Chapitre 4 (2/2)

La journée avait été très longue pour Danayelle. Elle l'avait passée en essayant de penser à tout ce qu'elle devrait apporter, puis avait étudié les cartes du pays pour savoir quelle direction emprunter. Ce qui la stressait surtout, c'était de traverser la forêt Celeyste tout du long. Ça allait au moins lui prendre deux jours, rien que pour cette région. Je vais devoir dormir à terre, avec les insectes ? Les araignées ? Quels genres de créatures cache cette forêt, au juste ? Des vampires et des loups-garous, pour ce que j'en sais !

Au diner, Danayelle se porta volontaire pour aider les cuisinières. Elle en profita pour voler quelques provisions, tels que des pommes et des raisins. Ensuite, elle prit un pain de savon dans la salle des douches. Et dans sa chambre, elle emplit ce qui lui restait d'espace dans son sac avec quelques vêtements de rechange. Son sac n'était pas très lourd et elle ne savait plus quoi emporter. Mais elle ne s'en inquiétait pas ; ce n'était que pour une semaine, tout au plus. Et quand elle reviendrait avec la pierre magique, elle prouverait à tout le monde qu'elle saurait maintenant maitriser la télékinésie à la perfection et elle aurait enfin la permission de retourner chez sa famille.

Simple comme bonjour !

Il était déjà vingt heures quand Danayelle décida qu'il était temps d'avertir son professeur. Elle prit une inspiration pour un peu de courage, et frappa à la grande porte noire. Presque aussitôt, celle-ci s'ouvrit d'elle-même, grinçant sur ses gonds. Tout au fond de la pièce, le professeur Muglow était là, penché sur son bureau.

— Bonsoir, petite. Tu peux entrer.

Danayelle fit un pas à l'intérieur et se retourna pour fermer la porte. Mais elle avait à peine tendu la main que celle-ci se referma toute seule.

— Vous avez vu ? Je viens de faire de la télékinésie !

— Ne sois pas idiote, c'était moi.

Danayelle rougit en serrant les poings. Et la porte se décrocha de ses gonds en un bruit déchirant, éclatant le bois de la penture.

Ça, c'était toi, fit le professeur avec un petit sourire malicieux. Tu avais quelque chose à me dire ?

— Oui... J'ai écouté votre conseil. Je pars ce soir pour Yglas. Je voulais juste être sûr que... que vous êtes vraiment sûr que c'est la bonne chose à faire. Si je ne vais pas avoir de problèmes...

— De problèmes plus grands que d'être enfermé à Werisor pour le reste de ta longue vie ?

Danayelle soupira en détournant le regard. Question idiote.

— Évidemment que tu auras des problèmes. Il est interdit de quitter l'Institut tant que l'élève n'a pas prouvé qu'il est parfaitement maitre de son pouvoir. Mais quand tu reviendras avec la pierre magique, ah ! Tu seras accueillie comme une héroïne. Bien sûr, tu seras de corvée de toute sorte de façon ennuyante... mais ça ne durera pas très longtemps, jusqu'à ce que tu sois libre de retourner chez toi. En fin de compte, j'ose croire que ça en aura largement valu la peine.

— C'est vrai, fit Danayelle en souriant. Merci. C'étaient les encouragements qui me manquaient.

Danayelle tourna les talons, prête à quitter la pièce en enjambant les morceaux de bois éclatés qu'était maintenant la porte.

— Attends encore une seconde, petite. Je voudrais te faire un cadeau.

Danayelle regarda le professeur se pencher pour atteindre l'un des tiroirs de son bureau. Il en sortit un parchemin roulé, les bords déchirés et émiettés comme s'il avait pris feu, et le fit flotter jusqu'à Danayelle qui l'attrapa et l'ouvrit, curieuse. C'était une carte de Nyirdall, beaucoup plus petite que celle qu'elle avait l'habitude de voir. La qualité était médiocre et Danayelle dut se concentrer pour garder son sourire poli.

