Chapitre 30 (2/2)

Leerian, Mishi, Danayelle, Egrim et Tys avaient marché, presque joggé, pendant plusieurs heures d'affilées. Narsa leur rendait visite régulièrement, s'assurant qu'ils ne se perdaient pas de vue. Et pendant une majeure partie de la journée, ils ne se firent pas attaquer pas une quelconque créature étrange, ce qui était déjà une bonne amélioration. Peut-être était-ce l'endroit précis où ils avaient passé la nuit qui était hantée ou maudite, ou quelque chose dans le même genre. Peut-être que le reste du pays était parfaitement présentable.

C'était comme la forêt Dranhell, à Nyirdall, qui était habité par des vampires et qui était donc un lieu à éviter.

Et pourtant, le doute persistait. Il n'y avait pas de chants d'oiseaux, pas d'écureuil dans les branches. Pas la moindre plante comestible. Leerian commençait à désespérer. Et le ventre d'Egrim hurlait des gargouillis inquiétant tellement il avait faim. Tous n'avaient rien mangé depuis les ananas volés des caisses du bateau. Mishi, elle, avait bien profité de sa baignade, au moment de l'escapade, pour dévorer un poisson. Mais c'était hier.

Et au bout d'encore plusieurs heures de marche, ils découvrirent... un pommier.

Tous s'étaient arrêtés devant cet arbre, à la fois fasciné et inquiet. Il ne comptait aucune feuille, mais ses branches étaient emplies de fruits à la peau étrangement noire et de forme légèrement incurvée, leur donnant une certaine ressemblance avec des cœurs.

Leerian s'approcha lentement et prit l'une de ses drôles de pommes qui trainaient au sol pour l'observer de plus près. Elle dégageait une odeur douce et sucrée.

— Ne mange pas ça ! s'exclama Danayelle.

— Je regarde seulement...

Leerian cassa le fruit en deux. La chaire, à l'intérieur, était tout aussi sombre que sa pelure.

L'estomac d'Egrim gronda encore une fois. Leerian risqua un coup d'œil dans sa direction ; il était toujours pendu au bras de Danayelle. Il n'avait pas récupéré depuis ce matin. Ces grosses cernes étaient encore parfaitement visibles, peut-être même un peu plus. Il n'allait pas tenir longtemps debout, à ce rythme.

Il fallait qu'Egrim mange... et il y avait ces pommes.

— Leerian, si tu t'empoisonnes, je ne suis pas en état de te soigner, l'avertit Egrim. Je te laisserais crever sans aucun scrupule.

Mishi lui envoya une claque sur le bras.

— Ne t'en fais pas, il ment, dit Tys.

Egrim lança un regard noir au télépathe, qui lui fit un sourire innocent. Il aimait un peu trop embarrasser Egrim. Mais surtout, il était conscient que ces pommes étranges étaient peut-être la seule nourriture qu'ils trouveront avant un bon moment, et si Leerian était prêt à vérifier si elles étaient comestibles, qu'il le fasse ! C'était soi ça, soi qu'ils meurent tous de faim.

Leerian en était venu à la même conclusion. Il approcha lentement l'une des moitiés du fruit et la toucha du bout de la langue. Le gout était assez semblable aux pommes qu'il avait toujours connues, si ce n'était encore plus sucré. Enfin, courageusement, il mordit dans la chair à pleine dent. Tous ses amis le dévisageaient avec angoisse, l'imaginant s'effondrer et convulsant, la bave aux lèvres. Mais Leerian était debout, mâchant lentement le fruit avant de l'avaler.

— Ça goute vraiment bon...

Il croqua à nouveau dedans. Et c'est à ce moment précis qu'il tomba, s'étouffant avec ce qu'il avait en bouche dans sa chute.

Le sol s'était dérobé sous ses pieds. Littéralement ; la terre avait lâché, dévoilant un trou de trois mètres de profondeur. Le fond était couvert de pique redressé, de quoi transformé Leerian en brochette de fruits si Danayelle n'avait pas réagi à temps.

Elle balança Egrim dans les bras de Mishi comme un poids mort et, d'une main en l'air, soutint Leerian dans le vide, flottant au-dessus du piège d'à peine quelque centimètres.

Leerian inclina la tête. Une des piques passait tout près, à un doigt de lui crever un œil.

— Euh... merci, fit-il d'une voix tremblante. Tu peux me remonter ?

— Ne bouge pas, dit Tys. Je sens quelque chose...

