Chapitre 47 (1/2)

À plusieurs centaines de kilomètres de la mer Maras, sur la terre ferme, Egrim venait tout juste d'arriver à destination. Stanmore s'élevait devant lui, ses gratte-ciels et ses lumières, ses voitures volantes et le bruit constant. Il regardait le tout comme s'il n'y avait pas mis les pieds depuis des années, alors qu'en réalité, sa dernière visite ne remontait à une semaine.

Il était toujours assis aux côtés du cocher, sur le devant de la diligence, Jean dormant sur ses épaules.

— Je n'irais pas plus loin, petit, dit le cocher d'un ton dur. Stanmore est là, tu peux partir.

— J'ai pourtant une idée toute simple qui pourrait vous rapporter trente pièces d'or.

L'homme inclina la tête. Il était intrigué malgré lui, alors qu'il ne souhaitait que démontrer la colère qu'il éprouvait pour le téléporteur. Il avait bien été manipulé par cet elfe pour faire toute cette route, qui leur avait pris plusieurs heures... mais pourquoi cracher sur de l'or ?

— Comment ?

Egrim eut un sourire en coin. Son plan consistait autant à rendre service au cocher, qu'à se servir de lui encore un peu plus pour aller plus loin dans la ville.

— Il y a une rançon sur ma tête. Conduisez-moi au poste de police en disant que vous m'avez capturé.

— Alors... tu es un criminel ?

— J'ai volé une voiture, avoua Egrim d'un banal mouvement d'épaule. Je l'aurais bien rendu au propriétaire après usage, mais, le problème, c'est que je l'ai explosé. Bon, le journal raconte aussi que je me suis enfui de l'Institut, mais c'est faux, j'ai eu l'autorisation de sortie !

Le cocher secoua la tête, sans répliquer. Il était vraiment tombé sur tout un phénomène ! Puis un détail lui sauta aux yeux, et un hoquet de surprise lui échappa alors qu'il se tournait vers Egrim. Ses rênes retombèrent sur ses cuisses et les chevaux s'arrêtèrent de trotter. La route s'était depuis peu transformée en goudrons et le clap clap de leurs sabots étaient assourdissant.

— Tu es l'un de ses gamins du journal ! Oui, j'ai lu l'article ! Mais alors... est-ce vrai que...

Le cocher s'interrompit, comme s'il croyait qu'Egrim aurait pu comprendre sa question pour si peu. Celui-ci inclina la tête, attendant la suite.

— Est-ce vrai que... l'un d'entre vous est... Celeyste ?

Egrim eut un sourire de côté. Pendant un instant, il en fut presque jaloux.

— Ça se pourrait bien, dit-il simplement.

L'homme eut une exclamation incrédule, puis reporta son attention à la route. Il donna un coup de rênes et les chevaux reprirent leurs marches. Le chemin se faisait de plus en plus large, ils croisaient plus de gens à leur passage. Des maisons modernes étaient plus nombreuses, leurs cours avant plus petites. Bientôt, ils se mirent à rencontrer les premières voitures, ce qui affola légèrement les bêtes. En levant les yeux, Egrim voyait les gratte-ciels. Il guida le cocher vers l'un des centres de police le plus proche, qui était plutôt en banlieue. Mais déjà, il y avait des magasins, des gens de toutes les races, du bruit... beaucoup de bruit. C'était difficile à croire qu'il était près de onze heures du soir.

— C'est ça, dit Egrim en pointant au loin une simple bâtisse en brique avec un gros panneau au-dessus de la porte indiquant, en toute logique, « police ». Je vais me coucher, pour faire comme si vous m'avez assommé. En arrivant, vous prendrez un air méchant et m'empoignerez solidement par le bras pour me réveiller, mais je vais faire genre « je suis trop sonné pour me défendre ».

— Pourquoi autant de mise en scène ?

— Parce que je suis téléporteur ! On ne m'attrape pas juste comme ça ! dit-il en claquant des doigts.

Quelqu'un frappa contre le bois de la diligence, tout près d'Egrim, et celui-ci sursauta en se retournant. Il sentit le sang quitter son visage en se retrouvant soudain face à face avec un troll en uniforme d'officier de police. Il portait un pantalon noir et une large chemise bleue, surmonté d'un badge en or de forme ovale. Il renifla de mépris, retroussant son nez et plissant ses yeux sombres, et empoigna Egrim par le bras pour le faire descendre. Il trébucha, s'évitant de s'affaler au sol par le troll qui le tenait solidement.

— Egrim Burlohq, vous êtes en état d'arrestation.

— C'est lui qui m'a attrapé ! dit-il d'une voix étrangement aigüe en pointant le cocher.