— Merci, professeur.

Celui-ci éclata aussitôt de rire. Danayelle fit la moue, insultée.

— Elle a l'air sur le point de tomber en poussière, je sais. Mais détrompe-toi, elle est magique. Touche le nom d'une ville ou d'un village, et tu verras la carte s'animer.

Curieuse, Danayelle appuya sur le nom qui l'attirait le plus ; Stanmore. Ses doigts effleurèrent les lettres blanches au-dessus d'un dessin de château, symbole des grandes métropoles. Et aussitôt, tout disparut ; la carte devint entièrement noire, la lumière dans la pièce sembla diminuer, et Danayelle en eut le souffle coupé. Soudain, telle une télévision, Danayelle vit apparaitre les immeubles sur fond de soleil couchant, les voitures slalomant entre les gratte-ciels. Elle entendait les klaxons, elle sentait l'odeur douce de la nourriture de rue comme les bretzels et les hot-dogs végés. Elle ressentait la brise légère effleurer ses doigts, ceux-là mêmes qui touchait toujours l'endroit où aurait dû être écrit « Stanmore ».

Puis elle éloigna sa main et la carte redevint vieille, fripée et poussiéreuse.

— Ouah...

— N'est-ce pas ? fit le professeur Muglow d'un air fier. Mais c'est juste un emprunt. Tu me la rendras à ton retour.

— Oui, évidemment ! Merci, je vais en prendre soin.

— J'y compte bien.

Tout en souriant d'une oreille pointue à l'autre, son regard dévia vers la fenêtre, derrière le professeur. Le soleil avait presque entièrement disparu, le ciel se faisait de plus en plus sombre à chaque seconde qui passait.

— Désolée, professeur. Il faut que je m'évade.

Celui-ci fit un clin d'œil sournois tout en retournant s'asseoir derrière son bureau. Danayelle sauta au-dessus des débris de la porte – ce genre d'incident était si fréquent qu'elle avait complètement oublié de s'en excuser – et courut vers les escaliers pour monter en flèche jusqu'au cinquième étage, bousculant quelques jeunes elfes sur son chemin.

Arrivée au cinquième, Danayelle ralentit enfin la cadence. Egrim était appuyé contre le mur près de sa chambre, les bras croisés et regardant partout d'un air ennuyé.

— Outré, t'es venu !

— Arrête de m'appeler Outré ! fit Egrim dans un grognement.

— Pourquoi ? t'es outré ?

Egrim s'apprêta à répliquer, mais soupira en levant les bras au ciel.

— Allez, qu'on en finisse...

Danayelle hocha la tête et ouvrit la porte de sa chambre. Elle y prit le sac sur son lit, ajouta à l'intérieur la carte du professeur, soigneusement pour éviter de la plier, et mit le sac sur ses épaules. Puis elle se tourna vers Egrim d'un air déterminé, alors que celui-ci l'observait toujours les bras croisés.

— Je suis prête.

— Après toi, princesse.

Danayelle ne se fit pas prier, quittant à nouveau la pièce pour retourner vers les escaliers. Elle avait autant hâte que peur, elle avait envie de courir vers la forêt et s'enfermer dans sa chambre en même temps. Mais elle marchait simplement, lentement, pour ne rien laisser paraitre aux autres étudiants qui trainaient encore dans les couloirs.

Egrim était curieux et voulait poser plein de questions. Comment comptait-elle s'y prendre pour arriver à Yglas ? Que ferait-elle en cas d'embuche ? Comment réussirait-elle à convaincre un mage de lui donner une pierre aussi rare que précieuse ?

Mais les elfes n'avaient pas de longues oreilles rien que pour faire jolis. N'importe qui aurait pu entendre ses interrogations étranges et en tirer des conclusions hâtives, et il n'avait pas envie de mettre en péril l'opération commando de Danayelle.

