Chapitre 30 (1/2)
Leerian se réveilla avec bonne humeur. Il avait dormi comme un loir. Ça ne l'aurait même pas étonné d'apprendre qu'il avait ronflé. Parfaitement éveillé, il sauta sur ses pieds, inspira l'air de son nouvel environnement goulument, puis sourit à sa chance, à son nouveau départ.
Puis il remarqua ses amis. Tous assis, les yeux cernés et des mines de déterré, comme si personne n'avait dormi depuis des jours.
Leerian avait complètement zappé ce qui s'était produit cette nuit. Après la bestiole assoiffée de sang qui avait attaqué Egrim, d'autres étaient sortis de l'ombre et tous, particulièrement Danayelle et Narsa, s'étaient donné la mission de les tuer. Il n'y en avait eu qu'une ou deux par heures, mais c'était amplement suffisant pour les empêcher de se reposer, les laissant tous dans un état de stress intense.
— Votre Altesse a dormi comme un gros bébé ? fit Danayelle d'un ton bourré de sarcasme.
Leerian demeura bête devant une telle question. C'était de la provocation ? Pourquoi semblait-elle tant en colère ? Danayelle n'était pas la plus facile à énerver, pourtant, elle était d'humeur à faire un meurtre.
— Euh... ouais, répondit Leerian avec hésitation. Pas toi ? J'ai manqué quelque chose ?
— J'ai manqué quelque chose ?! répéta Narsa en le singeant.
Puis elle explosa en insulte et en reproche, pointant un doigt accusateur sur Leerian qui ne bougeait plus, intimidé par la fée dont la tête atteignait tout juste son ventre. Même ses ailes s'étaient raidies derrière son dos, et malgré toute la méchanceté qu'elle lui déversait, Leerian ne put que la comparer aux insectes qui lèvent les pattes en l'air pour se donner l'impression d'être plus imposants.
Les remontrances durèrent près de cinq minutes, pendant lesquelles Leerian écouta poliment tout ce qu'elle avait à dire. Il savait Narsa capable de grand discours haineux, mais c'était la première fois qu'il s'en prenait une en pleine figure et il ne pouvait qu'avouer qu'elle avait de l'imagination et un très large vocabulaire d'insulte. Même Egrim n'était rien, avec ses quelques mauvais mots, comparés à ça.
— Wow, dit-il lentement une fois toute cette scène terminée. Euh... désolé.
Il tourna la tête vers Egrim, assis contre un arbre, les yeux cernés et les bras autour des genoux. Il ressemblait à un légume. Cette vision procura de la honte à Leerian, bien plus que le discours que Narsa venait de le servir.
— Je suis désolé, répéta-t-il avec plus de conviction. Vous pouvez tous vous reposer, maintenant. Je vais veiller sur vous.
— Non, laisse tomber, dit Egrim d'une voix étrangement basse. Plus vite tu auras trouvé ce que tu cherches, plus vite on pourra quitter cet endroit.
Il s'appuya sur Tys, à ses côtés, pour se relever. L'exercice lui arracha des grimaces et des grommellements, mais il parvint à son but au bout d'une vingtaine de secondes d'effort. Il souffla, puis se redressa le dos, faisant même un sourire à Leerian qui le dévisageait avec crainte.
— Je te plein, dit-il lentement. Pourquoi tu ne te soignes pas ?
— Je n'en ai pas la force.
— Mais... si tu te soignes, ta force reviendra plus vite ?
Egrim soupira en levant les yeux au ciel, l'air de le prendre pour le dernier des crétins.
— Tu ne peux pas comprendre, tu n'es pas magicien. Et d'ailleurs, je ne suis pas blessé. Rien qu'une petite morsure, mais je la sens à peine. Le problème, c'est que je manque de sang et je ne peux pas le faire apparaître de lui-même... Je ne crois même pas qu'il existe des sortilèges pour ce genre de trucs.
— C'est pareil comme dans le bateau, intervint Mishi. Il a besoin de repos.
— Ouais... Assieds-toi, dit Leerian. On va attendre que tu ailles mieux.
Cette fois, ce fut tous les autres qui soupirèrent en cœur. Plus personne n'avait envie de perdre une minute de plus dans cette forêt. En moins de douze heures, ils s'étaient déjà fait attaquer à deux reprises par des créatures étranges.