— C'est plus urgent que de me sortir de là ?! s'énerva Leerian.

— J'entends les pensées d'une personne de trop.

Danayelle inclina la tête vers Tys, debout derrière lui. Elle remonta Leerian malgré l'avertissement, le déposant de l'autre côté du trou. Tys, lui, regardait de tout côté ; la peur soudaine de voir Leerian tomber avait débloqué son don, comme ça lui prenait souvent. Il avait perçu le cri silencieux de Mishi, le « par les djinns ! » de Danayelle, et l'indifférence d'Egrim, qui n'avait même pas eu le temps de réaliser ce qui se passait. Et surtout, il avait senti une émotion totalement décalée de la situation. Une émotion qui l'avait profondément perturbé.

Une froide détermination.

— C'est une tentative de meurtre ! s'exclama-t-il soudain.

— Ça t'étonne autant ? fit Leerian qui s'était relevé. Bienvenue dans notre monde, hein.

— Mais le fautif est toujours dans le coin et il va recommencer.

— Eh bien, où est-ce qu'il est ? demanda Danayelle. Il ne me fait pas peur, ce petit crétin.

Tys se concentra un peu plus fort sur ces pensées qui lui venaient de loin... pas si loin que ça. Dix mètres. Quinze mètres. Dans les airs. Il pivota sur lui-même, jusqu'à lever le doigt dans la bonne direction, vers un arbre aux branches énormes et bien serré l'une contre l'autre. Et tout juste une seconde plus tard, une volée de flèche fusa sur Leerian, qui les esquissa sans la moindre difficulté, se fichant toutes dans le tronc du pommier derrière lui. Frustré, celui-ci se retourna pour décrocher l'un de ses projectiles et la renvoya à l'expéditeur comme un javelot. Elle se planta dans l'une des branches, mais un cri se fit entendre. Il n'avait pas manqué la cible de loin.

Leerian attrapa une seconde flèche, mais une voix s'éleva soudain depuis l'arbre. Une voix masculine, pourtant Leerian fut incapable d'y comprendre quoi que ce soit. Il abaissa lentement la flèche, puis risqua un regard en direction de ses amis. Tys et Danayelle étaient bien concentrés sur la situation, mais Egrim et Mishi, dans les bras l'un de l'autre, ne semblaient rien de moins qu'ennuyé par le contre temps.

— C'est la lune qui me joue des tours, ou bien ce qu'il vient de dire n'a absolument aucun sens ?

— Il dit qu'il se rend, et qu'il va descendre si tu lâches la flèche, dit Tys.

Leerian ravala la honte et laissa tomber la flèche sur le sol.

Mishi contourna le trou de pique pour s'approcher de lui.

— Tu n'es pas fou. Je ne sais pas ce que c'est, en tout cas, ce n'est pas du français.

Devant eux, quelqu'un sauta d'une haute branche et se réceptionna aux pieds du grand arbre. Il tomba accroupi, dans une position de superhéros. Il avait un petit arc à la main, qu'il lâcha au sol en avisant Leerian approcher dangereusement ses doigts du manche de son épée. Il avait des cheveux bruns, couvrant ses oreilles et descendant jusqu'au cou. Mais dès qu'il releva la tête, Leerian éprouva de la peur pour la première fois. Il l'avait remarqué tout de suite ; c'était un homme. La vingtaine, pas plus. Ses yeux noisette scrutaient chaque membre du groupe. Il semblait, à par égale, fasciné et terrifié.

Ses vêtements étaient étranges, comme des châles de laine posés l'un par-dessus l'autre. Leerian inclina la tête, incapable de comprendre où terminait le teeshirt et où commençait le pantalon.

Tys fit un pas dans sa direction. L'homme se braqua sur lui-même, puis Tys leva les mains comme pour lui prouver qu'il n'était pas armé.

— Il ne connait pas notre langue, mais je peux faire la traduction, dit-il. Les pensées ne sont pas à proprement constitué de mots, mais à quatre-vingt-dix pour cent de ressentit. C'est déjà suffisant pour communiquer. Parlez simplement, mais à partir de maintenant, tout le monde entendra les pensées de tout le monde.

— D'accord, vas-y, dit Leerian.

— Je n'attendais pas ton accord, bouffon.

Tys sentit son cœur rater un battement alors qu'il se tournait en panique vers Leerian, qui fronçait bêtement les sourcils devant l'insulte gratuite.