Une fois dehors, l'air frisquet fit frissonner Danayelle. Il faisait au moins dix degrés de moins que ce matin. Elle regrettait déjà de ne pas avoir emporté de manteau, mais avec Egrim qui la suivait, elle était trop fière pour faire demi-tour, même si ce n'était que pour prendre un objet et revenir aussitôt.

Danayelle et Egrim marchèrent en silence dans la cour de l'Institut. Egrim était légèrement devant, il menait Danayelle vers un coin en particulier.

— Pour une ligne droite jusqu'à Yglas, il faudrait que j'aille vers le sud sud-ouest, précisément, dit Danayelle.

— Tu veux vraiment éviter les détours, dit Egrim avec un petit rire.

— Pourquoi voudrais-je m'attarder ? Dans la forêt Celeyste, en plus, fit Danayelle en frissonnant d'appréhension. C'est sauvage. Tu y es déjà allé ?

— Non, jamais. En fait, en dehors de Lunacader, je ne suis jamais sorti de Stanmore.

— Ah, toi non plus ?

— Je suis un pur citadin. Et je te trouve vraiment courageuse de partir comme ça.

Danayelle rougit au compliment, mais elle n'avait pas l'impression d'être courageuse. Elle faisait ce qu'elle n'avait pas le choix de faire.

Arrivés au bout de la grande cour de l'Institut, Danayelle et Egrim s'enfoncèrent dans la petite forêt. Il faisait déjà sombre, mais ce l'était encore plus ici. Les arbres cachaient le peu de lumière qui persistait, les plongeant dans une obscurité inquiétante. Danayelle percevait du coin de l'œil les oiseaux nocturnes, perchés sur leurs branches, les observant et les jugeant même. Elle frissonna en rivant son regard droit devant.

Les rapaces m'angoissent. J'aurais l'air de quoi, face à un loup-garou...

Danayelle tapota la poche de son jean. À l'intérieur, elle y avait glissé sa pierre d'argent, par simple précaution.

— C'est la première fois que j'entre dans une forêt.

Egrim explosa aussitôt d'un rire moqueur. Il se mit devant Danayelle pour marcher à reculons.

— T'es sérieuse ? On est encore dans la propriété de l'Institut. Y'a rien de dangereux, ici ; le pire qu'il peut t'arriver, c'est de trébucher sur une racine. Attends de passer deux jours et deux nuits à Celeyste, complètement seule ! Tu t'en sens capable ?

— Je n'ai pas le choix...

Egrim ravala son rire. Il le savait ; il n'avait pas matière à se moquer. Lui n'aurait jamais eu le courage de partir.

Plus ils avançaient, plus un bruit persistant se faisait entendre. Danayelle et Egrim gardèrent le silence jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à la chute, celle qui avait donné le nom à l'endroit. Lunacader signifiait à la fois lune et chute. Une fois aux pieds de la merveille, Danayelle et Egrim levèrent la tête. Elle faisait près de quatre mètres de haut, se déversant dans un petit lac qui s'étendait devant eux. Au sommet, dans le ciel, une lune gibbeuse répandait un reflet argenté sur l'eau.

— C'est magnifique, dit Danayelle.

— La nature ne peut pas être si méchante que ça, non ?

Danayelle et Egrim échangèrent un regard amusé.

— Saute d'en haut et on en reparlera.

Egrim rit doucement. Puis il s'élança le premier pour l'ascension de la falaise, près de la chute. Danayelle le suivit, se sentant un peu obligé. C'était bien elle qui devait partir, de toute façon.

Ça aurait pu être une tâche difficile, mais pour deux jeunes elfes, c'était un jeu d'enfant. En moins d'une minute, ils furent tous les deux au sommet et continuaient la marche. Au loin, ils voyaient déjà la clôture qui marquait la fin de la propriété de l'Institut. Celle qui était trop haute, trop lisse pour être escaladée. Leur seul moyen de la traverser, c'était de se téléporter de l'autre côté.

