céderais pas ! Il ne saura jamais mon secret ! Personne ne doit jamais le savoir.
Tout en replongeant sa plume dans le pot d'entre, Egrim observa discrètement l'intérieur de sa main. La tache bleue, à la base de son pouce, était encore là. Elle semblait même s'être légèrement étendue, descendant vers le poignet.
Non. Il ne saura rien...
*
Comme il s'en était douté, Sin observait son élève avec un large sourire au visage, assis sur le toit d'une boutique trois-cents mètres plus loin. Il était très fier de son coup. Il se débarrassait d'une bonne partie du travail, en plus de mettre la pression sur Egrim pour lui révéler son secret. Même s'il avait peu d'espoir qu'il craque, il ne s'en inquiétait pas.
Dans un mois, Tys lui dirait tout ce qu'il voulait savoir. Le télépathe l'avait promis. Et s'il ne tenait pas sa parole, Sin n'aurait aucun scrupule à fouiller dans son esprit.
Bientôt, je connaitrais la vérité... il suffit d'être patient.
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