Chapitre 55
Plus d'une heure de rame fut nécessaire avant d'enfin atteindre la fameuse île d'Ashgar. Là où personne n'était assez stupide pour y mettre les pieds, sauf deux elfes et une sirène un peu trop téméraire.
Ils étaient complètement sous l'énorme nuage de cendre. Elle leur donnait l'impression qu'il neigeait, une neige grise et chaude qui s'accrochait à leurs cheveux et leurs vêtements. En réalité, c'était une belle journée avec un petit vent frisquet, mais la température ici était humide et étouffante. À peine accosté que Leerian avait encore une fois retiré sa chemise, ne laissant sur lui qu'un teeshirt blanc. Le radeau était toujours dans l'eau, la coque raclant le sable étrangement noir de l'île. Seule Danayelle avait débarqué, mais Leerian et Mishi, tous deux nu-pieds, craignaient de se brûler.
— Ça commence bien, dit Mishi dans un rire nerveux. Tout juste arrivé et sa se passe déjà mal.
Leerian fit une grimace et un hochement de tête. Puis il reprit sa chemise, au fond du bateau, et en déchira les manches.
— Hé ! Qu'est-ce que tu fais ?! s'exclama Mishi.
— Des souliers, fit Leerian d'un ton malin.
Il attacha les bouts de tissus aux pieds de Mishi, qui fit la moue. Elle était tellement fière de cette belle chemise qu'elle lui avait achetée. Ce pauvre vêtement n'aura même pas survécu une journée.
Leerian déchira ce qui en restait en deux pour les nouer autour de ses propres pieds. Le résultat n'était pas très esthétique, mais il avait au moins l'avantage de le préserver du sable brûlant. Il fit le test en sautant du bateau, rejoignant Danayelle qui les attendait les bras croisés avec impatience.
— On dirait des pantoufles, dit-elle en froissant le nez.
Mishi vient à leur rencontre en grommelant. Elle faisait de grands pas, comme si elle risquait de perdre l'équilibre à tout moment.
— Ça fait super bizarre d'avoir ses trucs autour des pieds. Comment fais-tu pour porter des souliers en permanence ?
Danayelle pouffa de rire, mais un bruit soudain les fit tous sursauter. Ils se retournèrent pour regarder vers le centre de l'île. D'ici, il ne voyait que du sable noir, des rochers noirs, et, au loin, un volcan tout noir. Les seules touches de couleur qui persistait dans ce décor glauque étaient les coulis de lave qui sillonnait le paysage.
Le bruit se répéta, plus fort encore. On aurait dit un tremblement de terre tant il était puissant. Il vrillait les oreilles de Leerian et Danayelle. Ils le percevaient vibrer sous leurs pas. C'était comme si l'île était vivante.
— Venez, on ne devrait pas rester ici, dit Leerian.
Il ne savait pas exactement de quoi il avait peur, mais il sentait l'anxiété monter dangereusement, comme une boule qui gonflait dans sa poitrine. Il prit la main de Mishi et l'entraina avec lui vers les rochers au loin. Il n'y avait pas d'arbres, de buisson, ni même de brins d'herbe. Pas un seul. C'était désolé, sans la moindre trace de vie. Leerian et Mishi, ayant vécu en forêt, en éprouvaient un profond malaise.
Danayelle, en revanche, était focalisée sur la pierre d'Omins. C'était ici qu'elle allait la trouver, c'était obligé. Elle dépassa Leerian et Mishi, s'enfonça parmi les rochers et s'accroupit dans un coin, comme pour se cacher de quelque chose.
— OK, il faut qu'on se fasse un plan. On va quadriller l'île.
— Ça veut dire quoi ? dit Leerian en faisant la moue.
Danayelle pouffa de rire. Il n'y avait rien de particulièrement drôle, pourtant elle avait été incapable de s'en empêcher. C'était la nervosité.