Egrim s'était mis à angoisser. Il avait fait tout ce chemin avec Danayelle rien que pour ça, mais il n'était pas un expert en la matière ; c'était même justement parce qu'il n'était pas un expert qu'il était ici. Ça faisait deux semaines qu'il était à l'Institut, tout juste trois que son don s'était manifesté. Il était en bonne voie pour le maitriser, mais il avait encore des ratés. Des elfes avec un pouvoir de guérison étaient toujours près quand il tentait de se téléporter, en cas où il fusionnerait accidentellement avec un meuble ; la dernière fois, il s'était retrouvé avec une jambe enfoncée jusqu'aux genoux dans le sol. Egrim grimaça au souvenir ; ça avait été très douloureux... et humiliant.

Près de lui, Danayelle glissa sa main dans la sienne, ses longs doigts fins s'entortillant autour des siens. Egrim écarquilla les yeux en la dévisageant, sentant ses joues prendre feu.

— Quoi ? s'étonna Danayelle, intriguée du regard de son acolyte. Il faut bien qu'on se prenne la main pour que tu m'apportes de l'autre côté de la clôture, non ?

— Oui ! s'exclama Egrim d'une voix aiguë. Oui, évidemment...

Ils étaient arrivés à la limite de la propriété. Impossible d'aller plus loin sans l'aide d'un peu de magie. Danayelle souffla, un peu nerveuse ; elle ne s'était jamais téléportée avant. Egrim, de son côté, paniquait silencieusement. Faites que je ne nous tue pas... !

Il essaya de se souvenir des meilleurs conseils de ses professeurs ; faire le calme dans sa tête, visualiser la destination, et faire un décompte. En principe, c'était simple, mais il y avait toujours ce petit quelque chose d'étrange, quand le don commençait à prendre le dessus. Il avait l'impression que son esprit était à deux endroits à la fois, alors que son corps n'était nulle part entre les deux. C'était déroutant, angoissant... comme une envie de vomir qui prenait aux tripes.

Danayelle le sentait, elle aussi. De plus en plus nerveuse, elle observait Egrim, qui lui avait toute son attention rivée sur la clôture, semblant absent du moment présent. Est-ce que j'ai bien fait de demander son aide ? Il n'a même pas l'air de savoir ce qu'il fait.

— Trois, dit soudain Egrim. Deux... un.

Une sensation de vertige monta à la tête de Danayelle. Elle ferma les yeux, ses pieds quittèrent le sol et l'univers tout entier disparu autour d'elle. Elle chuta dans un puits sans fond, sentit le vide glacé du Rien lui fouetter le visage. Elle entendit une sorte de grondement, un rire démoniaque, des cris de folie.

Et une seconde plus tard, elle était de l'autre côté de la clôture.

Egrim et Danayelle tombèrent l'un sur l'autre, les membres entremêlés, tous deux le souffle court. Danayelle frissonnait, s'efforçant de se relever. Egrim avait réussi à se décoincer ; il se traina un mètre plus loin pour vomir ses tripes.

— Ça va, Outré ? demanda Danayelle en se remettant péniblement sur pieds.

— La ferme, Barjo, grommela Egrim.

Danayelle choisit de considérer cette réponse pour un oui. Elle s'approcha d'Egrim alors qu'il reprenait son souffle, passant ses mains sur son visage luisant de sueur.

— Ouah, je ne me doutais pas que c'était si... intense. De se téléporter.

— Excuse-moi, c'est la faute au manque d'expérience. C'est un raté. C'est trop difficile, à deux. Je n'en suis pas encore à ce niveau.

— J'ai entendu des voix, dit Danayelle nerveusement. Des rires, et des cris... Qu'est-ce que c'était ?

