Chapitre 18 (1/2)

Pendant que Leerian et Mishi s'efforçaient de réveiller Egrim à coup de claque au visage, Danayelle continuait la quête, se promenant sur le port entre les hommes et les nains. Elle ignorait qu'Egrim avait déjà trouvé ce qu'ils cherchaient.

C'était la nuit, il faisait froid. Le vent marin était pénible, mais elle n'en démordait pas.

— Hé, tu sais où est Jimmy ? Ça fait un moment que je ne l'ai pas vu.

Danayelle lança un regard vers les deux hommes qui discutaient, quelques mètres derrière elle. Ils semblaient préoccupés. Elle décida donc de rebrousser chemin et de s'approcher d'eux avec un sourire poli.

— Bonjour ! Vous avez besoin d'aide ?

Les deux hommes se turent pour dévisager la blonde de haut en bas, les sourcils froncés. Danayelle se mordit les lèvres, intimidée.

— Je peux vous aider, insista-t-elle. En échange d'une information.

— Qu'est-ce que tu veux ? s'exclama l'un d'un ton tranchant.

— Savoir où vous allez. Mes amis et moi, on...

Les hommes grimacèrent et se détournèrent de Danayelle, la laissant en plan. Elle serra les poings de frustration. Elle commençait à en avoir marre de ce petit jeu ; presque tous ceux à qui elle avait posé la question l'envoyaient balader comme une malpropre.

— Hé ! s'énerva-t-elle en courant pour rattraper les deux matelots qui s'éloignaient. Je suis sérieuse, j'ai besoin de savoir où vous allez !

L'un des deux hommes se tourna vers Danayelle. Il était plus grand qu'elle d'au moins vingt centimètres. Malgré la température proche du zéro degré, il ne portait qu'un simple teeshirt, laissant parfaitement visibles ses énormes biceps.

— Si tu veux aider, retrouve notre Jimmy, fit-il d'un ton grognon. Tu le reconnaitras facilement, l'idiot n'a même pas enlevé son pyjama rayé pour travailler.

Danayelle hocha solennellement la tête alors que l'homme pouffait de rire. Il tourna les talons et alla rejoindre son ami qui s'était éloigné.

Retrouver un Jimmy, pensa Danayelle. Ça ne doit pas être si compliqué...

Elle regarda longuement tout autour d'elle, à la recherche d'un type en pyjama rayé. Sur le grand quai qui s'étendait devant elle, il y avait beaucoup d'homme et de nain, mais aucun en pyjamas. En toute logique, s'il n'était ici, il était peut-être sur l'un des bateaux. Danayelle s'approcha de quelques pas de ceux-ci, où une petite dizaine étaient tous alignés. Sur la côte, la mer était très profonde, permettant à même les trois-mâts de se poser tout près. Danayelle savait déjà, par l'information qu'elle était parvenue à recoller ici et là, que plusieurs de ses navires pouvaient être retirés de l'équation ; les deux premiers du bord, de simples voiliers, appartenaient à des nains. Le troisième et le quatrième n'avaient personne pour s'en occuper cette nuit. Mais le cinquième, en partant de la gauche... c'était peut-être lui. Elle lança un regard vers les deux hommes qui s'étaient éloignés, puis s'avança pour grimper sur la rampe de bois.

*

Une dizaine de minutes s'étaient écoulées depuis qu'Egrim était tombé dans les pommes. Leerian et Mishi avaient même abandonné l'idée de le réveiller ; s'il était épuisé à ce point, mieux valait attendre qu'il s'éveille de lui-même... ce qu'il fit en hurlant, sursautant si haut qu'il se cogna l'arrière du crâne contre un arbre derrière lui.

— Aah ! Quoi ! Hein... où est-ce que je suis ?

Leerian et Mishi s'approchèrent de lui, qui tournait la tête en tout sens avec un regard de fou. Narsa était assise dans son coin, s'amusant à produire quelques étincelles vertes qui virvoletaient autour de ses doigts.

— Crétin, fit-elle comme seule explication.

Egrim plissa les yeux en dévisageant la fée. La raison lui était déjà revenue, et la mauvaise humeur aussi.

— Toi-même, crétine.

— Egrim, intervint Leerian. Est-ce que tu vas bien ?

— Ouais, ouais. Où est-ce qu'on en était ?

— Tu avais trouvé un bateau.

— Ah ! Oui, c'est vrai.

Egrim se mit à quatre pattes et s'avança jusqu'au buisson qui délimitait la petite forêt. Il repoussa les branches, découvrant le grand quai. Les navires, les matelots transportant des caisses. Des éclats de voix leur parvenaient, sans qu'ils en captent les mots.

— Regarde, dit-il en levant le doigt. Le cinquième depuis la gauche. Le gros trois-mâts. Il va sur... euh, un pays au nom bizarre qui commence par T.

— Thrasyall ! s'exclama Leerian avec un large sourire.

— Tu connais ? s'étonna Egrim.

— Bien sûr. Tu te souviens d'Elzor ?

Egrim fit la moue. Ça lui rappelait vaguement quelque chose...

— C'est le semi-elfe que nous avions rencontré sur le bateau pirate, intervint Mishi.

— Oh, lui...

— Oui, lui, insista Leerian. Il nous avait parlé de Thrasyall. Il avait dit que c'était un endroit intéressant.