— On va diviser l'île en plusieurs zones et on va chercher minutieusement dans chacun d'eux jusqu'à ce qu'on trouve l'Omins !
— Mais cet endroit est immense, dit Mishi. Ça va nous prendre des jours !
Leerian sentit son cœur s'arrêter de battre pendant une seconde. Avec autant de subtilité que possible, il lança un petit regard en coin à sa sirène. Des jours. Lui qui croyait bêtement qu'ils dégoteraient la pierre aussitôt arrivée. Il ne restait qu'une seule semaine avant la pleine lune !
Qu'est-ce que je fiche ici ?! s'étonna-t-il à penser. Il se rappelait s'être promis qu'au bout de deux semaines, il ferait demi-tour pour retourner à Celeyste. Mais il ne l'avait pas fait. Et maintenant, il était coincé sur une île volcanique avec deux victimes potentielles.
— Non, on ne peut pas rester là pendant des jours ! Nous n'avons que deux stupides ananas en réserve ! s'énerva Leerian en frappant du poing contre un rocher près de lui, puis grimaça en remarquant la chaleur qui s'en dégageait. Rien ne pousse, ici. Nous ne trouverons rien à manger pour tenir aussi longtemps. On prend cette pierre aujourd'hui, ou on repart !
— Quoi ?! s'étonna Danayelle en se relevant pour faire face à Leerian. On vient tout juste de passer quatre jours en mer et on s'en est sorti ! Et Nocksor n'est qu'à quelques heures de bateau. On y était encore ce matin ! Alors on peut facilement survivre pendant quatre jours de plus !
Leerian fut bouche bée devant tant de logique. Danayelle avait parfaitement raison.
Mishi s'avança d'un pas pour poser une main réconfortante sur son épaule.
— Ça va aller, Leerian, dit-elle doucement. Je sais que le paysage est plutôt angoissant, mais on va s'en sortir ! Nous avons vécu pires, non ?
Leerian hocha platement la tête, puis se ressaisit avant de laisser paraitre quoi que ce soit. Il lâcha même un petit rire pour tenter de faire redescendre la pression.
— Il fait tellement chaud, ici ! Ça m'embrouille le cerveau ! dit-il en passant une main dans ses cheveux.
La cendre colorait ses mèches d'argent en une teinte plus foncée par endroit. Mishi eut un sourire compatissant.
— Ça va aller, répéta-t-elle. Revenons-en à ton plan, Dana.
— Oui... eh bien, je crois que Leerian a un peu raison. Passer l'île entière au peigne fin, c'est peut-être exagéré. Je propose qu'on commence nos recherches par le centre.
— Le centre ? Tu veux dire...
Un bruit sourd l'arrêta au milieu de sa question. Le sol trembla sous leurs pieds, et tous se retournèrent pour observer le volcan. Une épaisse fumée s'échappait du cratère, une nouvelle coulée de lave descendait lentement la pente.
— Ouais, fit Danayelle après un moment de silence angoissant. Je parle de ça. Le volcan.
— Mais tu es complètement folle, fit Leerian dans un murmure.
Danayelle lui lança un regard aussi noir que la cendre.
— Je le dis affectueusement, se reprit-il aussitôt. OK, on y va ! Ce sera amusant !
Puis il dépassa Danayelle et Mishi pour s'engager dans la bonne direction. Mais encore une fois, le même bruit se répéta. Il s'arrêta au bout d'un seul pas.
— Est-ce que c'est bizarre si ce que je croyais être des éruptions volcaniques ne provient pas du volcan ? Il est là, dit-il en pointant la montagne fumante, et cette fois, je l'ai bien senti ; le bruit vient de là.
Il inclina le doigt vers la gauche. Il semblait ne rien y avoir dans cette direction, autre que ces pierres noires et un lac de lave. Et pourtant, il remarqua ce qu'il croyait être un rocher bouger. Il s'éleva, se tourna... il se déplaçait. Et une tête en jaillit.