— Je vais le porter dans mes bras s'il le faut, mais il est temps de continuer la route, dit Danayelle. On te supporte tous à cent pour cent, Leerian, mais nous avons hâte de retourner à Nyirdall où les lutins sont de gentils fêtards dopés aux champignons magiques, et que les sangsues ne volent pas pour aspirer tout ton sang.
— Ouais, renchérit Mishi. Je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais les pixies me manquent ! Je ne les traiterais plus jamais de pestes.
— Ce sont des pestes, répliqua Narsa tout en lançant un regard noir vers Mishi.
Celle-ci n'eut même pas la force de rire. Elle en avait presque oublié cette rivalité à sens unique entre les pixies et les fées.
— Très bien, dit Leerian à regret. Vous voulez vraiment qu'on reprenne la route là, tout de suite ?
Sans même se donner la peine de répondre, Tys, Danayelle et Mishi, qui étaient encore assis au sol, se levèrent et se mirent à marcher, contournant Leerian pour continuer derrière lui. Danayelle passa un bras d'Egrim autour de ses épaules pour le soutenir, et Narsa s'envola au-dessus des arbres sans un au revoir. En la suivant des yeux, Leerian remarqua que Jean était avec elle.
Leerian soupira. Ses amis, surtout Mishi et Danayelle, semblaient lui en vouloir particulièrement. Hier soir, ils étaient encore heureux et confiants ; maintenant, ils ne pensaient plus qu'à faire le plus vite possible pour repartir d'ici.
Et dire que nous nous sommes éloignés de la plage que d'une centaine de mètres... Qu'est-ce qui nous attend, au milieu des terres ?
Pour la première fois, il en vint presque à regretter cette histoire. Peut-être aurait-il dû rester chez les djinns. Mais cette idée ne dura que quelques secondes, avant que la colère et la détermination ne reviennent en force. Plus jamais les djinns.
Il courut jusqu'au bord de plage, où il avait caché leur petit radeau, pour y prendre les cordes à l'intérieur, qu'il roula soigneusement pour les passer de travers sur ses épaules, ayant la triste conviction qu'il les aurait bientôt besoin. Puis il leva les yeux vers la mer, au loin. Son sang ne fit qu'un tour en remarquant, à la limite de l'horizon, un grand trois-mâts s'avancer lentement sur l'océan.
Leerian déglutit. Ce n'est pas eux. Ils nous ont laissé filer. Ce n'est pas eux... Ça ne peut pas être eux.
— Merde, souffla-t-il à mi-voix. Je crois bien que c'est eux.
— Leerian ?!
Celui-ci leva les yeux vers la forêt. Danayelle l'appelait. Pas besoin de les inquiéter. Peut-être qu'ils ne font que demi-tour. Ce doit être dur à manœuvrer, un machin aussi énorme...
— J'arrive.
Puis il courut pour rattraper ses amis, retrouvant sa place au-devant du groupe, marchant la tête bien droite à travers les grands arbres.
— Qu'est-ce que tu faisais ? demanda Danayelle. Je me suis inquiété !
— Allons, je me suis absenté pendant vingt secondes...
— Il m'a fallu moins de temps que ça pour croire que j'allais me faire dévorer par une sangsue, dit Egrim, pendu sous le bras de Danayelle.
Leerian ne trouva rien à répliquer à ça. Il avait raison ; le danger pouvait venir de tout côté, ici. Et maintenant, les pirates étaient à ajouter à l'équation.
Ils sont déjà assez inquiets comme ça. Ce n'est pas la peine d'en remettre une couche.
— Eh bien, dit-il d'un ton mal assuré, si vous avez hâte de quitter ce pays, peut-être qu'on devrait avancer un peu plus vite.
Mishi soupira ; Egrim grommela. Danayelle leva les yeux au ciel. Et Tys, qui hésitait encore sur l'attitude à adopter avec le grand roi Celeyste, fut le premier à accélérer.
— J'espère qu'il y aura quelque chose à bouffer au bout de la ligne, marmonna Egrim. C'est vraiment une honte que ces pirates ont gardé ton sac plein de provisions.
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Ceci n'est qu'une petite moitié de chapitre... mais l'autre moitié est énorme, donc, je coupe. La suite demain.
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