— Désolé. C'est déjà commencé.

— T'es tellement un crétin, Tys. Oh, désolé ! s'exclama Egrim à son tour. C'est trop marrant, ce truc. Ça me rappelle l'Institut, à l'époque où tu étais vraiment un casse-pied.

Danayelle lui envoya une claque dans le bras.

— Garde tes conneries pour toi-même, petit branleur !

Danayelle couina de surprise tout en se cachant la bouche de sa main. Egrim, nullement insulté, pouffa de rire.

— Hé, on se concentre ! s'énerva Tys. Vous lui faites peur !

Le jeune homme était toujours accroupi aux pieds de son arbre, ses yeux filant de droite à gauche avec un air profondément perplexe.

— Qu'est-ce que vous êtes ? demanda-t-il enfin.

Sa bouche n'était pas du tout en accord avec les mots qu'il venait d'employer. Pour Danayelle et Egrim, ça leur rappelait les films mal traduits. Pour tous les autres qui n'avaient jamais vu de film de leur vie, ils étaient simplement déroutés.

— Qu'est-ce que nous sommes ? répéta Egrim. C'est un truc à la Shakespeare, vous croyez ? Être ou ne pas être, genre ?

— C'est qui, Shakespeare ? demanda Leerian en toute innocence.

— Comment tu peux être autant idiot et mignon en même temps, dit Mishi.

Leerian baissa les yeux vers Mishi, étonné de ses paroles. Celle-ci rougit sévèrement en plaquant une main sur sa bouche.

— Pourquoi j'ai dit ça ? continua-t-elle malgré ses lèvres closes. Je ne sais pas plus que toi qui est ce type ! Mais je suis sûr que t'es plus beau que lui.

— Oh, par les djinns ! s'exclama Egrim dans un rire. On ne s'en sortira jamais. On peut se concentrer sur ce type mystérieux, s'il vous plait ? Il a demandé ce que nous sommes, autant le prendre littéralement. Des elfes... et une sirène.

Le type mystérieux se braqua à la réponse d'Egrim. Ses yeux s'écarquillèrent encore un peu plus, sa bouche s'entrouvrit bêtement. Et pourtant, sans qu'elle ne bouge, tous entendirent très clairement ses pensées crier à sa place :

— C'est impossible !

Leerian, Mishi, Egrim et Danayelle s'échangèrent des regards perplexes.

— C'est impossible qu'on soit des elfes, maintenant ? fit Danayelle.

— Il n'y en a peut-être pas souvent dans le coin, avança Egrim.

— Ou pas du tout, dit cette fois Leerian. Bon, peu importe. Ça traine vraiment en longueur, tout ça...

— Probablement parce qu'on dit tout ce qu'on pense, dit Mishi.

— C'est précisément le problème, fit Tys. Si vous voulez que ça aille plus vite, arrêter de perdre des heures à réfléchir à tout ce qu'il raconte.

— Et comment tu veux qu'on s'empêche de penser ? répliqua Egrim.

Tys prit une grande inspiration, s'efforçant de calmer sa frustration.

— Vous êtes tous tellement chiants. Je me charge de l'interrogatoire, OK ?

Il s'éloigna de ses amis sans leur laisser le temps de répondre, se plantant droit devant l'homme qui était toujours assis aux pieds de l'arbre. Il semblait complètement démuni, observant chacun des visages avec de plus en plus de mal à assimiler la situation. Enfin, il leva le regard sur Tys, qui le surplombait de toute sa grandeur et les poings sur les hanches. Ses yeux bleus aux pupilles verticaux, ses longues oreilles perçant de ses cheveux châtains, ses traits étrangement fins. Tys percevait l'esprit du garçon saturer à essayer de comprendre ce qu'il avait devant lui.

— Pourquoi tu dis que c'est impossible que je sois un elfe ? Tu trouves que je n'y ressemble pas assez ?

— Les elfes n'existent pas.

Tys pouffa d'un rire acerbe à cette déclaration. Pour lui, c'était comme affirmer que les poissons ne savaient pas nager.

— Bien sûr que oui, j'existe. Et mes amis aussi. Pourquoi as-tu essayé de tuer Leerian ?

— Pour le manger.

Leerian couina de surprise. Tous s'étaient mis à dévisager l'homme avec crainte. Même Tys recula d'un pas.

— T'es un malade ?! s'exclama-t-il soudain.