Leerian couina de terreur et s'abaissa pour se cacher. Il empoigna le manche de son épée, mais la chaleur lui fit aussitôt lâcher prise. Avait-il touché directement l'argent de la lame ? Il regarda son arme avec horreur, mais remarqua rapidement que c'était bel et bien l'or qui l'avait brûlé. Il faisait si chaud, ici, que le métal devenait impossible à supporter.
— Leerian ? Qu'est-ce que tu as vu ? demanda Danayelle.
Leerian se retourna vers les filles, debout derrière lui. Il posa un doigt devant sa bouche et, de l'autre main, leur intima de s'accroupir. Elles obéirent aussitôt.
— Qu'est-ce que tu as vu ? répéta Danayelle dans un murmure.
— Un dragon.
Mishi et Danayelle s'échangèrent une œillade perplexe. Leerian s'énerva, frustré qu'elles ne soient pas terrifiées.
— Un dragon ancien ! Je ne pas parle pas d'un miniature comme Jean. Ancien ! Gros, gigantesque, qui va tous nous bouffer !
Cette fois, la peur était bel et bien présente dans leurs regards. Dans une drôle de démarche accroupie, elles s'avancèrent jusqu'à Leerian et observèrent la scène. Dans ce qui semblait être qu'un énorme tas de roche, elles aperçurent la bête qui sommeillait tranquillement. Au début, elles le confondirent elles aussi dans le paysage, mais réalisèrent rapidement que c'était ses écailles qui en reproduisaient la couleur et la texture. Gris-noir, elles donnaient l'impression d'être tout autant cahoteuses que son environnement. Une longue crête suivait sa colonne vertébrale, imitant des petites montagnes. En descendant vers ses pattes, sa peau semblait devenir de plus en plus rouge et lisse, tout comme son ventre qu'ils apercevaient à peine. Et sa grosse tête, zébrée de noir et de rouge, était surmontée de deux énormes cornes de bœuf. Ses yeux étaient fermés, mais pour l'avoir vu bouger une minute plus tôt, Leerian savait qu'il ne faisait pas plus qu'une sieste.
— Ouah, fit Danayelle dans un murmure. C'est une sacrée bête. Il doit bien mesurer dix mètres de long !
— Minimum, fit Mishi. Et dire que tu craignais pour les salamandres, ajouta-t-elle pour Leerian.
Celui-ci répondit d'un sourire. Mishi fronça les sourcils, étonnée de sa réaction. Elle l'avait imaginé paniquer, comme il le faisait souvent.
— En fait, je crois que je préfère un dragon aux salamandres. Il est gros, certes, et très impressionnant. Mais ils ont une vision et une ouïe horrible. Et aucun odorat, pour cause de la fumée qui leur sort constatant des narines. Il suffit d'être discret et il ne nous remarquera jamais.
— Ouais, mais s'il nous voit, là, on est cuit. Genre, littéralement cuit. Il va nous carboniser.
— Ça va aller. S'il regarde dans ta direction, il faut arrêter de bouger complètement. Mais je propose quand même de faire un détour pour atteindre le volcan !
— Bonne idée ! renchérit Danayelle.
D'un hochement de tête entendu, ils reculèrent pour sortirent de leur cachette et se rendirent jusqu'à la plage. Malgré un certain sentiment d'urgence, ils n'osaient pas courir ; ils avaient peur de faire du bruit et de réveiller le dragon. Même s'ils avaient conscience que c'était plutôt idiot, tous préféraient prendre le moins de risque possible.
Ils marchèrent sur le sable noir pendant une dizaine de minutes et contournèrent un lac de lave avant de s'enfoncer vers le centre de l'île. La chaleur était étouffante, tous étaient en sueur. Les cheveux de Danayelle s'étaient mis à friser par toute cette humidité. Mishi avait attaché les siens en deux pompons avec les élastiques qui ne quittaient jamais son poignet. Leerian avait pris les devants du groupe, sans démontrer la fatigue qu'il éprouvait déjà. Il était autant accablé par la température que les filles, mais s'il voulait fuir cette île au plus vite, il valait mieux éviter de trainer.