Egrim lui fit un rictus. Il s'était efforcé de faire un sourire charmeur, mais il était trop épuisé pour ça.

— Personne n'en est certain. Mais c'est arrivé – quelques cas très, très rares – que des téléporteurs disparaissent au milieu d'un saut et qu'ils ne soient jamais revenus. Totalement volatilisé. On dit qu'ils sont restés coincés à cet endroit, là où on entend les voix. Certains prétendent que c'est l'Enfer.

Danayelle frissonna. Est-ce que c'était un réel risque à chaque téléportation, d'atterrir en Enfer et de ne jamais en ressortir ?

Egrim pouffa en remarquant l'expression alarmée de Danayelle.

— Ne t'inquiète pas, Barjo. T'as plus de chance de gagner la loterie cinq fois dans la même vie que de tomber en Enfer de cette façon.

— Je connais quelqu'un qui l'a gagné quatre fois...

— Je parle du monde des Hommes. La loterie à eux.

— Oh !

Egrim rit à nouveau, un rire plus léger. Il se risqua à se relever et fut heureux de constater que son étourdissement n'avait pas duré. En fin de compte, il s'était plutôt bien débrouillé. C'était quand même la première fois qu'il entrainait quelqu'un avec lui.

Egrim leva les bras en l'air, fier de lui.

— En tout cas, mission accomplie ! Te voilà dans la forêt Celeyste.

Danayelle grimaça en regardant autour d'elle. Elle était effectivement dans une forêt, et ce n'était plus la propriété de l'Institut. Des arbres à perte de vue, l'épais feuillage dissimulant le ciel. Les chants d'animaux nocturnes et des insectes étaient une douce mélodie qui donna froid dans le dos à la citadine.

— Viens avec moi ! s'exclama soudain Danayelle, se surprenant elle-même.

— Ah ! Comme si j'en avais envie. Je crois que je vais plutôt aller me glisser sous les couvertures bien chaudes de mon lit douillet. Et je penserai à toi, bien sûr. Je t'enverrai des ondes positives. Je ne sais pas ce que ça signifie exactement, mais mon père dit tout le temps ça.

Danayelle soupira platement. Évidemment qu'il ne viendrait pas, mais elle aurait tellement aimé avoir un peu de compagnies. Elle avait peur de se lancer dans cette aventure complètement seule.

— Courage, Barjo. En moins d'une semaine, ce sera déjà terminé. Fais une ligne droite, et c'est tout !

— Oui, fit Danayelle en hochant platement la tête. Une ligne droite...

Elle leva les yeux vers le ciel, s'efforçant de trouver le nord. La téléportation l'avait déstabilisée, et l'épais feuillage l'empêchait de voir la moindre étoile pour se repérer. Merde.

— Tu sais où est le sud-sud-ouest ? dit Danayelle d'une toute petite voix.

— Tu n'as pas apporté de boussole ?

— Non...

Egrim pouffa pour lui-même. Bon sang. Elle est déjà perdue. Il leva les yeux au ciel à son tour, puis vers la clôture de l'Institut derrière eux. Il savait qu'elle pointait l'est.

— Par là ! dit-il soudain en tournant le doigt vers la droite. Ça, c'est le sud. Alors pour aller un tout petit peu plus à l'ouest...

Il fit pivoter son bras sur quelques centimètres à peine. Puis fit un grand sourire à Danayelle, s'efforçant d'être confiant alors qu'il ne l'était pas du tout.

— C'est par là.

— Merci, Outré.

— Ta gueule, Barjo.

Danayelle lui tira la langue. Egrim sourit fièrement. Et alors qu'ils s'observaient en silence, Egrim fit un clin d'œil et disparut soudainement, laissant derrière lui un léger courant d'air. Danayelle fixa le vide un instant, le cœur gros, puis pivota pour faire face à la direction autrefois pointée par Egrim. Courageusement, elle fit un premier pas, puis un deuxième. L'aventure commence.

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