Particulier, dit Mishi. C'est le mot qu'il avait employé. Un endroit particulier.

— C'est la même chose.

— Ça peut se prendre de toute sorte de façon différente.

— Mais il voulait dire bien. C'est un bel endroit.

— Si je te lance un rayon laser en pleine gueule, je te jure que tu trouveras l'expérience particulière, fit Narsa d'un air détaché.

Egrim hocha gravement la tête à ce commentaire. Leerian fit la moue en dévisageant tour à tour le mage et la fée, à court d'arguments. Puis il balaya la question d'un mouvement de tête.

— Peu importe. Tu peux me téléporter sur ce bateau, oui ou non ?

Egrim sourit, puis tendit une main vers lui et l'autre vers Mishi. Celle-ci y posa la sienne, mais Leerian eut un moment d'hésitation.

— Qu'est-ce que c'est, sur ta main ?

Mishi et Narsa se penchèrent pour voir ce qui intriguait Leerian. Sur sa paume et s'étendant jusqu'au pouce d'Egrim, il y avait une large tache de sang.

— Tu es blessé ? demanda Leerian.

— Euh, fit lentement Egrim. Non, c'est...

Ce n'est pas le mien. Egrim se retint de justesse. Le visage rougi d'embarras, il frotta sa main au sol, contre la neige et l'herbe morte.

— Ce n'est rien, reprit-il. J'ai dû m'écorcher sur une branche...

Leerian le regardait droit dans les yeux, sans rien dire. Il eut envie de lui rappeler que s'il avait un don, c'était bien de déceler les mensonges. Mais, encore une fois, il préféra laisser couler. Oh, ce n'est pas comme s'il avait fait un meurtre... c'est juste une tache.

Egrim, tout en s'efforçant de reprendre le contrôle de ses émotions, continuait de frotter sa main sur la neige pour faire disparaître le sang. Et plus il frottait, plus une étrange sensation de démangeaison l'étreignait.

— Bon, allez, le pressa Leerian. Apporte-nous là-bas.

— Oui, chef, fit Egrim avec soulagement.

Et encore une fois, il tendit ses mains propres vers Mishi et Leerian. Tous deux y posèrent les siennes. Et juste avant de disparaître, Narsa se précipita à son tour pour l'attraper solidement par le coude.

*

Danayelle inspectait le bateau. Il était très grand, beaucoup plus que celui des pirates et même de Lennar, l'homme qui l'avait ramené à Stanmore, elle et Leerian. Le pont était d'une longueur qui semblait s'éterniser. Cette sensation était accentuée par l'effet des vagues sous la coque, qui faisait tanguer le navire de gauche à droite.

Elle était seule sur le bateau. Aucun matelot en vue. Danayelle soupçonnait qu'ils étaient tous, ou au moins la plupart, en train de dormir, quelque pas en bas. Peut-être qu'il était parmi eux, sont Jimmy. Mais pourquoi serait-il tranquillement entrain de dormir si ses amis le cherchaient ? Non, Danayelle était plutôt convaincue qu'il était caché quelque part pour éviter de travailler.

Quand Egrim, Leerian, Mishi et Narsa apparurent sur le pont, Danayelle venait d'entrer dans le bureau, sous l'escalier qui menait au deuxième pont. Egrim avait tout juste eu le temps de voir un bout de sa chevelure blonde passer l'embrasure de la porte.

Egrim eut un mauvais pressentiment. Danayelle ne devait pas aller là-dedans ! Il fit un pas dans sa direction, mais Leerian posa sa main sur son épaule au même moment.

— Tu nous as emportés sur le pont ? Ce n'est pas très judicieux, comme cachette. Il faudrait plutôt aller dans la cale. Dans un coin que personne ne risquerait de nous voir !

— Je n'ai pas eu le temps d'explorer, je ne peux pas me téléporter dans des endroits que je ne connais pas. Laisse-moi juste une minute...

Egrim se dégagea et disparut aussi sec. Leerian demeura bête, étonné du ton du petit mage.

— Est-ce qu'il m'en veut ?

— Probablement, répondit Narsa. Un rien le met sur les nerfs.

— Dans mes souvenirs, il était beaucoup plus gentil, dit Mishi pour elle-même.

Et sans prévenir, elle attrapa Leerian par le bras et tira pour le forcer à s'accroupir derrière un tonneau. Leerian se laissa faire, encore une fois étonné du geste.

— Reste caché.

Leerian aussi était sur les nerfs, maintenant. Frustré, il prit à son tour Mishi par le bras pour la mettre à terre, tout près de lui.

— Reste caché toi-même. Je te rappelle que tu es une sirène sur un bateau pirate.

— C'est un bateau marchant, ducon !

— Mais ça revient au même !

— On est encore au port ! Et je suis sur mes jambes !

— Et alors ? La dernière fois, on était dans une auberge et ils t'ont quand même attaché au mât !

— C'est parce qu'ils voulaient ta rançon ! grogna Mishi en enfonçant un doigt dans la poitrine de l'elfe. C'est toi qui rends toujours tout dangereux !

Le visage de Leerian était devenu rouge tant la frustration montait. Mais il n'avait plus rien à répliquer ; Mishi avait parfaitement raison là-dessus.

— Je t'aime encore ! lâcha-t-il soudain.

— Pas moi, grommela Mishi.

Leerian et Mishi détournèrent la tête, chacun dans une direction opposée.

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