Enfin, il se tourna vers le volcan et s'avança dans sa direction. Tout autour de lui, il n'y avait que ces rochers noirs, glauques et angoissants, mais il n'avait pas peur. Il était déterminé. Le dragon est loin, et ce sont des solitaires. Aucun risque d'en trouver un deuxième. Il était le plus grand danger qu'on pouvait tomber dessus ici, et il suffit de le contourner ! Tout est dans la poche.
Mais au détour d'un rocher, le peu d'espoir qu'il restait en lui s'évanouit. Il s'arrêta, lâcha un soupir et lança un regard incertain vers Danayelle qui s'était immobilisé à ses côtés. Droit devant, une rivière de lave serpentait jusqu'au volcan. Elle était suffisamment mince pour l'enjamber, mais ce qui l'inquiétait surtout était qu'ils avaient enfin trouvé les fameuses salamandres. Sur ce qui s'apparentait à une clairière, il devait bien y avoir plusieurs centaines de ses minuscules reptiles gluants. La plupart étaient agglutinés au lit de la rivière et en lapaient la substance comme du bon lait. Certains nageaient même dedans. Et d'autre étaient sur la terre ferme et se chamaillaient en s'envoyant des coups de patte.
— Tu vas me regarder de travers si je dis qu'ils sont mignons ? demanda Mishi.
Leerian lui lança un regard de travers. Danayelle éclata de rire.
— Ils sont minuscules, Leerian ! Il te suffit de marcher dessus pour les tuer. Comme un insecte.
— Les insectes que je connais ne m'ont jamais balancé de boules de feu, fit Leerian dans une grimace.
— Tu veux qu'on fasse un vote ? Levez la main si vous préférez affronter les salamandres plutôt qu'un dragon.
Danayelle et Mishi levèrent la main de concert. Leerian lâcha un grognement bestial.
— Vous êtes inconsciente.
— C'est toi qui as toujours peur de tout. Les salamandres vont nous cracher de la lave dessus, peut-être, et c'est clair que ça fera mal. Mais le dragon, il va nous tuer directement.
— Je lance une nouvelle option ; on retourne à la plage et on trouve un autre chemin.
— Mais elles sont partout... regarde.
Leerian soupira en reportant son attention au paysage devant lui. Le terrain s'étendait sur près d'une centaine de mètres avant de se remettre à monter vers le volcan. La rivière de lave divisait la clairière en deux et, de chaque côté, des dizaines et des dizaines de reptiles à la peau rouge, orange, ou noir, même jaune pour quelques rares d'entre eux, se baladaient tranquillement. Leerian en apercevait sur les rochers au loin, et en se concentrant bien, il arrivait à en voir sur la paroi du volcan. Ce qu'il avait pris pour de la lave était en réalité ces petites bêtes, tant agglutiné l'unes contre l'autre qu'elles créaient un effet d'optique.
En fait, les seuls endroits où il n'y en avait pas étaient sur la plage ou sur le territoire du dragon.
— Eh bien merde, tu as raison, fit-il dans un murmure dépiter.
Il se tourna vers Danayelle et Mishi, semblant toutes deux déterminées. Qu'est-ce que je fiche ici ?! pensa Leerian pour la vingtième fois depuis leurs arrivées sur Ashgar.
— Je vote quand même pour le dragon.
— Eh bien, vas-y avec le dragon, dit Danayelle. Nous, on va passer par là. On se rejoindra en haut.
— On ne va pas se séparer ! s'exclama-t-il soudain.
— Alors tu viens avec nous !
Leerian grogna, tapa du pied furieusement, puis refis face aux filles.