Cette fois, c'était le garçon qui ne comprenait plus pourquoi sa réponse inquiétait les autres.

— Nous sommes tombés sur un cannibale, fit Danayelle avec dégout. Leerian, tue-le.

— Non, attendez ! fit l'homme en désespoir. Vous savez bien que la nourriture est difficile à trouver, ici. Surtout en hiver. Quand on n'a pas le choix... on n'a pas le choix !

— Et ce pommier, tu en fais quoi ? fit Leerian en pointant l'arbre criblé de flèche derrière lui.

— Il est maudit.

Egrim, qui s'était mis à manger une pomme, recracha ce qu'il avait en bouche.

— Il promet une mort tragique à ceux qui la cueillent de l'arbre et la mange.

— C'est bon, la mienne était au sol, dit Leerian.

— J'ai pris que deux bouchers, ça compte ? fit Egrim.

L'homme fit un sourire de travers. Egrim soupira, puis haussa platement les épaules.

— Tant qu'à être déjà maudit, autant la manger en entier, parce que j'ai trop faim. Mais pas assez pour manger Leerian.

— Je crois que si tu me manges, tu seras réellement maudit, avança Leerian.

— Tiens, c'est vrai, fit Egrim avec lenteur.

Puis il continua de manger sa pomme maudite.

— Moi, je trouve qu'il a l'air trop paumé pour être foncièrement mauvais, dit Mishi. On pourrait peut-être le garder comme guide.

— Comme prisonnier, tu veux dire ? répliqua Danayelle. Évidemment que toi, ça ne te révolte pas qu'il soit cannibale. La plupart des sirènes le sont.

Mishi envoya une insulte à Danayelle sans même ouvrir la bouche.

— Oh, les filles, intervint Tys. Je vous retire de la connexion télépathique ?

— Ouais, fait-le, dit Leerian en s'avançant près de Tys. Ne garde que toi, moi, et ce type. De toute façon, ça ne les empêchera que de comprendre ce que lui dit, et il ne m'a pas l'air très bavard.

Tys hocha la tête. C'était déjà fait.

Leerian s'accroupit devant le garçon, se mettant à sa hauteur. Celui-ci eut un mouvement de recul, s'aplatissant contre l'arbre derrière lui. La main de Leerian était appuyée contre le pommeau de son épée, ce qu'il ne manqua pas de remarquer.

— Est-ce que tu es seul ? Où y a-t-il d'autres hommes qui vont venir te chercher ?

— Heum... un peu des deux, dit-il d'une voix lente et mal assuré. Ils vont s'énerver si je ne ramène pas à manger.

Il avait l'air drôlement angoissé en prononçant ses mots. Egrim, qui observait la scène en dégustant sa deuxième pomme, fut heureux, sur l'instant, que personne n'entende ses pensées. Parce qu'il lui rappelait lui-même, sous la menace de sa mère qui... viendrait le chercher. Ce qui était clair, c'était bien qu'il n'avait jamais dépassé le couvre-feu de sa vie.

— C'est lui qu'ils vont manger, dit Egrim.

N'étant plus dans la connexion, l'homme n'avait rien compris à ce qu'Egrim avait dit. Mais il avait saisi le ton alarmiste de sa déclaration. Il hocha la tête, même s'il n'était qu'à peu près sûr de ce qu'Egrim venait d'avancer.

— Si je ne rapporte pas le diner... ce sera moi, le diner. Pitié, laissez-moi filler ! Je trouverais autre chose que vous.

— Mais est-ce qu'il y a vraiment autre chose que nous ? s'étonna Tys. Ça fait des heures qu'on se promène dans cette forêt et il n'y a que des monstres bizarres...

Sur ces mots, l'homme éclata en sanglots, le front contre ses genoux et se balançant de haut en bas, en pleine crise existentielle. Il répétait inlassablement « je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir ». Leerian échangea un regard perplexe avec Tys, qui haussa les épaules. Ni l'un ni l'autre ne savait vraiment ce qu'il convenait de faire.

Egrim lança le trognon dans le trou de pique, aux pieds du pommier et s'avança vers ses amis.

— On devrait le garder.

— Comme un animal de compagnie ? dit Leerian d'un ton dédaigneux.

— Ou comme prisonnier, ou qu'importe. Ça lui sauverait la vie. Les autres types de son... village, tribu, je ne sais pas trop... ils ne m'ont pas l'air commodes.