Le policier leva un regard suspicieux sur l'homme, qui hochait la tête d'un air qu'il espérait convaincant. Le troll haussa une épaule, grogna quelque chose entre ses défenses et traina Egrim jusqu'au bâtiment derrière eux. Egrim se laissait faire, c'était précisément ce qu'il voulait, mais ce policier le tenait si fort qu'il avait l'impression qu'il allait lui arracher le bras. Ils passèrent la porte, les menant à une salle où il y avait un bureau de réceptionniste. Une fée y était assise, levant un regard noir sur Egrim comme s'il était un petit malfrat de la pire espèce.

— Va donner la rançon sur Egrim au type qui attend dehors, lui dit le troll.

La fée hocha la tête alors que le policier continuait de trainer Egrim dans l'édifice. Ils pénétrèrent dans une nouvelle pièce et s'arrêtèrent tout près d'une cellule, mais n'y entrèrent pas tout de suite. Il se dirigea plutôt vers un classeur, ouvrit le dernier tiroir du bas, et en sortit ce qui semblait être une paire de menottes. Il prit les deux mains d'Egrim, les ramenant devant lui, et lui installa les deux cercles de métal aux poignets. Aussitôt que le troll le lâcha, Egrim perdit l'équilibre et tomba, un gémissement de douleur lui échappant en se cognant les deux genoux au sol. Il regarda ses entraves d'un peu plus près, interloqué. Elles étaient si lourdes qu'il était incapable de se relever.

— C'est quoi, ces trucs ?

— Des menottes spécialement conçues pour les téléporteurs.

Il attrapa Egrim sous le bras pour le remettre sur pied et le pousser dans la cellule. Puis il y entra avec lui et s'empara du dragon qui dormait toujours comme une masse sur ses épaules. Il prit Jean par le cou, serrant si fort que ses yeux rouges s'ouvrirent en grand en suffoquant. Le troll sortit ensuite et verrouilla la porte derrière lui, balançant Jean dans une petite cage au coin de la pièce. Elle était minuscule, semblant conçue pour y accueillir un chat. Jean se débattit, se cognant contre les parois, toutes griffes dehors. Mais c'était trop tard, il était déjà prisonnier. Egrim regardait la scène avec impuissance, alors que Jean continuait de cracher des jets de flammes en tous sens, mais son feu n'était pas assez chaud pour en faire fondre sa cage de métal.

— Pourquoi vous l'enfermez ? Il n'a rien fait de mal, fit Egrim en relevant les yeux vers le troll.

— Il m'a l'air dévoué à son maitre, pourtant.

— Je ne suis pas son maitre. Nous sommes... amis.

— C'est pire.

Avec un dernier ricanement, le troll policier tourna les talons pour quitter la pièce. Egrim usa de toutes ses forces pour se remettre sur pieds, malgré la lourdeur de ses menottes, et s'avança jusqu'aux barreaux de sa cellule.

— Attendez ! Dites-moi au moins ce qui va se passer pour moi. Je vais rester ici longtemps ?

— Oh, non, ne t'inquiète pas. Les choses vont bouger très vite pour toi, à partir de demain.

Sur ses mots, le troll quitta enfin la pièce, claquant une porte bleue derrière lui. Egrim et Jean étaient maintenant seuls dans cette grande pièce, comportant quatre cellules. Seule la sienne était occupée. Egrim soupira, tournant sur lui-même pour juger de son environnement. Un mur de brique était au fond, où il y avait aussi un banc de fer. Une toilette dans un coin, une fontaine pour boire... et c'était tout.

Et je me suis foutu là-dedans volontairement ? C'était quoi, l'idée ?!

— Eh, le mage. Qu'est-ce que je fiche dans une cage ?

Egrim se retourna vers Jean, tout au fond de la pièce. Il s'était enfin calmé, s'arrêtant de cracher du feu. Maintenant, il était assis sur son derrière à la manière d'un chien, sa queue entourant ses pattes.

— Ne m'appelle pas comme ça. Si quelqu'un t'entend, ils risquent de m'enfermer encore plus solidement... Ses menottes sont déjà une torture, fit-il en s'asseyant à son tour, les mains à plat au sol. Ne t'inquiète pas, on ne va pas y rester longtemps.

— On va s'échapper ?

— Non, Jean... on va faire face à la justice. Puisqu'il fallait bien que quelqu'un du groupe le fasse.

— La justice ? C'est stupide. On devrait s'évader tout de suite.

Egrim pouffa d'un léger rire, secouant la tête de gauche à droite. Ce dragon avait été élevé par des pirates, ça se ressentait un peu trop.

— Non, répéta Egrim. Tu vas rester gentil et ne rien faire, OK ? Je m'occupe du reste...

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La suite demain, comme d'habitude (mais cette fois, le chapitre était long pour vrai !)

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