— Très bien. On va faire comme vous le voulez. Mais il va falloir courir à pleine vitesse. Et Mishi... désolé, mais tu n'es pas assez rapide. Grimpe sur mon dos.
— Mon poids va te ralentir, ce sera contre-productif.
— Oh, mais tu me prends pour qui ?! Tu ne pèses rien du tout !
Mishi fit la moue, mais préféra ne rien ajouter sur le sujet. Elle n'arrivait pas à décider si c'était flatteur ou insultant de sa part. Ce n'était que Leerian qui, comme à son habitude, disait n'importe quoi lorsqu'il était angoissé.
Avec un soupir résigné, elle grimpa sur ses épaules. Elle se sentait ridicule, prête pour un peu d'action et réduite à jouer le rôle de la demoiselle en détresse. Danayelle se mordant les lèvres pour s'empêcher de rire n'arrangeait rien à son malaise.
Leerian échangea un regard avec Danayelle et partagèrent un hochement de tête. Ils prirent chacun une grande inspiration, puis s'élancèrent dans la clairière. Autant Leerian était stressé et Danayelle drôlement déterminée, Mishi était simplement perché sur le dos son petit elfe en soupirant d'ennuie. Elle trouvait toute cette mise en scène complètement ridicule. En même temps, elle devait admettre que Leerian était sacrément rapide. L'air chaud lui fouettait le visage à un point que c'en était presque douloureux. Elle se cacha derrière la tête de Leerian, les yeux au sol. Les salamandres lui paraissaient floues tant ils passaient vite, pourtant elle voyait bien les petites boules de feu qui semblaient s'élever d'un peu partout sans les toucher. Mishi lâcha un rire, trouvant la situation plutôt amusante... jusqu'à ce qu'une horrible sensation de brûlure l'atteigne à l'épaule. Elle hurla, resserrant ses bras autour du cou de Leerian qui grogna à son tour. Il accéléra la cadence, Danayelle les suivant de près. Elle entendait un son étrange se répéter, comme un souffle d'air. Elle savait que c'étaient les salamandres qui leur crachaient encore dessus.
Au bout d'à peine une minute, ils avaient traversé la clairière. Leerian et Danayelle dérapèrent sur les pierres inégales et s'arrêtèrent dans ce qui ressemblait à une petite grotte. La forme des rochers semblait former un toit au-dessus de leur tête. Mishi lâcha Leerian et s'étendit au sol, tenant son épaule endolorie en gémissant, des larmes aux yeux tout en s'efforçant de les contenir.
— J'ai été touché... ça fait mal !
Elle leva un regard suppliant vers ses amis, et un hoquet de stupeur lui échappa. Leerian était recouvert de marques de brûlures. Son teeshirt était déchiré à plusieurs endroits, une mèche de ses cheveux semblait calcinée. Ses bras étaient pleins de cloque horrible alors qu'il tentait d'éteindre les flammes qui grimpaient sur une jambe de son pantalon.
À ses côtés, Danayelle s'était effondrée, s'efforçant de réguler sa respiration. Elle était dans un état aussi lamentable que Leerian. Mishi ravala ses larmes, réalisant alors qu'elle s'en était beaucoup mieux sortie que ses amis.
— J'aurais dû insister un peu plus, grommela Leerian.
Il s'avança jusqu'à Mishi dans une démarche boiteuse et s'étendit près d'elle. Mishi s'éloigna, répugnant l'idée d'effleurer ses brûlures et de renforcer sa douleur.
— Moi, j'aurais dû insister pour qu'Egrim vienne avec nous ! répliqua Danayelle. Il nous aurait téléportés loin de ses foutues salamandres... et si l'une nous avait tout de même touchés, il aurait pu nous soigner ! J'ai été vraiment idiote de le laisser partir...
— Il voulait partir, fit Leerian. Le retenir contre son gré, s'aurait été un kidnapping...
— Bien sûr que non ! C'est un mage, maintenant ! C'est son devoir d'aider les gens !