— C'est ce que je disais tout à l'heure, s'énerva Mishi. Il pourrait nous servir de guide ! Comme ça, nous trouverons plus rapidement ce qu'on cherche, et on pourra quitter ce pays ensuite !

Egrim, Danayelle et Tys répondirent d'un « ouais ! » accompagné d'un large sourire. Leerian, lui, fronça les sourcils. Il voulait faire de ce pays sa nouvelle maison, pourtant tout le monde semblait détester l'endroit.

Puis il soupira en se tournant à nouveau vers l'homme.

— Si on le laisse partir, qu'est-ce qui nous garantit qu'il n'essayera pas encore de nous tuer ?

— Si on le surveille, il n'en aura pas la possibilité, dit Mishi. Ça tombe bien, tu as justement des cordes sur toi !

Leerian baissa les yeux vers lesdites cordes qu'il avait d'enroulé en bandoulière. Il les avait apportés pour lui-même, pour s'attacher contre un arbre à la pleine lune. Il n'avait pas prévu de faire de prisonnier.

Malgré lui, en faute de la connexion télépathique de Tys qui agissait toujours, tous avaient entendu ses craintes aussi surement que s'il les avait dites à voix haute. Pourtant, personne ne réagit. Tous avaient un doute de ce que Leerian comptait faire avec, de toute façon.

— Tu as deux cordes, on peut bien en sacrifier une, insista Mishi.

Leerian soupira, puis fit tomber l'une des cordes pour que quelqu'un d'autre s'en occupe. Il n'avait pas envie de ligoter un pauvre type et le trimbaler comme un chien au bout de sa laisse, et ce même si c'était un homme qui avait essayé d'en faire son diner. Pour une raison mystérieuse, il ressentait un peu de pitié pour lui. Vraiment rien qu'un peu.

Egrim éclata de rire. Il ne voyait pas souvent Leerian sous cet angle.

Danayelle s'avança pour installer les liens elle-même sur le garçon. Celui-ci ne résista pas, tremblant et la tête basse, n'osant même pas la regarder dans les yeux. Danayelle le trouvait drôlement mignon, celui-là. Presque exotique. Il avait des ressemblances évidentes aux hommes qui habitaient Nyirdall, mais celui-là semblait avoir un quelque chose qui le différenciait. Sa peau un peu plus foncée, peut-être. Son nez plus large. Il fallait presque se concentrer pour le remarquer, mais maintenant qu'elle était tout juste devant lui, enroulant la corde autour de son corps et ses bras, elle le voyait clairement.

— Comment tu t'appelles ? demanda-t-elle d'une voix douce.

L'homme lança un regard de côté vers Tys. Il n'avait rien compris de la question de Danayelle, puisqu'elle n'était plus dans la connexion.

— Elle veut savoir ton nom, répéta Tys.

— Nuvem.

Danayelle esquissa un sourire. C'était un prénom qu'elle n'avait jamais entendu, sur Nyirdall.

— Est-ce que tu as un don ?

— Il n'en a pas, répondit Tys à sa place. C'est un homme, Dana. C'est plus rare, chez eux.

— On ne sait jamais ! Je préfère encore demander.

Elle serra le dernier nœud, puis se releva pour surplomber Nuvem de toute sa grandeur. Il la regardait d'un air anxieux, saucissonné comme un prisonnier.

Danayelle se tourna vers Leerian, Mishi et Egrim, qui s'étaient regroupés près du pommier, et leur fit un large sourire.

— Voici notre guide ! Hourra !

Egrim frappa dans ses mains à deux reprises sans quitter ses airs d'ennui, puis continua de grignoter sa pomme. C'était au moins la troisième qu'il mangeait, et déjà son teint retrouvait eu peu de couleur.

Leerian voulut lancer une question, mais au même instant, une forme floue tomba du ciel à pleine vitesse tout juste devant lui. C'était Narsa, qui s'était enfin rendu compte que le groupe n'avançait plus. Jean débarqua à son tour et se posa sur les épaules d'Egrim pour ne surprendre personne... sauf Nuvem qui dévisageait la fée, et surtout ses ailes vertes et brillantes, avec des yeux écarquillés et la bouche grande ouverte.

— Qu'est-ce que vous fichez tous là depuis vingt minutes ?! demanda-t-elle de son habituel ton grognon. Et c'est qui, ce type qui me reluque ?

Narsa lança une grimace de provocation sur Nuvem, qui répondit en s'effondrant au pied de Danayelle, face contre terre.

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