— Il n'est pas un mage, Dana ; il connait un seul sortilège. Et c'est un enfant, bon sang ! Il a quoi, douze ans ?
— Treize. Et ce n'est pas une excuse ! Moi j'en ai quatorze.
Leerian inclina la tête dans sa direction, sans rien ajouter. Il se rappelait bien qu'elle lui avait déjà dit son âge, pourtant elle semblait bien plus vieille que ça. Surtout du fait qu'elle faisait trois centimètres de plus que lui.
— Ce n'est pas important, intervint Mishi. Il vaudrait mieux se concentrer sur ce qu'on peut faire, plutôt de fantasmer sur une aide qu'on ne peut pas avoir. On a fait un bon bout de chemin, non ? Nous sommes près du volcan ?
— Un dixième de la route parcourue.
Ce fut au tour de Mishi d'être bouche bée. Elle avait bien fermé les yeux sur une partie de cette course à travers la clairière, mais elle croyait être allée beaucoup plus loin que ça !
Elle baissa le regard vers Leerian, étendu en croix sur le sol. Elle ressentait de la pitié pour son petit elfe. Il était encore couvert de cloque, mais elle remarqua soudain que ses blessures semblaient déjà presque superficielles. À ce rythme, il n'y aurait plus rien d'ici quelques minutes. Ce qui n'était pas le cas de Danayelle, qui grimaçait en s'efforçant de contenir la douleur.
— Leerian... comment se fait-il que tu guérisses aussi vite, mais que les cicatrices sur ta joue soient toujours là ?
Leerian demeura muet un long moment, ses yeux écarquillés et fixés au plafond de la grotte. Quel mensonge pourrait être crédible en ce genre de situation ? Je peux dire n'importe quoi, le Kraken ne peut pas m'atteindre ici ! pensa-t-il avec amertume. Mais le problème était tout de même présent ; malgré son talent de menteur, il séchait complètement.
— Je... je ne sais pas, dit-il d'un ton mal assuré.
— Tu ne sais pas ? répéta Mishi.
Le doute s'entendait parfaitement dans sa voix. Il fallait en remettre une couche ou il était évident qu'elle ne le prenait pas au sérieux.
— J'ai ces cicatrices depuis toujours. Je ne me rappelle pas comment je me les suis faits... J'étais peut-être trop jeune pour, euh... pour guérir proprement, je suppose...
Mishi échangea un regard avec Danayelle, étendu un peu plus loin. Aucune ne voulut ajouter quelque chose aux révélations de Leerian, pourtant il était clair qu'aucune ne le croyait vraiment.
— D'accord, dit simplement Mishi.
Il est complètement en train de me mentir. Mais qu'est-ce qui lui fait honte à ce point dans une si petite cicatrice ?
Leerian se releva en position assise. Par le temps de cette conversation, il semblait déjà parfaitement guéri. Il avait toujours une mèche de cheveux calcinée et le bas d'une de ses jambes de pantalons noir de suie, mais son regard était déterminé.
— Allez ! Vous êtes prêtes pour remettre ça ? On va essayer de se rendre plus loin, cette fois !
Il s'avança vers l'entrée de la grotte, au même moment qu'une toute petite salamandre s'y aventurait. Elle était d'un orange presque fluorescent. En apercevant Leerian, elle leva la tête et son cou sembla se gonfler. Elle préparait une boule de feu pour lui cracher dessus. Sans perdre de temps, Leerian l'écrasa sous son talon de toutes ses forces et l'envoya valser d'un puissant coup de pied. Puis il lâcha un bref hurlement en se mettant à sautiller.
— Saloperie, même leur peau est brûlante ! OK, pas touche aux salamandres, les filles ! Venez, on y va !
Mishi et Danayelle échangèrent un regard, puis se levèrent à sa suite, prête à confronter ces petits reptiles gluants pour un deuxième round.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top